lundi 17 décembre 2007

REFLEXIONS SUR LA BONNE GOUVERNANCE...

Réflexions sur la Bonne Gouvernance et la Décentralisation énergétique en Haïti
mardi 17 avril 2007

Réflexions sur la Bonne Gouvernance et la Décentralisation énergétique en Haïti
Par Marc Antoine Archer [1]

Soumis à AlterPresse le 17 avril 2007

« Quand il est urgent, il est déjà trop tard » Talleyrand

Les relations internationales, au besoin, créent parfois de nouveaux concepts pour justifier leurs échecs, échecs anciens et échecs actuels. Ce processus de création, vraie gymnastique intellectuelle, leur permet de se donner bonne conscience face à ces échecs permanents, continus, continuellement renouvelés. Il en est ainsi pour le concept de « Gouvernance » et de son évolution vers celui de « Bonne Gouvernance ». L’un et l’autre venaient à certifier l’échec des politiques d’ajustement, l’inconvenance des accords de coopération bi et multilatérale ainsi que des autres méthodes utilisées par les pays industrialisés donneurs de fonds, « bailleurs de fonds » et par les grandes Institutions Internationales, pour venir en aide aux pays pauvres.
Dans cette optique, les notions de « Gouvernance » et de « bonne Gouvernance » constituaient alors un mécanisme de transfert du sentiment de culpabilité permettant de ne pas assumer la responsabilité de l’échec ou des échecs consécutifs des différents programmes, élaborés par ces « pays donneurs », exécutés dans les « pays récepteurs permanents d’aide », paradis de la déchéance sociale, politique, économique.
Cependant, les mots, une fois créés, génèrent parfois des raccourcis, des liens externes, des chemins tortueux pour se donner d’autres acceptions. Et, en ce sens la profusion d’acceptions créent des malentendus, des mésinterprétations, des divergences. Cependant, malgré cette multiplicité de formes, malgré les divergences de forme ou de fond qui peuvent se produire, on peut arriver à s’entendre sur une définition généralisable et acceptable pour la Gouvernance et la Bonne Gouvernance.
La Gouvernance est la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays et au service du développement. Elle s’intéresse aux chemins qui mènent aux conditions ou aux résultats souhaités.
La gouvernance s’intéresse à la façon dont le pouvoir est exercé entre les différents secteurs ou groupes d’intérêts de la société de sorte que les libertés traditionnelles puissent s’exprimer, que le commerce puisse se développer et que les arts et la culture puissent prospérer. C’est donc dire que la gouvernance est importante en soi parce qu’elle fournit un contexte pour les choses que les gens valorisent énormément, comme l’histoire le prouve. Par exemple, la liberté personnelle et la liberté de réunion, que ce soit pour des fins sociales, commerciales, religieuses ou autres, doivent se produire dans un cadre social global incluant la primauté du droit et une constitution.
Une définition assez complète de la gouvernance, pourrait donc être la suivante :
« Somme des différentes façons dont les individus et les institutions, publiques et privées, gèrent leurs affaires communes. C’est un processus continu de coopération et d’accommodement entre des intérêts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les régimes dotés de pouvoirs exécutoires tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont tombés d’accord ou qu’ils perçoivent être de leur intérêt… ». [2].
La bonne Gouvernance, quant à elle, suppose un système de règles réellement appliquées et d’Institutions qui fonctionnent vraiment et assurent une application appropriée de ces règles. Elle pourrait être définie comme un mode de gouvernance qui conduit aux résultats sociaux et économiques que recherchent les citoyens.
D’après les Nations Unies, la Bonne Gouvernance comprend les éléments suivants : La participation : donner à tous, hommes et femmes, la possibilité de participer au processus décisionnel ; La transparence : découlant de la libre circulation de l’information ; La sensibilité : des institutions et des processus vis-à-vis des intervenants ; Le consensus : des intérêts différents sont conciliés afin d’arriver à un vaste consensus sur ce qui constitue l’intérêt général ; L’équité : tous, hommes et femmes, ont des possibilités d’améliorer et de conserver leur bien-être ; L’efficacité et l’efficience : les processus et les institutions produisent des résultats qui satisfont aux besoins tout en faisant le meilleur usage possible des ressources ; La responsabilité : des décideurs du gouvernement, du secteur privé et des organisations de la société civile ; Une vision stratégique : des leaders et du public sur la bonne gouvernance et le développement humain et sur ce qui est nécessaire pour réaliser un tel développement.
Et quels sont les acteurs de la bonne gouvernance ? Ce sont les différents groupes « Porteurs d’intérêts », « Preneurs de décision » et « Fournisseurs d’opinion », ce que l’on appelle généralement les « Stake Holders » de la société. Ils sont les « Fournisseurs de services », les « Détenteurs de la technologie ». On peut les regrouper comme suit : Le Gouvernement, Les Collectivités Territoriales, Le Pouvoir Législatif, Les Associations d’écologistes, Les Autres Associations de la société civile, Les Investisseurs, Les Universités et autres centres de décision intellectuelle, Le Secteur des Affaires, Le Secteur Bancaire La Communauté Internationale
