jeudi 27 décembre 2007

L'ONCLE SAM (1823-2004)

(Extrait de "Le Monde Diplomatique")

MANIERE DE VOIR - AMERIQUE LATINE REBELLE

1823 (2 décembre). Formulation de la doctrine Monroe : sous prétexte de lutter contre les ingérences européennes, Washington entend instaurer son hégémonie sur tout le continent.
1824. Intervention des Etats-Unis à Porto Rico.
1831. Intervention en Argentine.
1846-1848. Guerre entre le Mexique et les Etats-Unis, qui s’emparent de la moitié du territoire mexicain – soit les Etats actuels de la Californie, du Nouveau-Mexique et de l’Arizona, ainsi qu’une partie de l’Utah, du Nevada et du Colorado.
1852-1853. Les marines débarquent en Argentine et au Nicaragua, secoués par des troubles, pour y protéger les intérêts américains.
1854. Un navire américain détruit la ville portuaire de San Juan del Norte (Greytown), au Nicaragua, en représailles à une offense faite au ministre-résident américain.
1855. Les armées américaine et européenne interviennent en Uruguay pour protéger les intérêts des Etats-Unis..
1860.Washington envoie des troupes en Colombie, où vient d’éclater une révolution.
1867. Les marines occupent Managua et León, au Nicaragua.
1891. Les troupes américaines affrontent les rebelles nationalistes au Chili et débarquent dans l’île de Navassa (Haïti) – revendiquée par les Etats-Unis –, après le soulèvement de travailleurs noirs.
1894. Occupation de Bluefields, au Nicaragua, après la prise du pouvoir du général « libéral » José Santos Zelaya, hostile aux Etats-Unis.
1896. Les marines débarquent dans le port de Corinto, au Nicaragua, en proie à des troubles politiques.
1898. Les Etats-Unis soutiennent la guerre d’indépendance des Cubains contre les Espagnols, auxquels ils déclarent la guerre après la destruction de l’USS Maine à La Havane. A l’issue du conflit, Madrid cède, entre autres, Porto Rico à Washington. Les Américains mettent en place un gouvernement militaire d’occupation à Cuba.
1899. Les troupes américaines et britanniques prennent le contrôle de San Juan del Norte et de Bluefields, au Nicaragua.
1902. Les Etats-Unis évacuent Cuba. En vertu de l’amendement Platt, ils en conservent la tutelle ainsi qu’un droit d’intervention, et se voient octroyer Guantánamo et l’île de Bahia Honda.
1903. Corollaire à la doctrine Monroe : le président Theodore Roosevelt octroie aux Etats-Unis le droit d’exercer « un pouvoir international de police ». Les marines occupent Puerto Cortés, au Honduras, et Saint-Domingue, en République dominicaine. Une « rébellion » protégée par l’US Navy déclare l’indépendance du Panamá (vis-à-vis de la Colombie).
1904. Le Panamá concède aux Etats-Unis l’usage à perpétuité du canal.
1906. Les Etats-Unis interviennent à Cuba à la suite de troubles consécutifs aux élections. Ils administreront l’île jusqu’en 1909.
1907.Washington dépêche des troupes au Honduras pour protéger ses intérêts, menacés par la guerre qui oppose le Honduras au Nicaragua.
1908. Les troupes américaines débarquent au Panamá afin de prévenir tout risque d’insurrection pendant les élections.
1909. Les marines sont envoyés au Honduras, où règne une guerre civile, afin de protéger les compagnies bananières américaines. Des troupes sont aussi dépêchées au Nicaragua, où Zelaya est « démissionné ».
1911. Les Etats-Unis interviennent de nouveau au Honduras.
1912. Les marines débarquent à Cuba après une révolte des travailleurs du sucre. A l’appel du président Adolfo Diaz, les Etats-Unis installent également des troupes au Nicaragua. Elles se retireront en 1925.
1914. L’armée américaine occupe plusieurs mois Veracruz, au Mexique, où la révolution a éclaté quatre ans auparavant.
1915. Des troupes sont envoyées en Haïti, en état d’insurrection. Le pays est placé sous protectorat jusqu’en 1934.
1916. Les Etats-Unis forment un gouvernement militaire en République dominicaine. L’occupation du pays prendra fin huit ans plus tard. Washington lance plusieurs offensives dans le nord du Mexique contre Pancho Villa.
1917. Les marines interviennent à Cuba pour réprimer une insurrection populaire et garantir les exportations de sucre.
1918. L’armée américaine occupe la province panaméenne de Chiriqui après des troubles consécutifs aux élections.
1919.Washington envoie les marines au Honduras pour y assurer l’« ordre public » pendant les élections. Des troupes entrent également au Guatemala, où un conflit oppose les syndicats au gouvernement.
1921. Les forces américaines prennent position des deux côtés de l’isthme de Panamá après un différend frontalier entre le Panamá et le Costa Rica.
1924. Des troupes débarquent au Honduras après une révolte populaire lors des élections.
1925. Au Panamá, les marines répriment violemment la grève générale qui agite le pays.
1926. Les troupes américaines occupent à nouveau le Nicaragua, qu’elles ont quitté un an auparavant, pour consolider le pouvoir de Diaz affaibli par l’agitation politique qui secoue le pays.
1927. Les marines affrontent la guérilla de Cesar Augusto Sandino lors de la bataille d’Ocotal, au Nicaragua. Celui-ci les tiendra en échec jusqu’à leur départ, en 1933, et sera assassiné l’année suivante sur ordre du général Anastasio Somoza, soutenu par Washington.
1932. Des navires américains croisent au large du Salvador après un soulèvement communiste dans le pays.
1933. Le président Franklin D. Roosevelt annonce qu’il veut substituer la politique du « bon voisinage » à celle du « gros bâton ».
1934. Fin du protectorat américain sur Cuba.
1947. Les Etats-Unis déploient des bombardiers B-29 après l’élection de Tomas Berreta à la présidence uruguayenne.
1950. Les marines écrasent la rébellion en faveur de l’indépendance à Porto Rico.
1954. Des exilés guatémaltèques entraînés par la CIA au Honduras et au Nicaragua renversent le président progressiste du Guatemala, Jacobo Arbenz, accusé d’être un « agent de Moscou ». Le colonel Castillo Armas instaure une dictature militaire.
1958. Les troupes américaines interviennent au Panamá après une mobilisation nationaliste.
1960. Le président Dwight Eisenhower donne son approbation à l’étude d’un programme d’action clandestine contre Cuba. Le 19 octobre, Washington promulgue un embargo sur le commerce avec l’île.
1961. Echec du débarquement de militants anticastristes, entraînés et équipés par les Etats-Unis, dans la baie des Cochons, à Cuba.
1962. Le 25 janvier 1962, l’Organisation des Etats américains (OEA), « ministère des colonies de Washington », exclut Cuba. Toutes les relations commerciales, diplomatiques et aériennes entre l’île et les autres pays du continent (sauf le Mexique) sont interrompues. Eclatant le 14 octobre, la « crise des fusées » oppose La Havane et Moscou à Washington.
1964. Les marines écrasent une révolte au Panamá en faveur de la restitution du canal. Encadrée par ses conseillers américains, l’armée colombienne attaque la « République indépendante » de Marquetalia, dont les combattants créeront ultérieurement les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
1965. Au nom du « danger » communiste, les Etats-Unis envoient vingt mille soldats en République dominicaine pour réprimer une insurrection dirigée par une fraction de l’armée qui proteste contre le renversement de Juan Bosch.
1966. Les « bérets verts » interviennent contre les rebelles au Guatemala.
1967. Ernesto Che Guevara est tué par l’armée bolivienne, qu’épaulent les Etats-Unis.
1973. Le président chilien Salvador Allende trouve la mort lors du coup d’Etat mené par le général Augusto Pinochet, aidé militairement par Washington.
1980-1992. Les Etats-Unis offrent un soutien militaire au gouvernement salvadorien, en lutte armée avec la guérilla du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN).
1983. Les marines débarquent dans l’île de Grenade après la prise du pouvoir par le général procubain Hudson Austin.
1984. Les forces américaines minent les eaux de plusieurs ports du Nicaragua, dirigé depuis 1979 par les sandinistes, qui se préparent à organiser les premières élections générales pluralistes et qu’ils remporteront peu après avec 66 % des voix.
1986. Les Etats-Unis sont condamnés pour « usage illégal de la force » au Nicaragua par la Cour internationale de justice de La Haye. Scandale de l’« Irangate » : vente illégale d’armes à l’Iran pour financer les contras (groupes contre-révolutionnaires nicaraguayens).
1989. Les troupes américaines envahissent le Panamá et chassent le général Manuel Noriega du pouvoir au terme d’une semaine de combats.
1992. La loi Torricelli renforce le blocus de Cuba.
1994. Les Etats-Unis interviennent militairement en Haïti afin de rétablir à la tête du pays le président Jean-Bertrand Aristide, renversé en 1991.
1996. La loi Helms-Burton durcit notamment les sanctions à l’égard des pays commerçant avec Cuba.
2002.Washington participe en sous-main au coup d’Etat tenté, le 11 avril, contre le président vénézuélien Hugo Chávez.
2004. Les Etats-Unis, aidés par la France, démettent le président Aristide de ses fonctions et occupent Haiti.


L'AFRIQUE DIT "NON"

By Ignacio Ramonet

Ainsi donc, au grand dam de l’arrogante Europe, l’inimaginable s’est produit : dans un élan de fierté et de révolte, l’Afrique, que certains croyaient soumise parce qu’appauvrie, a dit « non ». Non à la camisole de force des accords de partenariat économique (APE). Non à la libéralisation sauvage des échanges commerciaux. Non à ces ultimes avatars du « pacte colonial ».
Cela s’est passé à Lisbonne, en décembre dernier, lors du IIe sommet Union européenne - Afrique, dont l’objectif principal était de contraindre les pays africains à signer de nouveaux traités commerciaux (les fameux APE) avant le 31 décembre 2007, en application de l’accord de Cotonou (juin 2000), qui prévoit la fin de la convention de Lomé (1975). Selon celle-ci, les marchandises en provenance des anciennes colonies d’Afrique (et des Caraïbes et du Pacifique) entrent dans l’Union quasiment sans droits de douane, à l’exception de produits sensibles pour les producteurs européens comme le sucre, la viande et la banane.
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a exigé le démantèlement de ces relations préférentielles, ou alors leur remplacement – seul moyen, selon l’OMC, de préserver la différence de traitement en faveur des pays africains – par des agréments commerciaux fondés sur la réciprocité (1). C’est cette seconde option qu’a retenue l’Union européenne, le libre-échange intégral camouflé sous l’appellation « accords de partenariat économique ».
Autrement dit, ce que les Vingt-Sept exigent des pays d’Afrique (et de ceux des Caraïbes et du Pacifique (2)), c’est d’accepter de laisser entrer dans leurs marchés les exportations (marchandises et services) de l’Union européenne, sans droits de douane.
Le président sénégalais Abdoulaye Wade a dénoncé ce forcing et a refusé de signer. Il a claqué la porte. Le président de l’Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, l’a immédiatement soutenu. Dans la foulée, la Namibie a également pris la courageuse décision de ne pas signer, alors qu’une augmentation des droits de douane de l’Union européenne sur sa viande bovine marquerait la fin de ses exportations et la mort de cette filière.
Même le président français, M. Nicolas Sarkozy, qui avait pourtant eu des mots fort malheureux à Dakar en juillet 2007 (3), a apporté son appui aux pays les plus opposés à ces traités léonins : « Je suis pour la mondialisation, je suis pour la liberté – a-t-il déclaré –, mais je ne suis pas pour la spoliation de pays qui, par ailleurs, n’ont plus rien (4). »
Cette fronde contre les APE – qui suscitent, au sud du Sahara, une immense vague d’inquiétude populaire ainsi qu’une intense mobilisation des mouvements sociaux et des organisations syndicales – a porté. Le sommet s’est terminé sur un constat d’échec. M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a été contraint de céder et d’accepter la revendication des pays africains de poursuivre le débat. Il s’est engagé à reprendre les négociations en février prochain.
Cette cruciale victoire de l’Afrique est un signe supplémentaire du moment favorable que connaît le continent. Au cours des dernières années, les conflits les plus meurtriers se sont terminés (seuls demeurent ceux du Darfour, de la Somalie et de l’est du Congo), et les avancées démocratiques ont été consolidées. Les économies continuent de prospérer – même si les inégalités sociales demeurent – et sont pilotées par une nouvelle génération de jeunes dirigeants.
Autre atout enfin : la présence de la Chine, qui, investissant massivement, est sur le point de supplanter l’Union européenne au premier rang des fournisseurs du continent africain, et qui, par ailleurs, pourrait devenir, dès 2010, son premier client, devant les Etats-Unis. Il est loin le temps où l’Europe pouvait imposer de désastreux programmes d’ajustement structurel. L’Afrique se rebiffe désormais. Et c’est tant mieux.

