mercredi 25 novembre 2009

HAITI-REPUBLIQUE DOMINICAINE:POUR SORTIR DE LA MINUSTHA...

Haiti-République Dominicaine
Pour sortir de la MINUSTAH : Vers une gouvernance écologique de l’île Kiskeya
« …sur le plan écologique l’unité de l’île est incontournable »

mardi 24 novembre 2009

Débat

Par Par Jean-Claude Chérubin

Soumis à AlterPresse le 23 novembre 2009

Un ancien ambassadeur de la République Dominicaine, accrédité en Haïti, a lancé l’idée d‘une entité fédérale intégrant les deux parties de l’île. Cette déclaration s’inspire indubitablement du destin manifeste de l’Unité de Kiskeya qu’un sous racisme primaire hérité du colonialisme ne saurait longtemps contrarier. En quoi une telle démarche est-elle d’actualité ? Et surtout quels contours elle devrait prendre pour constituer une réponse aux défis de l’heure ? Comment l’inscrire véritablement en alternative à la crise de civilisation que l’humanité traverse actuellement ?

La démarche de fédérer les deux États n’a rien d’insolite en elle-même pour qui est informé du fondement de notre existence de peuple et du positionnement de l’entité Kiskeya dans l’aventure humaine. Ce qu’il importe de méditer cependant, c’est son actualité et surtout les contours qu’elle devrait prendre pour s’inscrire véritablement en alternative à la crise de civilisation que nous traversons.

Lorsque les colonialistes dépècent un territoire et sa population, ils obéissent à des intérêts matériels à courte vue. Ils laissent trainer des situations explosives, fonctionnant comme des bombes à retardement avec des mines antisociales qui hypothèquent la vie de générations entières. La répartition de l’île d’Ayiti, sous l’effet de la chirurgie coloniale, relève de cette logique. Les blessures vives qui en résultent s’appellent : de nos jours la situation révoltante des bateys, l’inimitié entretenue au sein d’un peuple coupé en deux et hier le massacre de nos compatriotes par un tyran à l’idéologie fascisante. Pourtant, au-delà de l’évidence géographique, tout semble indiquer l’unité du destin des Ayitiens et des Dominicains.

Les leçons des défis écologiques actuels

Les catastrophes écologiques imposent de nouveaux défis à l’humanité et ignorent les frontières réelles et naturelles voire les barrières artificielles érigées par les intérêts égoïstes des hommes. La grippe aviaire n’a pas besoin de visa ni de se soumettre au contrôle des postes de police. Le réchauffement climatique ne connait pas de préjugé racial ni de préférence idéologique. La crise environnementale nous place devant des responsabilités qui transcendent les clivages politiques. Elle tend à mettre à nu l’inanité et l’absurdité de certaines conceptions du monde. Elle nous situe à un carrefour où nous avons le choix entre sombrer dans la préhistoire ou la transcender pour engager la vraie aventure humaine.

Les nouveaux enjeux environnementaux nous indiquent la voie à prendre ou à éviter si nous voulons sortir de l’impasse et assurer l’avenir des générations futures, ce qui pose l’urgence d’une utopie créatrice. En ce sens, le concept de gouvernance écologique démocratique ouvre un champ de perspectives à explorer pour l’expérimentation d’une alternative. Les formes actuelles de gestion de la planète et de la vie quotidienne de nos peuples, issues de la vision prédatrice imposée par l’occident, ont dramatiquement échoué. Les catastrophes écologiques nous interpellent à repenser profondément les rapports des hommes entre eux et avec les autres créatures. Elles nous renvoient à une autre vision de la vie, plus proche de celle des peuples « vaincus » que de la modernité « triomphante », une vision qui tient compte du fait que l’homme partage non seulement la terre avec d’autres êtres vivants mais que toutes ces formes de vie sont solidaires. Il faudra dépasser une certaine conception anthropocentrique pour bien situer l’homme dans ce complexe d’interrelations qui le lie à son environnement. C’est à ce niveau que l’histoire interpelle le (s) peuple (s) de l’île Kiskeya à sortir ensemble du marasme et indiquer en même temps au reste du monde la voie de rupture nécessaire au sauvetage de la planète.

Dans le brouillard épais d’initiatives confuses, le rêve kiskeyen a scintillé à travers l’idée d’un État fédéral, réunissant les deux parties de l’île en une entité nouvelle. Cette intégration des deux républiques pourrait se faire sur la base d’une approche écologique de la gouvernance de l’île, laquelle pourrait démarrer par la définition et la mise en œuvre d’une politique environnementale commune. Cette politique passerait par une harmonisation des législations nationales et un engagement solidaire aux accords internationaux en la matière. L’identification, l’aménagement et la gestion transfrontaliers d’aires protégées offriraient l’opportunité d’avancer progressivement sur une base concrète, possibilité dégagée par la Déclaration de Barahona, signée le 7 août 2009 par les deux gouvernements, si elle est mise en application. Le fonctionnement d’un système d’échange d’informations et de technologies, l’élaboration d’un ordre juridique commun nous conduirait à la constitution d’un espace écologique kiskeyen, moteur d’une conception alternative d’intégration caribéenne.

Si sur le plan culturel il existe une discontinuité due à notre domination par des oppresseurs différents, sur le plan écologique l’unité de l’île est incontournable. C’est fort de cette évidence qu’il nous faut reconstituer l’harmonie humaine du peuple de Kiskeya. De même que la diversité écologique de notre écosystème constitue une richesse à préserver, la diversité culturelle de notre peuple est un élément de force et non de faiblesse sur lequel nous pouvons bâtir une alternative de civilisation. En même temps, elles sont l’occasion d’un recours aux sources culturelles non entamées par la logique technicienne productiviste. Quoi qu’on dise, mises à part la tâche sombre du massacre de Trujillo et, ça et là, des tensions à relents post-coloniaux esclavagistes, l’histoire de la coexistence de nos deux peuples est globalement positive.

Une vision du monde et une politique internationale défaillante

Prise dans son traditionnel dilemme en matière d’opération de paix, à savoir s’il faut démocratiser d’abord et stabiliser ensuite ou l’inverse, l’ONU nous confectionne une démocratie au rabais pour État en faillite. Nos astucieux politiciens, spécialistes en natation en eaux troubles n’en demandent pas mieux. Pendant que le pays s’enfonce dans l’abîme, ils jouent, en petits malins gloutons, à se couillonner, s’entredéchirer et s’autodétruire.

Refusant de prendre acte que le cadre institutionnel international actuel est incapable de répondre aux défis du temps, ils s’enfoncent de sommet en sommet dans des crises irrémédiables. L’exemple de la MINUSTAH est illustrant à ce propos. Enfermé dans le carcan du chapitre VII de la charte, le Conseil de Sécurité est obligé pour la renouveler de répéter à chaque fois qu’Ayiti constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales malgré les centaines de millions de dollars dépensés depuis six ans pour « stabiliser » la situation. Pour sortir du ridicule, il suffirait d’innover en déclarant Ayiti patrimoine écologique commun de l’humanité ; nos casques bleus deviendraient des casques verts pour exécuter un programme de solidarité internationale visant à réhabiliter l’environnement du territoire ayisyen. La seule difficulté est qu’il ne semble pas avoir de provision légale institutionnelle à cet effet. Pourtant, ils n’ont aucun problème pour violer la constitution de 1987 en nous imposant des armées étrangères sur le territoire national ou de changer la législation du travail pour transformer nos ouvriers et ouvrières en esclaves de la sous-traitance.

Au mandat déjà très mal défini - émanant d’une résolution du Conseil de Sécurité au titre du chapitre VII de la Charte pour on ne sait plus imposer, maintenir ou restaurer la paix, prévenir, mettre fin ou gérer une situation post conflit - la MINUSTAH ne finit pas de stabiliser Haïti. Discréditée, au point d’être affublée de tous les sobriquets par la malice populaire, et même soupçonnée de trafics illicites, la MINUSAH se fait garant du maintien d’un statu quo qui enfonce le pays dans la désespérance. A coup de milliards de dollars, dotée d’un personnel pléthorique manipulant engins de guerre et discours « astucieux », l’international assiste impuissant et/ou complice à la détérioration irrémédiable de l’environnement physique, social et politique de notre pays. Les tergiversations de la dernière conférence de Bali dues à des préoccupations mercantiles ont montré l’incapacité du système à faire face aux problèmes qu’il a engendrés. Le prochain sommet de Copenhague ne s’annonce pas sous des meilleurs jours. La menace écologique met à nu l’impasse catastrophique d’un choix de mode de vie.

A force de résister à ce qui est inscrit comme impératif historique de notre peuple, on finira par nous imposer des caricatures qui s’en inspirent comme cela semble de plus en plus se dessiner au vu de la valse incessante des envoyés spéciaux. Or, la seule spécialité de ces commissaires civils d’un nouveau genre est d’ignorer délibérément la vraie nature du projet libérateur ayisyen (au lieu de se mettre humblement à l’exécuter) qui se trouve être l’alternative à l’impasse civilisationnelle qui a plongé l’humanité dans cette crise environnementale irréversible. Associés à des laquais locaux, qui dans leur ignorance ne rêvent que de négocier le dépôt qui nous est confié contre des promesses de jobs de sous-traitance, ils viennent nous imposer de trouver notre salut dans les déchets des décombres de leur civilisation.

Manifester notre propre vision du monde

L’abandon du rêve de l’unité de l’île dans la perspective d’une alternative de civilisation ne peut que nous conduire à la dérive, à la merci des prédateurs moribonds. A une crise de civilisation il faut une alternative de civilisation. En dehors de cette voie, l’île entière est condamnée à sombrer irrémédiablement telle une épave abandonnée. Il n’y a aucun avenir pour une partie sans l’autre, ni de salut dans les décombres de l’actuelle civilisation en trépas. Que l’international saisisse enfin l’occasion de sa présence en Ayiti pour initier une « sortie de civilisation », en retrouvant la clef de l’équilibre et de l’harmonie qui a fait de Kiskeya l’Ile paradisiaque qui a émerveillé le fameux navigateur génois. Malheureusement pour lui et pour l’humanité, il a voulu prendre d’assaut la porte du paradis à la pointe de ses baïonnettes en imposant sa vision du monde. Aujourd’hui, en cette fin de cycle, on est en train de répéter la même faute grave. Avec de superbes chars d’assaut, on vient chercher une sortie des enfers avec la même vision du monde qui nous y a conduits.

L’effort à consentir pour nous positionner en exemple d’une île démocratique, pacifique et écologiquement viable est largement à notre portée. Les vieux démons minoritaires aux intérêts matériels égoïstes qui tendent à entretenir les germes de haine et de division, malgré leur anachronisme, ne consentiront pas facilement à partir. Les initiatives pour les contrecarrer ne manquent pas heureusement au niveau quotidien, informel et populaire, suppléant ainsi au déficit d’une politique officielle.

Nos pays et nos peuples sont doublement victimes du système qui s’effondre. D’une part, il s’est construit sur notre dos par le pillage de nos ressources et de nos énergies. De l’autre, nous subissons les conséquences de ses dérives globales. Nous sommes en ce sens les mieux placés pour lui indiquer la voie à suivre.

Tandis qu’Haïti continue de faire les frais de sa légendaire arrogance identitaire, la République dominicaine est en train de tirer un profit incertain de son déficit d’identité. Ensemble, ils pourraient mieux se positionner sur la scène internationale et offrir à l’humanité un nouveau monde à découvrir.

ZO (KSIL)
NOVEMBRE 2009

lundi 23 novembre 2009

LA MALTRAITANCE DE NOS RESSOURCES NATURELLES

18 Novembre, 2009

La maltraitance des ressources naturelles et l’agonie de la production alimentaire en Haïti

Dr. Harry-Hans François, Ph.D., N.D., Dip-CFC, CNC., LMHC
Janvier 2009

La république d’Haïti a connu pendant toute son histoire de peuple libre de nombreuses périodes de difficultés financières, des cas béants de famine ou de sous-alimentation, de multiples formes du despotisme non-éclairé et surtout de divers moments de levées sociales conduisant souvent à des émeutes et à des brûlures de plusieurs édifices publics et privés; des événements clairement destructifs et contradictoires à la marche du progrès individuel ou collectif. On comprend aussi que cette première république noire du nouveau monde a su forger ses propres costumes de flottement et les a toujours utilisés pour nourrir ses habitants moyennant jusqu' au milieu des années 80’s. Ceci dit, le pays a toujours été un récipient de divers programmes d’assistance étrangère et s’enorgueillissait parfois même d’une abondante contribution de produits agricoles locaux tels que la patate, le café, le cacao, le manioc, l’igname, le riz montagneux ou celui du lagon, la banane, le mango, le cochon noir (culturel) et tant d’autres animaux qui seraient naturellement nourris ou élevés. Pourtant, on trouve dans l’Haïti contemporain des cas béants de famine qui seraient supportés par la rareté de produits alimentaires et la cherté de la survie quotidienne. Et on appréhende tout de suite que la situation actuelle dans ce pays a été aggravée par une maltraitance prolongée de l’agriculture haïtienne, le passage du tsunami aux Gonaïves durant l’année 2004 et aussi par les derniers dégâts enregistrés durant la saison cyclonique de l’année 2008. En effet, ces récentes inclémences naturelles, supplantées par quelques politiques anomiques nationales et internationales qui ont été implantées durant les années 80’s, 90’s et 2000’s, semblent répandre un peu de lumière sur les problèmes actuels du pays.

