jeudi 2 avril 2009

HAITI: LA PORTE ETROITE

Haiti : La porte étroite

mercredi 1er avril 2009

Par Jean-Claude Bajeux
Centre Œcuménique des Droits Humains

Soumis à AlterPresse le 31 mars 2009

Au bout de vingt-deux ans, la Constitution de 1987 émerge toujours comme un point de référence pour la construction d’un état de droit, comme le chemin obligatoire pour un peuple en mal de démocratie. Elle survit parmi les soupirs, les cris et les angoisses d’un peuple livré au désordre des choses, aux appétits toujours renaissants des profiteurs, et à une situation de violence viscérale dans un climat de destruction et des relents acides de sang.

La Constitution de 1987 est-elle responsable de ce jeu de chaises musicales de gouvernements improvisés, cette débâcle d’un pays où toutes les initiatives semblent incapables d’établir l’ordre de la loi, les séquences du savoir, l’accès de tous au travail et à la sécurité, sans parler de la simple propreté des rues et des marchés ? Malgré le oui quasi unanime (1,268,980) des votants, cette Constitution n’a cessé de rencontrer, dans la pratique, des critiques acerbes : ce serait elle, par exemple, la responsable de l’instabilité. Dès le départ, l’institution du CEP (Conseil électoral) a été la cible de gouvernement militaire (CNG). Il fallut des semaines de manifestations, avec ses blessés et ses morts pour que les militaires redonnent à cet organisme le rôle prévu pour l’organisation des élections (« la seule autorité en matière électorale »).Cette concession ne fut qu’apparente. Des morts, ciblées, se succédèrent dont l’avocat Lafontant Joseph et Yves Volel. Ce dernier tenait entre ses mains la Constitution et sa toge d’avocat quand il reçut deux balles à bout portant devant le département de la police.

La première élection sous l’égide du CEP et de la Constitution, le dimanche 28 novembre 1987 avorta sous les coups de feu des militaires et les machettes des assassins à ruban rouge. A Port-au-Prince, la cible principale fut l’école Argentine Bellegarde, à l’impasse Vaillant, au haut de Lalue, où sont morts 24 votants (dont un couple revenu de diaspora spécialement pour voter), des membres du bureau de vote et 1 journaliste étranger. A travers le pays, l’armée « fit son devoir ». Il y eut plus cent morts et blessés. Les responsables de cette triste épopée ne furent jamais poursuivis. Les noms des victimes n’ont jamais été réunis. Hans Christoph Buch, globe-trotter infatigable, a publié un livre qui rassemble pour la postérité ses reportages sur des massacres qui ont marqué l’actualité mondiale de ces dernières années. On peut donc trouver dans « Archipel de la douleur » le récit de ce « Dimanche sanglant. Anatomie d’un massacre ».

Ce ne sont pas seulement les militaires qui s’opposaient à l’idée d’une institution indépendante souveraine en matière électorale. Ils avaient été rompus à l’idée que les militaires nomment les présidents et qu’il ne fallait jamais donner raison à un civil contre un militaire. D’autre part, alors que bien des pays d’Amérique Latine avaient développé un « Droit Electoral » et abouti à des Institutions indépendante et autonomes, les juristes haïtiens, jacobins, napoléoniens, acceptaient mal cette innovation juridique comme aussi la création d’un poste de Premier Ministre.

De gouvernement transitoire en gouvernement transitoire, de compromis à compromis, les règles, les procédures, les institutions prévues par la Constitution de 1987 ont été contournées. Le blocage de la justice continue. Il y eut pourtant un moment, l’élection du Père Aristide, le 18 décembre 1990, qui semblait marquer, enfin, l’étape de l’entrée en démocratie. Ce ne fut pas le cas, malheureusement, à la fois par une résistance sourde à l’idée même de démocratie et aussi, on le sait, parce que ce n’était pas le souci dominant de ces nouveaux responsables politiques.

D’où cette dérive vers une troisième dictature, l’attraction vers un pouvoir absolu, cette tragédie vécue par Dessalines et Christophe, et tant d’autres jusqu’à la pathologie exorbitante de Duvalier. Mais cette fois, ce fut une navigation, dans un style fantaisiste, dans une ambiance d’anarchie généralisée et, en fin de compte, dans une impuissance totale à balayer notre pas de porte. L’exode du peuple haïtien, prenant parfois l’allure d’un sauve-qui-peut a continué, continue et continuera, nous privant d’une masse de savoir-faire et de talents. Les bonnes intentions sont isolées et paralysées. L’espoir et la volonté de sortir de ce marécage, de cette histoire quotidienne, marquée de paralysie et fragmentée de deuils et de catastrophes ne se concrétisent pas. Tous les problèmes ont été dix fois analysés. Toutes les solutions ont été vingt fois proposées. Que peut faire encore la parole ? Le silence serait-il sagesse ? Qui sera à la hauteur de cette crise historique ?

Pourtant la Constitution du 29 mars 1987, avec parfois son langage imprécis, avec ses antinomies, avec le projet de certaines composantes administratives impraticables, continue cependant à nous tracer le chemin à suivre, le chemin des libertés, le chemin de l’Etat de droit, le chemin du développement. Il n’y en a pas d’autre. Pénétrer en démocratie. Appliquer une justice intégrale. Ouvrir le pays aux courants de modernité. Sortir de la solitude misérabiliste. Balayer la maison. Nettoyer la ville de ses fatras. Emmener nos enfants à l’école. Leur apprendre à chanter et à danser. Admirer le coucher de soleil sur la Gonâve. Vivre en paix. Participer à la création du futur. S’insérer dans la Caraïbe. Ouvrir les bras au monde. Réconcilier la terre et l’eau.

Mais cette porte que nous offre la Constitution de 1987 est une porte étroite. Pour passer cette porte, nous aurons à faire des choix, apprendre la séquence des désirs possibles, abandonner le vertige maléfique du pouvoir personnel. Au contraire, il s’agit de cerner la vie par des jalons qui indiquent les normes. Après ces 22 années dominées par l‘apparition en plein jour de tous les démons, la hantise de l’assiette au beurre et de la chasse des dissidents à coups de fusil, après ces vagues de destructions, des petits jeux des grands malins, ces années vécues sans plans pour le futur, sans calendrier et comme toujours sans comptabilité, où le pouvoir instaurait son théâtre et se trouvait envahi par la farce, une farce qui nous coûte cher, très cher, une farce mortelle, à tous les niveaux de la vie sociale et politique.

