mardi 10 mars 2009

L'HEURE DE L'AMENDEMENT CONSTITUTIONNEL A SONNE...

L'heure de l'amendement constitutionnel a sonne..
Par Guichard DORE

L'urgence de la réforme constitutionnelle s’affirme avec une brutalité temporelle d’autant qu’elle coïncide avec le calendrier constitutionnel d’amendement. Le temps de la tergiversation et du marronnage n’est-il donc pas derrière nous ? Quels sont les articles de la Constitution qu’il faut nécessairement modifier? Sur ce point, la réflexion est abondante. On compte divers textes relatifs à l’amendement de la Constitution. Des partis politiques et organisations de la société civile ont déjà indiqué les articles qui font problème. Le gouvernent de Jean-Bertrand Aristide a même préparé un projet d’amendement en 2003. La production documentaire relative à la révision du texte de 1987 parait abondante. Parmi les commissaires nommés, deux d’entre eux ont déjà dressé un rapport-diagnostic sur la Constitution. Donc , le travail du Groupe de Travail sur la Constitution n’est pas exploratoire mais propositionnel. Alors, face aux propositions attendues, est-il déconseillé d’écrire un papier en liaison au processus qui venait d’être enclenché? Non.

Nécessité ? L’amendement de la constitution est nécessaire et les citoyens doivent intégrer le processus. Contrairement à ce qu’on peut lire ici et là, l’Etat doit éviter de sombrer dans l’instant parce qu’il est le gardien du long terme. L’amendement de la Constitution situe dans un repère temporel constitutionnelleme nt fixé et répond à un impératif stratégique d’intérêt national. Si nous avons l’ingéniosité pour faire une utilisation efficiente des externalités positives de la réforme du texte de 1987, elle peut-être bénéfique pour le pays. Des facteurs économiques, sociologiques et institutionnels plaident en faveur de l’amendement de la constitution. On doit éviter de vivifier des oppositions là où il faut de la juxtaposition. On ne refuse pas à structurer et à rendre lisible les fondamentaux d’une république au gré des caprices conjoncturels. Les impératifs stratégiques de la nation ne doivent pas céder aux aléas du moment. La réforme de la Constitution s’impose !

Stratégie ? Approprions le processus d’amendement. Le jeu d’acteur est important pour pouvoir influencer le processus. Même si, je ne suis pas au courant de la philosophie de la réforme arrêtée par les autorités, n’ayant pas moi-même accès au décret et lettre de cadrage du travail de la commission, j’ose évoquer, ici, partiellement certains éléments que la réforme devrait aborder.

Majorité ? Comment calculer la majorité parlementaire pour choisir le Premier Ministre dans un système bicaméral? Au niveau de la chambre des députés ? Au niveau du Sénat de la République ? Au niveau des deux branches du pouvoir législatif ? De quelle majorité parle-t-on ? Majorité relative ? Majorité absolue ? Majorité qualifiée ? Doit-on organiser les élections tous les deux ans dans le pays pour renouveler le Sénat ? Les résultats de ces élections peuvent défaire la majorité existante. Au quel cas, doit-on renvoyer le Premier Ministre ? A-t-on les moyens pour un tel exercice et changer d’orientation politique tous les deux ans ?

Collectivités ? Doit-on maintenir tous les échelons administratifs et territoriaux décrits dans la constitution de 1987? Combien coûtent aux contribuables les administrations décentralisées? L’efficacité du service public territorial est-il lié à un empilement institutionnel? Que viennent chercher les Collectivités territoriales dans le Conseil des Ministres, dans l’appareil judiciaire, dans la formation du Conseil Electoral Permanent? Doit-on confondre l’Etat et les Collectivités territoriales? Les institutions territoriales doivent influencer les institutions de compétence nationale? La République d’Haïti est-elle la somme des collectivités territoriale qu’elle renferme?

Loi? Faut-il nécessairement recourir au parlement pour toute décision de nature législative? Même si le parlement fonctionne, n’est il pas important de permettre à l’exécutif de légiférer par ordonnance et par décret dans des cas bien précis? L’insuffisance des texte de lois pour moderniser le pays n’est-il pas inhérente à la voie rigide de la l’élaboration des lois?

Justice? Faut-il avoir un pouvoir judiciaire ou une autorité judiciaire en Haiti? Les juges doivent-il être une émanation des collectivités territoriales? L’Ecole de la Magistrature? Quel est son rôle au cas où l’on maintiendrait la procédure élective au niveau des collectivités pour la désignation des magistrats? Que vient faire la Cour de Cassation dans le jeu politique? La présence de cette Cour dans le jeu politique n’est-elle pas préjudiciable à l’indépendance du corps judiciaire? N’est-il pas important de séparer la Cour des Comptes du Tribunal Administratif?