En essayant d’assimiler les problèmes actuels de la sous-production alimentaire au pays, il importe d’être imbu ou de se familiariser avec quelques démarches politico-économiques qui ont été implantées et même imposées aux malheureux haïtiens par la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et autres durant les années 80’s. Et voici quelques abstracts qui ont été publiés là-dessus. Un rapport, axant sur les problèmes de la malnutrition et de sous-alimentation à travers le monde et couvrant au moins une période de 11 années (1991-2002) de sphère et qui a été publié par l’Organisation des Nations Unies, fait mention de la nécessité d’un programme sérieux de nutrition en faveur du peuple haïtien. Ce rapport situe les haïtiens et les mozambiquiens en tête de la liste des gens, consécutivement 1er et 2ième, qui ne reçoivent pas quotidiennement le niveau minimal de calorie recommandé par les experts mondiaux en nutrition; approximativement un chargement journalier de 2.500 jusqu'à 3.000 calories selon l’âge et les activités quotidiennes de la personne en question. Ce même rapport met à jour le pourcentage de la population qui serait affecté par cette situation endémique. Ainsi, il nous fournit ces chiffres alarmants sur le cas d’Haïti : un total de 65,3% pour l’année 1991, suivi d’un total de 59,4% pour l’année 1996 et finalement un total de 47,2% pour l’année 2002 (milleniumindicators.un.org/unds.mifre/m_results.asp). Cette situation, qu’on le saisisse ou pas, nous informe clairement de l’actuel cas de déploration au pays.

En parlant du cas haïtien, le journal dominicain, « Dominican Today », a été plus explicite et même plus objectif se référant aux rentrées financières de la république voisine qui seraient provenues de ses échanges d’exportation avec Haiti. Ils osent même parler, et ceci sans sentiments de crainte ou de réticence, d’une situation de dépendance de survivance trouvée dans l’Haïti d’aujourd’hui et qui serait fondée sur l’incapacité d’Haïti de produire ses propres besoins quotidiens. Ainsi, le journal supporte la pensée dominicaine sur une très forte importation quotidienne d’Haïti provenant de la République Dominicaine, des Etats-Unis d’Amérique et du Taiwan. Ce journal ainsi fait cas sur le processus d’une élimination graduelle de la manufacture des produits de base en Haïti, et ceci depuis l’année 1986. « Haïti reste notre troisième pays exportateur durant l’année 2006… Plus de cent quarante sept millions de dollars américains (USD $147,000.000) ont été pompés dans l’économie dominicaine par ce pays voisin durant cette même année », ajoute ce journal (Dominican Today, January 2009).

Une chercheuse, jugée très imbue de la situation, choisit d’être plus objective sur le sujet et a même établi un lien puissant entre cette pénurie de production en produits alimentaires et quelques démarches politico-économiques entreprises par les gouvernements haïtiens durant ces dernières vingt huitièmes (28) années d’histoire. Georges (2004), dans un cas d’étude intitulé « Echanges et disparition du riz haïtien », conclut que, depuis les années 70’s, le riz importé (riz Miami) a gagné du terrain sur la production du riz domestique… Haïti, pendant l’année 2000, a importé un total de deux cent dix neuf mille (219.000) tonnes métriques de riz américain pendant que sa production locale se fixe au total de cent trente mille (130.000) tonnes métriques pour la même année -- une baisse de soixante quatre mille (64.000) tonnes métriques en production locale comparable à l’année 1985. Et on comprend tout de suite que les chiffres d’importation pour l’année 2008 ne sont pas encore disponibles au moment de la composition de ce texte. Georges a aussi argué que cette situation a causé le déplacement des fermiers haïtiens, des commerçants, des meuniers et des cultivateurs de grains et de vivres alimentaires dont les opportunités d’emploi ont été au préalable extrêmement limitées. Selon Georges, deux grands facteurs, les plus signifiants d’ailleurs, restent et demeurent les causes motrices du déclin de la production agricole du riz haïtien. Et elle cite en tout premier lieu l’Adoption des Politiques de Libération d’Echanges, puis ensuite la Dégradation ou la Maltraitance de l’Environnement. « Aujourd’hui le riz importé inonde le marché haïtien pendant que les États-Unis continuent à jeter ses riz (du riz Miami, en jargon populaire) sur Haïti… Les conséquences du déclin de la production du riz haïtien restent dévastatrices sur la population rurale, pourtant très pauvre au préalable », elle insiste.

Un autre chercheur-économiste très connu de l’intelligentsia haïtienne, William Steif, et qui a travaillé pour la Banque Mondiale pendant les années 80’s, a choisi lui-même de voir le marasme haïtien sous une optique politico-endémique que tout simplement économique. Dans un article titré « Haitian Hell … A government gone awry » et qui a été publié en l’année 1985 dans le Multinational Monitor, il s’exprima en ces termes : « l’agriculture a lentement et inexorablement détérioré en Haïti durant ces trente (30) dernières années … Ainsi, la production agricole per capita subit régulièrement un déclin… En plus de tout cela, les coûts de la haute production montent en raison des ces observations suivantes : espaces non-utilisés, une pauvre gestion des terres cultivables, l’usage des équipements surannés, le manque de compétition globale, les difficultés d’exportation ou même celles de revendre sur le terroir leurs propres récoltes… Tout cela a procrée, en retour, une dépendance outrageuse sur l’importation des produits intermédiaires ou de survivance dont les consommateurs haïtiens en ont tant besoin chaque jour (Steif, Haitian Hell, the Multinational Monitor, 1985).

Le problème haïtien n’est pas unique en son genre, et l’on comprend pourquoi aujourd’hui un bon nombre d’experts dans ce domaine voit d’un œil douteux les démarches entreprises par les bailleurs de fonds étrangers. Ces experts vont même plus loin en prônant une théorie d’exploitation conçue par les pays riches du monde aux dépens des pays du tiers-monde. Les recherches, publiées à ce sujet, ainsi démontrent que presque toutes les pauvres familles des pays du tiers-monde ont été tout simplement mystifiées et abusées par les intentions des courtiers internationaux. Ils postulent que ces courtiers ont malicieusement construit des programmes d’aide visant primordialement à conquérir les marchés étrangers, et ensuite les pousser dans la gorge des gouvernements des pays pauvres, moyennant à l’exemple d’Haïti, de l’Amérique Centrale, de l’Afrique, et ceux de L’Asie de l’Est, afin d’en tirer grandement profit.

En effet, ils instituent et cèdent à un prix moyennant convenu leurs politiques d’aide alimentaire tels que le PL 480 Title I, II, II aux petits pays pauvres. Ces genres de programme sont concus sur des crédits à termes faciles qui seraient livrés aux compagnies locales fournisseuses de viandes-volailles, de pates alimentaires, du blé, de l’huile de cuisine, etc. dans le but de vendre leurs produits aux clients des pays participants. Et la nécessité d’un Mariage de Convenance entre le USAID et le gouvernement des pays participants, les obligeant à instaurer des changements ou de nouvelles démarches politiques en leur faveur, doit être signée afin d’embellir le deal aux visages des observateurs non imbus.

Lappé, Collins et Rosset, comme presque tous les autres experts dans cette affaire de famine à travers le monde et d’aide alimentaire fournie aux pays pauvres, questionnent sérieusement la praxis de ces bailleurs de fonds. Ils arguent que le programme de Title I a procréé des marchés immédiats pour les entrepreneurs américains pendant qu’il instille automatiquement un climat de dépendance psychologique chez la population des pays-récipients. « En encourageant la croissance des fermes-volailles, des meuneries, des savonneries étrangères et huileries végétales, les pays-récipients parviennent à se dépendre de ces fournisseurs étrangers. Pl 480 a grandement contribué au cas de Dépendance Structurelle fondée sur des Importations Continues… Le programme de Title I, version aide alimentaire, enrichit au prime abord les caisses des meuneries géantes telles que Cargill et autres, qui d’abord s’engagent continuellement dans le business de fournir et d’expédier ces produits nécessiteux, ensuite supportent les producteurs des entreprises de style-volailles pendant qu’elles contribuent en tout dernier lieu à la déprogrammation alimentaire culturelle axant antérieurement sur la consommation de grains ou de produits cultivés sur le terrain », contestent-ils (World Hunger, 12th myths, 1998, Lappe et al.).

Par voie de conséquences, ces politiques de conquête et de reprogrammation culturelle profitent foncièrement aux grands barons des pays-récipients et surtout aux compagnies étrangères telles que les grands entrepreneurs agricoles américains, le Wall Street, l’IMF, Cargill, Alberto, etc. Ironiquement, le péché originel et le chantage ne restent pas toujours impunis. Des levées sociales ou des guerres de faction s’éclatent de temps à autre chez ces pays-récipients et à chaque fois que les choses ne marchent pas bien en faveur de ces bailleurs de fonds. Ainsi, un dernier recours devient automatiquement imminent, car il faut sauver la face et aussi trouver un agneau sacrificateur. Et en dernier scenario du montage, c’est toujours un ancien protégé politique de ces courtiers internationaux, souvent génialement portraituré par la presse internationale comme étant le « fils prodigue ou le seul politicien corrompu de l’affaire », qui va perdre sa face ou parfois même être expulsé du pouvoir qu’il chérissait tant.

Et on appréhende tout de suite les rationalités sur lesquelles se reposent l’élimination du « cochon noir haïtien », les politiques de changement du tarif gouvernemental et les liens entre la fermeture abrupte, pendant les années 80’s, du Ciment d’Haïti, de la Minoterie d’Haiti, des Huileries Nationales d’Haiti, de l’Aciérie d’Haïti, de la Beurrerie du Sud et de la HASCO (Haitian American Sugar Company) en rapport avec la rareté ou la cherté de produits de base alimentaires trouvés actuellement sur le marché haïtien. En effet, la grande majorité des haïtiens contemporains font aujourd’hui préférence des produits alimentaires étrangers, qu’ils soient frais ou gâtés, aux dépens des locaux. Les lieux de provenance de ces produits ne valent pas grande chose pourvu qu’ils ne soient pas haïtiens. C’est ainsi qu’on observe sur le marché actuel le remplacement ou l’élimination graduelle du « griot d’antan», préparé jadis avec du cochon culturel du terroir, par le cochon blanc qui se nourrit du son de blé. La même observation est aussi faite pour les autres volailles et viandes grasses, jadis abondamment trouvées en Haïti. Les poulets, les dindes et les beurres de cacahouète locaux ont été graduellement remplacés par les poulets et dindes cadavériques (congelés) et les beurres synthétiques de cacahouète nous venant de l’étranger. La présence du riz local est devenue aujourd’hui un peu rare, acre et même dégoûtée de certaines gens. L’actuelle production haïtienne de la banane, du café et du cacao n’est plus suffisante pour répondre aux demandes de consommation locale et étrangère. Exception est seulement faite pour les différents types de mango. Des diverses misérables qualités de hot dogs et de céréales envahissent le marché local et sont devenues de véritables points d’appui servant à éliminer toute une série de plats et de goûts locaux.

Et on comprend tout de suite pourquoi les pauvres fermiers, les consommateurs haïtiens et aussi les habitants des autres pays gênés du monde restent aujourd’hui piégés dans une boite timorée pendant qu’ils absorbent les hauts prix des produits agricoles importés et, en même temps, se forcent d’accepter les revenus dérisoires provenant de leurs propres récoltes. Ironiquement, tout cela se passe après qu’ils fussent eux-mêmes devenus hautement accoutumés avec les gouts exotiques et synthétiques clairement imposés par les divers courtiers internationaux travaillant toujours en complicité avec quelques partenaires locaux. Et le théâtre dramatique se poursuit jusqu’à ce que les leaders politiques, commerciaux et éducatifs du pays se décident à s’engager objectivement dans la recherche d’une meilleure approche à la crise haïtienne.

Ironiquement dans cette petite république libre noire des iles caraïbes, les problèmes de rareté de provisions alimentaires se joignent fermement les mains, et parfois même dangereusement, avec les conséquences des sempiternelles bévues de l’état, le coût de la survie quotidienne et les sentiments chimériques éprouvés à l’égard du haut niveau de chômage. Ainsi, j’en déduis que ces deux derniers dérivés, supplantés par une litanie de désastres naturels dont le pays subit continuellement, amplement contribuent à l’état de marasme actuel. Et comme les ventres affamés n’ont pas toujours d’oreille, on doit aujourd’hui se mettre d’accord pour conclure qu’Haïti, et ceci à l’exemple des autres pays gênés du monde, continuera à faire face à des levées sociales qui seraient classées dans la logique des soucis politico- économiques de ses habitants, surtout si on n’implante pas de meilleures démarches socio-économiques profitant aux masses déshéritées. A bons entendeurs, salut !

dimanche 15 novembre 2009

HAITI-POLITIQUE: LES LECONS A TIRER DE L'AVENTURE MICHELE PIERRE-LOUIS

Haiti-Politique : Les leçons à tirer de l’aventure Michèle Pierre-Louis

samedi 14 novembre 2009

Débat

Par Leslie Péan

Soumis à AlterPresse le 12 novembre 2009

La destitution de Michèle Pierre-Louis suivie de la nomination accélérée de Jean-Max Bellerive donne à voir une dimension du mal haïtien encore insoupçonnée. Les clous de la trahison ont été enfoncés dans les âmes de nos compatriotes avec célérité. Mais aussi avec dégoût. Le vernis démocratique a craqué sous la tentation autoritaire et une réelle volonté de nivellement par le bas, d’appauvrissement et de mendicité généralisée, ce que le parler populaire désigne sous le vocable de kokoratisation du pouvoir, du savoir, de la société et de la culture. Le président Préval n’a rien dissimulé. Il a laissé tomber le masque pour revenir à la case départ. À cette graine de démon du ticouloute et du bacoulou qui constitue son essence. Il a tout mis à la surface en disant « Men Fanm nan pote Blan plent pou mwen ! » pour se plaindre des remontrances de Soros et de Clinton lui demandant de laisser plus d’espace à Michèle Pierre-Louis pour qu’elle puisse gouverner.