C’est par cette porte étroite qu’il faut entrer et suivre, sans tricher, les cheminements, les procédures, les obligations contenues dans la Constitution du 29 mars 1987 pour la réviser, dénouer le nœud de ses contradictions, raffermir et préciser son langage. Cela demande, comme on le sait, une suite d’opérations minutieuses et coûteuses : une élection sénatoriale dans 15 jours, la présentation des changements à effectuer le deuxième lundi de juin, de nouveau des élections en novembre, députés et sénateurs pour le rendez-vous du premier lundi de janvier 2010 afin de voter les articles remis à neuf. Les bénéfices à tirer de ces exercices d’obéissance à la Constitution seront immenses. Car il est temps de travailler à consolider les choses au lieu de les aider à disparaitre. L’entrée en démocratie est à ce prix. Tout doit être fait pour que tout se fasse dans la conscience de notre responsabilité historique au delà de nos petites et grandes querelles de famille.

NATIONALISER LES BANQUES...

Nationaliser les banques
(Extrait du "Le Monde Diplomatique")

Par Serge Halimi

Le mal qui ronge la finance dévore à présent l’économie mondiale dont elle a tiré sa substance. Quand une banque s’écroule, une autre la rachète, garantissant ainsi que l’Etat devra la sauver, elle, puisqu’elle devient « too big to fail » (« trop grosse pour faire faillite »). Un peu partout, dans la précipitation et le couteau sur la gorge, le contribuable paie des milliers de milliards de dollars pour secourir les plus grandes institutions financières. Or nul ne sait combien d’« actifs toxiques » demeurent dans leurs entrailles, ni combien il va falloir encore payer pour acquérir la pile montante de leurs créances avariées. Le bilan de la déréglementation financière, le voilà.

Autrefois, le travail de banquier paraissait facile. On évoquait la règle américaine du « 3-6-3 ». Emprunter à 3 %, prêter à 6 %, partir jouer au golf à 3 heures. Maîtriser un tel exercice ne réclamait pas un bataillon de mathématiciens armés de modèles économétriques. Puis vient le tournant des années 1980. La « diversification » s’impose, la « prise de risque », le « décloisonnement », aussi. La loi américaine Glass Steagall de 1933 interdisait aux banques d’investir en Bourse. Semblable vieillerie héritée du New Deal est abolie dans l’allégresse de la nouvelle économie. Modernité oblige, les banques cessent de dépendre de la confiance de leurs épargnants (1).

Sans tarder, elles investissent dans de nouveaux placements — des « dérivés » de produits panachés à partir de créances qu’elles ont elles-mêmes un jour « titrisées »... Autant dire que les banquiers eux-mêmes comprennent à peine de quoi il retourne (un manuel de 150 pages serait parfois requis pour y parvenir), tout en appréciant ce que tant d’innovation leur rapporte. Prêter toujours davantage, dans l’opacité et avec toujours moins de fonds propres, voilà qui est risqué. Mais on vivait alors le temps des bulles, des expansions sans fin, des pyramides financières, des salaires de pharaon, ce qui encourageait de nouvelles fuites en avant (2). Fin 2007, des banques prêtèrent jusqu’à trente fois le montant qu’elles détenaient dans leurs soutes. Des assureurs comme American International Group (AIG) protégeaient leurs parcours de funambules...

Un jour, c’est-à-dire hier, la corde a cassé ; certains débiteurs des banques, ruinés et ne pouvant s’endetter davantage, ont cessé de les rembourser. Or ces dernières étaient fragiles puisqu’il suffisait qu’une fraction infime des emprunts qu’elles avaient consentis deviennent insolvables pour qu’elles fassent elles aussi faillite. Et leurs assureurs avec elles. Dégringolade de l’immobilier, chute de l’activité économique, flambée du chômage : comment les établissements financiers peuvent-ils à présent imaginer qu’ils vont se refaire ? Réponse : l’Etat — dont les commandes ont été parfois livrées à des petits génies en transit entre deux banques —veille sur leur sort.

Il est temps qu’il prenne carrément la direction des opérations. De toute manière, le salut de la finance ne dépend plus d’actionnaires privés, lesquels ne retrouvent des couleurs que quand un gouvernement leur annonce une nouvelle injection de fonds. Hérétique hier, quand même les socialistes français déréglementaient la finance (lire pages 6-7), la solution de la nationalisation des banques devient à ce point évidente — ou la calamité qu’elle empêcherait à ce point menaçante — que des parlementaires républicains la préconisent aux Etats-Unis. Des journaux aussi libéraux que The Economist s’y sont également ralliés (3).

Il paraît toutefois que, sitôt les banques purgées avec l’argent des contribuables, il faudrait les rendre à leurs actionnaires. Faire le ménage, en somme, puis restituer l’appartement à ceux qui l’ont saccagé. Mais pourquoi ? Des systèmes bancaires nationalisés ont impulsé à bon compte des décennies d’expansion. De quel bilan comparable les banques privées peuvent-elles encore se prévaloir ?


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(1) Lire Ibrahim Warde, « Les assises du système bancaire détruites par la déréglementation », Le Monde diplomatique, janvier 1991 (disponible dans le cédérom du Monde diplomatique.

(2) En 2008, Goldman Sachs, Merrill Lynch, Lehman Brothers et Bear Stearns ont distribué 20 milliards de dollars de bonus à leurs employés alors qu’elles venaient de perdre 26 milliards de dollars et faisaient appel à l’Etat pour les sauver. A Goldman Sachs, chaque employé reçut une moyenne de 362 000 dollars, salaire compris (The Wall Street Journal, New York, 20 mars 2009.)

(3) Editorial « In knots over nationalisation », The Economist, 28 février 2009.