Ignacio Ramonet.

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(1) Lire Alternatives économiques, Paris, décembre 2007.
(2) Les pays des Caraïbes ont accepté, le 16 décembre 2007, de parapher un APE avec l’Union européenne.
(3) Dans son discours à l’université de Dakar, le 26 juillet 2007, M. Sarkozy avait déclaré : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire (...), jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. » Lire Anne-Cécile Robert, « L’Afrique au kärcher », Le Monde diplomatique, septembre 2007.
(4) Le Monde, 15 décembre 2007.
Édition imprimée — janvier 2008 — Page 1
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mardi 25 décembre 2007

VOEUX DE PAIX ET PROSPERITE

Le blog SANSSOUCI365 souhaite ses voeux les meilleurs de paix, de prospérité au peuple et gouvernement haïtiens. Que cette nouvelle année nous apporte réconciliation, bonheur, la paix dans les rues, dans les quartiers, les villes, les campagnes, les communes, les sections rurales, les écoles etc! Que les hommes de robes prennent la décision ferme de prêcher l'amour fraternel et que les haïtiens cessent de s'entre-tuer. Seulement les bonnes nouvelles de Jésus Christ, Dieu se faisant Homme peuvent changer le coeur des hommes. "Aime ton prochain comme toi -meme" il proclamât deux milles ans de cela et ces mots sonnent encore plus fort aux oreilles des hommes. Simple message mais profond.

Joyeux Noël & Bonne Année 2008!

lundi 17 décembre 2007

LA CONSTITUTION DE 1987...

Haïti : La Constitution de 1987, ce dernier verrou à faire sauter…
mercredi 24 octobre 2007

Débat

Par Gary Olius

Soumis à AlterPresse le 22 octobre 2007

En Haïti et au Venezuela les tentations politiques sont peut-être les mêmes, mais les réalités demeurent radicalement différentes. Et pour cause, les mêmes objectifs doivent se poursuivre différemment. Ce que le simple jeu des rapports de force permet d’acquérir au Venezuela, il faut et il faudra toute une gymnastique politique pour le conquérir en Haïti. L’isomorphisme des ambitions n’engendre pas automatiquement l’isomorphisme des espaces de possibilités politiques. De fait, Chavez n’a pas beaucoup sué pour arriver à faire passer le mandat présidentiel de 6 à 7 ans dans son pays et ouvrir la voie à l’éventualité de se faire re-élire indéfiniment. En Haïti, par contre, tout un arsenal doit être mobilisé rien que pour arriver à faire admettre le principe de l’amendement de la constitution en vigueur. Et que dire si les dirigeants souhaiteraient la tailler à la mesure de leurs fantasmes politiques…
Au pays de Simon Bolivar, il se passe des choses qui font saliver leurs homologues haïtiens et pour parvenir à des résultats similaires ceux-ci savent pertinemment que dans le contexte actuel ils doivent tenter, au bas mot, un vrai saut périlleux politique, c’est-à-dire une succession de manœuvres qui exige un mixage savamment dosé de force et de technique. Soit dit en passant qu’il y a aussi là-dedans le risque de se briser la nuque ou la ceinture ; bien sûr, figurément parlant. Une certaine maîtrise de l’art est nécessaire et c’est ce à quoi, paraît-il, les dirigeants travaillent. De fait, ils font déjà preuve d’un équilibrisme diplomatique remarquable dans leurs échanges avec deux ennemis jurés bien connus et jouent au plus malin dans leurs rapports avec les forces politiques locales. Ils se veulent incroyablement pragmatiques et postulent impassibles que (1) ce qui importe ce n’est pas le choix entre l’Ethanol de Bush ou le Pétrole de Chavez, l’essentiel est que le moteur marche ; (2) peu importe que le chat soit blanc ou noir pourvu qu’il attrape des souris. Cet exercice difficile et dangereux engendre un camouflage idéologique qu’il faut, en premier lieu, questionner chez nos dirigeants dans notre démarche pour comprendre les tenants et aboutissants leurs actions et de la conjoncture politique actuelle, laquelle est faite de provocations délibérées, de réactions apparemment inconsidérées, de risques majeurs de crises institutionnelles et aussi du silence – on dirait - négocié des partis politiques de l’ancienne opposition.
Le temps passe vite et on oublie qu’il y a un peu plus de 4 ans l’ex-Président Aristide a tenté un amendement de la constitution. Il passe si vite que certains ont du mal à se rappeler que c’est à la suite d’une série de visites au Venezuela et à Cuba que notre actuel Président a lancé, comme un ballon d’essai, l’idée d’examiner l’opportunité d’un reformatage de la constitution. Grâce aux efforts conjugués des factions encore saines de la société civile les décideurs ont éprouvé, pendant un laps de temps, une certaine gêne à clamer haut et fort leur aversion pour cette loi-mère. Mais, du reste, les décideurs se sont rendus compte que l’argument le plus récurrent dans le discours des adversaires de ce projet est qu’on ne saurait plaider pour le remaniement d’une charte dont on n’a pas encore testé l’applicabilité et les limites.
A malin, malin et demi, ce test d’applicabilité tant désiré le pouvoir en place semble vouloir le faire de manière artificielle, c’est-à-dire en simulant comme au labo ce que peuvent faire certaines autorités des milieux judiciaires et législatifs quand elles ont les coudées franches pour exécuter à leur façon leurs « prérogatives constitutionnelles » et ce, tout en utilisant sournoisement des incitatifs difficilement détectables par les principaux concernés. Et depuis lors, les crises entre les trois principaux pourvoir d’Etat se sont multipliées à un rythme inégalé, les mêmes personnes interviennent à tort et travers et font la une de l’actualité sans savoir qu’elles jouent les marionnettes. Les effets de leurs excès (provoqués par manipulation) ont réussi à maintenir la société haïtienne ou même la communauté internationale sous le stress d’un risque élevé de paralysie ou d’impasse politique. Pour s’en convaincre, on peut considérer le rapport Exécutif/Parlement ou Judiciaire/Parlement au cours des 10 premiers mois du gouvernement. Le nombre de frictions ouvertes ou déclarées se résumait aux remontrances faites au Premier Ministre pour son penchant maladif à négocier avec les bandits qui semaient la terreur au sein de la population haïtienne. Mais d’avril 2007 à nos jours, on a l’impression que les trois principaux pouvoirs de l’Etat sont en guerre permanente et les dirigeants feignent de vivre dans la crainte morbide d’une crise institutionnelle insurmontable qui serait de nature à re-plonger le pays dans le chaos. Et ladite crise serait imputable à la constitution de 1987. Mais en fait, qu’est-ce qu’il y a de différent entre ces deux périodes considérées ? Rien d’autre que le positionnement beaucoup plus clair des forces sur l’échiquier politique et la re-considération de l’enjeu du pouvoir sur le long terme. Ces deux éléments peuvent être résumés dans la question suivante : “Dans l’hypothèse que la MINUSTAH laissera le pays après 10 ans, qu’elle sera la configuration de l’espace politique sans les bandits qui pesaient très lourds dans les décisions de l’électorat haïtien et avec l’arrivée d’une nouvelle force publique et le possible retour des duvaliéristes ?”.
Depuis la tradition post-aristidienne et encore plus avec l’avènement du Président Préval au pouvoir, beaucoup d’Haïtiens se sont rendus compte que les politiciens les plus tonitruants du mouvement GNB n’avaient pas de grosses ambitions et que si Aristide avait eu la générosité de leur mettre quelque chose sous les dents il finirait tranquillement son mandat. On s’en souvient, il y a deux ans, tout était permis à Gérard Latortue. Et aujourd’hui tout est permis au Président Préval. La raison tient au fait que ces deux régimes ont manifestement un point commun : ils savent comment convertir les anciens « opposants » en leurs meilleurs alliés. Latortue en a fait l’expérience et Préval en a pris la leçon : Les politiciens haïtiens sont comme les jeunes filles dont parlait Maurice Sixto dans sa pièce ‘j’ai vengé la race’, quand ils s’ennuient, il faut leur donner à travailler … ou à manger. Les mauvaises langues diraient peut-être que cela est quand-même bon pour la paix de nos oreilles, de nos yeux, de nos rues et de nos nuits. Qui sait ?
Par ailleurs, avec le limogeage du dangereux gauchisant Juan Gabriel Valdés, la MINUSTAH a pu redorer son blason en marquant des points importants dans son projet de stabilisation de la situation sécuritaire du pays. Elle a permis à l’Etat de récupérer le monopole de violence qui lui a échappé depuis des lustres par la faute des politiciens sans popularité et qui ont vu dans les groupes armés une rampe de lancement sure pour accéder au pouvoir. Parallèlement, la progression du débat sur le retour d’une force publique, constitutionnellement l’Armée d’Haïti, plonge une part importante de classe politique haïtienne dans une profonde appréhension. Les “si” les plus abracadabrants se multiplient et alimentent les phobies politiques. Cela déchaîne une velléité irrépressible d’anticiper sur les événements et modifier le cours des choses. C’est à peine si les acteurs les plus influents gardaient encore le sens de l’histoire, ils cherchent à droite comme à gauche la solution qui leur permettrait d’arriver le plus sûrement et le plus rapidement possible à leur fin. Et puis, dans cette quête acharnée, ils ont découvert en la constitution le point d’appui idéal pour chambarder un système que leur propre schizophrénie politique a inventé. Dans l’état actuel des choses, l’essentiel serait de terrasser tous les vieux démons qui hantent leurs esprits et qui les empêchent de voir le pays avec des yeux du XXIè siècle.
Les assauts contre la constitution prennent une dimension inquiétante et on se demande si les responsables actuels lésineront sur les moyens et s’embarrasseront de pudeur politique pour parvenir à leur fin. Le discours du Président lors de la célébration de la mort de Dessalines a fait mouche et a forcé pour une fois certains leaders politiques à sortir de leurs gons. La presse s’est beaucoup arrêtée sur une fraction de cette déclaration tonitruante : “la constitution de 1987 est source d’instabilité”, mais on oublie que préalablement une brochette d’intellectuels a produit à la solde du Président un document qui lui a fourni les « arguments » pour corroborer sa déclaration. Misant sur un effet trompe-l’œil académique, ces « experts » ont remué mille et une théories pour apporter de l’eau au moulin de notre Président et lui faciliter la tache dans ses assauts répétés contre la loi-mère. Dommage, ils ont péché sur l’essentiel ; ils oublient que, dans le débat actuel, ce qui compte le plus c’est l’opinion des Haïtiens eux-mêmes,… n’en déplaise à Gosselin, Filion, Mirkine-Guetzevitch et consorts qu’ils ont appelés à leur rescousse.
Le caractère ultra-réaliste de la politique haïtienne veut qu’un président jure pieusement, au vu et su de tout le monde, de respecter la constitution pour ensuite l’identifier à tort ou à raison comme source première d’instabilité, oui tout juste bonne pour la poubelle. Ce réalisme de mauvais aloi flirte dangereusement avec l’hypocrisie et le pire est que finalement, on ne saura jamais quand nos dirigeants mentent ou sont sincères dans leurs déclarations. Notre Président était-il sincère lors de sa prestation de serment, en jurant fidélité à la constitution ? Si oui, on pourrait considérer ses dernières déclarations comme une mordante plaisanterie ; auquel cas il ne prendrait pas la société haïtienne au sérieux. Si, au contraire, notre Président n’était pas sincère lors de sa prestation et savait pertinemment qu’il allait crier haro sur la loi-mère tout en simulant devant Dieu et devant les hommes qu’il était disposer à la respecter ; là encore il fait preuve de mépris envers l’Etat et envers les Haïtiens qu’il dirige. Sous les deux hypothèses, on pourrait aboutir à la conclusion que la posture qu’a pris le Président le 17 octobre 2007 mérite un questionnement de fond. Le fait de voir un corpus de principes (jamais appliqué) comme une principale source d’instabilité est symptomatique d’un profond malaise entre la vision politico-idéologique de celui-là qui est placé pour le faire respecter et le corpus en soi. Il y a sans doute un besoin de re-formatage quelque part ; mais savoir de quel coté se situe ce besoin est déjà très problématique ? Nous y reviendrons….