Double nationalité et citoyenneté? Doit-on avoir une citoyenneté liée à la nationalité ou une citoyenneté détachée de la nationalité? L’adoption d’une nationalité étrangère peut-elle impacter négativement le droit politique et civil d’un Haïtien d’origine (né de père et mère haïtiens)? Quel type et niveau de participation politique doit-on réserver aux binationaux?

Indépendance? Les institutions dites indépendantes, en quoi elles sont indépendantes?

Régime? Le régime hybride porté par le texte de 1987 confisque les droits des citoyens (interdiction du référendum). Cette interdiction a-t-elle sa place dans une république qui prône la démocratie participative? Le parlementarisme et le présidentialisme présents dans un seul espace de pouvoir engendrent toujours un pouvoir diffus à commandements antagoniques qui, inéluctablement, produiront l’humiliation pour certains et la perte de pouvoir pour d’autres. C’est à ce problème que Nicolas Sarkozy a voulu apporter une solution avec la réforme constitutionnelle de l’année dernière. La présidentialisation des régimes politiques est d’actualité. Dans un environnement incertain où toutes les violences se mondialisent, le régime présidentiel apparaît comme une réponse mesurée pour stopper la cacophonie, incarner la nation et assurer la stabilité institutionnelle. Celui qui détient le mandat national doit être comptable de ses actions, donc le président doit gouverner.

Constat? Il est quand même permis de constater que le régime parlementaire n’a de force et est solide que dans une monarchie constitutionnelle. Y a –t- il un Monarque en Haïti? Depuis le 19ème siècle, le pays a tourné le dos à la monarchie. Veut-on rétablir la monarchie pour mieux enraciner le parlementarisme en Haïti? Le parlementarisme coûte cher. Allez demander aux Italiens et aux Israéliens pour ne citer que ces deux-là, le coût du parlementarisme sans une monarchie constitutionnelle. Ces deux pays font face à des crises politiques à répétition et organisent des élections législatives à peu près tous les 18 mois. Faut-il un régime politique stable avec un exécutif fort ou un parlement fort avec un exécutif affaibli en Haïti? Un exécutif faible peut-il engager valablement le pays dans un processus de développement économique? Réfléchissons.

Gouvernement? Le président doit gouverner, il a une légitimité populaire et nationale. N’est-il pas contraire au bon sens qu’un président élu par le peuple et se trouve dans une situation où il n’a pas les moyens politiques pour appliquer le programme que la population avait démocratiquement choisi? L’élection présidentielle c’est la rencontre d’un homme avec un peuple. A-t-on intérêt à dénaturer cette relation qui lie la nation à son dirigeant? Si l’on apprécie le régime parlementaire en Haïti, il doit y avoir la possibilité pour dissoudre le parlement et le président ne devrait pas être élu au suffrage universel. Le droit de dissolution, me semble-t-il, est la contrepartie qui fait la force du régime parlementaire. Le texte de 1987 empêche expressément la dissolution du parlement. Dans un régime parlementaire, le peuple apprécie ou rejette les décisions gouvernementales par l’organisation des élections législatives anticipées. Mais le hic en Haïti, a-t-on les moyens pour organiser des élections tous les 18 mois comme en Italie ou en Israël? Le régime parlementaire est économiquement insupportable pour l’unique PMA de l’Amérique. Prôner le parlementarisme en Haïti c’est choisir l’asphyxie financière du pays et, du même coup, entraver le développement national. Il est quand même important de rappeler aux ouailles du régime parlementaire que le parlementarisme fonctionnel est l’expression politique d’une économie moderne : Allemagne. Haïti a-t-elle une économie moderne?

Expert? Les experts et constitutionnalistes, ayant fabriqué le texte de 1987, ont copié une bonne partie de la Constitution française de 1958 et quelques articles de la constitution américaine pour accoucher un texte constitutionnel hybride en le gonflant de tout ce qu’ils peuvent imaginer comme projet politique, économique, social et culturel pour le pays. Je ne suis pas étonné que les précédentes législatures n’aient pas pu voter des textes de loi importants. Que faire quand la constitution a tout prévu et tout interdit (FADH, PNH, BRH, UEH, APENA, double nationalité, accès à la propriété, peine de mort, référendum etc.)? On ne peut pas même modifier les noms de ces institutions puisque c’est marquer dans la loi-mère. Le texte de 1987, à bien des égards, est un pacte qui assure le statu quo et pérennise, dans les textes, le sous-développement du pays. Donc, pour sortir de ce pétrin, il faut urgemment nettoyer ce document.