http://www.monde-diplomatique.fr/2009/04/HALIMI/16971 - avril 2009

mercredi 1 avril 2009

LES CONTRADICTIONS DE LA GLOBALISATION ET HAITI

Les contradictions de la globalisation et Haïti

mercredi 1er avril 2009

Par Leslie Péan

Soumis à AlterPresse le 31 mars 2009

À la veille du sommet de Londres du G-20 qui commence le 2 avril, rien ne va plus. Les croupiers majeurs du grand casino qu’est devenue l’économie mondiale prennent des dispositions pour trafiquer les machines et fausser les jeux. Le gouvernement américain en premier lieu décide au cours de la partie de changer les règles du jeu. Dans les dispositions prises, la toute dernière est la politique de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing) consistant à monétiser la dette. Suivant la politique de la Banque d’Angleterre, puisque les banques refusent toujours de prêter de l’argent, il faut alléger leur compte d’exploitation en rachetant de grandes quantités d’obligations d’État à long terme (bons du trésor) et du même coup retirer tous les actifs toxiques de leur portefeuille. C’est ce que l’économiste Paul Krugman nomme le plan zombie.[ Paul Krugman, “Wall Street Voodoo”, New York Times, January 18, 2009.] Pour ces économistes-bokor, la crise actuelle n’est pas le résultat d’un problème de solvabilité générale mais simplement un problème de liquidité insuffisante. Donc, il suffit de pomper de l’argent sur le marché dans la bonne tradition monétariste pour régler les problèmes et relancer la croissance. Les cours des obligations d’État diminueront et les banques seront forcées d’investir en accordant des crédits. Ce plan zombie reflète fondamentalement la crainte de voir la déflation s’installer, c’est-à-dire une baisse du niveau général des prix de 20%, et avec elle l’augmentation du chômage qui a atteint le chiffre de 7,2% en janvier 2009. On parle de dépression dans des proportions plus grandes et plus douloureuses que celle de 1929. Pour tenter de tromper les joueurs qui sont autour de la roulette, les autorités américaines de la Banque centrale (la Federal Reserve) qui sont un Etat dans l’Etat ont décidé unilatéralement de créer des trillions .[ Nous référons à 1 trillion en anglais, c’est-à-dire au chiffre 1 suivi de douze zéros, soit 1,000,000,000,000. Si en anglais 1 trillion est l’équivalent de mille milliards, par contre en français 1 trillion est l’équivalent d’un milliard de milliards. ] de dollars à partir de rien. L’objectif est de pouvoir acheter les actifs pourris, fruits de la corruption la plus monumentale jamais vue dans l’histoire de l’humanité. Cette corruption qui a été théorisée sous le gouvernement de Ronald Reagan, à travers la politique de dérégulation, s’est étalée avec rigueur au cours des huit dernières années du président George W. Bush.

Les signes avant-coureurs de la dérive des produits dérivés avaient eu lieu en 1998 avec la faillite du fonds spéculatif LTCM qui avait menacé l’économie mondiale d’une faillite généralisée. Mais cela n’a pas empêché le Congrès américain, alors contrôlé par le parti républicain, d’imposer la politique de dérégulation du système financier en abolissant en 1999 le Glass-Steagall Act de 1933 séparant les banques d’investissement des banques commerciales et des compagnies d’assurance. Grâce à la loi connue sous le nom de Gramm-Leach-Bliley Act (GLBA) , cette abolition sera on ne peut plus capitale pour permettre la croissance de la City Bank qui, par retour d’ascenseur, un an plus tard engagera Robert Rubin, qui était alors secrétaire au trésor, comme président de son conseil d’administration. Donnant donnant.

Les rémunérations des dirigeants de l’assureur AIG à hauteur de 165 millions de dollars ont fait des vagues. Mais dans le cas de Robert Rubin, il n’y a pas eu de vagues. La City Bank a mis le paquet et a payé à l’ancien secrétaire au trésor la rondelette somme de 21 millions de dollars pour les mois de Novembre et Décembre 2000, soit deux mois de travail. . [1]Quant au président Clinton qui a vite signée la loi abolissant le Glass-Steagall Act, il avait assez d’ennuis avec le Sénat américain qui voulait le destituer pour l’affaire Monica Lewinsky le 12 février 1999. Il l’a échappé belle grâce aux cinq sénateurs républicains qui ont voté contre l’infraction de parjure dont il était accusé. Ce vote historique de 55 contre et 45 pour est-il un coup réfléchi des stratèges républicains ? On ne peut pas l’affirmer. Par contre, on sait que le président Clinton a souscrit au vote du Sénat de 8 contre et de 90 pour en signant sans appliquer son droit de veto le 12 novembre 1999 la loi de la dérégulation financière qui est à la racine de la crise actuelle. Au pays du plea bargaining, y a-t-il eu un deal entre les sénateurs républicains et le président Clinton ?

Dans le cas où des transactions judiciaires auraient eu lieu entre les deux parties, on peut dire sans aucun doute que si les avantages ont été réciproques, c’est le pays qui a perdu. Dix ans plus tard ce sont des morceaux qu’on essaie de recoller. L’abolition du Glass-Steagall a ouvert la porte à une financiarisation sans frein avec un produit intérieur brut mondial (PIB) de quarante-quatre (44) trillions de dollars tandis que le volume des transactions financières est de l’ordre de deux mille trillions de dollars. La monnaie financière représentant le marché supplante la monnaie bancaire représentant l’État, sans avoir la capacité et encore moins le souci d’assurer la cohérence d’ensemble que demande la vie en société. Une conflictualité dévastatrice se développe conduisant à la crise actuelle. Pour en sortir, les forces du marché font alors appel à la puissance publique en lui demandant d’être un prêteur en dernier ressort. Ce dernier s’engage dans une politique d’émission monétaire en prenant le risque de causer un type d’inflation à la Weimar. Mais c’est moins grave, pensent les stratèges du statu quo, que la déflation généralisée. Ce trillion de dollars émis par la Federal Reserve permettra de redémarrer la machine économique qui s’est arrêtée.

Or là où le bât blesse, c’est bien le montant des actifs toxiques ignoré. On navigue dans le noir, sans boussole. Selon le FMI, les actifs toxiques ne seraient que de 2.2 trillions. Pour Nouriel Roubini, professeur à New York University, ils seraient de 3.2 trillions. [2] Si ces actifs toxiques correspondent à la valeur titrisée des titres hypothécaires de Fannie Mae et Freddy Mac, institutions nationalisées par l’État américain, alors il s’agit de 5.2 trillions. La globalisation de la crise financière viendrait justement du fait que seulement 50% des ces titres sont détenus par des institutions financières américaines dont les banques, assurances, fonds de pension et les fonds spéculatifs. L’autre moitié est globalisée dont 40% dans les institutions européennes et 10% dans les institutions asiatiques.

Les dés sont pipés

Mais le casino n’offre pas que la roulette ou le poker. On ne peut pas comptabiliser uniquement les actifs toxiques découlant des titres hypothécaires. La crise d’accumulation du capital découlant de cette fameuse loi de baisse tendancielle du taux de profit formulée par un certain Karl Marx, a poussé les stratèges du capital à la financiarisation. Les mathématiciens de Wall Street qui ont créé les produits dérivés n’ont pas lésiné sur les moyens pour faire de l’argent. Ainsi ces produits dérivés n’ont pas été circonscrits aux actifs hypothécaires uniquement. Les cartes de crédit à la consommation, les prêts aux étudiants, les prêts pour les achats d’automobiles, les garanties sur les prêts en général ont été titrisés à une échelle sans précédent qui fait qu’on parle d’actifs toxiques de 500 trillions, soit 80% des produits dérivés en 2008. [3] Nous sommes à des années-lumière des 2.2 trillions du FMI. On comprend donc que le trillion du plan Geithner n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Le dernier rapport du Bureau de Contrôle de la Monnaie (Office of the Comptroller of the Currency) indique les pertes dues aux produits dérivés sur les taux d’intérêt pour l’année 2008 sont de 3.42 billions, soit plus de sept fois plus qu celui de 2004 quand les banques avaient alors perdu 472 millions. [4]