REFLEXIONS SUR LA BONNE GOUVERNANCE...

Réflexions sur la Bonne Gouvernance et la Décentralisation énergétique en Haïti
mardi 17 avril 2007

Réflexions sur la Bonne Gouvernance et la Décentralisation énergétique en Haïti
Par Marc Antoine Archer [1]

Soumis à AlterPresse le 17 avril 2007

« Quand il est urgent, il est déjà trop tard » Talleyrand

Les relations internationales, au besoin, créent parfois de nouveaux concepts pour justifier leurs échecs, échecs anciens et échecs actuels. Ce processus de création, vraie gymnastique intellectuelle, leur permet de se donner bonne conscience face à ces échecs permanents, continus, continuellement renouvelés. Il en est ainsi pour le concept de « Gouvernance » et de son évolution vers celui de « Bonne Gouvernance ». L’un et l’autre venaient à certifier l’échec des politiques d’ajustement, l’inconvenance des accords de coopération bi et multilatérale ainsi que des autres méthodes utilisées par les pays industrialisés donneurs de fonds, « bailleurs de fonds » et par les grandes Institutions Internationales, pour venir en aide aux pays pauvres.
Dans cette optique, les notions de « Gouvernance » et de « bonne Gouvernance » constituaient alors un mécanisme de transfert du sentiment de culpabilité permettant de ne pas assumer la responsabilité de l’échec ou des échecs consécutifs des différents programmes, élaborés par ces « pays donneurs », exécutés dans les « pays récepteurs permanents d’aide », paradis de la déchéance sociale, politique, économique.
Cependant, les mots, une fois créés, génèrent parfois des raccourcis, des liens externes, des chemins tortueux pour se donner d’autres acceptions. Et, en ce sens la profusion d’acceptions créent des malentendus, des mésinterprétations, des divergences. Cependant, malgré cette multiplicité de formes, malgré les divergences de forme ou de fond qui peuvent se produire, on peut arriver à s’entendre sur une définition généralisable et acceptable pour la Gouvernance et la Bonne Gouvernance.
La Gouvernance est la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays et au service du développement. Elle s’intéresse aux chemins qui mènent aux conditions ou aux résultats souhaités.
La gouvernance s’intéresse à la façon dont le pouvoir est exercé entre les différents secteurs ou groupes d’intérêts de la société de sorte que les libertés traditionnelles puissent s’exprimer, que le commerce puisse se développer et que les arts et la culture puissent prospérer. C’est donc dire que la gouvernance est importante en soi parce qu’elle fournit un contexte pour les choses que les gens valorisent énormément, comme l’histoire le prouve. Par exemple, la liberté personnelle et la liberté de réunion, que ce soit pour des fins sociales, commerciales, religieuses ou autres, doivent se produire dans un cadre social global incluant la primauté du droit et une constitution.
Une définition assez complète de la gouvernance, pourrait donc être la suivante :
« Somme des différentes façons dont les individus et les institutions, publiques et privées, gèrent leurs affaires communes. C’est un processus continu de coopération et d’accommodement entre des intérêts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les régimes dotés de pouvoirs exécutoires tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont tombés d’accord ou qu’ils perçoivent être de leur intérêt… ». [2].
La bonne Gouvernance, quant à elle, suppose un système de règles réellement appliquées et d’Institutions qui fonctionnent vraiment et assurent une application appropriée de ces règles. Elle pourrait être définie comme un mode de gouvernance qui conduit aux résultats sociaux et économiques que recherchent les citoyens.
D’après les Nations Unies, la Bonne Gouvernance comprend les éléments suivants : La participation : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel ; La transparence : découlant de la libre circulation de l’information ; La sensibilité : des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants ; Le consensus : des intérêts différents sont conciliés afin d’arriver à un vaste consensus sur ce qui constitue l’intérêt général ; L’équité : tous, hommes et femmes, ont des possibilités d’améliorer et de conserver leur bien-être ; L’efficacité et l’efficience : les processus et les institutions produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources ; La responsabilité : des décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile ; Une vision stratégique : des leaders et du public sur la bonne gouvernance et le développement humain et sur ce qui est nécessaire pour réaliser un tel développement.
Et quels sont les acteurs de la bonne gouvernance ? Ce sont les différents groupes « Porteurs d’intérêts », « Preneurs de décision » et « Fournisseurs d’opinion », ce que l’on appelle généralement les « Stake Holders » de la société. Ils sont les « Fournisseurs de services », les « Détenteurs de la technologie ». On peut les regrouper comme suit : Le Gouvernement, Les Collectivités Territoriales, Le Pouvoir Législatif, Les Associations d’écologistes, Les Autres Associations de la société civile, Les Investisseurs, Les Universités et autres centres de décision intellectuelle, Le Secteur des Affaires, Le Secteur Bancaire La Communauté Internationale
La gouvernance implique donc les modalités de prise de décision et les interrelations entre les différents intervenants dans le processus de prise de décision. C’est la capacité de l’État de servir les citoyens. Et, la Bonne Gouvernance, au niveau énergétique, fait référence à l’efficacité, à un rendement élevé, à la maîtrise de la consommation énergétique d’une société. L’application de ce concept, au domaine de l’énergie est évidente. Le secteur énergétique, en Haïti, ne fonctionne pas et les Stake Holders ne remplissent pas leur rôle. La décentralisation énergétique fournirait un outil de changement et d’optimisation. Elle entraîne des améliorations dans la fourniture et la gestion des services publics car : Elle crée un climat favorable à la motivation et à la productivité. Elle augmente l’efficacité dans la détection et la couverture des besoins puisque les fournisseurs de la couverture sociale sont alors plus proches des besoins et exigences des citoyens. Elle facilite une meilleure distribution des ressources par rapport aux besoins existants Elle permet de réduire les inégalités. Elle incite les citoyens à s’impliquer plus dans la prise de décisions et dans l’établissement de priorités, d’où un renforcement du contrôle citoyen, de l’appropriation citoyenne (contrôle renforcé du gouvernement régional et une capacité citoyenne accrue d’exercer des pressions sur le Pouvoir Local).
« Dans tout pays, le secteur public présente une structure territoriale à plusieurs niveaux de décision – central, régional, local –, la décentralisation des systèmes politiques est censée permettre l’adaptation des politiques publiques aux besoins des citoyens. Conçue, en termes généraux, comme un transfert de pouvoir et/ou d’autorité du niveau national vers des niveaux infranationaux (ou des niveaux centraux de gouvernement vers des niveaux locaux) dans divers domaines de compétence administrative et politique, la décentralisation peut néanmoins prendre plusieurs formes. Quand on transfert une capacité de prendre des décisions et de les mettre en pratique à un niveau administratif régional, on parle de déconcentration ou de décentralisation administrative. On parle en revanche de délégation administrative et de la gestion quand une telle capacité est transférée à des agences institutionnelles liées d’une manière distendue aux administrations publiques. Quand une compétence est dévolue à un niveau politique régional qui possède ses propres institutions de représentation, on parle enfin de décentralisation politique ou encore de fédéralisation. » [3]
La décentralisation doit permettre, en principe, de combattre l’inefficacité de la gestion centralisée et de faciliter l’engagement citoyen dans le fonctionnement du pays dans une approche de recherche de l’optimalité tout en : Réduisant le cadre global de la corruption et les mécanismes de corruptibilité Recherchant l’équilibre fiscal Établir des mécanismes d’équité sociale
Dans notre cas, nous ne nous intéressons qu’au secteur énergétique et à l’énergie en tant que « Bien Public », acceptant la définition de bien public comme toute solution coopérative aux fins de satisfaire un besoin collectif. En ce sens, tout membre de la collectivité doit pouvoir jouir des bienfaits apportés par la solution à laquelle il a contribué. L’énergie est un bien public et, en tant que « bien Public », elle est soumis à une série de principes qui peuvent se résumer en :
Principe d’accès démocratique à l’énergie : L’Énergie est un bien, un bien public. L’accès aux services énergétiques de base doit être garanti à tout Haïtien. Principe de co-responsabilité : L’Énergie a un coût. Tout Haïtien, tirant un profit, jouissant des services énergétiques, a l’obligation citoyenne d’assumer les coûts associés à la production desdits services. Principe de Qualité : L’État a l’obligation d’assurer à tout Haïtien les services énergétiques de base, dans des conditions de sécurité, de fiabilité et de qualité de service. Principe de consommation responsable et d’efficacité énergétique : L’utilisation des ressources énergétiques produit un impact sur l’environnement physique et social. La minimisation dudit impact correspond aussi bien à l’État qu’aux propres citoyens. Les utilisateurs de services énergétiques, aussi bien l’État que les citoyens, ont le devoir de consommer les ressources environnementales utilisées à cet effet, de façon responsable, d’en faire un usage non abusif et optimisé.
Haïti ne peut renoncer à créer des conditions de bien-être pour la totalité de sa population. La satisfaction des besoins énergétiques de base en est le premier pas. Il s’agit donc de « Faciliter la mise en place d’une couverture énergétique capable de satisfaire les besoins globaux de l’ensemble de la population haïtienne ».
Qui peut et doit financer ces services ? Comment, cependant distribuer les ressources ? Les Quatre Principes ci-devant énoncés sont clairs là-dessus et nous offrent toutes les réponses possibles aux différentes questions possibles. Un bien public est sensé être une solution coopérative venant à satisfaire un besoin collectif. En ce sens, non seulement l’État est fournisseur de biens publics. Au même titre, les organisations de la société civile peuvent le faire, l’État devant fournir alors le Cadre Institutionnel de fonctionnement. La décentralisation étant un mécanisme permettant la provision de « biens publics », aussi bien l’État que les organisations civiles ont tous leur rôle à jouer. Et l’État a l’obligation de faciliter ce mode de fonctionnement.
Pourquoi parler de Bonne Gouvernance et de Décentralisation dans le secteur énergétique haïtien. La réponse est évidente et, s’il restait encore l’ombre d’un doute, voilà les données officielles publiées, en 2004, par le Bureau des Mines et de l’Énergie qui devraient nous porter à réfléchir .

Voir tableau
Le tableau est parlant. Rien ne peut être fait sans un changement radical, sans la modification des attitudes et des comportements, sans un engagement citoyen, sans le cadre régulateur de l’Etat Haïtien. La transformation de la situation existante ne peut donc se faire sans une volonté de transformation et la mise en place de structures décentralisées, dans un cadre de bonne gouvernance. La décentralisation doit permettre d’établir un réseau complet, cohérent, adapté aux réalités sociales, économiques et politiques du pays, tout en facilitant les interactions entre les différents Stake Holders de la société haïtienne, les vrais générateurs d’interactions et les seuls facilitateurs de transformation sociale, économique et politique du pays.
Il faut donc insister sur un mécanisme, prévu par la Constitution haïtienne qui, dans son Article 87.4, établit que : La décentralisation doit être accompagnée de la déconcentration des services publics avec délégation de pouvoir et du décloisonnement industriel au profit des départements. Et, parler de décentralisation, dans le domaine de l’énergie, veut dire, dans le cas d’Haïti :
1- La délocalisation des moyens de production de l’énergie électrique
2- L’optimisation des ressources énergétiques locales (du pays – des Départements – Des communes – Des Sections Communales).
3- L’appropriation, le contrôle citoyen des moyens de production.
4- L’adaptation de la production à la consommation locale et le contrôle des excédents pour la régulation de la consommation globale.
5- L’utilisation de micro-réseaux électriques pour l’utilisation optimale des ressources.
6- Le contrôle et la planification de l’approvisionnement.
7- Le contrôle et la planification dans les modalités de transport.
8- La création de pôles de production industrielle sous forme « d’enclaves de production ».
9- Le contrôle pédagogique de la consommation (consommation responsable) et la transformation du citoyen en Acteur Énergétique.
10- L’établissement d’un cadre de régulation (Juridique – Technique – Normatif - Administratif) permettant l’accès de petits investisseurs et de petits producteurs au marché de l’énergie.
11- L’aménagement du territoire et le contrôle foncier afin de faciliter le contrôle de la production de biocarburants et de l’éolien (2 options énergétiques très exigeantes en surface).
12- Existence d’un maillage routier cohérent, adapté aux réalités sociales, économiques du pays ainsi qu’aux besoins actuels et futurs du pays.
En définitive, la décentralisation devrait supposer : Une meilleure gestion des ressources économiques, énergétiques, environnementales. Une meilleure planification des besoins, des attentes.
Voilà donc pourquoi nous proposons ces réflexions, qui, à mon avis, me semblent importantes, intéressantes et pertinentes. Et maintenant que le « Vert » frappe à nos portes sous la forme de demande de biocarburants, et plus concrètement de demande d’Éthanol et de Biodiesel, c’est peut-être le meilleur moment de « Penser Global », de « Réfléchir Planification », pour « Agir Local ». Donc, « Parlons Décentralisation énergétique dans un cadre de Bonne Gouvernance ».
Contact : iphcaten@yahoo.es
[1] Physicien Industriel
[2] Commission sur la Gouvernance Mondiale (créée en 1992 par W. BRANDT)
[3] (Cit. A. Guillén & S. Alvarez dans Régionalisation et Protection sociale dans l’Espagne des Autonomies)

LA DISPONIBILITE ENERGETIQUE...

