vendredi 26 septembre 2008

HAITI: BONNE GOUVERNANCE AU SERVICE DU STATU QUO

Haiti : Bonne gouvernance au service du statu quo

jeudi 25 septembre 2008

Par Franck Laraque [1]

Soumis à AlterPresse le 24 septembre 2008

« Tout comme les autres, il avait dû jouer le jeu, faute de pouvoir le transformer » E. Verdier cité par Leslie J.R.Péan [2]

La déclaration de politique générale du Premier ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis est une analyse des problèmes du pays incluant la nécessité et la définition des structures à mettre sur pied pour la bonne gouvernance et la relance de l’économie. Cette déclaration est surtout la vibrante philosophie du Premier-Ministre de la politique du pouvoir. Sa connaissance des problèmes du pays et des solutions adéquates sont présentées avec brio et dans une langue qui reflète la terminologie de l’économie politique moderne. Sa vision des réformes indispensables, nourrie de l’expérience et du succès de FOKAL, est exprimée avec clarté ainsi que la volonté de combattre l’injustice, les inégalités sociales et économiques sans tomber dans la démagogie traditionnelle.

En raison de son manque de spécificité, à peu d’exceptions près, cette déclaration se rapproche beaucoup plus d’une philosophie de la politique du pouvoir que d’un programme concret de gouvernement. On a l’impression que les réalités politiques ont forcé l’adoption de ce que le Premier ministre appelle des compromis et qui sont tout bonnement des compromissions. En politique, particulièrement la diplomatie s’avère indispensable. Mais diplomatie au lieu de substance peut noyer la bonne foi et détruire toute velléité réformatrice. Or, comment expliquer autrement l’absence dans une telle déclaration de questions fondamentales comme : la réforme agraire, les moyens de lutte contre l’aberrante pauvreté des bidonvilles et des sections rurales qui a provoqué les émeutes de la faim, l’occupation, la corruption dans le secteur public et privé, la double nationalité, « la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale » (préambule de la Constitution de 1987), les conférences de presse et débats publics qu’exige la transparence. Une corruption pérenne que Leslie J.R. Péan appelle « économie politique de la corruption » et dont il fait une parfaite radiographie dans son monumental et incomparable Tome IV [3]. Alors que la priorité est accordée à « la rentrée scolaire qui rythme la vie nationale » et dont les moindres dépenses feront désormais partie du budget. Ce n’est pas la rentrée des classes mais bien le sort inacceptable des masses qui rythme la vie nationale ou cause son arythmie. En fait le choix et les allégeances du nouveau gouvernement sont clairs.

Choix et allégeances du nouveau gouvernement

Dans l’article « Concilier l’Inconciliable ? », nous avions indiqué l’impossibilité de concilier des choix antagoniques. Le choix d’une politique favorisant l’intégration des masses dans les circuits économique, politique, social et le choix du statu quo. Le nouveau gouvernement a adopté ce dernier tout en l’assortissant de retouches et de renforcements. En filigrane dans la Déclaration de la Politique Générale se lit la confrontation entre la volonté de transformer et l’impossibilité d’une telle transformation face à la réalité de la corruption tant des différentes branches de l’Etat que de la société et qui aboutit, faute de forces réelles du Premier-Ministre, à la capitulation. Le choix de la politique générale et les allégeances se révèlent dans l’adoption de la même politique nationale et de la même politique internationale, à peu de chose près.

Même politique nationale

Le Premier-Ministre reconduit 8 des anciens ministres soit presque la moitié de l’ancien cabinet ministériel, fait l’éloge du courage d’Alexis, des initiatives de certains ministres pour la création d’emplois et de lutte contre la pauvreté, tout cela et d’autres appréciations sont démentis par les émeutes populaires. Dans les priorités elle dit : « Le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la pauvreté (5DSNCRP), finalisé, en novembre 2007 et validé par le gouvernement sortant constitue le document de référence en matière de croissance et de réduction de la pauvreté ». Il y aura certains ajustements à faire. Ce document concocté par l’étranger est rejeté par le secteur populaire. Le Premier-Ministre Pierre-Louis ne cache pas ses allégeances : « la majorité fonctionnelle à la Chambre des Députés qui avait accordé un vote de confiance à Alexis et qui l’a ratifiée à une très grande majorité, je veux m’appuyer sur elle pour diriger au mieux les affaires de l’Etat et les partis politiques qui l’ont appuyée. » En récompense, elle promet « d’établir les conditions de financement public d’un parti politique et, finalement, d’inscrire les partis politiques au budget national. » (C’est nous qui soulignons). Nous refusons de croire à l’absurdité de partis politiques émargeant au budget national et à un tel gaspillage des maigres fonds publics . Nous souhaitons nous tromper sur l’interprétation du texte.