Mais le jeu de dés est aussi pipé. La Banque des Règlements Internationaux (BRI), le gendarme de la haute finance, a tenté de contrôler la financiarisation en émettant des règles strictes de solvabilité pour le fonctionnement des banques. La BRI et son Comité de Bâle ont spécifié en 1988 (Bâle 1) que les fonds propres d’une banque doivent s’élever à 8% de ses engagements pondérés. Cette règle connue sous le nom de ratio Cooke a été renforcée en 2004 par le ratio McDonough qui a non seulement ventilé les risques de crédit, de marché et opérationnels (Bâle 2) mais surtout a interdit aux banques de prêter aux État souverains à moins que le prêt soit entièrement provisionné. Ces règles grignotaient substantiellement les marges bénéficiaires des banques. Elles ont contourné ces restrictions imposées par la BRI à leur rentabilité en prêtant aux ménages insolvables à des taux faramineux, encouragées d’ailleurs par la réglementation de la même BRI favorisant les banques de détail par rapport aux banques d’affaires. Les banques ont appliqué alors le principe qui veut que le bon client n’est pas celui qui rembourse intégralement sa dette mais plutôt celui qui garde une perpétuelle dette tout en payant des intérêts élevés. Les banques commerciales comme la City Bank sont devenues le symbole de l’échec en privilégiant leur intérêt propre par rapport à celui des clients. Des produits toxiques ont été délibérément vendus à ces derniers. Haïti a fait l’expérience du financement d’un État insolvable tout au cours du 19ème siècle et au 20ème siècle. Ses créanciers ont refinancé sa dette avec de nouveaux emprunts de 1825 à 1874, puis de 1896 à 1910 et enfin de 1922 à 1948 sous le président Estimé. La sarabande des emprunts a repris en 1949 et dure depuis, maintenant Haïti sous la coupe réglée des créanciers internationaux.

La politique Ponzi menée par le gouvernement américain depuis la fin de la deuxième guerre mondiale a consisté à se faire financer son déficit par l’épargne mondiale en allant des Européens aux Arabes et enfin aux Chinois. Les États-Unis absorbent 70% de l’épargne mondiale. Ce sont les capitaux du reste du monde qui créent de l’emploi aux Etats-Unis. Il faut introduire un peu d’équité dans le système global afin que les pays pauvres comme Haïti ne continuent pas de prêter des millions de dollars aux États-Unis, essentiellement à taux zéro, alors qu’ils en ont besoin pour leur propre développement. C’est l’une des recommandations faites par la Commission du Groupe des experts des Nations Unies dirigé par le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz le 18 mars 2009. [5] Le coût élevé de l’empire américain a été supporté en grande partie par les eurodollars puis par les pétrodollars et actuellement par les chinodollars. Cette politique de la cavalerie a ses limites. On se rappelle comment lors de la crise de la dette de 1982, Paul Volcker, le patron de la Federal Reserve, avait combattu l’inflation aux Etats-Unis au détriment du reste du monde. Il avait augmenté les taux d’intérêt à 20% pour le taux des fonds fédéraux et à 21.5% pour les débiteurs de premier ordre, sans se soucier des conséquences internationales et particulièrement des pays en développement qui ont vu leurs dettes fuser comme des geysers en un clin d’œil. Le Mexique va se retrouver dans l’impossibilité de faire face à ses engagements financiers car le taux d’intérêt sur sa dette augmentait de 3.5% en 1980 à 27% en 1982.

La réalité du surendettement

Dans la conjoncture actuelle, les stratèges de l’empire essaient encore de prendre soin d’eux-mêmes au détriment des autres. Après avoir vendu au reste du monde des produits financiers toxiques, ils veulent s’en défaire par une inflation qui risque de se propager à la planète entière. Ces stratèges sont partisans de la mondialisation ou de la dé-mondialisation suivant ce qu’ils perçoivent être leur intérêt du moment. La Chine, leur principal créancier ne semble pas avoir apprécié. D’où la proposition du gouverneur de la Banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, d’abandonner le dollar et de créer une monnaie internationale à l’instar des Droits de Tirage Internationaux (DTS) fondée sur un panier de quatre monnaies : le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling. Cette recommandation est aussi appuyée par le groupe des experts dirigé par Joseph Stiglitz qui propose la création d’un nouveau Système Global de Réserves à partir de l’ampliation du système des DTS. [6]

Pour la Chine, mais aussi pour la Russie qui en a fait la proposition originale, c’est la meilleure manière de garantir la valeur de leurs réserves de change. Les Américains refusent une telle proposition. Ils militent pour un plan de relance qui est encore boudé par les Européens avec une Banque Centrale Européenne (BCE) qui n’a aucun droit d’émission, contrairement à la Federal Reserve américaine qui fait fonctionner la planche à billet à grande vitesse. Avec les 788 billions du plan de relance du président Obama, soit 11% de leur produit intérieur brut (PIB), les Américains demandent aux autres pays développés européens de faire de même. Or la relance en zone euro n’est que 3.4% du PIB, soit trois fois moins que les États-Unis. Les Européens résistent aux pressions des Américains qui veulent appliquer une politique keynésienne d’augmentation de la demande à l’échelle de la planète. [7]

Dans le bras de fer qui se joue entre Américains, Européens, Russes et Chinois, quel sera le rôle du Brésil, de l’Inde, de l’Arabie Saoudite, de l’Indonésie, de l’Afrique du Sud et des autres pays à économie émergente qui sont membres du G20 ? Si les Américains refusent d’accepter une diminution de leur pouvoir à travers l’organisation d’une nouvelle architecture financière internationale, la Chine ne risque-t-elle pas de diminuer le financement du déficit américain ? Son premier ministre Wen n’avait-il pas sonné la cloche d’alarme dans une déclaration qui a précédé celle du gouverneur de la banque centrale chinoise ? Les conséquences désastreuses d’un tel retrait chinois du marché financier américain risquent d’envenimer une situation déjà catastrophique. On aurait alors une dévaluation du dollar allant jusqu’à 20%, la bourse (le Dow Jones) chuterait de manière significative au-dessous de 5.000 points, l’inflation pourrait atteindre deux chiffres, et les taux d’intérêt sur les bons du Trésor augmenteraient. On se rappelle comment en Septembre 2008, la crainte de voir les banques centrales de Chine, du Japon, de l’Europe, de la Russie et du Moyen-Orient suspendre leurs achats de bons du trésor américain, avait forcé Washington à nationaliser les institutions Fannie Mae et Freddy Mac.