La graine de démon a grandi. Elle a donné non seulement un arbre de douleur avec des sénateurs allumant les flammes de l’inquisition contre Michèle Pierre-Louis, mais aussi des fleurs de feu brûlant tous les ministres qu’elle avait personnellement nommés dont Alrich Nicolas, Charles Manigat, Jean-Joseph Exumé, Olsen Jean Julien, etc. Le gouvernement Bellerive n’est donc pas du Michèle Pierre-Louis bis comme le dit le journal Le Matin mais plutôt du Préval pur et dur. En insistant pour que les fonds de la PetroCaribe qui s’élèveraient à près de 230 millions de dollars soient fiscalisés, comme le proposait avec fermeté Daniel Dorsainvil, ministre des Finances, le premier ministre Michèle Pierre-Louis précipitait la trahison du président René Préval à son encontre. Une trahison personnelle d’un homme se sentant acculé et qui en a profité pour éliminer Daniel Dorsainvil qu’il accusait de financer la campagne électorale de Michèle Pierre-Louis tout en lui tenant la dragée haute en ce qui concerne les fonds de PetroCaribe. Dorsainvil exigeait de la transparence dans la gestion de ces fonds dont 197.5 millions ont été décaissées dans le cadre du Programme d’urgence suite aux désastres survenus lors de la saison cyclonique de 2008 ainsi que la fiscalisation du solde atteignant 55 millions de dollars en Aout 2009.

Le syndrome d’hubris

Le président Préval était blessé par ce qu’il considérait être une infidélité de la part de Michèle Pierre-Louis. Il avait pu supporter les rapports de son premier ministre avec Soros. Mais il était irrité à l’idée de la voir enlacer par le redoutable Bill Clinton. Il serrait son inquiétude contre sa poitrine devant les liens solides qui se tissaient entre les deux suite à la rencontre de Miami en août 2009 et aux flammes allumées avec cette flopée d’investisseurs potentiels qui visitèrent Haïti les 1er et 2 octobre 2009. C’en était trop. Il se sentait un outsider. Il était devenu un étranger dans sa propre maison. Le Blanc lui avait ravi sa place. Et pourtant le président Préval avait essayé de changer son image. Sans prestance et sans honneur. Il avait endossé le veston et la cravate. Mais toujours pour trahir la cause du droit et de la justice.

Michèle Pierre-Louis est tombée dans le piège de Préval. Forte de ses liens d’amitié de longue date avec le président de la république, elle s’estimait à l’abri des intrigues de palais. Elle pensait donc qu’elle pouvait se lancer dans la course électorale pour 2010 étant donné que le mandat du président arrive à terme en février 2011. Madame Pierre-Louis avait oublié comment François Duvalier avait fait école avec le syndrome d’hubris dans ses manifestations les plus connues que sont les abus de pouvoir, la perte du sens des réalités, l’intolérance à la contradiction, les actions à l’emporte-pièce et l’obsession de sa propre image. Tous ses signes se retrouvent chez le président Préval à l’exception de l’obsession de sa propre image qu’il ne soigne pas particulièrement. Mais en arborant une tenue vestimentaire négligée, le président Préval essaie encore de passer pour un simple mortel afin de tromper les autres et masquer son grand amour du pouvoir.

On se rappelle encore comment Duvalier avait laissé croire qu’il allait abandonner le pouvoir pour mieux identifier les aspirants à son poste afin de les éliminer. L’une des victimes de ce vieux stratagème fut Lucien Daumec, son propre beau-frère, qu’il arrêta le 25 décembre 1963 et fusilla de ses propres mains au Fort-Dimanche en juin 1964. Michèle Pierre-Louis croyait que les institutions fonctionneraient normalement suivant les lois et règles sans nécessairement recevoir la bénédiction du président sortant. C’est justement là qu’elle s’est trompée dans un milieu politique monopolisé par les ratés qui reçoivent en surcroit le soutien de la communauté internationale estimant qu’ils sont les meilleures marionnettes pour garder leur peuple sous la domination et l’exploitation. Michèle a sous-estimé la politique féodale dans laquelle le chef choisit son successeur. Elle a oublié que les ratés ne vous ratent pas.

Un être tout-puissant obscurantiste

Mais par-delà le narcissisme pathologique des kokorats, la poursuite effrénée du pouvoir conduit au meurtre et à l’assassinat de paisibles citoyens. C’est justement le cas avec Robert Marcello, directeur du Conseil National des Marchés Publics (CNMP), disparu sans laisser de traces depuis le 12 janvier 2009. La désinvolture avec laquelle le gouvernement de Préval traite cette disparition est révoltante. Qui pouvait avoir quelque chose contre Robert Marcello ? Comme le dit sa fille Rose : « Si un reproche peut lui être fait, c’est d’avoir, malgré son pragmatisme légendaire, été trop naïf envers l’Etat haïtien, d’avoir trop cru à la décence des uns et des autres ; d’avoir cru, même parfois par delà ses négations, qu’une autre Haïti est possible. Il croit que chacun sur cette île a droit à une vie décente. » (Rose Marcello, Montréal, Canada, 5 Février 2009.) Personne n’est à l’abri avec ces monstres au pouvoir et les forces armées de la MINUSTAH qui les cautionnent et les soutiennent.

Les 230 millions de PetroCaribe sont de l’argent public. Il s’agit d’un prêt accordé à Haïti par le Venézuela pour une période de 25 ans au taux annuel de 2%. Ces fonds devraient être investis dans des activités rentables afin qu’ils puissent générer des revenus permettant à Haïti de rembourser au moment venu. Non seulement ce n’est pas le cas, mais de plus le président René Préval croit pouvoir dépenser cet argent à sa guise. Comme cela se faisait au temps du dictateur François Duvalier avec la caisse noire de la Régie du Tabac et des Allumettes. Qu’on publie dans la presse la liste, l’origine et le coût des biens et services achetés par la CNE avec les 86 millions obtenus des 197.5 millions de dollars du fonds PetroCaribe pour déterminer s’ils sont appropriés et moins chers ! L’inventivité du gouvernement en se protégeant derrière les forces armées de la MINUSTAH et les subtilités juridiques du Programme d’urgence ne peuvent pas masquer la collusion, le népotisme, le copinage, les trafics d’influence, le favoritisme, les conflits d’intérêt, les appels d’offres truqués et les processus de soumission arrangés d’avance qui sont monnaie courante dans la gestion du fonds PetroCaribe. Dans sa conception archaïque de la vie et de la société et dans son obscurantisme, le président Préval se veut un être tout-puissant qui ne peut souffrir autour de lui des ministres et collaborateurs qui posent des questions. Il a acquis ce savoir desséchant quand il était premier ministre en 1991. Devenu président, il est donc resté fidèle à cette conception primitive du pouvoir du chef. Une conception enracinée dans ses actions quotidiennes et qui se lit dans ses yeux. Dans les regards furtifs de haine échangés avec les chimères aux horizons réduits. Combien de fois le président Préval a signé un décret pendant que ses ministres en discutaient encore en plein conseil des ministres ? Sans scrupules. Préval veut encanailler tout le monde comme il l’a fait avec les sénateurs soudoyés pour interpeller Michèle Pierre-Louis. Sa prochaine cible est le système judiciaire qu’il veut mettre entièrement à son service. La fougue frondeuse des juges de la Cour de Cassation l’irrite au plus haut point et il veut avoir autour lui des gens serviles d’une loyauté inconditionnelle. Pour assurer la réussite de ce que les courtisans dans les couloirs du Palais national nomment « opération troisième mandat ».

Contre le calbindage

Les velléités d’indépendance du pouvoir judiciaire indisposent le président Préval qui veut utiliser la justice pour persécuter tous ceux qui ne marchent pas avec lui. De plus il veut pouvoir intervenir pour gracier et libérer les malfrats et gangsters avec lesquels il a établi une alliance structurelle. Au risque de se perdre. En effet, l’affaire Amaral Duclona lui revient en boomerang. Le moins qu’on puisse dire, le président Préval est à la merci des services secrets dominicains qui peuvent tout déballer s’il lui prend envie de faire à sa guise. En organisant dans six mois la destitution de Jean Max Bellerive comme on peut le subodorer avec les déclarations des sénateurs Jean Hector Anacacis et John Joël Joseph. Le président Préval avait lancé plusieurs grenades Amaral contre tous ceux qui ne voulaient pas de l’anarcho-populisme. De nombreux Haïtiens en sont morts déchiquetés par leurs déflagrations.

Mais dans le cas des diplomates français, les services secrets de l’Hexagone ont vite ramassé l’engin avant qu’il n’explose et l’ont renvoyé à l’expéditeur. La DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure, ex-SDECE — Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage), chargée des missions d’espionnage et de contre-espionnage à l’étranger, fouille dans l’épaisseur de l’histoire d’Amaral et remonte les pistes pour trouver les panneaux indicateurs menant au château fort. Le gouvernement est incapable de museler l’opinion et les vagues de la pensée sur l’affaire Amaral. Le président Préval a tellement traficoté avec ce malfrat que le procureur général dominicain est venu le questionner au Palais national.

Dans cette conjoncture malouk, ce ne sont pas les règles haïtiennes de chen manje chen qui doivent primer mais plutôt les universaux, c’est-à-dire les valeurs d’ordre universel que sont le juste, le vrai, le bien et les valeurs éthiques de base. Ces valeurs universelles promues par Aristote sont appelées à triompher en Haïti tout simplement parce que les Haïtiens sont des êtres humains. Les coutumes de trahison que certains évoquent pour ne pas appeler à la mobilisation et au levé kanpé contre l’inacceptable doivent être rejetées. Le calbindage haïtien qui considère la trahison comme l’horizon indépassable de notre temps n’est que l’idéologie d’un ordre institutionnel qui crée sa propre forme de conscience. Justement pour faire échec aux traitres et aux espions, il faut faire appel à la foule. À la multitude. Mais surtout pour ne pas continuer à reproduire un monde où dix proposent de se rencontrer pour ne retrouver qu’un seul au rendez-vous, il faut commencer par penser autrement. En dehors de la facticité, ce que les anglo-saxons nomment « out of the box ». Par un autre formatage de la conscience. Pour une pensée critique qui soit une critique de la pensée dominante du calbindage.

Le symbole du mal

Malgré tout ce que prétend une certaine propagande qui nie toute solidarité dans notre formation sociale, l’éthique existe en Haïti. À ce sujet, certains partis politiques comme le PNDPH et le RDNP ont toujours pris leur distance par rapport au gouvernement Préval. Les partis politiques, tout embryonnaires qu’ils soient, subissant les offensives du fondamentalisme prévalien qui veut être le seul à prétendre savoir comment organiser la société haïtienne, résistent à l’anarchie gouvernementale et au populisme qui lui est propre. C’est le cas avec l’OPL qui, malgré les conflits d’intérêt et les divergences d’opinion qui le traversent, reste dans l’arène politique et dans le combat pour un ordre démocratique. Plus récemment, la FUSION des socio-démocrates s’est signalée par son courage et sa conviction en disant NON au président Préval en ce qui a trait à l’offre à Micha Gaillard du poste de Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique puis de celui de Secrétaire d’État à la Réforme Judiciaire dans le gouvernement Bellerive. Le président Préval a utilisé tous les arguments et leurs contraires pour tenter de convaincre Micha Gaillard qu’il fallait le suivre dans ce voyage sanglant qu’il prépare au pays, mais ce dernier lui a opposé une fin de non-recevoir. Son parti politique — la FUSION des socio-démocrates — était plus important. Bel exemple de résistance et d’éthique face à ce symbole du mal que représente Préval. C’est l’évidence de ce mal pouvant les engloutir tous qui doit cimenter le consensus des démocrates et des patriotes.

Par contre d’autres ont ouvert grand leur porte au premier appel. Il ne faudrait pas les condamner d’un revers de main. Nous sommes conscients que « ventre affamé n’a pas d’oreilles » comme le disait Caton. D’où l’importance d’une grande alliance historique pour sortir Haïti de l’état de nécessité. Pour que les individualités puissent fleurir sans avoir le sort que le pouvoir des gangsters a réservé à Jean Dominique en Avril 2000 et auquel Michèle Pierre-Louis a échappé. Nombre de gens n’écoutent pas la voix de la raison pour dire NON au chef parce qu’ils ne peuvent pas joindre les deux bouts ou encore parce qu’ils ont peur pour leur vie. Nous charrions encore les séquelles de l’esclavage et la libre pensée n’existe pas. La réalité de l’existence en Haïti est qu’on ne doit pas oser dire NON au chef. Cela fait partie de l’idéologie haïtienne et du système de valeurs dominantes qui bloquent l’émergence d’un vrai projet émancipateur. En 1804, Haïti eut à faire reculer la raison de la force esclavagiste dominante à l’échelle mondiale. Mais le travail de libération des consciences s’est estompé sous l’offensive coordonnée des nouveaux maitres noirs et mulâtres alliés aux puissances extérieures. Le nouvel ordre international colonialiste a maudit Haïti en la maintenant sous embargo, en infiltrant ses agents secrets pour semer la division en son sein, en la criblant de dettes, en la menaçant de ses canonnières et enfin en l’occupant par ses forces armées.