Haïti : La disponibilité énergétique, élément-clé pour la transformation du pays
jeudi 26 avril 2007

Organisations et mouvements sociaux d’Amérique du Sud manifestent une opposition catégorique à un projet de construction d’un mega-gazoduc (du Sud) d´interconnexion énergétique de 8000 km, passant par l’Amazonie….

Par Marc Antoine Archer (1)

Soumis à AlterPresse le 24 avril 2007

« Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir de réagir. » Albert Einstein
Vous vous rendez sûrement compte que nous nous retrouvons actuellement à un tournant décisif de l’histoire énergétique de la Planète. Les ressources énergétiques existantes, prouvées ou estimées, indépendamment de leur importance quantitative, se trouvent soumises à des contraintes de plus en plus fortes.
Les conséquences de la surconsommation énergétique de la société moderne, que l‘on croyait inexistantes et/ou très lointaines, prennent une dimension nouvelle donnant ainsi naissance à de nouveaux paramètres qui modulent les interrelations entre l’être humain, l’habitat, les ressources naturelles, le patrimoine culturel et les éléments idéologiques. Cela crée de nouvelles préoccupations, présentant de sérieux défis et provoquant de graves problèmes pour lesquels la société moderne ne dispose d’aucune solution, immédiate.
Un contexte de contraintes et problèmes graves
Parmi les contraintes, nous pouvons citer :
Les problèmes créés par la localisation des gisements, la facilité d’extraction, la qualité des combustibles ; Les conflits existants dans les zones d’approvisionnement ; L’instabilité politique dans les zones d’approvisionnement ; La pression sociale de plus en plus forte sur l’utilisation des combustibles fossiles et fissiles ; Le nombre sans cesse croissant de « Sinistrés Énergétiques » ; L’obligation de disposer d’une énergie propre, fiable, abordable, afin de réduire le taux de pauvreté, améliorer les conditions de vie et faciliter l’accès à des services énergétiques à un plus grand nombre d’individus.
Parmi les problèmes, graves, nous pouvons citer :
Le changement climatique, le réchauffement global ; La réduction de la couche d’ozone ; La perte de biodiversité ; La pollution des mers, des océans ; La réduction des ressources hydriques et la mauvaise utilisation de la ressource ; La désertification causée par : l’utilisation inadéquate des sols ; les pressions sur les ressources ligneuses ; La dégradation des terres à usage agricole ou forestier et les approches de plus en plus mesquines qui se font de l’agriculture énergétique ; Les problèmes généraux d’assainissement ; Les problèmes d’accès à un logement digne et les conséquences de la pauvreté de plus en plus grave de plus en plus d’individus ; Les problèmes d’accès à l’énergie en général et à l’électricité en particulier pour des millions d’individus ; Les pressions sur les ressources fossiles et autres ressources énergétiques non renouvelables ; Les ponctions, agressives, indiscriminées, sur les ressources ligneuses et autres ressources renouvelables entravant leur mécanisme de renouvellement ; La vision biaisée de « l’agriculture énergétique » et les dysfonctionnements qui peuvent en découler ; La spéculation dans les marchés de l’énergie.
Les enjeux pour Haïti
Si nous voulons survivre, ces nouveaux défis, les contraintes existantes, devront générer de nouvelles attitudes, faciliter le développement de nouveaux comportements ainsi que l’émergence de nouvelles valeurs, à partir des notions de solidarité mutuelle, de la prudence dans les décisions, de l’éthique personnelle et institutionnelle, de la sobriété, aussi bien chez les riches que chez les pauvres.
Cela voudra donc dire une consommation responsable des biens naturels, une gestion cohérente, adaptée et guidée par la prudence face aux problèmes environnementaux, locaux et globaux.
Dans le cas d’Haïti, si l’on tient compte du cadre restreint que constitue l’espace haïtien, on ne peut que se sentir impuissant. L’ampleur de la tâche est surprenante. L’enjeu est de taille.
En plus, certains, et ils sont nombreux, croient qu’il va être impossible de trouver des fonds, en quantité suffisante pour changer la situation. On n’a peut-être qu’à abandonner et suivre le conseil d’un écrivain espagnol, Jorge Riechmann, qui, en 1992, disait d’Haïti qu’il était « … l’un des pays les plus dégradés de la Planète et, ayant dépassé sa capacité de sustentation, il ne reste qu’une seule solution, l’émigration massive des Haïtiens ». Ce qui peut causer la joie de ceux qui ont choisi la démission complète, la mise sous tutelle. Enfin.
Voilà le contexte dans lequel se produit une série de faits intéressants :
Le Venezuela décide de fournir une aide importante à Haïti sous la forme de vente subventionnée de produits pétroliers raffinés ; Le Président Hugo Chavez, suite à une visite à Haïti, décide de faire don au pays de plusieurs centrales électriques, à l’énergie fossile ; Les Etats-Unis d’Amérique, l’un des principaux bailleurs de fonds d’Haïti, décident de faciliter, en Haïti, la production accélérée et subventionnée, d’éthanol, pour l’exportation ; Le Brésil, qui commence à assumer le rôle de leader, dans l’Amérique non anglophone, décide de s’intéresser à aider Haïti sur plusieurs fronts (participation à la Mission des nations unies de stabilisation en Haïti - MINUSTAH – ; construction des usines de fabrication de l’éthanol,etc.)
Il y a de ces actions, qui, soumises à une analyse profonde, semblent correspondre à ce que John le Carré, dans « Le jardinier fidèle », a surnommé la « PHILANTHROPOPHAGIE ».
Comment dire non à des fonds qui peuvent servir de moteur de transformation du pays ?
« A caballo regalado, no le mires el dentado » (Si tu reçois un cheval en cadeau, ne sois pas trop exigeant avec la denture), dit-on en Espagne.
Cependant, dans ce contexte, et pour insister sur les précautions à prendre, je préfère le proverbe suivant : « Cuando la limosna es grande, hasta el santo desconfía » (Si l’aumône est trop grande, même le Saint s’en méfie). Qu’en pensez-vous ?
Revenons au fil de notre développement. Dans le rapport 439 du Sénat Français, vieux déjà de sept ans, nous pouvons lire :
L’énergie est un bien vital et stratégique : L’énergie n’est pas un bien comme un autre, pouvant purement et simplement faire l’objet d’échanges banalisés entre acteurs économiques, à l’abri du regard lointain et totalement désintéressé des pouvoirs publics. Il s’agit en réalité d’un bien nécessaire à tout développement économique et, par là même, stratégique pour tout pays, ou tout groupe humain : la guerre du feu fait partie de l’imagerie populaire, mais également de l’histoire de nos civilisations les plus anciennes.
L’énergie, Condition essentielle du développement économique : L’énergie est indispensable à l’exercice de toute activité humaine. Elle est précieuse, dans la mesure où elle est nécessaire à la satisfaction de l’ensemble des besoins de la société (alimentation, production industrielle, confort, éducation, santé, mobilité, loisirs...).
L’énergie, Fondement de la stratégie des États : « un pays sans énergie est un pays sans avenir. » Ceci explique la stratégie de nombre d’États tendant :
Pour les uns, à faire pression sur leurs partenaires et clients pour les maintenir sous une certaine tutelle économique, voire politique, en maniant les quantités et les prix des approvisionnements en combustibles fossiles. La Russie, après l’URSS, n’use-t-elle pas largement de ce type de pression à l’égard de ses voisins ? Songeons à l’Ukraine ou à la Biélorussie, par exemple ;
Pour les autres, à s’assurer la maîtrise de l’accès aux réserves de pétrole et de gaz. Ainsi, les États-Unis d’Amérique ont-ils toujours privilégié les importations de ressources énergétiques plutôt que l’exploitation de leurs propres réserves. Leur politique étrangère, en particulier au Moyen-Orient, mais aussi, depuis quelques années, à l’égard des pays producteurs d’Asie centrale (Kazakhstan, Turkménistan et Ouzbékistan principalement), est largement conditionnée par leur souci d’assurer la sécurité de leurs approvisionnements en pétrole et en gaz et, au-delà, de maîtriser ce que l’on pourrait qualifier « d’arme énergétique », pour établir un parallèle avec « l’arme alimentaire ».
L’énergie constitue un enjeu d’importance : deux milliards d’individus n’ont pas aujourd’hui accès à l’électricité. L’arrivée sur le marché de ces nouveaux consommateurs des pays en voie de développement pèsera sur le marché énergétique mondial au cours des prochaines décennies, et ce d’autant plus que les ressources énergétiques de la planète sont mal réparties.
Il faudra donc que l’État haïtien, que la Société haïtienne dans son ensemble, se mettent à travailler sur les points ci-devant énumérés de façon à créer un Capital Énergétique Adéquat, une Disponibilité Énergétique suffisante, pouvant faciliter la transformation du pays, car, comme on a dit avant :
L’énergie est un enjeu d’importance ; L’énergie est le fondement de la stratégie des États ; L’énergie est une condition essentielle du développement économique ; L’énergie est un bien vital et stratégique.
Ceci dit, je suppose que l’on peut se mettre d’accord sur le principe de la disponibilité énergétique en tant qu’instrument de transformation. L’énergie n’est pas une finalité, sinon un moyen, un instrument. Sans énergie, on ne peut rien faire, mais, pour en avoir, il faut absolument savoir ce que l’on va en faire. Il faut une vision à moyen et à long terme et une approche holistique du développement du pays. Il faut une planification.
Créer des mécanismes de satisfaction énergétique durable à partir de la production de biocarburants
Les arguments exposés permettent de comprendre pourquoi l’annonce faite par les Etats-Unis d’Amérique, de financer la production d’éthanol en Haïti et dans certains autres pays du Continent américain, est en train de provoquer un spectacle qui montre crûment les différents intérêts créés par l’énergie et qui sont de nature diverse :
Identitaire ; Idéologique ; Économique ; Spéculative ; Technologique.
La proposition de George Bush ou de préférence la proposition conjointe Bush-Lula (Luis Inacio Da Silva), a donné lieu à une grande variété de manifestations de la part des « Acteurs » concernés : Intervention de Chavez, Réaction de Castro, Contre-réaction de Lula, Formalisation de la proposition états-unienne, et, j’imagine, maintenant, Prises de position des différents gouvernements concernés.
Chez nous, de plus en plus d’hommes et de femmes d’affaires s’affairent pour ne pas laisser s’échapper cette opportunité, sans se soucier que la production de biocarburants (non pas simplement d’éthanol) ne doit pas être considérée simplement comme une rentrée de devises pour le pays ou une opportunité en or pour gagner de l’argent, mais plutôt comme une opportunité pour :
Créer des mécanismes de satisfaction énergétique dans une optique de soutenabilité ; Créer les bases nécessaires à la transformation économique ; Créer un capital énergétique suffisant pour les besoins de transformation économique du pays ; Une occasion unique pour la création massive d’emplois.
Les conclusions du sommet de l’énergie à Isla Margarita
Dans ce contexte, les « Grands de l’Amérique Latine » se réunissent, à « Isla Margarita » (Ndlr : Venezuela), pour un « Sommet Sud-Américain de l’Énergie ».
En gros, quelles ont été les conclusions ?
Ils en ont profité, d’abord, pour enterrer la hache de guerre, brandie par Chavez, puis ils se sont accordés principalement sur :
La création d’un système, permettant de garantir les approvisionnements en énergie au niveau des pays de l’Amérique du Sud ; Consolider la Communauté sud-américaine des nations, regroupant les plus grands pays du sud du continent (Argentine, Brésil, Chili, Colombien, Bolivie, Equateur, Paraguay, Pérou, Uruguay, Venezuela), qu’ils ont rebaptisée Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR) ; Lors du sommet, un Conseil de l’énergie (au niveau des ministres) a été créé pour élaborer un "traité de l’énergie régional" devant garantir à la région, selon Chavez, "un système de production et de distribution sûr" à partir des ressources disponibles en pétrole, gaz et hydro-énergie, en énergies alternatives (bio-combustibles, éolienne, solaire), grâce aux économies d’énergie ; Établir les bases de la construction du « Réseau du Gaz », le Gazoduc du Sud, sorte de Mégaprojet énergétique qui prétend relier sur quasiment 10.000 Km, le Venezuela, le Brésil, l’Argentine et desservir, par des bretelles, d’autres pays adjacents.
A l’époque du contrôle de la consommation, de la maîtrise de la consommation énergétique, de la recherche d’efficacité, de la décentralisation de la production, nous revenons encore une fois sur des procédés qui devraient commencer à disparaître même chez ceux qui ne souffrent pas de « privations énergétiques ».
Le problème de la construction d’un mega-gazoduc en Amérique du Sud
La disponibilité énergétique chez nos voisins, les mieux pourvus de l’Amérique, est énorme. Leur responsabilité aussi. Aussi bien au niveau de la gestion des ressources énergétiques que dans l’optique de faciliter aux plus dépourvus, aux plus nécessiteux, les ressources énergétiques dont ils ont besoin pour leur transformation. Cependant, cela ne peut se faire aux dépens de l’environnement et, l’impact d’un gazoduc est énorme :
Impact social (sur l’environnement humain et social des zones traversées) ; Impact environnemental ; Impact économique positif.
Déjà, les réactions ont commencé contre ce Projet Pharaonique. Voilà un extrait d’une lettre ouverte envoyée aux Présidents Nestor Kirchner, Lula da Silva et Chávez Frías :
Face à la dangereuse situation qui menace l’Amazonie à cause des décisions prises pour la construction de ce mega-gazoduc, qui commencerait dans l’embouchure de l´Orénoque au Venezuela, traversant le coeur de l´Amazone au Brésil jusqu’à Buenos Aires en Argentine, nous, citoyens, organisations et mouvements sociaux d’Amérique du Sud, qui signons cette lettre, préoccupés par la défense de notre planète, et compromis avec ses habitants et avec le destin des générations présentes et futures, manifestons notre opposition catégorique à ce projet d´interconnexion énergétique qui durant son parcours de 8000 km passerait par des régions de grande fragilité écologique, sociale, culturelle et d’extrême importance pour la vie, les affectant de manière irréparable. Cela, selon nous, serait le pas définitif vers la destruction de l’Amazonie, de la Guyane vénézuelienne et de divers écosystèmes de la côte caribéenne et atlantique, représentant un danger imminent pour la région avec des conséquences dévastatrices pour la planète…
… L´intégration entre nos peuples est pertinente et nécessaire, mais doit se baser sur un échange social et culturel enrichissant, sur un dialogue de savoirs, sur l´échange d´expériences agro-écologiques, sans éléments génétiquement modifiés, ni monoculture, sur la diminution du déficit énergétique basé sur l’emploi conscient de l’énergie et sur la production d´énergies alternatives au travers de processus écologiques …
… En conclusion et nous basant sur ce que nous exposons dans cette lettre, nous vous demandons de rejeter de manière définitive la construction du “Gazoduc du Sud” comme moyen pour couvrir les nécessités énergétiques de l’Amérique du Sud et chercher une option qui s’accorde avec la réalité écologique, sociale et économique de la région.
Pour un conseil assesseur de l’énergie en Haïti
Les grands débats actuels sont tous centrés sur l’énergie : la consommation, la disponibilité, l’approvisionnement, la sécurité énergétique et la sécurité des installations contre « le danger terroriste », l’épuisement des ressources, les impacts causés par l’utilisation abusive des ressources énergétiques (fossiles et fissiles surtout) sur l’être humain, sur l’environnement physique et social.
Tout tourne donc autour de l’Énergie, tout s’oriente vers la recherche de la satisfaction énergétique.
Et voilà qu’Haïti reste toujours le dernier de la classe. À attendre ce que les autres vont dire et faire pour nous.
Nous avons un besoin pressant de disposer d’énergie, en quantité suffisante, suffisamment bien consommée. Pour cela, des mécanismes de planification, de contrôle, de réglementation, sont indispensables.
Cela veut dire que l’existence, en premier lieu, d’un « Conseil Assesseur de l’Énergie » devient une priorité et, en deuxième lieu, un Ministère de l’Énergie, qui prenne les décisions adéquates et facilite un « Pacte pour l’Énergie » dont nous avons besoin de façon urgente.
Il s’agit enfin de voir et de croire qu’il faut absolument faire de l’énergie une priorité, car sa disponibilité n’est pas une finalité, sinon un instrument absolument nécessaire pour la transformation du pays.
Nous avons l’obligation de travailler à l’obtention d’un Capital Énergétique suffisant. C’est un Élément-clé pour la transformation du pays.
C’est une condition non suffisante, certes, mais absolument nécessaire. Et, il nous revient maintenant, à toutes et tous, le devoir de nous préoccuper pour son obtention et sa consommation de façon responsable.
Avril 2007
(1) Marc Antoine ARCHER , Physicien Industriel
iphcaten@yahoo.es

