samedi 17 mai 2008

HAITI: DOSSIER D' ERICQ PIERRE...

Haiti - Dossier d’Ericq Pierre : Une occasion à saisir par l’Etat pour se responsabiliser par rapport à l’Etat Civil
dimanche 11 mai 2008

Note de presse du GARR

Document soumis a AlterPresse le 11 mai 2008

Au moment où les démarches sont engagées pour la ratification de Monsieur Ericq Pierre comme nouveau Chef de la primature en Haïti, l’un des critères considérés touche à l’établissement des preuves de sa nationalité haïtienne d’origine.

Selon des informations rapportées dans la presse, les Archives Nationales n’auraient pas retrouvé les noms des grands-parents du Premier Ministre désigné dans les registres d’Etat Civil en provenance de Jérémie qui serait sa ville natale.

Le GARR, en la circonstance, veut attirer l’attention de la population sur la situation déplorable du système d’Etat Civil national et sur l’urgence pour les autorités d’y opérer les réformes nécessaires, seul moyen pour que de pareilles informations puissent être retrouvées aisément au besoin.

Deux études menées par le GARR, en 2007 et 2004- de concert avec d’autres organisations travaillant sur la problématique, ont confirmé le dysfonctionnement du système d’Etat Civil haïtien. De fait, les citoyens et citoyennes rencontrent beaucoup de difficultés quand ils/elles doivent effectuer certaines formalités, pour l’obtention d’un passeport, par exemple.

D’importantes catégories de la population sont délaissées par l’Etat haïtien qui n’a pris aucune disposition pour les enregistrer ni leur octroyer un acte de naissance. Pour ceux et celles qui en détiennent un, il n’est pas rare que cet acte de naissance n’ait jamais été enregistré et par conséquent les dossiers d’archives de ces personnes sont vides.

D’autre part, les services de supervision du Ministère de la Justice, faute de moyens adéquats, sont défaillants et les officiers d’Etat Civil en font à leur guise, écrivant ce que bon leur semble dans les actes de naissance. Il en résulte que des citoyens et citoyennes sont obligés de débourser gros pour payer des avocats aux fins d’aboutir à un jugement rectificatif des erreurs constatées. Un peu partout, les Bureaux d’Etat Civil fonctionnent comme des entreprises privées. L’Etat haïtien ne prévoit aucune ligne budgétaire garantissant leur bon fonctionnement. Fort souvent, ce sont les officiers d’Etat Civil qui assurent les multiples frais comme le paiement des locaux, des assistants, du matériel et des fournitures telles que papier timbré et registre.
Il arrive que plusieurs actes de naissance portent le même numéro d’ordre dû au fait que les officiers d’Etat Civil utilisent des copies. C’est avec difficulté que le Ministère de la Justice livre les formulaires nécessaires pour enregistrer les informations fournies par les parents venus déclarer leurs enfants.

Suite aux diverses catastrophes naturelles et humaines comme les inondations, incendies, déchoukages, survenus ici et là, des registres ont été détruits et il n’existe pas de double dans les greffes des tribunaux de première instance ni des Archives Nationales, aucune disposition n’ayant jamais été prise en ce sens. Aucune mesure sérieuse n’a été adoptée, non plus, pour reconstituer les Archives des zones affectées ni pour doter de nouveau, les riverains de leurs papiers d’identité. C’est après de longues démarches que certaines organisations sont parvenues à aider des citoyens-citoyennes à retrouver leurs actes d’Etat Civil et cela, au prix d’énormes débours.

En ce qui concerne la République Dominicaine, certaines démarches visant à faciliter aux Haïtiens-Haïtiennes l’obtention d’une pension de retraite, l’inscription de leurs enfants à l’école, ou la défense de leurs droits par-devant un tribunal, sont bloquées vu que ces personnes ne détiennent aucun papier d’identité.

Quand on considère les documents exigés par la Constitution de 1987 pour l’accès à certaines hautes fonctions, cela implique qu’Haïti dispose d’archives d’Etat Civil bien organisées et conservées ; cela suppose également que l’Etat haïtien prenne des dispositions pour que tous les enfants à leur naissance, détiennent un acte de naissance bien rédigé, enregistré et conservé. Sinon, cela s’apparente à des pratiques démagogiques et un laissez-passer aux racketteurs qui produisent de faux papiers en abondance. Cela revient également à accentuer l’exclusion car, faute de papiers d’identité que l’Etat n’a jamais pensé à leur délivrer ni à leurs grands-parents, des citoyens-citoyennes se retrouvent dans l’impossibilité de jouir de certains droits civils et politiques.

D’autre part, le GARR se demande si l’article 11 de la Constitution qui oblige à remonter au moins, jusqu’à 3 générations en ce qui a trait à la jouissance de certains droits civils et politiques par une catégorie d’Haïtiens-Haïtiennes, comme le droit d’exercer certaines hautes fonctions, ne constitue pas une violation des droits de la personne ? Le GARR estime qu’une telle disposition mérite d’être annulée, car, la jouissance des droits, en vertu des principes régissant les droits de la personne, est liée directement à l’individu en tant que personne, et non en fonction des origines, de la famille, du pays, de la génération ou du groupe social.

La Constitution de 1987, dans toute l’histoire du pays, est celle qui a introduit pour la première fois cette appellation d’"Haïtiens d’origine", une disposition qui, de l’avis du GARR, mérite un amendement car elle ne correspond guère aux principes universels de droits humains inscrits dans les conventions internationales ratifiées par Haïti.

Le GARR, loin de se positionner pour ou contre le choix d’une personnalité comme Premier ministre, estime cependant que le processus actuel de ratification lié, entre autres, à la vérification de documents d’Etat Civil, offre une opportunité aux dirigeants de l’Etat- Exécutif et Parlement inclus- à réfléchir sur leur devoir de responsabilité et prendre davantage au sérieux, le dossier de l’Etat Civil national.

Il leur demande de considérer une réforme du système actuel d’Etat Civil comme l’une de leurs priorités ; de voter sans tarder la loi organique portant création de l’Office National d’Identification (ONI) et d’indiquer sans ambiguïté s’il revient à cet organisme de gérer à la fois l’enregistrement et l’identification des citoyens-citoyennes.

Enfin, le GARR exhorte les autorités à fournir des moyens adéquats pour que les Bureaux d’Etat Civil fonctionnent comme un véritable service public accessible à tous et s’activer à enlever toutes les dispositions inscrites dans la Constitution et les lois, qui se révèlent incompatibles avec les principes de droits humains.

Port-au-Prince le 9 mai 2008,
Pour le Bureau Exécutif du GARR
Colette Lespinasse Coordonnatrice