Aujourd’hui la présence des forces armées de la MINUSTAH renforce les tentatives nihilistes pour faire table rase de nos références historiques en propageant l’oubli. Il s’agit pour nous de récupérer dans nos traditions, habitudes et structures, tous les éléments positifs qui peuvent contribuer à une régénération de notre potentiel de peuple libre et indépendant. Dans ce combat, pour que la taupe finisse par l’emporter, il faut être partout pour faire triompher la force de la raison. Face à un pouvoir qui n’a comme ultime arme que la déshumanisation, les démocrates et les patriotes se doivent de cerner l’obscurité par tous les moyens jusqu’à ce qu’en sorte la lumière du jour.

Soyons tous ensemble contre la terrifiante réalité d’un pouvoir qui utilise la violence des gangsters enrobée de celle des casques bleus de la MINUSTAH pour dénier aux Haïtiens leurs qualités d’êtres humains. La solution est proche : restons collés à la logique rationnelle du logos. Les leçons à tirer de l’aventure de Michèle Pierre-Louis sont importantes. Partie sur un refus d’institutionnalisation de la vie politique en croyant pouvoir gouverner en dehors des partis politiques, Michèle Pierre-Louis s’est appuyée principalement sur les forces internationales du grand capital pour se faire un espace sur un terrain politique miné. En idéalisant ces forces de la communauté internationale en lieu et place des organisations politiques, paysannes, ouvrières, syndicales, étudiantes, juvéniles et patronales du terroir, elle n’a pas réussi à ériger un solide front pour faire face au kokoratisme qui détruit les fondements dans lesquels sont enracinés les valeurs communes nationales. Le langage utilisé contre elle dès le début par les sycophantes pour qu’elle ne soit pas portée au pouvoir, les moyens employés et les mécanismes mis en œuvre pour l’en écarter renvoient à ce que disait Berthold Brecht que "le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde". Pour contrer ce fascisme qui gesticule avec ses relais médiatiques et l’appui logistique et militaire de la communauté internationale, le combat contre l’insignifiance doit s’armer d’une consistance qu’elle ne peut trouver que dans les profondeurs de notre pays.

mercredi 11 novembre 2009

HAITI: LA CLASSE POLITIQUE HAITIENNE: ENTRE AFFAIBLISSEMENT ET ECHEC...

Haïti: La classe politique haïtienne : entre affaiblissement et échec...

«Pour prévoir l'avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces événements doivent nécessairement avoir les mêmes résultats.» [ Nicolas Machiavel ]

Vu la crise sociétale qui caractérise le pays et l'incapacité de la classe politique de proposer une alternative durable à la misère, l'ignorance et le désespoir du peuple haitien, nous avons jugé bon de partager quelques éléments de réflexion avec le grand public afin d'attirer l'attention de tout un chacun sur les grands défis auxquels la nation se trouve confrontée. Ainsi, ce texte s'articule autour de l'urgente nécessité d'évaluer les partis politiques, d'apprécier leur contribution dans la consolidation du processus démocratique et dans l'amélioration des conditions matérielles d'existence de la population défavorisée.

Théoriquement, qu'est-ce qu'un parti ?
C'est une entreprise collective qui génère des biens et revenus politiques. Nous utilisons ici ce concept économique afin de permettre à nos lecteurs de mieux comprendre le bien-fondé de l'activité politique en Haiti. Historiquement, aucune entreprise ne peut ni évoluer ni survivre en autarcie, il lui faut un lieu propice à son épanouissement. Ce lieu abstrait que nous tentons de décrire est le marché politique : le terrain sur lequel s'exercent les concurrents politiques. Si le parti est considéré comme une entreprise avec tout ce que cela implique comme mode de fonctionnement, qu'est-ce qui le fait agir ?

D'abord, voyons sa composition : il est dirigé par un ou plusieurs entrepreneurs ou actionnaires communément appelés leaders dont les comportements sont dictés par les lois du marché. Stricto sensu, ce sont des gens qui vivent pour et de la politique. Ces derniers pour se distinguer des autres entités sur le marché exposent leur philosophie de la chose publique pour accéder par exemple à une part des postes électifs. Aussi trouvons-nous sur le marché plus large de la politique : des journalistes, des groupes d'intérêts et des lobbyistes avec lesquels ces entrepreneurs doivent nécessairement pactiser pour légitimer leur action .

Il n'y a pas d'entreprise sans clientèle : le peuple est au coeur de toutes les transactions qui se font sur le marché politique. La notion de marché avec ce contenu que nous lui donnons détermine cet espace particulier dans lequel ces agents investissent des capitaux pour recueillir des profits ou des dividendes ( traffic d'influence, contrats juteux, etc).

Le parti pour se promouvoir doit convaincre indubitablement la masse de l'efficacité de son offre : l'accès à l'eau potable, la création d'emplois, les logements sociaux, les constructions d'hôpitaux etc.
Ainsi, cette foule inconsciente s'abandonne aux promesses houleuses de ces activistes dans l'espoir de bénéficier de projets sociaux visant le bien-être collectif.

Pour Max Weber (1920): « Les partis politiques sont les enfants de la démocratie, du suffrage universel, de la nécessité de recruter et d'organiser les masses ». Cette précision exclut toute possibilité de dictature et de velléité despotique au sein des partis, car ils appartiennent à la communauté. Ils doivent favoriser l'alternance réelle au niveau de leur directoire et s'ouvrir aux citoyens-nes désireux de s'investir dans la politique active. Plus loin, pour différencier les entreprises politiques de celles dites économiques Max Weber affirma : « Une entreprise économique a pour but de se procurer des biens ; une entreprise politique le pouvoir ». Au-delà de toutes ces considérations, le parti dont le rôle serait de s'approprier du pouvoir, conduire la nation vers le développement et la croissance économique fait face à d'énormes difficultés. Il est concurrencé par la société civile organisée qui, elle aussi, aspire au pouvoir.

Dans un pays comme le nôtre où la société civile est réduite à une poignée d'organisations ou ONGs qui se pérennisent grâce à l'aide internationale, il est de plus en plus difficile pour quel que soit le parti d'être compétitif. D'où, pour se perpétuer, les partis sont obligés de recruter leurs candidats dans cette société civile dont la visibilité est incontestable du point de vue de ses disponibilités financières. Une opération politiquement risquée, vu que dans la majorité des cas, ces élus une fois qu'ils arrivent au Palais National ou au Parlement, ils rompent totalement avec ces formations politiques. Ce qui est le cas de beaucoup de nos politiciens dont le leader à vie de Fanmi Lavalas Jean-Bertand ARISTIDE en 1990 et les députés de la Concertation des Parlementaires Progressistes (CPP) en 2009. Ce phénomène mérite d'être approfondi afin de mieux comprendre la dynamique de la démocratie. Comme nous l'avons fait avec le concept de « parti politique » nous nous proposons de développer la notion de « société civile » et déterminer l'importance de ce secteur dans le jeu politique.

Qu'entendons-nous par société civile ?
Elle est ce trait d'union qui sépare le gouvernement des partis politiques. Ainsi, nous attribuons cette définition à toute institution (groupements paysans, syndicalistes, sectes religieux, associations patronales, etc.) qui ne relève de l'appareil étatique. Contrairement aux Partis dont le but ultime est de s'accaparer du pouvoir, elle revêt une double importance : Veiller à la bonne marche de l'Etat et à l'application des principes fondamentaux établis par la Constitution et la loi.

Néanmoins, depuis la chute de la dictature des Duvalier et l'avènement de la liberté d'expression et d'associations en Haiti, la société civile n' a fait que consolider son influence par rapport aux gouvernements qui se sont succédés. Aussi échoue-t-elle piteusement dans sa mission de défendre les intérêts supérieurs de la nation. Jurgen Habermas disait que « l'opinion publique, c'est l'organe public du raisonnement ». Elle représente cette vigilance citoyenne constante qui nourrit la démocratie. Elle combat avec véhémence toute tentative autoritaire soumettant l'Etat aux caprices d'un individu ou d'un groupe. Cependant, la stratégie de commissions en cascade initiée par l''exécutif et l'enrôlement des cadres des partis de l'opposition dans sa plateforme de la stabilité n'ont-t-ils pas hypnotisé l'opinion publique?

Absolument ! Le constat est percutant. A présent, nous avons un secteur organisé consentant où toute réprobation de la politique présidentielle est refoulée. Dans cet état de chose, ni la société civile ni les traditionnels contestataires de la classe politique ne peuvent moralement contrer l'agenda du Président de la République. Désormais, il a les mains libres, il peut décider de manière unilatérale de notre avenir. N'a-t-il pas déjà annoncé les couleurs lors de sa rencontre avec les élus locaux au Ranch de la croix-des-bouquets : « Allez de par le monde prêcher la bonne nouvelle. Quiconque croit sera sauvé et ceux qui n'y croient pas seront condamnés » ?

Comment sommes-nous arrivés là ?
L'avarice et l'obsession de nos concitoyens-nes vis-à-vis du pouvoir et ceci sans aucun souci patriotique les poussent à admettre l'inacceptable pourvu que cela leur rapporte. Pire encore ! Il n'y a pas vraiment eu d'émergence durant ces vingt (20) dernières années : ce sont les mêmes noms, les mêmes clans pour les piètres résultats que nous connaissons. Aujourd'hui, le peuple s'attend à du nouveau, il ne s'identifie plus aux prédateurs moribonds et improductifs de la scène politique.

Pour expliquer ce revers, nous nous référons au professeur Stephen R. COVEY qui résume en ces termes: « Nous savons ce qu'est un compte en banque: nous y déposons des valeurs... Sur un compte affectif nous déposons le produit de nos relations humaines, notre confiance ». Autrement dit, lorsque nos hommes et femmes politiques pratiquent le clientélisme et la corruption, ils font des retraits de notre compte affectif ; lorsque l'occupation étrangère les arrange, ils font des retraits de notre compte affectif ; lorsque 197 millions de dollars du trésor public sont évaporés sans aucune réalisation majeure, ils font des retraits de notre compte affectif.

Donc, ces acteurs réputés pour leurs manoeuvres déconvenues et opportunistes ont pratiquement épuisé leur crédit. Leur mise à la retraite est inévitable !
Il est venu le temps pour la jeunesse de prendre le taureau pas les cornes en plébiscitant un leader éclairé et visionnaire à la tête de ce pays capable de nous sortir du marasme et du monopole économiques.

Gary BODEAU
Garybodeau@hotmail.com
Aucun sacrifice, aucune Victoire !

1- Michel Offerlé, Les Partis Politiques, Paris, Puf P.10-12
2- Le Savant et le politique, 1ère édition, Plon, 1920
3- Jurgen Habermas, l'espace publié, paris, payot, 1978 p.38
4- Stephen R. Covey, les sept habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu'ils entreprennent, paris, first business, 1996 p.192-193.

mardi 10 novembre 2009

HAITI: LES MULTIPLES DEMEURES DE LA MAISON DU PERE PREVAL

Haiti : Les multiples demeures de la maison du père Préval

lundi 9 novembre 2009

Débat

Par Leslie Péan

Soumis à AlterPresse le 6 novembre 2009

Les dernières manœuvres du président Préval renforcent l’opinion de ceux qui pensent qu’il n’a exclu aucun scénario pour contrôler les élections de 2010. Après avoir joué au débonnaire dans la première partie de son mandat, il met maintenant les bouchées doubles pour sécuriser son pouvoir personnel. Anticipant sur les manœuvres des diplomates et autres agents de la communauté internationale en mission pour le garder en cage, il s’est débarrassé de Michèle Pierre-Louis perçue comme trop distante par rapport à ses propres ambitions de tenir la barre pour passer le cap des élections présidentielles de Novembre 2010. Le président Préval ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de la machinerie lourde de Bill Clinton qui risque de faire de l’ombrage à sa propre stratégie du apré nou sé nou.

Ayant compris que la communauté internationale ferme volontairement les yeux sur les actions de son gouvernement qui ne dérangent pas fondamentalement les intérêts de l’empire, le président Préval sait qu’il peut commettre des exactions à partir de cette situation de relative conciliation. Il y va même un peu fort se disant « Advienne que pourra » selon cette célèbre formule de Kant. Se préoccupant peu de la bassesse de son propre discours, il déclare à qui veut l’entendre que ceux qui veulent être sauvés doivent le suivre. Tant pis pour les autres. Avec ces mots prononcés au ranch de la Croix-des-Bouquets, les choses sont désormais on ne peut plus claires.