PORT-AU-PRINCE PEUT-IL ETRE SAUVE

« Nou tout Konte » - Chronique sur Population et DéveloppementHaiti : Port-au-Prince peut-il être sauvé ?
mercredi 24 octobre 2007

P-au-P., 24 oct. 07 [AlterPresse] --- Sur chaque dix membres de la population haïtienne, six vivent en milieu rural. Les statistiques montrent toutefois que le taux d’urbanisation est en augmentation constante. Dit autrement, la population des villes ne cesse de croître.
Le recensement (de population) réalisé par l’Institut Haïtien de Statistiques (IHSI) en 2003 montre que sur chaque dix Haïtiens, quatre vivent dans les villes. Par rapport aux autres départements, l’Ouest est devenu une macrocéphalie. Sept Haïtiens sur dix vivent en effet dans le dit département.
L’aire métropolitaine (de Port-au-Prince), qui comprend Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Carrefour, Croix-des-Bouquets, Cité Soleil et Tabarre, est le principal pôle d’attraction de tous les migrants du pays.
Comme le souligne le statisticien-démographe Jacques Hendry Rousseau, « l’aire métropolitaine (de Port-au-Prince) se détache comme une grande agglomération urbaine ayant des caractéristiques particulières ».
L’expert du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) parle de véritable explosion urbaine. « On remarque par exemple à Port-au-Prince une plus forte présence physique à travers les rues que par le passé », fait-il remarquer.
Si la population de Port-au-Prince continue d’augmenter à ce rythme (4,9% par an), la capitale haïtienne comptera quatre millions d’habitants dans les dix prochaines années. Pour l’ensemble des villes du pays, le tableau n’est pas moins préoccupant.
Jacques Hendry Rousseau rappelle que « en 2012, la moitié de la population habitera dans les villes. Treize ans après, soit en 2025, la population urbaine (à l’échelle du pays) s’élèvera à sept millions d’habitants ».
Au nombre des conséquences de cette urbanisation sauvage, nous pouvons citer la dégradation de l’environnement, la multiplication des bidonvilles, le déboisement des mornes, les amas de fatras dans les rues, le pullulement des marchés anarchiques et d’autres activités informelles, les menaces auxquels sont exposés des membres de la population en période d’intempéries.
Au cours des dernières années, de nombreux Haïtiens et Haïtiennes ont péri à la suite du passage sur Haïti de tempêtes et ouragans divers comme Gordon, Georges, Jeanne et Alpha.
Pour Jacques Hendry Rousseau, la crise de l’électricité est liée par exemple, dans une très large mesure, au processus de l’urbanisation. Le démographe évoque aussi le déficit grandissant en matière d’eau potable, la pression sur le transport public aux heures de pointe particulièrement, des gens qui s’amassent dans les coins de rues pour attendre le « tap tap » (véhicule de transport populaire).
« Autant de signaux qui sont évidents dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince… et puis (…) la dégradation physique de l’environnement : vous allez voir des tonnes de fatras sur de très courtes distances, (…) des poches de pauvreté qui se développent au niveau de la périphérie », ajoute Rousseau.
L’avenir s’annonce sombre si rien n’est fait pour renverser la tendance.
Pour freiner l’augmentation (accélérée) de la population de Port-au-Prince, Haïti se devrait d’appliquer une politique de population axée sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), de réfléchir au développement d’autres pôles de croissance, de mettre en œuvre un programme qui prend en compte les aspects économique, social, environnemental et les dimensions liées au transport.
Haïti se devrait également de mettre en place un plan d’aménagement du territoire et de doter les zones isolées (ou enclavées) d’infrastructures de base en vue d’encourager l’investissement. [vs gp apr 24/10/07 12:00]
Notes : Pour ce texte, nous sous sommes inspirés de documents de l’IHSI, de l’UNFPA, du RNPD et d’un entretien avec le stasticien-démographe Jacques Hendry Rousseau.
……………
Cet article fait partie d’une série intitulée « Nou tout konte » et réalisée avec le concours du Fond des Nations-Unies pour la Population (UNFPA). Dans ce cadre, des chroniques radios hebdomadaires sont également diffuées sur Radio Kiskeya suivant l’horaire ci-dessous : - Mardi, au journal de 6 :00 AM - Mercredi au journal de 7 :00 AM - Jeudi au journal de 4 :00 PM - Vendredi, peu avant le journal des sports (12 :55 PM)

LA DEGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT...