La gouvernance implique donc les modalités de prise de décision et les interrelations entre les différents intervenants dans le processus de prise de décision. C’est la capacité de l’État de servir les citoyens. Et, la Bonne Gouvernance, au niveau énergétique, fait référence à l’efficacité, à un rendement élevé, à la maîtrise de la consommation énergétique d’une société. L’application de ce concept, au domaine de l’énergie est évidente. Le secteur énergétique, en Haïti, ne fonctionne pas et les Stake Holders ne remplissent pas leur rôle. La décentralisation énergétique fournirait un outil de changement et d’optimisation. Elle entraîne des améliorations dans la fourniture et la gestion des services publics car : Elle crée un climat favorable à la motivation et à la productivité. Elle augmente l’efficacité dans la détection et la couverture des besoins puisque les fournisseurs de la couverture sociale sont alors plus proches des besoins et exigences des citoyens. Elle facilite une meilleure distribution des ressources par rapport aux besoins existants Elle permet de réduire les inégalités. Elle incite les citoyens à s’impliquer plus dans la prise de décisions et dans l’établissement de priorités, d’où un renforcement du contrôle citoyen, de l’appropriation citoyenne (contrôle renforcé du gouvernement régional et une capacité citoyenne accrue d’exercer des pressions sur le Pouvoir Local).
« Dans tout pays, le secteur public présente une structure territoriale à plusieurs niveaux de décision – central, régional, local –, la décentralisation des systèmes politiques est censée permettre l’adaptation des politiques publiques aux besoins des citoyens. Conçue, en termes généraux, comme un transfert de pouvoir et/ou d’autorité du niveau national vers des niveaux infranationaux (ou des niveaux centraux de gouvernement vers des niveaux locaux) dans divers domaines de compétence administrative et politique, la décentralisation peut néanmoins prendre plusieurs formes. Quand on transfert une capacité de prendre des décisions et de les mettre en pratique à un niveau administratif régional, on parle de déconcentration ou de décentralisation administrative. On parle en revanche de délégation administrative et de la gestion quand une telle capacité est transférée à des agences institutionnelles liées d’une manière distendue aux administrations publiques. Quand une compétence est dévolue à un niveau politique régional qui possède ses propres institutions de représentation, on parle enfin de décentralisation politique ou encore de fédéralisation. » [3]
La décentralisation doit permettre, en principe, de combattre l’inefficacité de la gestion centralisée et de faciliter l’engagement citoyen dans le fonctionnement du pays dans une approche de recherche de l’optimalité tout en : Réduisant le cadre global de la corruption et les mécanismes de corruptibilité Recherchant l’équilibre fiscal Établir des mécanismes d’équité sociale
Dans notre cas, nous ne nous intéressons qu’au secteur énergétique et à l’énergie en tant que « Bien Public », acceptant la définition de bien public comme toute solution coopérative aux fins de satisfaire un besoin collectif. En ce sens, tout membre de la collectivité doit pouvoir jouir des bienfaits apportés par la solution à laquelle il a contribué. L’énergie est un bien public et, en tant que « bien Public », elle est soumis à une série de principes qui peuvent se résumer en :
Principe d’accès démocratique à l’énergie : L’Énergie est un bien, un bien public. L’accès aux services énergétiques de base doit être garanti à tout Haïtien. Principe de co-responsabilité : L’Énergie a un coût. Tout Haïtien, tirant un profit, jouissant des services énergétiques, a l’obligation citoyenne d’assumer les coûts associés à la production desdits services. Principe de Qualité : L’État a l’obligation d’assurer à tout Haïtien les services énergétiques de base, dans des conditions de sécurité, de fiabilité et de qualité de service. Principe de consommation responsable et d’efficacité énergétique : L’utilisation des ressources énergétiques produit un impact sur l’environnement physique et social. La minimisation dudit impact correspond aussi bien à l’État qu’aux propres citoyens. Les utilisateurs de services énergétiques, aussi bien l’État que les citoyens, ont le devoir de consommer les ressources environnementales utilisées à cet effet, de façon responsable, d’en faire un usage non abusif et optimisé.
Haïti ne peut renoncer à créer des conditions de bien-être pour la totalité de sa population. La satisfaction des besoins énergétiques de base en est le premier pas. Il s’agit donc de « Faciliter la mise en place d’une couverture énergétique capable de satisfaire les besoins globaux de l’ensemble de la population haïtienne ».
Qui peut et doit financer ces services ? Comment, cependant distribuer les ressources ? Les Quatre Principes ci-devant énoncés sont clairs là-dessus et nous offrent toutes les réponses possibles aux différentes questions possibles. Un bien public est sensé être une solution coopérative venant à satisfaire un besoin collectif. En ce sens, non seulement l’État est fournisseur de biens publics. Au même titre, les organisations de la société civile peuvent le faire, l’État devant fournir alors le Cadre Institutionnel de fonctionnement. La décentralisation étant un mécanisme permettant la provision de « biens publics », aussi bien l’État que les organisations civiles ont tous leur rôle à jouer. Et l’État a l’obligation de faciliter ce mode de fonctionnement.
Pourquoi parler de Bonne Gouvernance et de Décentralisation dans le secteur énergétique haïtien. La réponse est évidente et, s’il restait encore l’ombre d’un doute, voilà les données officielles publiées, en 2004, par le Bureau des Mines et de l’Énergie qui devraient nous porter à réfléchir .