Même politique internationale

Le nouveau gouvernement compte sur les mêmes bailleurs de fonds et les mêmes organisations étrangères qui sont les instruments de la politique de privatisation et de globalisation des Etats-Unis et des pays européens qui imposent le système néolibéral. Un système qui a détruit notre économie et celle de la plupart des pays en voie de développement mais garantissant la plus grande partie des dépenses du budget national. Pris dans un tel écrou, comment notre pays va-t-il s’en sortir sans une révolution ?

Conclusion

Nous pensons que plus que tout autre candidat le Premier-Ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis offre une petite lueur d’espoir et qu’on doit lui accorder un appui-critique et attendre la mise en exécution de sa politique pour un jugement objectif et non partisan. Dans l’intervalle, il faut ensemble se consacrer à l’immense tâche de porter un secours immédiat à nos sinistrés aux abois. D’ailleurs, la répartition des fonds de secours et la distribution de l’aide alimentaire aux régions éprouvées ainsi que la préparation et les priorités du budget national ne vont pas tarder à donner une idée liminaire de la capacité de gestion et du degré de transparence du nouveau gouvernement.

……………………….

Notes

[1] Professeur émérite, City College, New York

[2] Leslie J. R.Péan, Haiti, économie politique de la corruption Tome IV L’ensauvagement macoute et ses conséquences 1957-1990. Paris : Maisonneuve & Larose.

[3] Ibidem

mardi 23 septembre 2008

HAITI-CATASTROPHES: EXIGENCE DE TRANSPARENCE ET RESPONSABILITE

Haïti-Catastrophes : Exigence de transparence et responsabilité

lundi 22 septembre 2008

P-au-P, 22 Sept. 08 [AlterPresse] ---Des voix s’élèvent en Haiti sur une exigence de transparence et de responsabilité dans la gestion des catastrophes, alors que des suspicions de corruption pèsent sur les interventions effectuées aux Gonaives (Nord), ville nouvellement inondée après avoir été sévèrement affectée en septembre 2004.

Quatre années après les inondations meurtrières provoquées par la tempête tropicale Jeanne aux Gonaives, laissant au moins 3000 morts et disparus, des projets d’assainissement de la ville sont apparamment restés sans suite, malgré l’annonce de déblocage de fortes sommes d’argent.

L’exécution de projets estimés à plus de 7 millions de dollars (7,883,318.91) américains a été confiée par le gouvernement de Gérard Latortue aux firmes GRETCO, NACOSE, TECINA et BGAS, selon un communiqué publié à Port-au-Prince, le 7 novembre 2005.

Ce « programme de remise en état de l’infrastructure de base de la ville des Gonaïves » a été mis sur pied par le ministère de l’économie et des finances, en collaboration avec l’Unité technique d’exécution (UTE).

L’entreprise GRETCO était responsable de l’exécution d’une partie du programme relative au « Drainage des eaux pluviales des Gonaïves ». Un budget de 1,077,229.59 dollars américains était alloué à la réalisation de ce projet.

Un autre volet était confié à la firme NACOSE pour une durée de six mois. Le coût de ce projet était de 1,136,013.76 dollars américains.

Sur une durée de six mois, NACOSE devait aussi exécuter une partie du programme, dont le budget était de 1,324,130.78 dollars américains.

La firme TECINA s’était, elle aussi, chargée d’une intervention qui coûtait 829,079.57 dollars américains sur une période de six mois.

La firme BGAS, quant à elle, devait exécuter un autre lot du même programme pour un montant de 3516 865. 21 dollars américains, à raison de 1,692,548.36 pour un premier volet et 1,824,316.85 dollars pour le second.