Dents du Président? En mettant des gardes fous pour saper, dit-on, les visées totalitaires du chef du pouvoir exécutif, les constituants de 1987 créent aussi des handicaps au fonctionnement du régime politique lè yo timounizé prezidans la. Se réjouissant d’avoir limité excessivement le pouvoir du chef de l’Etat,le constituant Louis Roy déclare ‘’nous avons enlevé les dents du président de la république de sorte qu’il ne puisse mordre’’ (Georges Michel : SOUVENIR D’UN CONTITUANT p.138). Pourquoi a-t-on a cassé la gueule du Président de la République? Le président est victime, le président mérite d’être réhabilité dans sa fonction. Un président doit avoir toutes ses dents, il ne doit pas être un Mazora. Il est quand même surprenant d’observer qu’un texte se référant aux droits fondamentaux imprescriptibles et inaliénables de la personne humaine opte pour la déshumanisation du président de la République. Pourquoi a-t-on cassé les dents du Président?

Illusion? On a un texte constitutionnel qu’on n’a pas les moyens pour l’appliquer au point que la plupart des actes posés par les pouvoirs publics sont inconstitutionnels. S’il y avait une Cour constitutionnelle en Haïti il aurait eu diverses saisines pour cause d’inconstitutionnalité ne serait-ce que pour l’élection présidentielle devant s’organiser le dernier dimanche du mois de novembre et non pas 16 décembre, 17 décembre et 7 février. Dans le texte de 1987, l’illusion a emporté sur la raison et le sens pratique cher à Pierre Bourdieu. Changer. Il est nécessaire à ce que le pays puisse avoir une Cour Constitutionnelle.

Bilan? Dans tout bilan, il y a un actif et un passif. Après 22 ans d’application, on voit les articles intelligents qu’il faut conserver et les articles méchants qu’il faut changer ou modifier. Il n’y a pas de temps à perdre. Il faut modifier, supprimer ou remplacer certains articles inutiles et nuisibles au progrès du pays. Une constitution doit indiquer comment fonctionnent et répartissent les pouvoirs de l’Etat. Elle n’a pas vocation à prescrire un modèle de développement et un programme de gouvernement. Or, le texte de 1987 est un programme de gouvernement. Donc, il est urgent de le modifier.

Guichard DORE

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Le message ci-dessous n'engage pas Haïti-Nation

dimanche 8 mars 2009

DES PISTES POUR UNE REVISION DE LA CONSTITUTION DE 1987

Société 6 Mars 2009
(Extrait du "Le Nouvelliste")

Des pistes pour une révision de la Constitution de 1987

La Constitution du 29 mars 1987, qui a été élaborée après la longue dictature des Duvalier sous l'effet de passions, d'émotions, de méfiance et d'intérêts divergents, comporte une procédure d'amendement prévue par son titre XIII (articles 282 - 284.4). Malheureusement, depuis son entrée en vigueur, cette Constitution n'a jamais été ni appliquée totalement, ni amendée (modifiée partiellement), ni révisée (modifiée l'ensemble des dispositions c'est-à-dire le tout). Aujourd'hui, 22 ans après sa promulgation, l'amender ou la réviser pour la rendre conforme au milieu social s'avère nécessaire.

De prime abord, une véritable révision de la Constitution de 1987 doit toucher et sa forme et son contenu tant qu'il y a de contradictions, de digressions, de manquements, de vides, d'absences, de failles lexicales et grammaticales, de fautes de styles à corriger au niveau des 274 articles de cette loi-mère suivis de 10 articles de dispositions générales, de 11 articles de dispositions transitoires et de 3 articles de dispositions finales.

C'est une évidence. La Constitution de 1987 est une constitution idéale et velléitaire. Comme celles de 1806 et de 1843, elle n'est pas d'application pratique. Toutefois, elle est de loin la meilleure de tout ce qu'on a eu avant à cause de ses règles nouvelles. Seulement, elle contient beaucoup d'articles à corriger sans bouleverser les principaux acquis démocratiques.

Dans l'article premier du chapitre I, il est important de revoir l'épithète "coopérative" attribué à la République. Il peut prêter à confusion eu égard au système écononmique du pays. L'article 5 considère le créole comme étant la langue commune qui unit les haitiens. C'est bien. Mais, pourquoi envisager deux langues officielles? Qu'est-ce qui empêche de prendre le créole pour langue officielle et le français, langue seconde?

L'article 8 au chapitre II est une aberration du point de vue du droit de la mer. Car, les étudiants en droit public le savent bien, ce sont les îles qui déterminent les mers territoriales et non l'inverse (les mers territoriales qui déterminent les îles) comme il est clairement écrit dans l'article en question.

La tournure coordinatrice "et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité..." fait problème dans l'article 11 qui est déjà ambigu sur la question de la nationalité parce que surtout limité au droit du sang (jus sanguini) en faisant fi du droit du sol (jus soli). Cette idée de "renoncer à sa nationalité" pourrait bien compléter les motifs de perte de nationalité haitienne prévus à l'article 13.