Prendre le taureau par les cornes

Le pouvoir exécutif en place est connu pour son cynisme qui dépasse les bornes. N’ayant pas digéré la destitution par le Sénat de son premier ministre Jacques Édouard Alexis au cours d’émeutes téléguidées en Avril 2008, il remet le coup en faisant destituer Michèle Pierre-Louis en Octobre 2009 par un nouveau Sénat dont la majorité est acquise à son bon vouloir. Ultime manœuvre de son groupement politique pour créer une fausse opposition à son gouvernement ou encore paranoïa d’un homme politique aux abois, le résultat est le même. Le président Préval crée des eaux troubles pour mieux pouvoir nager. Cette opération de saccage de Michèle Pierre-Louis constitue une démonstration grandeur nature de « l’identité archaïsante dévoreuse de soi-même » dont parlait Aimé Césaire. [1] Préval a dévoré Michèle à belles dents. Si la faim obligera certains Haïtiens à accepter la main que Préval s’apprête à leur tendre, ce sera beaucoup plus difficile pour les investisseurs internationaux à la Soros et à la Clinton qui essuient encore le camouflet sonore qui leur a été administré en plein visage.

Le président Préval a longtemps louvoyé et tergiversé en laissant croire qu’il est un démocrate. Mais puisque le temps presse, il a décidé de prendre le taureau par les cornes et de changer les règles du jeu. Il est dans l’air du temps. N’a-t-on pas vu, l’an dernier, le gouvernement fédéral américain changer les règles de la comptabilité pour permettre à des firmes de continuer à afficher un profit alors qu’elles sont en faillite. Quand la réalité n’est pas conforme aux règles, on change les règles. C’est ce que les régulateurs fédéraux du secteur bancaire américain ont encore fait en publiant le samedi 31 octobre 2009 de nouvelles directives permettant aux banques de mentionner des crédits au bilan comme « performants » même lorsque la valeur des propriétés sous-jacentes est inférieure au montant du prêt. [2]

Tout comme dans l’économie zombie où 2 + 2 ne font plus 4, mais plutôt ce que décident les tenants du pouvoir, le président Préval se donne des libertés sur le terrain politique. En cours de match, il change les règles. Au lieu de demander aux Secteurs identifiés dans la Constitution de 1987 de lui présenter un nom pour le CEP, il leur dit de lui donner deux noms. Il substitue au secteur populaire le secteur vodouisant. Il remplace la Convention des Partis politiques par la Fédération Nationale des CASECs d’Haïti (Fenacah). Il nomme qui il veut au Conseil Electoral Provisoire (CEP) et détermine à sa convenance la date des élections. Les techniques et pratiques de corruption ont atteint un degré supérieur de sophistication. La honte n’existe plus. L’État corrupteur s’y prend tellement bien que ce qui devait indigner et révolter la population apparait aux yeux de tous comme un fait divers.

Les convives ne doivent pas partir avec les couverts

Pour le président Préval, la politique se circonscrit au calcul et à la ruse. Rien de plus. Surtout pas d’angélisme et de bons sentiments. Ayant toujours un coup d’avance sur ses adversaires empêtrés dans des rivalités, divergences et ambitions égoïstes, le président Préval manie avec maestria la politique politicienne. Il n’est pas Napoléon mais il a certainement appris de celui-ci que l’effet de surprise est la donne fondamentale dans l’art de la guerre. Préval surprend en soutenant les patrons de la sous-traitance contre le salaire minimum des 200 gourdes. Contre les naïfs qui ne le croient pas capables d’oser organiser des élections bidon telles que celles d’Avril et de Juin 2009, il sévit sans état d’âme. N’ayant pas à gérer des querelles byzantines dans son propre camp, il fonce tête baissée dans la révision de la Constitution quelques jours avant la fin de la législature. Il gagne la première manche.

Assuré du soutien logistique et militaire des troupes armées de la MINUSTAH, le président Préval met en place les pièces du dispositif pour conserver le pouvoir. Dans ce parcours, il s’est bien pris pour rester près des réalités et des circonstances. Dès le début, il avait invité au festin du pouvoir des convives tout en les surveillant afin qu’ils ne puissent partir avec les couverts. Ce qui a été fait. Il a pu ainsi ramener dans son giron Paul Denis de l’OPL. En nommant Jean-Max Bellerive, représentant officiel de Lavalas, comme premier ministre, il reprend langue avec les amis de la première heure qui étaient déçus ou mécontents. Il s’est déjà rallié d’autres compagnons de route des premiers jours de ce courant politique dont Yves Cristallin. Le président Préval convie sous son manteau toutes les brebis égarées. Reprenant l’Evangile de Saint Jean, il dit sans ambages qu’il y a plusieurs demeures dans sa maison. Ce n’est un secret pour personne qu’il veut ratisser large dans ce pari pour le pouvoir en novembre 2010. Dans tout juste un an. Des duvaliéristes de poids dont Jean-Robert Estimé et Fritz Cinéas sont à ses côtés. Il n’est pas insensible aux retrouvailles avec des chefs de gangs qui, s’ils ne sont pas encombrants comme Amaral Duclona l’est devenu, peuvent lui donner la force de persuasion pour rester au cœur du jeu politique. Il n’a pas oublié que les gangsters avaient roulé pour sa réélection en 2006 en organisant la fameuse baignade dans la piscine de l’hôtel Montana. Donc vaut mieux les avoir avec que contre soi.

En contrôlant le Sénat avec des élections frauduleuses de Juin 2009, le président Préval verrouille toutes les issues pour une solution pacifique à la crise qui mine Haïti. Prépare-t-il d’autres élections frauduleuses pour contrôler la Chambre des Députés afin d’empêcher que le parlement s’érige en haute cour de justice pour le juger ? En insistant pour garder les troupes de la MINUSTAH, il montre le bout de l’oreille. La manigance servirait à l’intronisation d’un dauphin qui plairait à l’ONU. En échange de ses bons procédés, le président Préval obtiendrait le poste de 1er ministre dans le gouvernement de son successeur. Certains prétendent que ce coup fourré pourrait avoir lieu avec un pouvoir dirigé par Jacques Edouard Alexis et même avec Michèle Pierre-Louis. Dans tous les cas de figure, la stratégie de Préval est donc de neutraliser les bases de Lavalasse en donnant quelques biscuits aux dirigeants de ce courant tout en s’assurant que le prochain président « élu » lui donnera la latitude de pouvoir couler son bweson et jouir de son argent en paix. Mais ce faisant le président Préval n’ouvre-t-il pas la porte pour un lévé kanpé national ? Aucune crainte de ce côté-là. En s’appuyant sur les soldats de la MINUSTAH comme son ultime force de frappe, le président Préval est-il prêt à enjamber des cadavres pour se maintenir au pouvoir ? Avec les troupes onusiennes à son actif, Préval a pris une longueur d’avance sur ses adversaires politiques. Pour combien de temps ?

Corrompre la conscience des citoyens

Le président René Préval mise sur le fait que les multiples candidats de l’opposition ne pourront jamais se fédérer à partir d’une grande conférence politique de réconciliation pour opérer sa propre refondation. Il faudrait au moins six mois pour atteindre ce noble objectif permettant aux personnalités et aux formations politiques alliées de trouver un candidat unique pour s’opposer à lui ou au candidat de son choix. Il mise sur le fait qu’il y aura toujours des voix discordantes pour faire, objectivement, son jeu. Ces voix, mêmes marginales, pourront toujours dévier le cours de l’histoire et empêcher qu’un candidat unique émerge pour être celui ou celle des femmes, des paysans et de la jeunesse.

Cette situation de discorde ne concerne pas seulement les candidats d’envergure. Le pouvoir politique utilise la moindre ressource publique pour corrompre les citoyens et empêcher qu’ils agissent selon leur conscience. Le moindre fonctionnaire est l’objet de chantages et autres pressions pour qu’il fasse allégeance au gouvernement Préval afin de pouvoir garder son emploi. Le gouvernement ne néglige rien y compris le terrorisme pour éliminer les opposants. C’est le cas avec l’attentat perpétré contre le juge Heidi Fortuné au Cap-Haitien dans la soirée du 3 au 4 novembre 2009. S’il faut reconnaître le droit qu’a chaque citoyen de vouloir servir son pays en acceptant un poste dans la fonction publique, bien des individus vendent leur âme et achètent leur billet, un aller simple pour rejoindre le nouveau parti concocté par le président Préval pour les besoins de sa cause. Les services d’espionnage du gouvernement ne sont pas moins inactifs pour rajouter des couches dans les querelles des secteurs de l’opposition qui ne roulent pas pour Préval. Ces services secrets tablent sur la division qui semble être la marque de fabrique d’une opposition qui se trompe souvent de combat. Ses sempiternelles chamailleries sur des questions secondaires semblent indiquer que les agents du pouvoir ont pu bien s’y prendre pour inoculer dans ses rangs le virus de la division.

[1] Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Editions Présence Africaine, Paris, 2004.

[2] Lingling Wei, “Banks Get New Rules on Property”, Wall Street Journal, October 31, 2009.

jeudi 5 novembre 2009

AU BOUT DU LASSO

AU BOUT DU LASSO

Les mensonges, les mauvaises actions ont une odeur. Même quand vous les dissimulez, ils remontent toujours à la surface. Nous respirons chaque jour les puanteurs exacerbées de la corruption et les fermentations imprévisibles des assassins d’État. Ce qui se passe aujourd’hui en Haïti est plus que révoltant. L’équipe au pouvoir est trop clémente avec les voleurs, les corrompus et les criminels. Ailleurs, les déclarations du bandit, interpellé en République Dominicaine par les autorités de ce pays auraient renversé l’ordre des choses. Chez nous, cela est pris comme un fait divers par la classe politique, le Parlement et la société civile. Après avoir entendu tout ce que ce gibier de potence a dit et fait, nous déduisons que le silence du Gouvernement est bizarre, complice…voire coupable.À force d’encaisser des coups bas ou d’accepter l’intolérable, les citoyens commencent à perdre leur capacité d’indignation. Nous constatons un repli identitaire et culturel chez l’Haïtien. La jeunesse est devenue une période de transition très longue parce que le comportement de nos dirigeants génère chez eux beaucoup de frustrations et de découragements. Sur huit millions d’habitants, sept millions vivent à un niveau de pauvreté inacceptable. Nous ne sommes pas loin d’un séisme social. Nous avons des gens qui ne respectent ni les enfants, ni les jeunes, ni les vieillards, ni les choses, ni les vies, ni les biens, ni les lois, pas même les animaux. Nous sommes à bout ; si on ne fait rien…c’est la nation entière qui s’éteint. Et nous pensons que les choses ne vont bouger d’un iota s’il n’y a pas une réelle prise de conscience et un réveil brutal de la majorité silencieuse. L’enfermement peut être une chose abominable lorsqu’on ne sait pas quand on en sortira.

Depuis son avènement, le Pouvoir en place passe en dérision, humilie, démolit la Magistrature haïtienne. Pourtant, les Honorables Juges…principalement, ceux de la Cour de Cassation, se croisent les bras. Ils n’ont pas le courage de dire au Président de la République : ‘’Écoutez Monsieur, c’est assez’’ ! L’Autre avait raison de dire que « si les citoyens ne se soulèvent pas, c’est qu’ils ne sont pas des Hommes ». L’année dernière, des milliers de Juges ont défilé à travers les rues d’Islamabad (Pakistan) pendant plusieurs semaines pour exiger la réintégration du Président de la plus Haute Cour du pays, révoqué illégalement par le Chef de l’État Pervez Musharaf qui allait perdre son fauteuil par la suite. La Justice haïtienne est à la traîne ; la bête est malade et blessée jusqu'à l’écoeurement…et les Magistrats ne font rien. Nous vivons dans un système où tout le monde a peur de prendre position. Nous sommes indigné à cause du vécu que nous avons sous les yeux. Malheureusement, nous n’arriverons jamais tout seul à changer le cours des choses. La méchanceté des uns et des autres s’oppose à nos aspirations. Nous ne possédons rien à part notre âme et notre personnalité. Mais, nous ne les vendrons pas. Certains Magistrats courent après l’argent, cependant, l’argent ne vaut rien si on ne peut pas se regarder dans la glace. Le respect de soi, c’est la devise la plus parfaite.

Au moment d’écrire ce texte, un policier égyptien, de passage en notre Chambre d’Instruction Criminelle, eut à nous dire, avec une révérence hors du commun, que chez lui, un Juge c’est comme un dieu tant il est respecté et vénéré. En tout cas, c’est le contraire qui est vrai dans notre singulier « petit pays ». Le temps est donc venu pour que le système judiciaire se libère du pouvoir Exécutif. Cela fait près de deux ans que la loi sur l’ajustement de salaire et le statut des Magistrats est publiée, toujours pas de réforme à l’horizon. L’École de la Magistrature (EMA) est réduite à un simple local et n’existe que de nom ; le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) est jeté aux oubliettes ; les moyens promis aux Cabinets d’Instruction des diverses juridictions sont détournés au profit d’autres entités et à d’autres fins ; les Magistrats attendent leur vingt-deux (22) mois d’arriéré de salaire ; la mobilisation contre la corruption s’évapore dans la nuit...Peut-être qu’il faudra d’autres lois si celles-ci se révèlent si difficiles à mettre en application.