Haiti : La dégradation de l’environnement, symptôme d’un mal développement
mardi 13 novembre 2007

Raoul Vital / Groupe d’Intervention et de Recherche Sociale (GIRES)

Soumis à AlterPresse le 9 novembre 2007

L’environnement d’Haïti subit les conséquences de modèles de développement incommodes. A cause de leur pénétration brutale, ces recettes de développement à l’occidentale, ont eu des implications socioculturelles importantes. Il en résulte le déboisement du pays, la dégradation de l’économie paysanne, l’exode rurale et la construction de bidonvilles dans les périphéries des principales villes du pays.
Ce ne sont pas les couches les plus marginalisées auxquelles les gouvernements font l’aumône après chaque catastrophe naturelle qui sont responsables de cette désorganisation/réorganisation du tissu économique et social du pays. Les discours qui tendent à culpabiliser les paysans et les habitants – les anciens paysans - des bidonvilles sont de même nature que les mythes du développement qui détruisent les pays dits du Tiers Monde, tels s’ils sont pauvres c’est leur faute, s’ils veulent se développer ils doivent s’industrialiser, s’ils veulent créer des emplois ils doivent s’ouvrir à l’investissement de capitaux étrangers. Voyons de plus près les conséquences de ces mythes sur l’environnement du pays.
Le développement tel qu’il a été conçu à l’Ouest est d’abord un processus d’industrialisation dans la mesure où il vise la transformation des économies locales de faible productivité en des économies industrielles. Ces économies industrielles exigent l’investissement de capitaux. Or, en Haïti les élites économiques ne disposent pas de capitaux nécessaires pour propulser le pays vers cette phase de développement. Pour cette raison les acteurs économiques sont donc obligés de se tourner vers les capitaux étrangers avec comme corollaire un autre type de colonialisme après la période de décolonisation : colonialisme économique.
Ce nouveau visage du colonialisme a abandonné sa mission qui est de civiliser les pays attardés pour adopter une nouvelle : développer le Tiers Monde. Les Nations-Unies, suite à une proposition du président américain John Kennedy, l’ont clairement exprimée dans leur plan de développement pour le Tiers Monde appelé « Décennie de développement ». Cette idée de développement économique lancée en 1961 suppose à cette époque la croissance économique dont la mesure est le Produit National Brut (PNB) et la transformation des sociétés traditionnelles en sociétés industrielles modernes, c’est-à-dire le passage d’une économie rurale à une économie urbaine.
Cette phase de développement impliquait le bouleversement du milieu ambiant. Alors, comment obtenir la croissance économique tout en préservant l’environnement ? C’est ici que se pose donc tout le problème de développement durable.
Les politiques de développement adoptées dans les années 60 ont été marquées par des approches modernistes et keynésiennes selon lesquelles il faut s’appuyer sur des filières porteuses, telles le financement des institutions internationales, l’exportation des techniques pour stimuler des pôles de croissance. Ces stratégies ont échoué dans les pays dits Tiers Monde en créant l’inflation et l’endettement. En 1970, la dette extérieure nette d’Haïti était de 40 millions de dollars. Huit ans après, soit en 1978, elle s’élevait à 163 millions de dollars.
La pénétration des capitaux étrangers a eu également de graves conséquences sur les exportations. Haïti exportait biens et services, en 1960, à hauteur de 54,4 millions de dollars. En 1968 ce chiffre est révisé à la baisse soit 47 millions de dollars. L’exportation du café qui constituait le pilier de l’économie paysanne est en régression à la suite de l’adoption du modèle de développement fabriqué à l’Ouest.
En 1963, Haïti exportait 26387 tonnes de café alors qu’en 1968 elle n’exportait que 19498 tonnes. Les paysans qui vivaient du café, à cause de la dévalorisation de leur produit, sont obligés de chercher d’autres sources de revenus. Certains sont donc dirigés vers des centres urbains où on leur avait promis de l’emploi.
Entre autres conséquences, la population urbaine est passée entre 1950 et 1971 de 12% à 20% de la population totale. Cette situation a provoqué la pression démographique sur les zones urbaines. La dégradation de l’environnement s’est également accélérée durant cette période.
En 1979, on estimait que, seulement à Jean Rabel (Nord-ouest), 250 sacs de charbon équivalents à un millier d’arbres, partaient quotidiennement vers Port-au-Prince. Selon Luc Pierre-Jean, entre 1950 et 1986, la superficie forestière d’Haïti est passée de 18% à 3% (Revue Conjonction, mai 1989). Si rien n’est fait pour arrêter la déchéance, le pays doit s’attendre au pire. Comment arrêter donc la dégradation et concilier les politiques de développement à la protection de l’environnement ?
Le Consensus de Washington, paru vers le milieu des années 80, pour corriger les effets désastreux de la décennie de développement n’a pas apporté les résultats espérés par le Tiers Monde. Cette nouvelle stratégie de développement axée sur l’adoption de programmes d’ajustement structurel ne fait qu’accélérer la dégradation socioculturelle et environnementale du pays. On assiste donc aujourd’hui à l’effondrement des mythes de développement dans la mesure où les pays du sud n’arrivent pas à calquer les modèles occidentaux. Certains parlent de la fin du développement.
Vers la fin des années 90 est apparu un nouveau paradigme qui tient compte de l’implication des différents acteurs du développement, tels la société civile, l’État et les investisseurs. La concertation entre ces acteurs est appelée à corriger les effets négatifs du développement : concentration urbaine, inégalités sociales, destruction de l’économie paysanne, déboisement.
Pour se donner bonne conscience face à la dilapidation des ressources des pays sud pauvres, les maitres du monde ont adopté des mesures de toute sorte : Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ; et chez nous Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP).
Contrairement aux analyses superficielles des causes de dégradation de l’environnement, les urgences de l’heure nous obligent à tenir compte des causes structurelles. Les analyses des causes structurelles peuvent amener à la conclusion que les politiques de développement sont des sources d’instabilité.

POUVOIRS CONTRE POUVOIRS...

Haïti : Pouvoirs contre pouvoirs ou les mécanismes de fonctionnement d’une bossalocratie
mercredi 5 décembre 2007