Voir tableau
Le tableau est parlant. Rien ne peut être fait sans un changement radical, sans la modification des attitudes et des comportements, sans un engagement citoyen, sans le cadre régulateur de l’Etat Haïtien. La transformation de la situation existante ne peut donc se faire sans une volonté de transformation et la mise en place de structures décentralisées, dans un cadre de bonne gouvernance. La décentralisation doit permettre d’établir un réseau complet, cohérent, adapté aux réalités sociales, économiques et politiques du pays, tout en facilitant les interactions entre les différents Stake Holders de la société haïtienne, les vrais générateurs d’interactions et les seuls facilitateurs de transformation sociale, économique et politique du pays.
Il faut donc insister sur un mécanisme, prévu par la Constitution haïtienne qui, dans son Article 87.4, établit que : La décentralisation doit être accompagnée de la déconcentration des services publics avec délégation de pouvoir et du décloisonnement industriel au profit des départements. Et, parler de décentralisation, dans le domaine de l’énergie, veut dire, dans le cas d’Haïti :
1- La délocalisation des moyens de production de l’énergie électrique
2- L’optimisation des ressources énergétiques locales (du pays – des Départements – Des communes – Des Sections Communales).
3- L’appropriation, le contrôle citoyen des moyens de production.
4- L’adaptation de la production à la consommation locale et le contrôle des excédents pour la régulation de la consommation globale.
5- L’utilisation de micro-réseaux électriques pour l’utilisation optimale des ressources.
6- Le contrôle et la planification de l’approvisionnement.
7- Le contrôle et la planification dans les modalités de transport.
8- La création de pôles de production industrielle sous forme « d’enclaves de production ».
9- Le contrôle pédagogique de la consommation (consommation responsable) et la transformation du citoyen en Acteur Énergétique.
10- L’établissement d’un cadre de régulation (Juridique – Technique – Normatif - Administratif) permettant l’accès de petits investisseurs et de petits producteurs au marché de l’énergie.
11- L’aménagement du territoire et le contrôle foncier afin de faciliter le contrôle de la production de biocarburants et de l’éolien (2 options énergétiques très exigeantes en surface).
12- Existence d’un maillage routier cohérent, adapté aux réalités sociales, économiques du pays ainsi qu’aux besoins actuels et futurs du pays.
En définitive, la décentralisation devrait supposer : Une meilleure gestion des ressources économiques, énergétiques, environnementales. Une meilleure planification des besoins, des attentes.
Voilà donc pourquoi nous proposons ces réflexions, qui, à mon avis, me semblent importantes, intéressantes et pertinentes. Et maintenant que le « Vert » frappe à nos portes sous la forme de demande de biocarburants, et plus concrètement de demande d’Éthanol et de Biodiesel, c’est peut-être le meilleur moment de « Penser Global », de « Réfléchir Planification », pour « Agir Local ». Donc, « Parlons Décentralisation énergétique dans un cadre de Bonne Gouvernance ».
Contact : iphcaten@yahoo.es
[1] Physicien Industriel
[2] Commission sur la Gouvernance Mondiale (créée en 1992 par W. BRANDT)
[3] (Cit. A. Guillén & S. Alvarez dans Régionalisation et Protection sociale dans l’Espagne des Autonomies)

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