Tout récemment, la Chine a procédé à la pendaison de plusieurs hauts fonctionnaires du régime pour corruption. Aux États-Unis d’Amérique, le milliardaire Bernard Madoff croupit derrière les barreaux pour escroquerie et la CIA est dans le collimateur de la Cour Suprême pour traitements inhumains et dégradants infligés aux personnes accusées de terrorisme. En Europe et dans certains pays d’Afrique, la Justice fait la loi et règne en maître. En Haïti, on doit arrêter cette hémorragie qu’est l’impunité. Les assassins sont là…au bout de notre lasso, nous n’avons qu’à tirer sur la corde pour les neutraliser. Quand les choses vont mal, quand la criminalité fait rage, quand les enfants ne peuvent aller à l’école et que les père et mère sont aux abois, quand le sang se met à couler dans la rue…il y a forcément un responsable, et ce responsable doit aller en prison.

HEIDI FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti,
Ce 31 octobre 2009

jeudi 29 octobre 2009

LE CENAREF ET LA DIASPORA HAITIENNE EN PARFAITE SYMBIOSE

Le CENAREF et la diaspora haïtienne en parfaite symbiose

Par Alexandra Jean-Baptiste

Première journée

Mieux qu’un parti politique, plus qu’une institution le Centre National de Recherche et de Formation plus connu sous son abréviation CENAREF, est en passe d’atteindre l’objectif que ses fondateurs avaient fixé il y a moins d’un an : dépasser le cadre d’une simple organisation non gouvernementale comme il en existe des centaines dans le pays. Nous disons mieux qu’un parti politique non pas pour réduire le rôle important que jouent ces organisations dans la société, loin de-là. Mais une façon de mettre en évidence le caractère particulier de ce nouveau Centre de recherche et de formation recherchant des solutions aux problématiques que confronte notre pays depuis plus d’un quart de siècle. Aussi bien, quand nous disons plus qu’une institution, il ne s’agit nullement de nier le bien fondé de nos institutions ou de celles à vocation internationale.
Nous savons pertinemment que toutes les institutions dans ce pays jouent, chacune dans leur champ de compétence, un rôle inestimable pour l’avancement démocratique et dans le développement de notre pays. En qui ce qui attrait au CENAREF, s’il n’est pas un parti politique, ses actions visent néanmoins à redonner une autre perspective à l’analyse ayant trait aux choses publiques. Etant une institution de recherche et de formation, il vise à intégrer dans ses visions de globalité, la complexité pour Haïti de trouver sa voie, de faire un choix, le choix juste et définitif comme nos voisins de la Caraïbe ou du continent, qui ont pu et su sortir du cadre de sous-développement avec un projet de société évolutif et adapté au monde global qui les entoure.
Ceci nous sert de passerelle et nous conduit à ces trois jours inoubliables que le CENAREF a permis à une grande partie de la société haïtienne de vivre en parfaite harmonie avec la diaspora haïtienne de tous les continents. En effet, en fort peu de temps, le CENAREF a déployé tout son savoir faire et les compétences disponibles en son sein pour monter un séminaire portant sur le thème : « Haïti et sa Diaspora ». Pendant trois jours, les 16, 17 et 18 octobre 2009, le Centre National de Recherche et de Formation dans un cadre agréable et une atmosphère conviviale a pu faire rencontrer les « deux mondes qui en vérité ne forment qu’un » comme nous l’a expliqué une des participants de cette exceptionnelle rencontre. Ouvert en grande pompe au Ritz Kinam II à Pétion-Ville, le vendredi 16 octobre 2009, devant un parterre de personnalités haïtiennes et étrangères et surtout en présence d’une foultitude de compatriotes venus de partout de la diaspora, le séminaire « Haïti et sa Diaspora » ne pouvait mieux commencer.
Les gens pour lesquels l’initiative a été prise étaient là, ces Haïtiens vivant à l’étranger. Ils venaient du Canada, des Etats-Unis d’Amérique, de France, de la Suisse, de l’Espagne, de la République Dominicaine, de la Jamaïque, bref de partout. Ils étaient là, non pas comme à l’ordinaire, pour faire du tourisme mais, chose la plus surprenante, pour travailler. Car, le but de leur voyage était justement de venir dans leur pays d’origine pour prendre part à un séminaire leur concernant. Et ce sont eux qui devaient plancher pendant deux jours consécutifs pour produire un document final devant intégrer un projet de société capable de sortir ce pays du marasme dans lequel nous vivons tous y compris eux étant les fils à part entière de cette terre léguée par nos Aïeux.
Comme il se doit, l’ouverture du séminaire se faisait sous la roulette de son coordonnateur principal, le professeur Jean-Joseph Moisset de l’université Laval au Québec. Charmeur et fair-play, le professeur Moisset avait trouvé le ton juste pendant tout le séminaire pour imposer un style simple en même temps sérieux ce qui a fait en partie le succès inattendu de cette première du genre pour le CENAREF.

Après le discours du Président du Conseil d’Administration du CENAREF, l’ambassadeur Hermogène Durand expliquant le pourquoi de ce séminaire sur la diaspora et avec la diaspora, il était venu le moment de passer la parole au fondateur et Coordonnateur général du Centre National de Recherche et de Formation, l’ancien Premier ministre, Jacques Edouard Alexis de prononcer sa Conférence d’ouverture du séminaire. Dans son allocution générale, il a mis l’accent sur les maux qui rongent ce pays. M. Alexis n’a pas oublié de rendre un hommage appuyé aux apports et aux contributions de plus de deux millions d’haïtiens vivant à l’étranger dans le développement global du pays.
Pour le Fondateur du CENAREF, ce premier séminaire organisé par son institution revêt d’un caractère particulier dans la mesure où l’Etat ne peut plus oublier la participation des membres de la Diaspora dans la mise en place d’une vraie politique publique à tous les niveaux. Il se réjouit de la présence à ce séminaire d’un nombre élevé d’Haïtiens de différents milieux, de disciplines intellectuelles et socioprofessionnelles différentes. Naturellement, il s’en est félicité que d’autres acteurs locaux et de la société civile aient pu répondre sans hésitation à venir apporter leurs contributions à cette démarche citoyenne à la recherche de solutions pour le bien de notre patrimoine commun.
En ce premier jour du séminaire, il n’y a pas eu beaucoup d’interventions outre l’intervention clé de l’ancien Premier ministre. Un représentant du ministère des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE), devait intervenir brièvement sur l’enjeu de ce séminaire sur la diaspora et en a profité pour rappeler aux membres présents de la diaspora qu’ils étaient chez eux en Haïti. Enfin, avant de donner rendez-vous à l’assistance au siège du CENAREF à Pacot, le lendemain, pour les travaux pratiques proprement dits, le maître de cérémonie, le très sympathique professeur Moisset, invitait le public à un Cocktail où, autour d’un verre de l’amitié et de la fraternité, les Haïtiens du dedans et ceux du dehors ont pu faire de plus amples connaissances tout en échangeant leurs cartes de visites.

Deuxième journée

Le deuxième du jour du séminaire était un jour spécial. Nous étions le samedi 17 octobre 2009 rappelant à tous les Haïtiens, d’où qu’ils se trouvent, l’anniversaire de l’assassinat du fondateur de l’Etat haïtien, l’Empereur Jean-Jacques Dessalines. Avant même l’ouverture des travaux à la salle plénière, une minute de silence a été observée en mémoire de notre libérateur. En suite, ce fut la reprise des activités avec une succession d’interventions, toutes faisant référence au thème du premier panel s’intitulant : Vision, quel projet de société pour Haïti ? Les trois panélistes étaient des membres dirigeants du CENAREF, M. Jean-Joseph Moisset, l’ambassadeur Raymond Valcin et M. A. Azaël. Ces trois interventions ont été suivies des débats assez enrichissants. Le débat devait se poursuivre dans les ateliers repartis en trois groupes distincts où, à la fin des discutions, une synthèse devait être tirée de chacun des trois groupes dirigés par un Président et un secrétaire-rapporteur.

Après la pause déjeuner, les travaux devaient reprendre toujours sur le même principe. Le thème du deuxième panel avait pour titre : Les attentes de la diaspora. Cette séance plénière était extrêmement chargée avec pas moins de neuf intervenants représentant les quatre grandes régions du monde où se repartît la diaspora haïtienne. Pour le Canada l’on avait MM. Guy Laroche et Milose Jean-Baptiste, les Etats-Unis étaient représentés par Mme. Kettlen Félix et le Dr Jean-Baptiste Charlot. Pour l’Europe c’est M. Romel Louis-Jacques qui a représenté la Communauté haïtienne de France et des Antilles françaises. M. M.A. Archer pour l’Espagne et pour la Confédération Helvétique (Suisse) M. C. Ridoré. Enfin, la région Caraïbe s’était distinguée par Mme. Désulmé, la fille du feu Thomas Désulmé pour la Jamaïque. Quant à la plus grande communauté haïtienne derrière les USA, la République Dominicaine, elle était représentée par l’un des plus actif et des plus connus militants de ladite communauté, le père Edwin Paraison.
Il faut dire que l’assistance ne pouvait être mieux servie. Ce fut le gratin de ces communautés qui avaient fait le déplacement au nom de leurs compatriotes expatriés pour venir dire leurs attentes à nos dirigeants, aux élus nationaux, locaux et au pays en général. Tous ont su brillamment et dans une cohérence et unanimité à la limite d’une concertation préalable, défendre et apporter les arguments et les propositions afin que demain plus rien ne sera comme avant. Ils ont mis l’accents sur beaucoup de choses et posent en premier lieu la reforme de notre diplomatie qui, selon eux, est quasi inexistante depuis des lustres. Ces interventions ont aussi suscité beaucoup de débats lors des ateliers qui ont suivi la plénière. Les conclusions de pratiquement tous les ateliers de cette thématique des attentes de la diaspora ont toutes portées sur une plus grande responsabilité de nos politiques pour changer l’image du pays à l’extérieur.

Troisième journée

Le dimanche 18, le dernier jour de ce très éducatif séminaire, s’est ouvert sur une autre thématique titrée : Les attentes du pays et de ses dirigeants. Là aussi, salle comble. Devant un auditoire attentif, les quatre panelistes ont été à la hauteur de l’attente des organisateurs et du public. En premier lieu, l’ambassadeur Hermogène Durand du CENAREF, parlait en homme d’expérience pour dire ce que le pays devait attendre de ses ressortissants vivant à l’étranger. Vint ensuite le professeur Rosny Desroches au nom de la Société civile. En tant qu’homme politique, il a mis les pieds dans le plat pour dire le rôle et la responsabilité des dirigeants haïtiens et ce que ces derniers et le pays doivent attendre de la diaspora. Quant à l’économiste en chef de la Sogebank, M. Pierre-Marie Boisson prenant la parole au nom du Secteur productif haïtien, par une magistrale démonstration et sans pédantisme et de manière très pédagogique, il a réalisé l’exploit de mettre tout le monde d’accord sur la nécessité de changer le « Paradigme » économique du pays.
Dans un exercice de politique économique comparative vis-à-vis de notre voisin dominicain durant ces vingt dernières années (1988-2008), le résultat est peu flatteur pour Haïti. Enfin, c’était autour du professeur Jacky Lumarque, Recteur de l’université Quisquéya de fermer ce troisième et dernier panel représentant le Secteur universitaire. Dans une intervention assez élaborée englobant la gestion politique et sociale, sans oublier de poser la problématique de l’université en général et celle d’Haïti en particulier relatif à la crise que traverse cette dernière, M. Lumarque a en quelque sorte débuté le débat qui devrait s’ouvrir dans ce domaine. Ces quatre importantes contributions, comme l’on s’y attendait, avaient donné le top départ pour les trois ateliers portant sur les attentes du pays et de ses dirigeants vis-à-vis de la diaspora.
Là encore, il n’y a pas eu de surprise sur les rapports des ateliers. Tous font état de la mauvaise gouvernance des choses publiques et réclament un changement en profondeur quant à l’application de la politique publique. Après une courte pause, tout le monde devait entrer en salle plénière pour entendre les synthèses de chaque atelier durant les deux jours de travaux axés sur le nouveau rapport que devrait avoir l’Etat d’Haïti envers ses deux millions d’Haïtiens vivant en terre étrangère. C’est le coordonnateur du séminaire, le professeur Jean-Joseph Moisset, qui devait, par une longue résumée des différents rapports d’ateliers, mettre en contexte l’attente des deux partenaires : CENAREF-Diaspora et le but réel d’une telle démarche. Brillamment synthétisé, l’ensemble des débats a été mis en lumière suivant les recommandations, les propositions et les attentes de part et d’autres des acteurs.
Enfin, le discours clôturant ces trois jours de travaux au Ritz Kinam II et au siège national du Centre National de Recherche et de Formation devait être prononcé par le Fondateur du CENAREF, M. Jacques Edouard Alexis qui, dans une allocution à forts accents politiques, laisse entendre que le moment était venu pour qu’on arrête de jouer avec l’avenir d’Haïti. Selon le Coordonnateur général, en tant que citoyen, il prendra la place qui lui revient pour engager le pays sur la voie du changement véritable.
Il prône une autre approche de la gestion publique et politique restant le levier moteur pour toute action allant dans le sens du progrès. Cette première grande manifestation socioculturelle publique du CENAREF demeurera certainement dans les annales de la diaspora. Certes, ce n’est pas la première et certainement pas la dernière conférence de ce genre qui soit organisée au nom de la diaspora, ce qui fait la particularité de celle-ci c’est l’implication concrète et effective des gens ayant pris part à ce séminaire qui fera toute la différence. Signalons pour finir, que toutes les contributions relatives à ce séminaire donneront lieu à une publication spéciale sous le titre : les actes du séminaire Haïti et sa Diaspora qui paraîtra bientôt.

mardi 27 octobre 2009

LES ELECTIONS PRESIDENTIELLES DE 2010 ET LA DEMANDE DE COMMUNICATION SOCIALE EN HAITI

lundi 26 octobre 2009

Débat

Par Leslie Péan

Soumis à AlterPresse le 25 octobre 2009

La coalition nationale et internationale qui s’assure qu’Haïti serve de mauvais exemple à ne pas suivre par les peuples en lutte pour leur émancipation, se prépare encore à organiser « la déroute de l’intelligence » aux élections de 2010 avec le « Conseil Electoral Provisoire (CEP) » créé par le président René Préval. Les troupes armées des Nations Unies sur le sur le terrain encadrent cette entreprise. Les services secrets sont en alerte et activent leurs agents pour semer la division entre les Haïtiens par leurs techniques traditionnelles de désinformation et de diffamation dans la presse sous leur contrôle. Il s’agit de tenter d’abattre tous ceux qui sont engagés dans le combat pour faire triompher le droit qu’ont les Haïtiens d’être maitres chez eux et de ne pas accepter la continuation de la politique de malheur de la communauté internationale en Haïti. Depuis vingt ans, les maigres résultats des différents CEP indiquent en clair que l’organisme électoral a remplacé l’armée dans la falsification des scrutins. Le résultat est une baisse de la participation électorale, révélatrice d’une communication sociale difficile pour ne pas dire impossible.