Mais cette façon de voir refuse de reconnaître la réalité du surendettement. Ce n’est pas seulement l’État fédéral américain qui est surendetté. C’est aussi le cas pour les entreprises et les individus. Ce n’est pas parce qu’ils ont des problèmes de liquidité que les banques ne prêtent pas mais essentiellement parce qu’elles ne trouvent pas de clients solvables. Après l’expérience des crédits pourris des subprimes, on se demande pourquoi on veut encore pousser les banques à faire des crédits douteux dans d’autres secteurs de l’économie.

L’astronome, mathématicien et économiste italien Nicolas Copernic eut à dire au 15ème siècle que les nations ne sont pas ruinées par la violence mais plutôt graduellement, et de manière imperceptible, par la dépréciation de leur monnaie, due à une émission excessive de celle-ci.

Des remèdes pires que le mal

Comment Haïti se situe-t-elle dans cet imbroglio international ? Comment ses dirigeants comprennent et évaluent leur stratégie de développement dans la conjoncture internationale ? La politique économique d’extraversion suivie par les décideurs haïtiens et promue entre autres dans le rapport Collier ne tient pas compte de cet environnement extérieur malade. Il est question de marché américain, d’aide internationale, de tourisme, de loi Hope II, etc. C’est l’extraversion totale. Cette stratégie est en porte-à-faux par rapport à la réalité de la globalisation et ne semble pouvoir déboucher que sur un fiasco. Tout comme la réunion du G20 semble être un échec annoncé. Car il y a des vagues de fond qui sont structurelles. Deux raisons fondamentales expliquent cela. La première est qu’Haïti décide de dépendre de l’aide étrangère pour avoir les capitaux nécessaires à son développement. Or, l’aide étrangère a considérablement diminué. Ce sont les flux privés d’investissement qui priment dans le financement du développement international. Ces flux privés investis dans les pays émergents ont diminué de 2007 à 2008, allant de 928 billions de dollars à 466 billions. Ils devraient diminuer de moitié encore en 2009. Les plans de relance des pays développés ne laissent que peu de place aux capitaux de l’épargne mondiale pour qu’ils soient disponibles afin de financer les pays en développement. La deuxième est que les exportations des pays du Sud s’écroulent. Ils diminuent de 28% au Brésil et de 25% en Chine.

Les gouvernements haïtiens ont adopté la politique de privatisation aveugle. Des entreprises publiques ont été privatisées n’importe comment. La gestion des produits de ces privatisations est des plus opaque. Qu’a-t-on fait de cet argent ? Les gouvernements haïtiens ne sont pas autonomes et ne peuvent pas formuler leurs propres politiques à partir des intérêts nationaux. Ils écoutent les prescriptions des institutions financières internationales dictées par les pays développés. Or ces pays n’appliquent pas ces prescriptions chez eux quand ils sont confrontés à la crise. C’est le cas actuellement aux États-Unis aussi bien avec le plan de sauvetage qu’avec le plan de relance proposé par le gouvernement américain pour tenter de sortir de la crise. Ce plan adopte une politique monétaire qui est en désaccord avec l’orthodoxie néo-classique. En Haïti, les bailleurs de fonds internationaux continuent d’exiger l’application de politiques monétaires restrictives, d’augmentation des taux d’intérêt et de diminution des dépenses publiques. Des remèdes qui se révèlent pire que le mal. Comme le dit si bien l’économiste de Cambridge Ha-Joon Chang , « Si les politiques et les institutions que les pays riches recommandent aux pays pauvres sont convenables et appropriées, on aurait pu s’attendre à ce que la croissance et le développement soient la règle, plutôt que l’exception, durant les trois dernières décennies au cours desquelles les pays développés ont commencé à mettre la pression sur les pays en voie de développement pour qu’ils adoptent ce qu’ils appellent les ‘normes mondiales’ ». [8]

La politique de destruction de l’échelle

La politique de développement des gouvernements haïtiens est basée uniquement sur les concours financiers internationaux provenant de la Banque Inter-Americaine de Développement (BID), de la Banque mondiale, du FMI, de l’Union Européenne et des autres institutions financières bilatérales. Or ce qu’indique la réalité, c’est que depuis 1998, 80% des flux financiers allant dans les pays en développement viennent du secteur privé et 20% viennent du secteur officiel. Ayant perdu toute confiance en eux-mêmes, les dirigeants haïtiens ont mené des politiques consistant à faire dépendre la sécurité nationale d’une force d’occupation étrangère. Non seulement cette façon de voir prolonge la politique de réduction de la densité nationale, mais aussi elle détruit l’échelle sur laquelle Haïti pourrait grimper pour arriver à son propre développement. Cette échelle que les pays riches ont utilisée hier pour se développer. Comme l’a amplement montré l’économiste Ha-Joon Chang [9], cette politique de destruction de l’échelle consiste à imposer aux pays en développement des politiques libérales d’ouverture et de libre-échange qui n’ont pas été suivies par les pays développés.

La Grande-Bretagne s’est ouverte au libre-échange seulement après avoir constituée sa suprématie industrielle et les Etats-Unis ont protégé leur marché national avec des hauts tarifs de 1816 à 1945. Comme le souligne Rafael Correa, président de l’Équateur, les pays riches s’efforcent d’appliquer la politique de la prostituée qui, après s’être fait un magot, réclame la fin de toute politique de tolérance. [10] En Haïti, la politique de destruction de l’échelle a eu pour effets de s’en remettre à la mondialisation pour pouvoir donner à manger à la population. L’autosuffisance alimentaire en riz, maïs, céréales, œufs, poulets, sucre, etc. a été remplacée par une politique d’importation dont la résultante a été les émeutes de la faim de 2008. Les partisans de la thèse qui veut qu’Haïti suspende la production de maïs sont au casino mais ne sont pas des joueurs titulaires d’une place assise à la table de Vingt-et-Un ou de Black Jack. En pensant qu’Hait devrait se fournir en maïs des Etats-Unis pendant 25 ans afin que les terres en pente aient le temps de se régénérer, ces gens-là qui sont debout derrière les gens assis se trompent et trompent les autres. Étant debout derrière les titulaires de places assises, ils n’ont pas le droit de décision. Les gouvernements haïtiens qui écoutent leurs mauvais conseils en voulant réaliser une politique d’industrialisation à la Taiwan doivent savoir que Taiwan avait assuré son autosuffisance en riz avant de se lancer dans l’assemblage pour l’exportation. Ditto pour la Corée du Sud. La politique d’industrialisation par l’assemblage prônée par l’USAID et les institutions financières internationales a placé Haïti dans une voie de garage au détriment des investissements qui devaient avoir lieu dans l’agriculture.