Ce « programme de remise en état de l’infrastructure de base de la ville des Gonaïves » devait être achevé, le 19 septembre 2006, selon ce qui a été conclu.

On ignore jusqu’à présent si les fonds alloués à l’exécution de ce programme ont été à l’époque débloqués, si les travaux ont été totalement effectués et s’ils ont été validés.

Contactée à ce sujet, une source de l’actuel gouvernement dirigé par Michèle Duvivier Pierre-Louis, « n’est pas encore en mesure de se prononcer sur la question ».

Gonaives a, une autre fois, payé le prix fort en termes de vies humaines lors des dernières inondations, qui ont fait au moins 426 morts, 50 disparus et 800.000 sinistrés à travers le pays.

Aujourd’hui, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent dans des abris provisoires aux Gonaives, où les rues demeurent couvertes d’une boue épaisse, qui se retrouve également à l’intérieur des résidences, devenues inutilisables. [do gp apr 22/09/2008 14:30

dimanche 21 septembre 2008

LE RNDDH ANALYSE LA LOI SUR L'ETAT D'URGENCE DU 9 SEPTEMBRE 2008

Le RNDDH analyse la loi sur l’Etat d’Urgence du 9 septembre 2008 adoptée par le Parlement

Septembre 2008

INTRODUCTION

Le RNDDH a pris connaissance de la loi sur l’état d’urgence, votée à la va-vite le 9 septembre 2008 par le corps législatif haïtien. Cette loi attire l’attention du RNDDH tant par sa justesse, ses faiblesses et ses limites que par son caractère exceptionnel, car l’état d’urgence est par nature une mesure restrictive des libertés publiques.

I- JUSTESSE DE LA LOI

La République d’Haïti fait souvent face à des situations de perturbation grave de l’ordre public, à des catastrophes naturelles et à la paralysie des services publics essentiels où il est parfois impossible d’assurer l’approvisionnement en produits de première nécessité à des populations entières dans des zones importantes du territoire national. Il est indéniable que les mesures d’exception peuvent se révéler nécessaires pour faire face à ces situations exceptionnelles qui empêchent le fonctionnement normal des institutions publiques.

II- FAIBLESSES DE LA LOI

L’initiative des parlementaires risque cependant d’aller à l’encontre de l’intention dont ils sont animés et ceci en raison des nombreuses faiblesses du texte adopté par les deux (2) chambres en moins de vingt-quatre (24) heures.

1. Objet - définition

La loi du 9 septembre 2008 réduit l’état d’urgence à des cas de catastrophes naturelles uniquement. Cependant les cataclysmes publics entraînant la paralysie du territoire peuvent ne pas résulter uniquement de catastrophes naturelles. Il est incompréhensible aussi, dans le cadre d’une telle loi, de ne pas prévoir des dispositions spécifiques sur l’état de siège qui peut être déclaré en cas de menaces contre la souveraineté et l’intégrité du territoire.

2. Procédure

La déclaration de l’état d’urgence est une mesure d’une telle gravité que généralement la compétence est réservée au Gouvernement, par décision prise en Conseil des Ministres et, dans certaines circonstances avec l’autorisation du Parlement. Cette autorisation doit porter non seulement sur le principe mais également sur les moindres détails du dispositif de l’arrêté ou du décret déclarant l’état d’urgence. Or, dans le texte adopté émotionnellement par nos parlementaires, au chapitre III, il est permis au Président de la République, au Premier Ministre, ou à tout Ministre exerçant la fonction de Premier Ministre par intérim, de déclarer seul l’état d’urgence. Même un délégué départemental ou un vice-délégué d’arrondissement a autorité pour déclarer l’état d’urgence.

L’article 5 de la loi prévoit l’assentiment du corps législatif seulement pour des périodes allant au-delà de trente (30) jours. Mais aucune précision n’est donnée sur la manière dont le corps législatif doit exprimer son assentiment : doit-il se réunir en chambre séparée ou en assemblée nationale? Par quel type de vote ?

Cette loi, en son article 7, alinéas 3 et 4, autorise le gouvernement à faire les dépenses jugées nécessaires sans tenir compte de la loi budgétaire et des règles de procédure pour des achats publics. Le gouvernement est aussi autorisé à disposer des fonds du Trésor Public, comme il le veut, à l’exception des salaires, indemnités et pensions de retraite. Ces dispositions représentent une véritable source de corruption.