En France, les élus au corps législatif doivent avoir au moins un quart des électeurs inscrits pour que leur élection soit valide. En Haïti, à défaut de cette loi, il existe un quorum social qui condamne la corruption du CEP en dévalorisant les mal élus. La liste des procédés de corruption est trop longue pour en faire une énumération exhaustive, mais on peut mentionner les achats de vote, le clientélisme, le trafic d’influence, les urnes bourrées, les mauvais décomptes, les bulletins valides déclarés nuls, le financement des campagnes par les narco-trafiquants, etc. Les élections tournent à la mascarade et/ou au coup de force. Les dirigeants mal élus sont une source d’insécurité, d’instabilité et de blocage de la communication sociale. Pratiques douteuses et combines de toutes sortes - comme celles qui ont marqué les dernières élections législatives partielles de Juin 2009 - en témoignent. En clair et surtout dans le domaine de la sécurité, l’élimination de facto des forces armées haïtiennes, depuis une quinzaine d’années, n’a pas amené la paix sociale et le consensus auquel s’attendaient ceux qui avaient pris cette décision. Comme dans d’autres domaines, la proie a été lâchée pour l’ombre.

La conséquence la plus catastrophique des élections frauduleuses en Haïti, depuis celles de l’Assemblée Constituante du 18 décembre 1806, est la fragilisation du capital social déjà faible du pays. La corruption électorale, résultant d’une mauvaise gestion du pouvoir, produit non seulement turbulences après turbulences, mais surtout moins de sécurité et à des coûts sans cesse croissants, sans commune mesure avec la capacité des finances publiques. Il y a là une contradiction que les pouvoirs décadents essaient aujourd’hui de gérer par l’occupation armée des forces onusiennes. Une solution illusoire.

L’appropriation frauduleuse du pouvoir a une autre conséquence non moins désastreuse sur les comportements. C’est la bifurcation du marronnage. A travers ce prisme, les dominés tentent d’éviter, même dans l’imaginaire, les contraintes qui leur sont imposées par le pouvoir corrompu des dominants. La raison d’être de cette conduite de marronnage est l’exigence de soumission des régimes despotiques qui refusent des conditions d’existence minimales à la majorité de la population.

Un ancien premier ministre haïtien comparait l’imbroglio haïtien à des « spaghetti ». Il ne croyait pas si bien dire, tout en refusant d’essayer de démêler ces « spaghetti » pour qu’ils soient présentables dans l’assiette sociale. À la lumière des « chirépit » qui peuplent notre univers, on ne saurait lui en vouloir. C’est un travail de longue haleine qu’il n’a pas voulu commencer. Car, et c’est là toute la singularité haïtienne, les dominants du système socio-politique, à leur tour, utilisent le marronnage pour empêcher la moindre institutionnalisation favorable à la majorité. Les chefs agissent comme si le pays était leur patrimoine privé, prennent les décisions publiques sans consulter personne. L’aphorisme se pa fot mwen traduit cette absence de responsabilité et de pouvoir des démunis devant leur sort. Avec ce bluff permanent, il ne peut y avoir aucun gagnant. La tâche est sisyphéenne tant les contradictions sont innombrables.

L’historienne Suzy Castor s’est récemment penchée sur le principe du marronnage à géométrie variable qui régit la société haïtienne. Elle écrit : “Aujourd’hui, à l’heure des communications modernes, le marronnage se manifeste de multiples façons et adopte des formes grossières ou raffinées de faire semblant, de faux fuyants qui innervent toutes les interstices de notre vie sociale et politique et transforme notre pays en un royaume de faux semblants.” [1] Suzy Castor va à l’essence de ce que j’ai nommé « État marron » et que j’articule dans une démarche théorique pour approcher l’étude du système socio-politique et économique en vigueur en Haïti. Pour de plus amples développements, on se réfèrera à notre ouvrage L’État marron 1870-1915 et à l’introduction de notre dernier ouvrage Aux origines de l’État marron en Haïti 1804-1860. [2]

Le marronnage refuse l’ordonnancement postcolonial de la vie tout en prétendant l’admettre. Les exclus justifient leur marronnage par leur impossibilité de montrer leur désaccord face à l’autorité. Le marronnage est au cœur des stratégies inventées par la majorité pour garder une ration de pouvoir, même illusoire, dans l’échange social. Pour préserver une partie de leur dignité. Mais ce marronnage de la base est perverti et récupéré par l’Etat qui s’applique à réprimer les aspirations des masses au mieux-être. Le président Préval, en chef de gang et de guerre, l’explique sans ambages en clamant ke li koule anba yo. De manière plus générale, le marronnage de l’État se manifeste de plusieurs façons dont les plus importantes sont les prétentions de l’Etat au niveau des textes juridiques, circulaires, arrêtés, lois et actes visant à la gestion de l’espace rural et urbain ainsi que des moyens de subsistance de la population. L’une des formes de ce marronnage du pouvoir est le populisme qui agite le drapeau du peuple pour mieux combattre le peuple. La récente décision du président Préval de jouer les CASEC et ASEC contre les partis politiques illustre cette manière de faire. C’est ainsi que Sténio Vincent avait fait en 1935 avec un referendum pour confisquer tous les pouvoirs. C’est ainsi aussi que fit François Duvalier en 1961 pour se donner un autre mandat et, en 1964, se déclarer président à vie. Préval est donc en bonne compagnie.

Dans sa fuite pour ne pas prendre ses responsabilités, l’Etat marron utilise la délinquance pour s’allier aux gangsters, combattre les partis politiques et donner le pouvoir aux kokorat (chimè). Dans les marges de la légalité, l’État marron assure la docilité de la population avec la profusion des illégalismes. On le voit au niveau écologique avec la coupe anarchique des arbres, aboutissant à une couverture végétale de moins de 1 pour cent pour le territoire haïtien. [3] On le voit aussi au niveau des carrières de sable au morne l’Hôpital où l’État est dans l’incapacité de mettre fin à l’exploitation sauvage des 700 camions qui charrient sable, roches et remblais alimentant 40% de la demande totale des chantiers de construction de la capitale. On le voit enfin au niveau de l’urbanisme où le développement de bidonvilles autour de la capitale s’est fait avec la complicité des autorités gouvernementales au cours des trente dernières années sans considération pour le Plan-Programme de Développement de la Zone métropolitaine de Port-au-Prince servant de schéma directeur. Dans les trois cas, l’absence de l’État est manifeste. Tout comme la bidonvilisation fait partie de l’ordre urbain, l’informel est constitutif du formel et le supplante dans l’organisation de l’espace, de la vie et du corps social.

Le gouvernement Préval refuse d’établir le bilan de l’échec de l’anarcho-populisme, tout en faisant semblant de s’en distancer comme à l’occasion du discours du 17 octobre dernier. Il ne le peut, car c’est son fonds de commerce. Le pouvoir refuse d’entendre les appels à une incontournable conférence nationale. Le président Préval se laisse guider par la conception primitive du chef qui veut avoir autour de lui que des laudateurs. On est vraiment loin d’un Obama qui fait de Hillary Clinton, une adversaire pourtant coriace, le deuxième personnage de son gouvernement. Loin de leurs apparences débonnaires, les idéologues de l’anarcho-populisme ont toujours raison. Aussi bien hier quand ils faisaient campagne pour le contrôle du CEP afin d’organiser les fraudes électorales, qu’aujourd’hui où, déçus, ils contestent les résultats de l’anarcho-populisme, sans faire leur acte de contrition. D’où un fossé infranchissable bloquant la communication sociale.

Le règne du faux-semblant commence là, avec le chef, le président, qui se veut au-dessus des lois, n’ayant de comptes à rendre à personne. Le règne du faux-semblant continue avec la population qui laisse croire au chef qu’il est tout puissant tandis qu’il le méprise. Aujourd’hui, la contradiction antagonique de l’État marron vient du fait qu’il ne peut plus s’imposer par la force des baïonnettes nationales. Il lui faut des baïonnettes étrangères, américaines puis onusiennes, pour tenter de se donner une respectabilité. Une légitimité. Ces dirigeants marronnent pour tenter de masquer leur incompétence au cœur d’une machine de prébendes et de contrebandes, et constamment au bord de la faillite. Le président Préval va jeter des larmes de crocodile à Marchand Dessalines le 17 Octobre 2009 tout en justifiant la présence des forces armées de la MINUSTAH. Comme la Bible nous l’apprend dans le cas de l’apôtre Pierre face à Jésus, le lendemain matin, les coqs ont chanté trois fois dans les basses-cours de l’Artibonite pour consacrer ce reniement.

Le chef, n’étant pas responsable de ses actes devant la loi, l’irresponsabilité se propage à travers la population. Aucune communication réelle n’est possible avec le marronnage car les échanges d’opinions et d’informations entre les personnes ne peuvent aboutir à une meilleure maitrise des choses puisque les informations sont fausses. En effet, la communication sociopolitique suppose une exigence de vérité dans les discours qui s’échangent.

Un levier d’Archimède pour Haïti en 2010

À un moment où il est question de révision de la Constitution, une solution au mal makak d’une société qui exclut les vaincus, pourrait être l’institutionnalisation de la représentation proportionnelle ne faisant ni vainqueurs ni vaincus dans la compétition politique. Les élections ne seraient plus des moments de clivage et de division mais deviendraient alors des périodes de renouvellement du consensus autour du minimum de voix nécessaire pour un parti politique afin d’avoir des représentants au sein du parlement et du gouvernement. Les motivations seraient fortes pour « abandonner les faux semblants » puisque tout moun jwenn. De cette manière, une motivation additionnelle serait donnée aux partis et regroupements politiques pour qu’ils s’agrègent afin de simplifier les techniques électorales et d’ouvrir le système politique sur un horizon démocratique dans lequel la compétition est omniprésente.

Plus encore que pèlin tet, cette belle expression de Frankétienne, le poète Kiki Wainright a su faire un agencement de mots d’une grande valeur, ciselant ces expressions créoles d’une grande rareté, pour donner écho à la solitude haïtienne sous le poids des dictatures. Il écrit : “Sou kòf lestomak peyi-m/yon gwo lagoum lamizé /refize detache /chak kou peyi-a touse /lemond antye tande.” [4] En effet, toute la planète écoute le bruit de nos turpitudes. La réponse du monde entier est d’une éloquence assourdissante avec les troupes armées de la MINUSTAH venues de partout pour donner des ailes à un pouvoir stérile et castrateur des hommes et des choses. En cas de LEVE KANPE, la mafia nationale et internationale osera-t-elle assassiner des milliers de jeunes qui veulent dire NON à Préval et à ses élections truquées ?

L’après-Préval est un souci légitime à maints égards. À moins de bien s’y prendre et de laisser toutes les voix descendre dans l’arène pour dire NON, l’après Préval sera encore Préval. Car la mafia nationale et internationale qui a mis son grappin sur Haïti bloque les avenues du changement. Cette mafia est contre aussi bien le développement de l’entreprise privée que contre le développement d’une alternative populaire sérieuse. Avec elle, d’un côté, il ne peut pas y avoir d’Haïtiens riches (surtout pas de Noirs comme le montre si bien Richard Morse dans son récent texte sur le mulatrisme) intégrés au milieu national et partisans d’une accumulation nationale. De l’autre, il ne faut pas également qu’il y ait une alternative démocratique basée sur un modèle de gestion transparent de l’Etat. Dans cet entendement raciste, les élites haïtiennes ne peuvent être que répugnantes (MRE). Il faut combattre aussi bien les patrons consciencieux que les ouvriers qui sont leurs partenaires. Le point d’appui et le levier d’Archimède que pourrait constituer la diaspora pour trouver un nouveau souffle au pays, indépendamment des bailleurs de fonds traditionnels et du statu quo, est négligé par les tenants du pouvoir. Ces derniers préfèrent mendier auprès des Blancs que de faire un compromis historique avec leurs propres compatriotes.