Par Eric Sauray [1]
Soumis à AlterPresse le 25 novembre 2007
La norme et le hors norme dans le football
La politique est un jeu . [2]
Elle comporte des règles de participation à la lutte pour l’accession au pouvoir. Elle comporte aussi des règles applicables dans l’exercice du pouvoir.
Le respect de ces règles assure le bon déroulement du jeu [3]et donc un fonctionnement normal et régulier des institutions. Leur non respect conduit à l’anarchie, la crise et au changement de règles.
Ces règles déterminent donc les comportements des acteurs politiques. Elles servent aussi à disqualifier ceux qui les transgressent. Elles servent enfin à qualifier les régimes. C’est ainsi dans les grandes démocraties contemporaines . [4]
Ce n’est pas le cas dans les Etats désorganisés, où la règle est trop souvent et volontairement bafouée, méprisée et violée. Pour ces pays, même en présence de règles, on a le plus grand mal à qualifier le régime. C’est le cas d’Haïti.
En effet, qui peut dire quelle est la nature du régime politique haïtien actuel ?
On peut tenter des qualifications, en fonction des normes rationnellement établies et des exemples étrangers. Mais, compte tenu de la spécificité d’Haïti, on a de fortes chances de se tromper.
Mais, l’objectif du théoricien est de chercher encore et encore, et de s’inspirer de ses observations afin d’apporter des solutions. C’est ainsi que je me suis inspiré du football pour avancer une proposition de qualification du régime politique haïtien actuel.
Après tout, ces dernières années ont vu le football accéder au statut de science pour servir les causes des théoriciens de la géopolitique. Les coupes du monde sont l’occasion d’élaborer des thèses qui expliquent les grandes tendances de la mondialisation , [5] l’émergence des puissances globales ou la fin de certains empires. Dès lors, je m’autorise le droit d’aller chercher dans le football, un concept pour qualifier le régime spécifique sous lequel vivent les Haïtiens.
En football donc, les deux équipes qui jouent une partie se mettent d’abord d’accord sur les règles. Le joueur, qui ne respecte pas les règles et qui fait des actes non autorisés, hérite d’un carton jaune ou est exclu. Il y a donc une sanction.
Que le joueur soit d’accord ou pas, il devra se soumettre à la sanction. Si sa réaction est trop violente, il sera condamné plus sévèrement au nom de la pérennité du jeu, de ses instances dirigeantes et de ses valeurs.
De même, lors d’un match, après la fin du temps réglementaire et de la période de prolongation, le jeu est terminé pour les équipes, pour l’arbitre et ses assesseurs, pour le public et tous les professionnels qui vivent de ce sport.
C’est une norme. Elle ne se discute pas.
Ainsi, y a-t-il la norme (le temps imparti pour le jeu) et la tolérance par rapport à la norme (les prolongations admises). Hors de cette norme, on n’est plus dans le jeu.
D’autres règles s’appliquent. Elles ne relèvent pas de la présente note doctrinale.
Au football, il y a des grands, des bons, des moyens et de mauvais joueurs. A travers le monde, les mauvais joueurs sont qualifiés de brutes et ont mauvaise presse.
La notion de brute ne me permettra pas de qualifier le régime politique haïtien. Je ne la retiens donc pas.
En revanche, en Haïti, les mauvais joueurs sont connus sous l’appellation de Bossales. La notion de Bossales n’existe pas en français.
Et même si elle fait partie du vocabulaire sociologique franco-haïtien grâce aux travaux originaux de Gérard Barthélemy , [6] elle ne fait pas partie du vocabulaire politique universel.
Je prends le droit de l’utiliser et espère qu’il connaîtra ainsi un sort heureux et sera désormais utilisé pour parler du régime politique haïtien.
Ce choix s’explique par la clarté de la notion et parce qu’elle fait déjà partie de l’imaginaire politique des Haïtiens.
En effet, en Haïti, le Bossale donc c’est celui qui, dans le football, ne respecte rien. Il fait le contraire de ce que prescrivent toutes les règles. Il est violent et, surtout, il n’accepte jamais la sanction qui lui est infligée. Ce qui fait qu’à cause de lui, un match peut dégénérer très vite. Et quand, sur un terrain, il n’y a que des Bossales, le match est insipide, violent et on désespère du football.
La transposition d’un concept footballistique dans le champ politique
Je transpose maintenant mon raisonnement sur le terrain politique haïtien.
Que vois-je en observant l’arène politique ?
Des hommes de pouvoir qui revendiquent leurs propres règles, qui désignent leurs propres juges, qui refusent l’application à leur encontre de toute sanction et qui violent allègrement les lois, sous prétexte que, de toutes façons, elles n’ont jamais été appliquées.
Pire. Quand je transpose mon raisonnement au fonctionnement des institutions haïtiennes, que vois-je ?
Des institutions qui s’affrontent. Le Président (le pouvoir exécutif) est opposé au Parlement (pouvoir législatif). Le parquet (branche du pouvoir judiciaire) est opposé au Conseil Electoral. Le Parquet est opposé à la Police. Chacun revendique sa propre loi ou son propre juge. Chacun conteste l’autorité de l’autre et invente des règles qui n’existent pas, tandis qu’il rejette celles qui existent, même lorsqu’elles sont claires.
Les citoyens ne sont pas en reste.
Un homme, arrêté sous des accusations graves, réunira ses partisans, au lieu de soumettre son cas à un juge. Un individu, sanctionné par ses supérieurs hiérarchiques, manifestera son refus de la règle et de la sanction en utilisant les moyens les plus répréhensibles.
Un citoyen, opposé à un autre dans un litige, ira chercher son cousin policier pour régler l’affaire au plus vite par quelques coups de bâtons et un emprisonnement dans les formes haïtiennes les plus classiques : sans aucun procès et suivant le bon vouloir du plus fort.
Les mécanismes de la bossalocratie
Ainsi, considéré-je donc qu’en Haïti, nous avons affaire à une bossalocratie. Une bossalocratie, parce que la séparation des pouvoirs est entendue et pratiquée comme un clivage des pouvoirs.
Ainsi, au lieu d’une coopération des pouvoirs, assiste-t-on à des affrontements entre pouvoirs où le but est de savoir qui est le vrai chef.
Nous sommes dans une logique de pouvoirs contre pouvoirs.
Il n’y a donc pas de contre-pouvoirs.
Dans ce type de régime, personne n’est exemplaire. Du citoyen au chef de l’Etat, toute la société est dans un combat de suprématie, où chacun doit prouver qu’il est le seul détenteur du pouvoir.
Et comme tout le monde raisonne de la même façon, c’est l’anarchie, la crise et le chantage permanents.
En bossalocratie, les meilleurs sont la risée des plus forts et des plus fourbes qui leur barrent les allées du pouvoir au nom des deux étalons les plus injustes du monde : le nombre et l’épiderme.
En bossalocratie, les gredins ont la priorité sur les théoriciens.
En Bossalocratie, les droits humains sont une pure pétition de principe, puisque n’importe qui peut violer les droits de tous les citoyens en toute impunité.
En bossalocratie, les citoyens croupissent dans une misère inhumaine. C’est l’impasse la plus complète, parce que les institutions sont paralysées et parce que les Bossales ont encore le culot d’imposer aux citoyens des règles rigides décalées et sans rapport avec le monde d’aujourd’hui. Des règles qu’ils ne respectent pas, mais que toute la société doit subir sous prétexte que le peuple avait voté.
Cela pousse les citoyens à fuir afin de se retrouver dans des territoires moins hostiles, alors qu’ils pourraient rester dans leur pays pour le construire au lieu d’assister, comme Jacques Stephen Alexis, en son temps déjà, à cette : « marche inexorable de la terrible maladie, cette mort lente, qui chaque jour conduit notre peuple au cimetière des nations comme les pachydermes blessés à la nécropole des éléphants. » [7]
La force et la ruse comme moyen de résolution des problèmes politiques
En bossalocratie, tout est fondé sur le rapport de forces, la ruse, la fourberie et la capacité de nuisance.
Et comme il s’agit d’affrontements entre pouvoirs, à un moment une décision tombe par le fait du prince.
Les derniers événements politiques en Haïti nous permettent d’illustrer nos propos.
Un Conseil Electoral a été formé en 2005 pour organiser des élections. Depuis 2006, il ne cesse d’organiser des scrutins les uns plus douteux que les autres.
A cause des dissensions [8] au sein de l’organisme, le cycle électoral n’a pu être bouclé. Il se trouve donc que des élections doivent être organisées pour renouveler le tiers du Sénat (Pouvoir législatif).
Le Président de la République (Pouvoir Exécutif) veut des élections, mais constate que le mandat du Conseil électoral est arrivé à son terme. Il se prononce en privé pour la formation d’un nouveau Conseil Electoral.
Et nous voilà partis dans un imbroglio, où chacun édicte ses règles, choisit ses juge,s sans oublier les polémiques collatérales entre Parquet et Presse, Institutions indépendantes et Parlement.
Tout le monde s’insulte. Les accusations de corruption fusent de toute part. L’église bohicane a fait son constat très juste et sans concession qui résume tout : « Nous avons noté une attitude vindicative, on dirait des enfants en train de jouer. » [9]
Le problème, c’est que nous avons affaire à des enfants qui jouent avec l’avenir de millions de citoyens.
C’est dans ce contexte que le Président de la République a sans doute pris la décision, non encore rendue publique, de constater que de toute façon, le Conseil Electoral n’était plus habilité à organiser les élections. Ce qui a permis aux institutions et à la classe politique de faire des déclarations qui sont de vrais florilèges.
Ainsi, un haut responsable politique a-t-il déclaré : « C’est un brigandage social et politique tendant à perpétuer le système rétrograde qui détruit le pays. » [10]
Les dirigeants du Conseil électoral ont sorti un communiqué pathétique, dans lequel on a pu apprécier le talent littéraire de ses auteurs :
« Le temps a passé, et voilà que l’échéance constitutionnelle du renouvellement du tiers du Sénat nous talonnait. Conscients de cette exigence et de la claire non-pertinence de notre mandat à cette fin, nous fîmes à temps à l’Exécutif les propositions appropriées. Pour avoir semé le vent qui agitait les signes avant-coureurs d’élections nécessaires et obligatoires, nous avons récolté la tempête d’une inopportune et martiale convocation, faisant balancer dangereusement au-dessus de nos têtes l’épée de Damoclès et son cortège de misère et de malheur. » [11]
D’autres organismes, tels que l’Initiative de la Société Civile, le Centre pour la Libre Entreprise et la Démocratie et la fédération Protestante d’Haïti ont, tantôt apporté leur soutien au conseil électoral, tantôt avancé des arguments qui justifient qu’on mette fin aux fonctions du Conseil électoral.
Et après ?
Et après, la vie continue en bossalocratie : les puissants s’affrontent et font des alliances, les meilleurs fuient au Canada ou aux Etats-Unis, les malins génies règnent, les élites se préparent pour le prochain carnaval [12], pendant que le peuple continue de croupir dans la misère la plus atroce.
C’est une autre façon de dire que, pendant tout ce battage médiatique où il s’agit de se compter, les problèmes concrets des citoyens ne sont pas traités.
Et Haïti va se payer le luxe d’une nouvelle crise politique pour des raisons purement égoïstes.
Le chantage de la crise comme moyen de régulation systémique
En Bossalocratie, toute décision entraîne un lot de critiques. Dès qu’un acteur prend une décision, il devient suspect et tous les autres acteurs du système se liguent, suivant une logique de bandes pour lui contester sa légitimité, l’accuser de tous les maux, lui imputer la responsabilité de tous les dysfonctionnements affectant le système.
En Bossalocratie, il y a une négation permanente de l’autorité qui dénote un manque cruel de respect pour celui qui incarne les institutions et qui a le tort d’exercer une fonction que tout le monde lui envie.
Bien entendu, la contestation et/ou la négation de l’autorité ne se font pas sur la base d’arguments rationnels et solides. Elles se font d’abord sur la base de réactions verbales ou écrites, où la colère l’emporte sur la réflexion.
Mais le chantage de la crise est l’argument majoritairement utilisé pour contester une décision.
Ainsi, en Bossalocratie, ne faut-il jamais penser, jamais proposer de changer les choses, jamais décider. Dès lors, celui qui décide est systématiquement accusé d’alimenter, d’aggraver ou d’institutionnaliser la crise.
La peur de la crise devient, avec l’usage de la force ou de la ruse, un moyen de régulation du système. Mais, elle est aussi un élément au service d’un conservatisme destructeur. En réalité, on a juste un équilibre par la terreur.
L’actualité nous fournit un autre exemple qui permet d’illustrer nos propos et donc de légitimer notre thèse.
Le 17 octobre 2007, le Président René Préval annonce une nécessité de réviser la constitution de 1987. Ce simple constat a soulevé un tollé dans la classe politique, et tous les acteurs se sont crus habilités à insulter le chef de l’Etat.
Ainsi, au nom d’une stratégie de l’encerclement, toutes les institutions ont-elles fait connaître leur position.
Certains ont rejeté l’initiative, allant jusqu’à critiquer l’intention du Président de la République dans sa volonté d’associer des experts étrangers aux travaux d’une éventuelle commission chargée de faire des propositions pour la révision.
D’autres ont dit, non sans raison, que ce n’était pas opportun. C’était, à peu près, le seul argument de bonne foi.
D’autres enfin ont accusé le chef de l’Etat de mettre la démocratie en péril et d’instaurer un pouvoir autoritaire.
On déduit aisément de ces interventions, que tout le monde a le droit de donner son avis sur la Constitution, sauf le chef de l’Etat. De ce fait, il s’est retrouvé encerclé et sommé de renoncer à son projet.
C’est à ce moment que la vraie nature de la Bossalocratie est perceptible. Ainsi, ce que n’importe quel individu pourrait considérer comme anormal, informel, désorganisé, anarchique, est-il considéré comme normal en Bossalocratie.
Et l’argument décisif, avancé avec la plus grande mauvaise foi et donc la plus grande incompétence, c’est que, si ça ne marche pas, c’est parce que la Constitution n’est pas appliquée.
Il est donc interdit de poser la question de l’efficacité des institutions. Autrement dit, en Bossalocratie, l’efficacité ne compte pas.
Ce qui a de l’importance, c’est la préservation d’un système supposé bon, qui fait l’affaire des conservateurs. Des conservateurs, pour qui l’essentiel est d’exister et d’avoir une capacité de nuisance dans un système obscur.
Bref, ce qui paraît défier le bon sens dans n’importe quel autre pays, constitue la norme sine qua non en Bossalocratie.
Et celui qui prétendra changer les choses aura toujours tort. Il sera toujours à l’origine de cette lutte de pouvoirs contre pouvoirs, que seule la communauté internationale et les ambassades peuvent arbitrer à tour de rôle, ce qui leur donne un rôle central dans la naissance ainsi que dans la résolution des crises. Et, comme elles sont les seules écoutées ou respectées, quoi que disent les acteurs de la bossalocratie, elles représentent les acteurs politiques les plus efficaces dans un univers où elles ne sont censées représenter que les intérêts des Etats qu’elles représentent.
La bossalocratie défie les lois du constitutionnalisme
Pour résumer, en Bossalocratie, les droits humains dépendent du bon vouloir de chacun et ne sont pas garantis. Même s’ils sont définis formellement dans la Constitution, n’importe qui peut les remettre en cause sans aucune sanction.
Il n’y a pas de souveraineté, parce qu’un arbitre extérieur est toujours nécessaire, sinon c’est la guerre permanente entre les factions.
Enfin, la théorie de la séparation des pouvoirs ne s’applique pas, parce que, même s’il y a une hiérarchie des pouvoirs au sens lockéen dans la pratique, cela ne fonctionne pas, puisque les pouvoirs s’affrontent.
Mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce régime en soi convient à ses acteurs, puisque c’est un régime qu’ils ont volontairement inventé en amalgamant les différents régimes connus en Europe et/ou en Amérique du Nord.
C’est pour cette raison que tous ceux qui avancent des idées de réforme sont suspects. Ainsi, même si tout le monde trouve la Constitution trop rigide et difficilement applicable, ne faut-il pas le dire pour ne pas essuyer les remontrances, les invectives voire les brimades.