Le temps des fausses « bonnes nouvelles »

L’empire a donné au président Obama la difficile tâche de dire aux Américains que leur train de vie basé sur la dette est insoutenable et doit changer. Ce n’est plus le temps des entrepreneurs mais celui des joueurs qui font du lucre leur motto. C’est tout simplement de l’escroquerie que de transformer des dettes en actif. Mais plus grave encore c’est de la corruption (incluant ententes entre traders, délits d’initiés, truquages comptables) quand on mélange des crédits à haut risque avec d’autres crédits moyennement risqués et qu’on les vend comme des nouveaux produits dérivés. Cette titrisation sauvage est à la base de la crise financière qui ravage la planète. La mafia financière a déshabillé Pierre pour habiller Paul. Le secteur de la finance a continué sur une plus grande échelle les pratiques de corruption qui ont entraîné les faillites emblématiques d’Enron et de WorldCom en 2002-2003. Et dans ce cadre, l’arme de l’information, surtout à travers l’internet, a été mis en valeur pour diffuser de fausses « bonnes nouvelles » afin d’influencer artificiellement les cours boursiers. Depuis la fameuse bataille de Waterloo, les financiers qui dirigent la planète ont toujours su fabriquer des mensonges, comme celle de la victoire de Napoléon en novembre 1815, pour vendre leur vision trompeuse au reste du monde et multiplier leur fortune par vingt.

[1] Kathleen Day, “Rubin’s pay for just 2 months : $21 million”, Washington Post, March 7, 2000

[2] Nouriel Roubini, “A Deep Recession and a Severe Financial Crisis Ahead”, Investment News, Mar 26, 2008

[3] Bank of International Settlements, Quarterly Review, Basel, Switzerland, March 2009, p. A-103.

[4] Quarterly Report on Bank Trading and Derivatives Activities, Office of the Comptroller of the Currency, Washington, D.C., Fourth Quarter 2008, p. 17.

[5] « Recommendations by the Commission of Experts of the President of the General Assembly on reforms of the international monetary and financial system », United Nations, New York, 19 March 2009, p. 11.

[6] Ibid, p. 11

[7] Nicolas Kulish, « Europe, aided by Safety Nets, resists U.S. push on Stimulus », New York Times, March 27, 2009

[8] Ha-Joon Chang, "Les schémas de développement servis aux pays du Sud ne servent que les intérêts de ceux qui les propagent", Conférence de l’auteur à la Banque Africaine de Développement (BAD) à Tunis, Février 2009. Voir aussi Ha-Joon Chang, “La bonne gouvernance à l’épreuve de l’histoire”, L’économie politique, n° 17, 1er trimestre, 2003.

[9] Ha-Joon Chang, Kicking away the Ladder. Development,Strategy in Historical Perspective, Anthem Press, London, 2002, p. 68.

[10] Rafael Correa, Presentación del libro « El rostro oculto del TLC », de Alberto Acosta, Fander Falconí Benítez, Hugo Jácome y René Ramirez, Ediciones Abya-Yala, Quito, Ecuador, 2006.

lundi 30 mars 2009

CHAQUE CONSTITUTION EST L'EXPRESSION DE SON TEMPS

Chaque constitution est l’expression de son temps

Par Bell Angelot

Au point de vue matériel la constitution peut se définir comme l’ensemble des règles écrites ou coutumières qui déterminent la forme de l’Etat la dévolution ou l’exercice du pouvoir. Au point de vue formel la constitution est un document relatif aux institutions politiques, dont l’élaboration et la modification obéissent à une procédure législative ordinaire, comme par exemple une assemblée constituante. Et généralement elle se définit comme la charte fondamentale de la nation. La constitution est souple quand elle peut être révisée par un organe qui adopte les mêmes procédures pour les lois ordinaires ; tandis que la constitution rigide est celle qui ne peut être révisée que par un organe distinct, probablement les deux tiers des deux branches d’un parlement bicaméral. En règle générale les constitutions coutumières, comme celle de l’Angleterre sont souples, celle des Etats unis l’est exceptionnellement aussi. Quand la constitution est souple elle perd un pourcentage dans sa suprématie, car dans la hiérarchie des lois elle n’est pas réellement au sommet, vu qu’elle peut être modifiée comme toutes les autres lois.
La constitution haïtienne de 1987 est fortement rigide. L’article 282 de cette constitution stipule que « le pouvoir législatif sur la proposition de l’une des deux chambres ou du pouvoir exécutif, a le droit de déclarer qu’il y a lieu d’amender la constitution avec motifs à l’appui » L’article 282-1 exige que cette déclaration d’amendement doit réunir les deux tiers des deux chambres, et les autres articles continuent la rigidité de cette charte. Cette constitution est tellement rigide qu’elle côtoie en ce sens la ligne anti-démocratique, en son article 284-3 stipulant que « Toute consultation populaire tendant à modifier la constitution par voie de referendum est formellement interdite »

La constitution est le reflet d’un Etat de droit, sa mission socio politique est le bannissement de l’arbitraire. La nature ou le caractère d’une constitution ne dépend pas, ne varie pas, selon que l’Etat soit unitaire ou fédéral.
La vie constitutionnelle commence en Haïti à partir de 1801, si l’on admet indiscutablement que la nation existe avant l’Etat, car la constitution est la charte fondamentale de la nation mais non de l’Etat. Par contre on ne saurait réfuter la thèse qui fait de la constitution l’expression de la souveraineté de l’Etat qui est aussi, une création humaine, un phénomène historique, politique et juridique, une réalité nationale et internationale. Certains actes posés par Toussaint Louverture justifient l’existence de cet Etat, tel l’accord commercial conclu avec l’Angleterre en 1797, connu historiquement sous le nom de traité de La Pointe Bourgeoise. Les Traités sont de la compétence des Etats souverains. Cette constitution était confectionnée par Toussaint Louverture pour éteindre les ambitions de Napoléon de soumettre toute l’Amérique sous sa puissance. Un Empire ou le soleil ne se couche jamais était son rêve. Toussaint Louverture voulait un instrument juridique pour mettre un frein à l’esclavage des nègres par les Blancs. Ce fut une constitution anti esclavagiste, antiraciste imprégnée en filigrane d’un esprit indépendantiste. Elle fut publiée solennellement le 10 Juillet 1801.

Le 20 Mai 1805 Dessalines a promulgué la constitution impériale. Peut-on admettre que l’Etat souverain d’Haïti fut dirigé du premier janvier 1804 au 20 Mai 1805 sans Constitution ou dans la continuité de celle de 1801 ?