3. Limites

En plus des pouvoirs étendus du gouvernement, énumérés dans la loi celui-ci peut, en vertu de l’article 7, alinéa 19, prendre « toutes autres mesures permettant de faire face à la situation ». Il s’agit là d’une sorte de pouvoir illimité. Or, il est généralement admis que les droits fondamentaux susceptibles d’être affectés en période de crise où l’état d’urgence est déclaré, sont : les droits à la liberté et à la sûreté, à l’inviolabilité du domicile, au secret des communications, à la liberté de circulation et de résidence, à la liberté d’expression et d’information, le droit de réunion et le droit de grève. La loi doit néanmoins préciser dans quelle mesure chacun de ces droits peut-être suspendu. La loi du 9 septembre 2008 ne précise pas non plus les droits qui ne peuvent en aucun cas faire l’objet de restrictions, tels : le droit de réunion des organes statutaires des partis politiques, des syndicats, des associations socioprofessionnelles et patronales, les droits des détenus, etc.

4. Recours

Le droit au recours devant les tribunaux est un droit fondamental garanti par Haïti à partir d’engagements internationaux. En situation d’état d’urgence et pour des raisons supérieures d’intérêt général et d’efficacité, les pouvoirs de police sont renforcés. Si les circonstances conduisent à la disparition de l’administration, il est aussi permis à des particuliers d’assurer la continuité de l’Etat en vertu de la théorie dite du fonctionnaire de fait. Dans ces situations, les cas d’abus, d’exagération et de violation des droits humains sont souvent légion. Or, les parlementaires se contentent de dire de manière vague et imprécise que les mesures adoptées pendant l’état d’urgence par le gouvernement sont susceptibles de recours par devant la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif.

Il est impensable que la loi du 9 septembre 2008 ne prévoie pas le recours devant les tribunaux pour tout citoyen victime d’une mesure prise en période d’état d’urgence, qu’elle n’organise pas le référé administratif ou le référé suspension pour faciliter la suspension rapide d’une mesure susceptible de prévenir, de contrôler ou de limiter la crise, mais qui ne respecte pas le principe de proportionnalité ou qui risque de causer inutilement des torts irréparables à des citoyens.

CONCLUSION

Le RNDDH, en fonction de la théorie des circonstances exceptionnelles, ne conteste pas l’idée pour l’Etat de recourir à ce que l’on appelle généralement « la légalité d’exception » c’est-à-dire un ensemble de dispositions juridiques permettant aux autorités constituées, en période de crise grave, d’exercer des pouvoirs qu’elles ne détiennent pas en situation normale. Ce régime provisoire de confusion des pouvoirs, dans un Etat de droit, doit être limité et soumis au contrôle du Juge de la légalité. Il ne peut en aucun cas et pour quelque raison que ce soit faciliter la violation des droits indérogeables et intangibles, ou transformer l’Etat en un Etat irresponsable. Telle est la motivation du RNDDH en publiant la présente analyse.

Au demeurant, une loi accordant des pouvoirs exceptionnels aux autorités publiques en période de crise grave est une nécessité pour Haïti. L’initiative des parlementaires en ce sens est bien venue. Mais le texte adopté et voté le 9 septembre est à parfaire, car cette loi est dangereuse pour la démocratie et l’Etat de droit que le peuple haïtien appelle de ses vœux. La loi, telle que votée, confond la prérogative de déclaration d’état d’urgence, l’annonce de déclaration d’état d’urgence et fait abstraction du pouvoir de confirmation par le Parlement des mesures prises par le gouvernement par décisions réglementaires. Elle viole aussi le principe de la permanence du Sénat.

Elle s’apparente au phénomène des « pleins pouvoirs », des chambres « J’approuve » des Duvalier régulièrement accordés à l’Exécutif en période de vacances parlementaires. L’adoption de cette loi est une volonté maladroitement exprimée de retour aux pratiques anciennes, comme si la bonne gouvernance et la gestion démocratique et responsable de l’Etat en période de crise étaient impossibles. Le RNDDH appelle l’Exécutif et le Parlement à revoir cette loi qui représente une véritable menace pour la démocratie, la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance et l’Etat de droit.