Le tout est de donner l’illusion que cela fonctionne. Ce qui défie l’entendement.
Dès lors, on est obligé de se demander pourquoi les acteurs d’un tel système politique sacralisent des règles qu’ils ne respectent pas.
Une des réponses consiste à dire que, en Bossalocratie, les institutions sont créées par mimétisme . [13] Le but est de montrer que les nouveaux libres sont capables de parler le langage des anciens colons.
Ensuite, ils font des règles pour maîtriser l’adversaire, c’est-à-dire celui qui voudrait modifier le système. Dans ce cas, les règles participent uniquement de la lutte pour le pouvoir . [14]
Le problème, c’est que la Bossalocratie fonctionne avec des règles édictées par une minorité et comprises par elle seule. La plupart du temps, ces règles sont décalées et n’ont aucun rapport avec la société qu’elles sont censées régir.
Celui, qui souhaite faire évoluer les règles pour les adapter à la réalité sociale vécue par le plus grand nombre, prend le risque de remettre en cause le pouvoir détenu par cette minorité sur une majorité peu informée et qui, pour certains, doit d’abord se préoccuper des problèmes du ventre avant de se préoccuper des problèmes institutionnels.
Ce mépris a été traduit électoralement par des slogans de campagne très simplistes : « la pè nan têt, la pè nan vant » , [15] « poze, depoze, repoze » . [16]
Des slogans qui traduisent avant tout la désinvolture des acteurs politiques et mettent l’accent sur la violence politique qui paralyse la faculté de penser et empêchent le citoyen de se nourrir.
Des slogans qui oublient que les citoyens ne mangeront et ne seront en paix que lorsqu’ils auront résolu leurs problèmes institutionnels, c’est-à-dire lorsqu’ils auront fait le consensus sur le partage du pouvoir et établi les modes de coexistence pacifique.
Le problème, c’est que cette mentalité conservatrice et rétrograde se retrouve dans les secteurs de la vie sociale et que Haïti fait partie des rares pays au monde où, plus le temps passe, plus les gens sont pauvres et plus les élites économiques et les gouvernants sont riches et corrompus. Il n’y a jamais d’acquis institutionnels.
Ainsi, depuis 1987, Haïti organise-t-elle des élections. En 2007, Haïti est incapable d’avoir un système électoral fiable et crédible, parce que, chaque fois que les hommes qui font vivre le Conseil électoral changent, ils partent sans rien laisser à leurs successeurs.
Sans mémoire, que peut-on changer à la vie des hommes ?
La Bossalocratie : un régime d’impasse et de partage des dépouilles institutionnelles
Pour finir, il faut analyser deux exemples pris pour illustrer le fonctionnement de la bossalocratie.
Ces exemples sont intéressants, parce qu’ils ont pour points de départ et d’arrivée, le même acteur politique : le Président René Préval.
Dans le premier exemple, qui concerne le Conseil Electoral, René Préval est celui qui doit décider ou qui a décidé. Alors que des rumeurs fusent ici ou là, au lieu de prendre une décision nette et précise, il se tait et laisse faire. Puis, une fois les tensions apparemment apaisées, on apprend que le Président de la République consulte pour créer un nouveau conseil électoral. Ce qui laisse supposer qu’il a vraiment mis fin au mandat du Conseil électoral, alors qu’aucun texte réglementaire n’a été édicté.
Dans le même temps, toutes les institutions qui s’étaient mises en croix pour contester l’éventuelle décision de mettre fin au mandat du Conseil électoral, ont proposé, sans aucun état d’âme, des noms de personnalités pour la constitution du nouveau conseil chargé d’organiser les élections. Pour être sûr qu’un de leurs hommes liges soit retenu, certaines organisations ont proposé deux noms.
En analysant les faits, on se rend finalement compte que les pouvoirs se sont mis d’accord pour partager les dépouilles du Conseil électoral.
Par conséquent, les contestations et les conflits soulevés à l’occasion de la fin du mandat du conseil électoral avaient uniquement pour objectif de placer des pions au sein du nouvel organisme électoral. Il s’agissait de prendre sa place dans le nouvel organisme afin d’être toujours en mesure de participer à la lutte des pouvoirs contre les pouvoirs, étant entendu que pour mieux contester le pouvoir, il vaut mieux en faire partie.
Ce qui fait que les acteurs ne se sont nullement inquiétés de savoir si la composition du nouvel organisme provisoire en cours de fabrication était conforme aux articles 192 ou au pire à l’article 289 [17] de la Constitution de 1987.
Le problème, c’est que l’article 289 est une disposition transitoire qui, théoriquement, ne s’applique plus. L’article 192 réserve le choix des membres du Conseil électoral aux trois pouvoirs, auxquels les citoyens délèguent l’exercice de la souveraineté nationale en vertu de l’article 59 de la Constitution de 1987.
Or, là, on assiste à un défilé de propositions par une ribambelle d’institutions dont l’objectif est de participer au partage des espaces de pouvoir. Et comme il s’agit de partager une manne, toutes les institutions constituées ou auto proclamées forces vives viennent réclamer leur part, sans qu’on ne puisse pas apprécier le bien fondé ou la légitimité de leurs prétentions.
Mais, comme nous l’avions dit, en Bossalocratie, le but n’est pas de respecter la Constitution. On n’exige le respect de la Constitution que lorsqu’on est sûr d’être pénalisés par les décisions prises sur son fondement.
En revanche, si les décisions prises sur son fondement ne remettent pas en cause les positions acquises, mais assurent une place dans le partage des prébendes de l’Etat, tout le monde s’y associera avec le plus grand cynisme, au nom d’un soi disant consensus éclairé.
C’est l’application des principes de l’Etat clientéliste dit « Etat Moun pa » en Haïti. Cet Etat Moun pa, qui entretient l’injustice et perpétue le règne de la loi du talion, la loi du plus fort ou plus trivialement, la loi de celui qui peut mobiliser le plus de pouvoirs institués pour participer à la guerre des pouvoirs.
Dans le deuxième exemple, alors qu’il n’y a aucune urgence à ouvrir un débat sur une éventuelle révision de la Constitution, qui, de toutes les façons, ne peut se faire avant 2010 , [18] le Président René Préval a lancé le débat. Ce faisant, il a ouvert une polémique qu’il n’est pas à même de contrôler.
Et même s’il a su apaiser les acteurs du système en leur donnant une part des dépouilles du Conseil électoral, il n’est pas sûr de s’en faire des alliés dans sa volonté de réviser ou d’abroger la Constitution. Mais, ce qui me semble intéressant, c’est le comportement politique du Président René Préval. Il ne fait rien quand il faut agir, alors qu’il y a des enjeux.
A l’inverse, il agit quand il n’y a pas grand-chose à faire, compte tenu de l’agencement de l’agenda politique ou institutionnel.
Dans les deux cas, son comportement politique alimente les tensions.
En effet, il ne décide pas ouvertement. Il zappe d’un sujet à l’autre, sans jamais décider, tout en prenant le risque d’alimenter la crise.
Tout ceci entretient la guerre qualifiée de pouvoirs contre pouvoirs, qu’il n’est jamais possible de résoudre en recourant aux règles haïtiennes.
Et quand la situation politique se dégrade, il y a le recours obligatoire à l’arbitre (la communauté internationale/les ambassades), parce que le prestige et l’autorité du Président de la République, qui est censé être l’acteur central, sont niés par les autres acteurs du système.
De ce fait, le Président de la République ne peut affirmer son prestige et son autorité sans être accusé d’être un dictateur. Et quand il souhaite les affirmer, il le fait suivant des méthodes qui exaspèrent tous les acteurs du système qui travaillent en conséquence pour sa perte.
Bref, on a affaire à un système bloqué. C’est l’impasse.
Mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, cette impasse est voulue, défendue et sacralisée. Il faut de l’audace pour vouloir changer les choses. Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, l’issue est dans l’audace.
L’avenir de la bossalocratie : l’arbitrage permanent, la redéfinition des règles ou la fusion
Est-ce à dire qu’Haïti est condamnée ?
Le football nous fournit la réponse.
En football, si les bons joueurs abandonnent le terrain aux Bossales, le jeu s’arrêtera à un moment donné, parce que les Bossales ne savent pas jouer. Ils cassent le jeu, mais, si on les laisse jouer entre eux, ils se battent d’abord, ensuite ils arrêtent de jouer, parce que tout le monde voit qu’ils ne connaissent rien aux règles du jeu.
C’est à ce moment-là que l’arbitre et les bons joueurs doivent reprendre la main, rappeler ou « redéfinir les règles du jeu » . [19] Il devrait en être de même en Bossalocratie.
Encore faut-il que l’arbitre remplisse sa mission et cesse de répéter qu’il revient aux Haïtiens de faire fonctionner leur pays sur de meilleures bases. L’arbitre doit comprendre qu’en dehors de lui, rien n’est possible en Bossalocratie.
De même, les meilleurs en Bossalocratie doivent comprendre qu’il est de leur impérieux devoir de ne pas abandonner le terrain aux Bossales. Cela est plus facile à dire qu’à faire.
Mais, on appelle ça la capacité à utiliser son intelligence pour sortir son peuple du cycle de la fatalité et éviter à son pays de s’orienter définitivement vers le cimetière des nations où semble devoir le conduire cette lutte de pouvoirs contre pouvoirs.
Mais, l’une et l’autre solution ont leurs inconvénients.
En effet, en ce qui concerne l’arbitre, le nationalisme des Haïtiens s’accommoderait mal de l’affirmation officielle de son rôle. Tout laisse à penser que les élites préfèrent le rôle informel de l’arbitre, parce que cela les arrange et leur permet de bénéficier des seuls moments de paix, propices à leur maintien à leur place pour des périodes plus longues, donc plus favorables à l’enrichissement sur le dos de la manne publique ou de l’aide internationale.
Ce qui explique le double jeu des élites haïtiennes. Un double jeu qui ne relève nullement du paradoxe, puisque la présence de l’arbitre, même si elle est dénoncée, est souhaitée, sinon recherchée, parce qu’en réalité, quand l’arbitre est présent, le pouvoir est moins précaire pour celui qui le détient.
Quant à savoir si les élites accepteront de redéfinir les règles du jeu, aucun élément ne permet de le croire. Et même si elles le font, elles le feront dans la même logique que précédemment : dans le but de protéger les privilèges acquis et qui permettent de perpétuer la bossalocratie, ce régime en soi qui est d’abord élitiste et qui participe d’une volonté farouche de ne pas accepter la démocratisation du pays.
Autrement dit, la bossalocratie n’est pas, contrairement à ce qu’on peut penser, le fait du peuple.
Elle est le fait d’une aristocratie rétrograde qui défend ses prébendes et ses territoires de pouvoir.
Elle n’est donc pas nécessairement pour un changement. Si changement, il y a là, il devrait malheureusement venir de ce que Jacques Stephen Alexis appelle la marche inexorable vers le cimetière des nations. Il ne s’est pas étendu sur cette crainte. On ne va donc pas extrapoler sur ses propos.
Mais en science politique, les phénomènes de dislocation d’un Etat aboutissent parfois à une fusion d’Etats pour n’en former qu’un. Je pense à la République Fédérale d’Allemagne et la République Démocratique Allemande.
Ils peuvent aboutir aussi à une scission d’Etats pour en fonder plusieurs. L’histoire récente est remplie d’exemples de scissions d’Etats : la Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie. D’autres Etats se battent pour éviter la scission : la Belgique ou la Côte d’Ivoire. D’autres Etats fonctionnent sur la logique de fusion (Etats-Unis, Allemagne, Brésil) ou voudraient une fusion économique avant une éventuelle fusion politique (L’Union Européenne). D’autres enfin, comme les deux Corée, s’orientent lentement vers une fusion qui semble inéluctable.
Haïti a déjà connu les phénomènes de fusion et de scission du fait justement de la bossalocratie. La Création d’Haïti est le résultat d’une scission.
Après son indépendance, Haïti a connu plusieurs scissions et a vu la cohabitation, sur un même territoire, d’une monarchie et d’une république pour les mêmes motifs qui expliquent la bossalocratie d’aujourd’hui. La réunification, réussie par Jean-Pierre Boyer, est un cas de fusion. La scission, la plus durable en ce qui concerne Haïti, a été celle de 1844 qui a donné naissance à la République Dominicaine.
Mais, l’histoire étant un perpétuel recommencement, rien ne semble exclure, à l’avenir, une fusion entre la République d’Haïti et la République Dominicaine. C’est la solution la plus logique et la plus raisonnable quand on observe objectivement la situation des deux pays. C’est la solution qui plaît le moins aux Haïtiens, victimes de la Bossalocratie, qui le vivront comme un échec. Mais, il se trouve qu’on ne freine pas l’histoire avec ses seules peurs irrationnelles et son refus d’une certaine réalité.
Et puis, une éventuelle fusion entre la République d’Haïti et la République Dominicaine serait-ce un échec pour Haïti ? L’échec n’est-il pas plutôt de donner l’impression d’être incapables de s’inventer un avenir après avoir su inventer 1804 ? L’échec n’est-il pas d’entretenir cette guerre des pouvoirs qui risque de conduire à la dislocation [20]de son pays ?
Le but ici n’est pas d’agir en Cassandre, mais de mettre l’accent sur un phénomène dont le point d’orgue pourrait être la transformation d’un Etat qui, depuis sa création, est un laboratoire institutionnel d’un avant-gardisme exceptionnel et d’une grande valeur pour les politologues ainsi que les spécialistes du droit constitutionnel.
Eric Sauray
France, 25 novembre 2007
[1] Juriste, politologue et doctorant en droit public à l’Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3.
[2] Guy Thuillier, Le jeu politique, préface d’Yves Pélicier, Economica, 1992.
[3] Stéphane Beaumont, Le jeu politique, Editions Milan, 1997.
[4] Philippe Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, Presses Universitaires de France, 2004
[5] Pascal Boniface, Football et mondialisation, Armand Colin, 2006.
[6] Gérard Barthélemy, Créoles - Bossales : conflits en Haïti, Editions Ibis Rouge, 2000.
[7] Jacques Stephen Alexis in Lettre au docteur François Duvalier, Président de la République : http://radiokiskeya.com/spip.php ?article4166
[8] Certains membres, qui accusent les autres de corruption, ont porté plainte.
[9] Déclaration de son excellence Monseigneur Louis Kébreau, Président de la Conférence Episcopale.
[10] Déclaration de René Julien Président de l’Alliance Démocratique pour Bâtir H. Source : http://www.metropolehaiti.com/metropole/full_une_fr.phtml ?id=13118
[11] Déclaration du Conseil Electoral provisoire en date du 12 octobre 2007. Cette déclaration entérine les rumeurs.
[12] Le seul événement qui permet aux habitants de la bossalocratie de s’évader de leur enfer quotidien.
[13] Yves Mény (sous la direction de), Les politiques du mimétisme institutionnel : la greffe et le rejet, L’Harmattan, 1993.
[14] Claude Moïse, Constitution et luttes de pouvoirs en Haïti, CIDIHCA, 1990.
[15] Littéralement : « La paix dans la tête, la paix dans le ventre ». Slogan utilisé par Jean-Bertrand Aristide lors de sa campagne électorale en l’an 2000.
[16] Littéralement : « On se calme, on dépose (…) on se repose » Il faut comprendre, on se calme, on dépose les armes et on se repose, le temps de l’élection. Ce slogan apparu pendant la campagne présidentielle (2005-2006) menée par René Préval ne s’adressait pas aux citoyens, mais aux divers gangs supposés proches du camp Lavalas.
[17] Cet article qui fait partie des dispositions transitoires devrait être appliquée comme solution dégradée au cas où l’application de l’article 192 se révélait impossible. Toute autre solution appliquée ne fait que s’inscrire dans l’habitude prise par les acteurs politiques haïtiens d’appliquer des solutions hors de tout cadre réglementaire connu et maîtrisé.
[18] Eric Sauray, Haïti : la révision constitutionnelle et la ligne du temps, in http://www.alterpresse.org/, avril 2007
[19] Claude Moïse, La croix et la bannière : la difficile normalisation démocratique en Haïti, CIDIHCA, 1994.
[20] Jared Diamon, Effondrement, Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2006.