L’échéance de 2010 est capitale pour une génération qui a assisté à la dissolution en miettes d’un rêve de construction d’un autre pays après 1986. Comment s’y prendre ? D’abord et surtout, il ne faut pas faire de sacrifices inutiles et se lancer dans des actions suicidaires. Nous pouvons apprendre beaucoup en ce sens de nos voisins dominicains. Ils ont combattu pour de grands idéaux. Ils ont eu leur occupation des forces américaines en 1965. Ils ont combattu. Puis ils ont eu la répression contre le groupe révolutionnaire de Amaury German Aristy en Janvier 1972 et la débâcle de l’opération étoile de Francisco Caamaño en février 1973. Ils ont encore combattu. Malgré l’échec de Playa Caracoles près d’Azua, la mort de Caamaño a galvanisé les consciences des militants du PRD aboutissant à leur victoire électorale en 1978 et à leur implantation nationale définitive au firmament politique de leur pays. La répression a causé une rupture historique au sein du PRD mais les revendications populaires ont aussi fait leur chemin au sein du PLD, le nouveau parti de Juan Bosch. L’oligarchie a dû reculer même si elle a pu se mobiliser pour bloquer la victoire présidentielle de Peña Gomez en 1994 et 1996. La société dominicaine connait une stabilisation et un taux de croissance qui font rêver Haïti. Vingt ans plus tard, l’avenue du Presidente Caamano est inaugurée à Santo Domingo.

Apprenons d’eux et luttons pacifiquement pour que les élections de 2010 inaugurent une ère de communication entre les Haïtiens. Sans exclusive et sans revanche.

[1] Suzy Castor, “Abandonner les faux semblants : Une nécessité de l’heure”, AlterPresse, P-a-P, Haiti, 28 septembre 2009, http://www.alterpresse.org/spip.php.... Voir aussi Le Nouvelliste, P-a-P, Haïti, 30 septembre 2009.

[2] Leslie Péan, Haïti — Economie Politique de la Corruption, Tome 2, L’Etat marron (1870-1915), Editions Maisonneuve et Larose, Paris, France, 2005. Voir aussi Leslie Péan, Aux origines de l’État marron en Haïti 1804-1860, Editions de l’Université d’Etat d’Haïti, P-a-P, Haïti, 2009, pp. 17-18.

[3] FAO, Situation des forêts du monde, Rome, Italie, 1999.

[4] Frantz Wainwright, Nan Tan Malouk, Educa Vision Inc., Florida, 2003.

samedi 22 août 2009

AVERSION POUR LA POLITIQUE

Aversion pour la Politique
Par Ray Killick, 16 août 2009
RayHammertonKillick-conscience@yahoo.com

Dans sa définition la plus cristalline, la politique est manière ou stratégie, moyen ou ensemble de moyens, mis en jeu pour réaliser un objectif bien déterminé. La politique est indispensable à l'organisation publique ou privée, autocratique ou démocratique, laïque, chrétienne, judaïque, islamique, ou autre. Si elle est la plaque tournante de la société consensuelle, elle n'en demeure pas moins un facteur important de stabilité ou d'instabilité même dans les structures hiérarchiques ou autoritaires. La politique est indispensable au fonctionnement de l'entreprise, à l'exploitation des ressources matérielles et sociales, à la coopération humaine pour la réalisation des objectifs d'une vision déclarée ou indicible. La politique est l'alpha et l'omega de tout édifice humain, la sève qui le nourrit ou le détruit. Pourtant, certain courant intellectuel haïtien, peut-être par manque d'expérience directe d'avec l'entreprise ou par réaction naturelle face aux résultats désastreux de la politique en Haïti depuis plus de deux siècles, se réclame apolitique ou témoigne d'une aversion telle pour elle qu'il se fait le champion de la transformation économique sans la politique. Ne s'agit-il pas là d'une vision utopique concoctée en dehors de toute réalité humaine?

UN RAPPORT DE FORCES?

On répète souvent que la politique est un rapport de forces. Cependant ce n'est là, à proprement parler, que l'effet de la politique. S'allier des forces et acquérir ses ressources et les mettre en jeu pour accomplir sa vision, est l'objet primordial de la politique. Finalement, c'est le rapport de forces qui fait la différence. L'initiative initiale d'alignement, de rassemblement des forces, est un processus qui requiert une certaine maturité humaine ou plus précisément ce que les anglo-saxons appellent emotional intelligence. Maintenir les forces dans un équilibre oppositionnel durable participe des conditions sine qua non pour la réalisation des objectifs qu'on s'est donné.

POLITIQUE ET PROGRAMME POLITIQUE

Quand le président Abraham Lincoln considéré novice en politique par des opposants formidables et réputés intellectuellement plus imposants rassemble ses concurrents d'hier dans son administration de rivaux, il fait montre d'une sensibilité politique qu'on n'enseigne pas sur les bancs de l'école, mais qu'on apprend plutôt sur les bancs de la vie à force de coopérer les autres. Là où certains leaders auraient vu leur perte, Lincoln choisit de prendre, avec ses rivaux, des risques qui traduisent les grandes opportunités de demain. La manière de rassembler de Lincoln, élevant son rival au niveau supérieur qu'il lui reconnaît réellement, est une caractéristique de leadership de haut niveau. Le rassemblement et la gestion de forces de qualité et des tensions inhérentes à leur coexistence témoigne de la qualité du leadership politique.

Si le président Franklin Roosevelt a obtenu des pouvoirs du Congrès des États-Unis qui, exercés dans leur plénitude auraient certainement terminé l'expérience démocratique américaine, Roosevelt ne les utilise que partiellement et à bon escient. Il ignore les appels de ses conseillers de faire le virage vers la dictature que facilitait la Grande Dépression. Lincoln, de même, résiste ses mêmes tentations que lui servent ses conseillers. Ces leaders des deux époques les plus critiques depuis la fondation de l'Amérique des étoiles font montre de réserve politique. Ils choisissent la voie politique de résolution des conflits inhérents à leur administration et celle qui conduit à la réalisation des objectifs de sauvetage national.

Quand le leader de l'exécutif d'une vraie république veut faire passer son programme, il sait qu'il doit composer avec le parlement, c'est-à-dire, trouver ses alliés, faire des compromis avec ses adversaires, et tendre la carotte pour faire la différence quand cela est nécessaire. Toute cette entreprise requiert une sensibilité politique énorme, emotional intelligence.

Même dans la structure administrative et politique communiste de la Chine capitaliste, la coexistence de l'aile dure maoïste et conservatrice avec l'aile progressiste dans une dynamique d'équilibre oppositionnel requiert un jeu politique permanent sans lequel les conflits internes peuvent noyer l'expérience économique chinoise dans le chaos sociopolitique.

POLITIQUE ET BUSINESS

La question à savoir est-ce qu'on devrait privilégier la politique sur l'économique est tout à fait absurde parce qu'elle ne se pose même pas. Il ne s'agit pas ici d'un choix mais d'une réalité qui hante les parlements et cabinets exécutifs du monde entier. C'est là que se joue le destin économique des peuples. Le blocage ou le passage d'une législation donnée qui est susceptible d'affecter l'économie dépend de la capacité d'influence politique des patrons, des entrepreneurs, des unions d'ouvriers, des organismes watchdog qui défendent la société, etc. Il faut avoir des droits civils et politiques, le droit d'influence, le droit à la protestation dans une telle société pour faire entendre sa voix et sa position économique.

Ceux-ci s'engagent dans une guerre d'influence et de propagande d'autant plus intense que la société est plus démocratique et plus ouverte. On connaît l'importance du lobby américain par exemple. Les législateurs américains sont courtisés de manière permanente par Big Business, les gouvernements des pays amis qui recherchent la bonne grâce de l'Oncle, les unions, etc.

Or le développement socioéconomique dépend en large partie des décisions politiques des gouvernements. Donc ceux qui réussissent à influencer les décisions étatiques sur la longue période peuvent ipso facto influencer le progrès social.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le parti républicain aux États-Unis est perçu en tant que parti pro-business alors que le parti démocrate est pro-social, le parti des grands programmes sociaux tels que Universal Healthcare, sécurité sociale, taxation des riches pour soulager la misère des autres, etc. L'arrivée au pouvoir d'un parti annonce déjà les couleurs, c'est-à-dire l'influence la plus importante des 2 prochaines années.

POLITIQUE ET CARRIÈRE PROFESSIONNELLE

Je n'ai jamais travaillé dans une boîte haïtienne. Je ne peux qu'imaginer comment cela fonctionne à partir des expériences que m'ont contées ceux qui en ont fait l'expérience. Cependant, durant toute ma carrière professionnelle dans les technologies de pointe des télécommunications, j'ai trouvé que la sensibilité politique est un atout majeur et indispensable pour gravir les échelons de management ou techniques.

De fait, les ingénieurs les plus écoutés et qu'on laisse représenter l'entreprise face aux clients sont ceux qui possèdent la faculté, en plus des talents techniques, de jouer le jeu politique de support du salesman.

De plus, quand on atteint le plus haut niveau de performance, une des composantes d'évaluation est l'habileté politique, la faculté d'ajuster son langage, de coopérer avec les autres et de gérer les conflits avec le minimum d'escalades au niveau supérieur.

C'est la raison d'ailleurs pour laquelle, cela m'étonne toujours d'entendre quelqu'un se positionner en tant que leader professionnel et déclarer dans le même temps: "Je ne suis pas politicien." Cela dénote l'incapacité de travailler en équipe, travail qui souvent requiert emotional intelligence tant certains conflits et réactions négatives menacent parfois la réussite de l'équipe.

LA POLITIQUE EN HAÏTI

Si l'aversion de certains intellectuels et professionnels haïtiens pour la politique transpire de leurs discours, c'est peut-être à cause des résultats désastreux de 2 siècles de politique politicienne. Politique qui a systématiquement été menée pour détruire et non pour construire; pour dérouter l'intelligence qui aurait permis l'éveil de la conscience collective et non pour la faire luire.

Ces intellectuels et professionnels n'examinent la politique apparemment que sous cet angle aigu qui ne fait que rendre la même perspective depuis l'indépendance du pays. C'est pourquoi leur lecture de la réalité socioéconomique et leurs prescriptions pour le progrès socioéconomique restent en surface. L'équation qui en sort ne peut être que pour un monde idéal et non celui contre lequel le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz s'élève.

Les critiques de Stiglitz, parmi lesquels, John Roemer de Yale University, s'accordent à reconnaître que celui-là a généralement raison quand il confère un rôle à l'État dans l'économie. Leur critique cependant va droit au but et questionne le périmètre de l'action étatique. Par exemple, David Prychitko de Northern Michigan écrit: "L'argument de Stiglitz est généralement correct: l'État ne peut pas être écarté, il est un facteur. Cependant son argument laisse de côté les grandes questions constitutionnelles: Comment le pouvoir coercitif de l'État devra-t-il être contrôlé? Comment définir la relation entre l'État et la société civile?"

Si la richesse nationale se crée avant tout dans la matrice microéconomique, sans toutefois un écosystème de support ou réglementaire (Stiglitz) qui favorise les investissements, l'esprit d'entreprise en général, la compétition légale de marché, la formation des cadres nécessaires au secteur privé, etc., cette matrice ne peut convertir cette richesse en progrès social. Par exemple, les monopoles économiques détruisent l'innovation. On a assisté aux États-Unis à une véritable révolution en télécommunications après le démantèlement du Bell System (Ma Bell) en 1984, lequel pourtant en 1947 avec l'invention de l'effet transistor et les travaux de Claude Shannon (A Mathematical Theory of Communications) avait lancé l'Âge de l'Information.. Par conséquent, un cadre politique qui permettrait aux monopoles de s'étendre sur l'économie tuerait la compétition et avec elle l'innovation. Il serait difficile pour une telle économie de négocier sa transition vers une phase de développement économique plus sophistiquée.

CONCLUSION

Aucun système humain ne naît, vit, grandit, et meurt sans politique. La politique est l'ingrédient qui s'invite naturellement sans qu'on l'ajoute par dessein. Elle est depuis l'antiquité le ferment du changement, du progrès, de la destruction, des guerres ou de la paix.

L'importance de la politique dans le progrès socioéconomique ne peut être sous-estimé que par maladresse intellectuelle ou manque d'expérience dans l'administration publique ou privée. Les législations qui affectent l'économie demeurent sujettes à toutes sortes d'influence politique.

La question du choix entre l'économie et la politique ne devrait pas se poser car ce sont deux entités indissociables pour les raisons brièvement exposées dans cet article et bien d'autres encore. On ne saurait privilégier l'une au détriment de l'autre. La vraie question devrait être la refondation de l'État pour le progrès socioéconomique. Relayons de nouveau le cri d'Accra d'Obama: "Aucun pays ne peut créer de richesse si ses dirigeants exploitent l'économie pour s'enrichir personnellement, ou si des policiers peuvent être achetés par des trafiquants de drogue.. Aucune entreprise ne veut investir dans un pays où le gouvernement se taille au départ une part de 20 %, ou dans lequel le chef de l'autorité portuaire est corrompu. Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la loi du plus fort et à la corruption."

En d'autres termes, la question importante est comment faire la politique à des fins autres que la destruction systématique du pays. Faire la politique afin de promouvoir le progrès socioéconomique. On ne vit pas dans une jungle, par conséquent, on doit coopérer avec les autres pour le progrès de tous. Tel est le but de la politique responsable....