Cette charte fondamentale devait formaliser juridiquement les destinées de l’ile d’Haïti. Elle est anti colonialiste, anti esclavagiste, anti raciste et interraciale. Elle admet sans xénophobie aucune, la cohabitation entre plusieurs races. Cette constitution fait d’Haïti le premier Etat du monde qui, fraichement conquiert son Indépendance, ne manifeste aucun esprit de xénophobie en accordant la nationalité haïtienne aux étrangers de race africaine et indienne sans exclusion des blancs Polonais et Allemands. Et plus tard le nouvel Etat est allé plus loin en appliquant le droit racial avec la constitution de 1816.
La constitution du 20 Mai 1805 établit un régime militaire, totalitaire et absolu, avec compétence sur toute l’ile d’Haïti qui répond aux exigences de l’époque, c'est-à-dire la gestion de la guerre pour garantir la paix, sauvegarder l’indépendance fraichement acquise aux prix de grands sacrifices et contrer toute velléité des puissances colonialistes, plus spécialement La France.

En passant par la constitution du 27 Décembre 1806 qui introduit la République dans la littérature politique haïtienne, en transitant par les documents de la scission, la constitution de 1843 a véhiculé la pensée de grands changements, de grandes reformes dans la société haïtienne. C’est la constitution de 1843 qui la première fois, a manifesté l’idée de confier le poste de président à des civils pour mettre fin au règne des militaires, substitua le terme paroisse en commune, a donné naissance par la suite à la première secrétairerie d’Etat de ‘instruction publique. Le terme paroisse a été réapparu avec Soulouque. Sans négliger les effets des autres sur notre histoire, voyons la constitution de 1889, celle qui a connu la plus longue vie dans l’histoire politique haïtienne, qui a résisté aux assauts des politiciens haïtiens, mais qui succomba sous les baïonnettes des occupants en 1918.

La raison fondamentale de l’abrogation de la constitution de 1889 en 1918 était pour accorder le droit à la propriété foncière aux étrangers. Ce privilège leur était interdit depuis la constitution de 1805. Donc un pays qui est sous l’occupation ne peut en aucun cas amender sa constitution dans ses propres intérêts. Depuis 1990 la communauté internationale devient une actrice principale dans la vie nationale haïtienne. Les constitutions sont toujours confectionnées dans l’intérêt de ceux qui portent les baïonnettes. Et ce n’est pas sans raison que Tonton Nord scandait haut et fort que « konstitisyon se papye, bayonnèt se fè ».

La constitution de 1987 est née de l’euphorie populaire, de l’émotion nationale et même de la folie haïtienne. Ainsi les constituants d’alors voulaient offrir à la nation une œuvre qui répondrait aux aspirations séculaires du peuple haïtien, mais, comme disait Blaise Pascal « le malheur veut qui veut faire l’ange fait la bête.». En effet cette tendance n’est ni bizarre ni un hasard, car à chaque régime totalitaire, à chaque constitution anti démocratique, se succède une constitution libérale. Après la constitution de 1816 qui légitima les régimes de Pétion et de Boyer on a eu la constitution de 1843, très libérale, très démocratique. Donc la constitution de 1987 a suivi les mêmes sillons de l’histoire.
Les constituants ont voulu créer une rupture avec les régimes présidentiels trop forts, ils ont voulu un président sans dents et sans griffe, un chef de doublure qui exécute à coté d’un premier ministre puissant qui contrôle la machine gouvernementale. La constitution de 1983 a bien créé le poste de premier ministre, mais aujourd’hui l’expérience prouve que les us et coutumes politiques d’Haïti s’accordent mieux au régime présidentiel. L’exécutif bicéphale est trop conflictuel. En réalité, le président de la République garde malgré tout un pouvoir très étendu selon la constitution de 1987. Le premier ministre est le chef du gouvernement certes, mais c’est le président de la République qui dirige le conseil des ministres (art 166). Et de surplus l’article 136, fait de lui le maitre d’œuvre, le grand patron des institutions publiques. « Le président de la République, chef de l’Etat, veille au respect et à l’exécution de la constitution et à la stabilité des institutions. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Cette constitution projette une autre confusion dans les relations entre l’exécutif et le parlement. Elle ne définit ni un régime parlementaire, ni un régime présidentiel et semi parlementaire non plus.

Pierre Pactet dans son ouvrage intitulé « Les institutions politiques et Droit Constitutionnel définit cette dyarchie comme un régime dualiste. « En régime parlementaire dualiste, le gouvernement est politiquement responsable non seulement devant l’assemblée, ou les assemblées, comme il a été explique, mais aussi devant le chef de l’Etat, qui participe activement à l’exercice du pouvoir. Il est clair qu’un tel système ne peut fonctionner correctement que si le chef de l’Etat et la majorité parlementaire appartiennent au même courant politique, car s’il n’en est pas ainsi, la position du gouvernement risque de devenir intenable… c’est pourquoi le régime parlementaire dualiste est justement critiqué, car il ne peut conduire qu’à un blocage des institutions »
La constitution établit alors un régime d’assemblée qu’on n’est jamais arrivé à instituer. Et ces assemblées ne sont définies ni comme une branche de l’exécutif, ni comme un parlement régional. Elles exercent un pouvoir de contrôle sur les collectivités, elles peuvent participer au conseil des ministres, et peuvent aussi choisir les juges, acteurs du pouvoir judiciaire.

Le projet d’amendement de cette constitution est bien une nécessité, mais pas une urgence et non plus une priorité. Cette constitution est une couveuse de jobs qui alourdissent les charges de l’Etat qui devient impotent devant ses responsabilités et qui renonce aux services à la population. Comment expliquer que l’application d’une constitution peut amener même à l’hypothèque de la souveraineté nationale, car le budget national est supporté à soixante dix pourcents par l’aide internationale ? Quel scandale ? Quelle vassalisation ?

La souveraineté alimentaire n’est qu’un rêve et même un cauchemar, avec moins de vingt cinq pourcents des trente pourcents de l’espace cultivable et l’importation de plus de cinquante pourcents des produits alimentaires négligés par notre agriculture un millions d’œufs par jour de la République Dominicaine.
Par conséquent il faut penser un nouvel Etat, il faut panser l’Etat, il faut créer une démocratie haïtienne, et alors promulguer une constitution à la dimension d’une nouvelle vision et à la mesure de nos moyens. On ne peut importer ni la démocratie, ni le développement économique. En plus une nouvelle constitution n’apportera rien de nouveau au pays, si nos dirigeants gardent cette même mentalité d’irresponsabilité et d’insouciance, s’ils continuent à diriger sans aucun respect de la personne humaine et des biens de l’Etat. Le vrai amendement est celui de notre conscience et de notre mentalité. Le 17 octobre 2007 le président de la République a accusé la constitution comme responsables de l’instabilité du Pays. C’est faux, la constitution est innocente. Ce n’est pas la charte fondamentale qui est responsable des retards budgétaires, et le non respect des calendriers électoraux. L’opinion nationale semble opter pour la double nationalité ou l’intégration des haïtiens jouissant d’une nationalité étrangère dans la gestion du pays, selon l’esprit de la loi de juillet 2002 promulguée par le gouvernement Lavalas; l’instauration d’une cour constitutionnelle et la création d’une force de défense du territoire national. Donc le projet nécessite un grand débat national pour savoir ce qu’il faut rejeter, ce qu’il faut conserver et ce qu’il faut ajouter.