On doit reconsidérer l'article 15 traitant de la double nationalité qui est entièrement rejetée. Il mérite d'être repensé, voire remplacé par l'esprit des prescrits de la loi portant les privilèges accordés aux haitiens d'origine jouissant d'une autre nationalité, loi qui a été votée par les députés de la 47ème législature le mercredi 26 juin 2002 et par les Sénateurs le mardi 2 juillet de la même année.

Dans l'article 32, alinéa 3, qui demeure encore fictif, il faut mettre à la place de "enseignement primaire" les deux premiers cycles du fondamental. Car depuis plus de dix ans, on ne parle plus de l'enseignement primaire en Haiti.

Quant à l'article 41, alinéat 1, il comporte à la fois une faute de fond et une faute de forme. Dire et répéter qu'aucun haitien n'a besoin de visa pour laisser le pays s'inscrit dans un contexte chimérique. Pour y revenir, c'est normal et légal. La conjonction ou n'a pas sa place. C'est ni qu'il faut écrire.

Dans l'article 52, alinéa 1, certaines idées (telles voter aux élections sans contrainte, respecter le bien d'autrui...) sont relatives, payer ses taxes (voir d) une sanction, s'instruire et perfectionner (g), alinéa 2 "la dérogation à ces prescriptions est sanctionnée par la loi", est-ce que cela veut signifier que quelqu'un qui ne s'instruit pas, qui ne se perfectionne pas (comme les analphabètes par exemple) viole la loi? La suite est pure démagogie.

De nombreux articles de la Constitution de 1987, particulièrement les articles 80, 81, 82, 83, 84 et 87 sont tout bonnement négligés. Depuis 1987, on n'a jamais tenu compte d'eux. Il serait donc urgent de chercher à comprendre si ce n'est pas parce que leur contenu ne répond pas encore à la taille du pays. Montesquieu n'avait pas tort de clamer que les lois découlent de la nature des choses. Une petitite correction au niveau de la forme doit être apportée à l'article 111, alinéa 8, en écrivant ne peuvent en lieu et place de "ne peut".

L'artcle 134, alinéa 3, fait allusion à la durée et au nombre de mandats du Président de la République. C'est bien sûr dans l'idée de ne pas revivre le cas de Pétion ou celui de François Duvalier pour ne citer que ces deux exemples. Mais, ne serait-il pas plus logique d'accepter pour le Chef de l'État deux mandats consécutifs avec aucune possibilité de briguer un troisième? Cette volonté de stabilité lui donnerait la possibilité de consolider son pouvoir en vue de jeter les bases d'un nouveau démarrage.

La Constitution de 1987 reconnait tous les pouvoirs aux parlementaires. Le Président, chef de l'Exécutif, est un personnage effacé (sans pouvoir) par raport au premier Ministre. Alors que c'est celui-là qui préside le Conseil des Ministres (art 154). Pour éviter cette contradiction, la révision doit viser, tout en sauvegardant le rôle du Parlement, à responsabiliser le chef de l'État en lui donnant par exemple la possibilité d'intervenir devant le Parlement et de définir la politique de l'État.

La révision constitutionnelle doit indubitablement donner naissance à un Conseil électoral permanent et apporter une modification à l'article 192 conformément à la nouvelle réalité des collectivités territoriales. Le pays ne compte plus neuf départements, mais dix. Cependant, elle (la révision) doit doter ce Conseil d'un instrument juridique et d'un pouvoir coercitif lui permettant d'imposer ses décisions.

La question de l'armée est à résoudre selon la volonté de l'État d'avoir ou non des forces armées. Sinon, on élimine l'article 263 et les alinéas y relatifs. Si oui, il faut se garder de continuer à faire de l'armée un État dans L'ÉAT et admettre qu'en tant que force du pouvoir politique, elle est une institution politique (et non apolitique).

Cette révision doit enfin amender la procédure d'amendement (articles 282-283-284 des dispositions générales) qui est trop longue et apte à empêcher toute tentative de révision d'aboutir, éliminer le titre XIV et par voie référendaire dans l'article 298. Même si en 1987, la constitution a été ratifiée par un référendum, l'article 284, alinéa 3, interdit de l'amender par voie référendaire.

En somme, cette révision de la Constitution de 1987 doit garantir aux citoyens des droits et des devoirs nouveaux, rééquilibrer les insitutions libérales, redéfinir les attributions du Chef de l'État et celles du Premier Ministre, conserver la forme républicaine du gouvernement, le sens moral et patriotique.

Pierre Josué Agénor Cadet
Email:pijac02@yahoo.fr