Mais le grand dilemme, c’est le pouvoir en place qui n’inspire aucune confiance pour un projet national de si grande envergure. Son attitude, son esprit d’exclusion manifestée pour l’organisation des nouvelles élections pour le renouvellement du tiers du sénat inquiètent. La commission qu’il a créée à cet effet exclut la diaspora catégoriquement, l’organisation politique Fanmi Lavalas et certaines personnalités bien trempées dans le droit public.
A bas l’exclusion d’où qu’elle vienne !

En conclusion on aura beau changer ou amender les constitutions, le pays restera inchangé si nos hommes et nos femmes d’Etat n’opèrent aucun amendement dans leur conscience, aucun changement dans leur savoir faire. La vingt deuxième constitution est menacée d’être amendée après vingt deux ans d’existence. Mais en même temps la météorologie politique du pays annonce de nouvelles crises qui seront provoquées par les prochaines élections qui seront les plus pauvres en participation, les moins démocratiques et les moins libres, par la méthodologie adoptée par le président de la République pour amender la constitution, par la maladresse du pouvoir en place miné par la corruption et l’incohérence, par la crise économique chronique qui gangrène le pays. Le brasier de l’émeute de la faim d’avril dernier est encore fumant. Nous n’avons pas réellement un problème de constitution, mais plutôt un problème d’hommes et de femmes pour respecter et faire respecter la constitution. Nous faisons ce qui est prohibé par la constitution, nous négligeons ce que la constitution nous ordonne. Cette prophétie de Firmin, faite un mois avant sa mort le 19 septembre 1911 est encore d’actualité « Je puis disparaître sans voir poindre à l’horizon, l’aurore d’un jour meilleur. Cependant, même après ma mort, il faudra de deux choses l’une ; ou Haïti passe sous une domination étrangère ou elle adopte résolument les principes au nom desquels j’ai toujours lutté et combattu. Car au vingtième siècle et dans l’hémisphère occidental, aucun peuple ne peut vivre indéfiniment sous la tyrannie, dans l’injustice, l’ignorance et la misère »

BELL ANGELOT, Professeur de droit public
Directeur fondateur du Centre Haïtien de Recherches et
D’Investigations en Sciences Sociales

dimanche 29 mars 2009

UN MONDE SANS NOIRS? IMPOSSIBLE!

UN MONDE SANS NOIRS? IMPOSSIBLE!

On raconte une histoire très amusante et très révélatrice à propos d'un groupe de Blancs qui en avaient marre des Noirs.Ces Blancs avaient décidé, d'un commun accord, de s'évader vers un monde meilleur.

Ils étaient donc passés par un tunnel très sombre pour ressortir dans une sorte de zone nébuleuse au cœur d'une Amérique sans Noirs, où toute trace de leur passage avait disparue.Au début, ces Blancs poussèrent un soupir de soulagement.Enfin, se dirent-ils, finis les crimes, la drogue, la violence et le bien-être social.Tous les Noirs ont disparu.

Mais soudainement, ils furent confrontés à une toute autre réalité, la nouvelle Amérique n'était plus qu'une grande terre aride et stérile.Les bonnes récoltes étaient rares car le pays s'était jusque là nourri grâce au travail des esclaves noirs dans les champs.Il n'y avait pas de villes avec d'immenses gratte-ciel, car Alexander Mills, un Noir, avait inventé l'ascenseur et, sans cette invention, on
trouvait trop difficile de se rendre aux étages supérieurs.Il n'y avait pratiquement pas d'automobiles, car c'était Richard Spikes, un Noir, qui avait inventé la transmission automatique.

Joseph Gammel, un autre Noir, avait inventé le système de suralimentation pour les moteurs à combustion interne, et Garret A.Morgan, les feux de circulation.

En outre, on ne trouvait plus de réseau urbain express, car son précurseur, le tramway, avait été inventé par un autre Noir, Elbert R. Robinson.Même s'il y avait des rues où pouvaient circuler automobiles et autres rames ferroviaires express, elles étaient jonchées de papier et déchets, car Charles Brooks, un Noir, avait inventé la balayeuse motorisée.Il y avait très peu de magasines et de livres car John Love avait inventé le taille-crayon, William Purvis, la plume à réservoir, et Lee Burridge, la machine à écrire, sans compter W.A. Lovette avec sa nouvelle presse à imprimer.Vous l'avez deviné ?
Ils étaient tous des Noirs.Même si les Américains avaient pu écrire des lettres, des articles et des livres, ils n'auraient pu les livrer par la poste, car William Barry avait inventé le tampon manuel et Phillip Downing, la boite aux lettres..Le gazon était jaunâtre et sec, car Joseph Smith avait inventé l'arrosoir mécanique, et John Burr, la tondeuse à gazon.Lorsque les blancs entrèrent dans leurs maisons, ils trouvèrent que celles-ci étaient sombres, pas étonnant, Lewis Latimer avait inventé la lampe électrique, Michael Harvey, la lanterne, Grantville T. Woods, l'interrupteur régulateur automatique.

Enfin leurs maisons étaient sales car Thomas W..Steward qui avait inventé la vadrouille(balai), et Lloyds P.Ray, le porte poussière, leurs enfants les accueillirent à la porte pieds nus, débraillés et les cheveux en broussaille, à quoi fallait-il s'attendre ?Jan E. Matzelinger avait inventé La machine à formes de chaussures, Walter Sammons, le peigne, Sarah Boone, la planche à repasser, et George T.Samon, la sécheuse à linge. Les Blancs se résignèrent finalement à prendre une bouchée, dans tout ce chambardement, mais pas de chance, la nourriture était devenue pourrie car c'était un autre Noir, John Standard, qui avait inventé le réfrigérateur. N'est-ce pas étonnant?Que serait le monde moderne sans contribution des Noirs?Martin Luther King Jr. a dit un jour:

'Quand vous êtes prêts à partir pour le travail, sachez que la moitié de toutes les choses et de tous les appareils dont vous vous êtes servis avant de quitter votre maison a été inventée par des Noirs'.

Tout ça pour vous dire chers frères et soeurs que l'histoire des Noirs ne se résume pas seulement à l'esclavage.Quand nous pensons à Fréderik Douglass, Martin Luther King Jr, Malcolm X, Marcus Garvey et Du Bois.

Diffusez ceci à tout le monde afin que tous sachent la vérité, c'est le
minimum que nous puissions faire pour leur rendre hommage. Comme disait Bob Marley 'Time will tell' (le temps le dira).

Et maintenant un PRÉSIDENT NOIR.OBAMA!


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