vendredi 2 décembre 2011

DISCOURS D'INVESTITURE DU PRESIDENT DUMARSAIS ESTIME

Discours d’investiture du président Dumarsais Estimé Messieurs les membres de l’Assemblée nationale, En vous remerciant de la confiance que vous avez bien voulu manifester en m’élevant à la première magistrature de l’État, (et en remerciant Monsieur le Président de l’Assemblée nationale des paroles aimables qu’il a prononcées, et des vœux qu’il a émis) je ne perds pas de vue qu’en m’accordant vos votes, c’est la grande famille des masses, dont je suis un représentant, que vous avez bien voulu honorer. Vous avez choisi, entre ceux qui briguaient vos suffrages, un homme qui ne se recommandait ni par l’éclat d’un grand nom, ni par le prestige d’une illustre naissance. Ce que les masses m’ont valu aujourd’hui, je m’engage à le leur rendre en me dévouant à leur cause. Tous ici, à cette heure, nous avons à la pensée la Révolution de Janvier qui a mis au grand jour les aspirations du peuple la liberté, au travail protégé, à la paix, et la justice sociale qui assure un ordre nouveau où les privilèges que quelques-uns sont courbés au profit du bien collectif. Mon gouvernement s’efforcera, avec votre collaboration éclairée, et dans la limite des pouvoirs qui lui seront laissés par la Constitution libérale, à laquelle votre Haute Assemblée est en train de travailler, de répondre à ces aspirations. Toute ma vie, à travers des étapes difficiles, j’ai porté en moi un idéal de respect et de dignité de l’homme du peuple, et à une époque où il n’y avait pas de place pour les partis politiques et les organismes de revendications, je m’étais donné pour tâche d’étendre et de fortifier la position où m’avaient placé les populations de mon arrondissement natal afin d’être en mesure, un jour, d’émerger avec le peuple et pour le peuple. Je ne dissimule pas les difficultés auxquelles nous pouvons nous heurter. Mais aussi bien que le peuple tout entier n’a cru pouvoir trouver le commencement de son salut que dans l’établissement à bref délai d’un Exécutif régulier, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour justifier son attente. Nous allons travailler à la libération financière du Pays, à l’éducation des masses, à l’organisation rationnelle de notre agriculture. Les systèmes progressistes d’organisation, tels que celui des coopératives seront encouragés, afin que le sol enrichisse celui qui le cultive, et non les intermédiaires. Nous protègerons l’artisan et le travailleur salarié. Les syndicats ne seront pas opprimés dans leurs revendications, car il sont la garantie que le travailleur ne sera pas soumis au bon vouloir du patron. Quand à la jeunesse, et je pense, aussi bien qu’à celle des villes, à tous les adolescents issus directement des masses prolétariennes et paysannes, quant à la jeunesse, cette source d’intelligence et de courage à qui est donnée la mission de revigorer la nation par son ardeur, elle recevra notre attention spéciale, et rien de sa flamme ne sera étouffé sous le gris manteau des servitudes. C’est sur cette dernière pensée que je voudrais achever ce message, et je désire parler non seulement pour vous, Messieurs les Membres de l’Assemblée, qui détenez un mandat du peuple et êtes les dépositaires de sa souveraineté, mais à tous ceux qui sont ici comme témoins, et par-dessus vous tous à la Nation toute entière : ce gouvernement que vous venez de consacrer n’appellera jamais personne à la servitude. Nous savons ce que valent les dictatures et les crimes à quoi elles poussent contre les vies, contre les courages, contre les consciences, contre les patries. Je prends l’engagement formel de respecter les principes de la séparation des pouvoirs, seule garantie pour le peuple de ne pas voir son destin échapper à son propre contrôle. Quant à la presse, ce quatrième pouvoir que le peuple s’est donné pour être un œil ouvert sur tous les autres, nous ne porterons jamais la mais sur elle, car nous espérons n’avoir jamais aucune honte à cacher. Au seuil de ce mandat qui est appelé à s’exercer dans des circonstances difficiles, autant parce que l’héritage recueilli est grevé de lourdes hypothèques, qu’à cause des contingences économiques, géographiques et sociales qui ont chacune leur aiguillon, j’adresse au nom du Destin de la Patrie, un appel solennel à toux les haïtiens, de tous les départements, de toutes les classes, et particulièrement des masses, pour qu’ils nous fassent confiance. J’appelle à l’union sacrée, à la coalition autour du drapeau, notre commun héritage, tous les adversaires d’hier, quels qu’ils soient, quelle qu’ait été la violence de leurs attaques. C’est l’heure où chacun de nous doit démontrer que la patrie est la première et la plus sacrée de ses préoccupations. Si, bergers du troupeau, nous nous en constituons les loups; si, gardiens de la maison, nous nous faisons les voleurs qui la brisent et la pillent; si rebelles au meilleur de nous-mêmes, nous manquons à nos engagements solennels, alors il sera temps d’entrer en jugement avec nous et de nous demander des comptes Mais je sais que nous sommes en route pour une meilleure et plus forte et plus fière Haïti. C'est notre désir. C'est notre but. Que Dieu nous soit en aide. Dumarsais Estimé Siège de l’Assemblée nationale Port-au-Prince, le 16 août 1946

jeudi 1 décembre 2011

REPONSE DU MINISTRE BRESILIEN DE L'EDUCATION

RÉPONSE DU MINISTRE BRÉSILIEN DE L'ÉDUCATION INTERROGÉ PAR DES ÉTUDIANTS DES ÉTATS-UNIS. Superbe réponse du ministre brésilien de l'Education interrogé par des étudiants aux Etats-Unis... La presse nord-américaine a refusé de publier ce texte. Pendant un débat dans une université aux États-unis, le ministre de l'Éducation Cristovam Buarque, fut interrogé sur ce qu'il pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie. Le jeune étudiant américain commença sa question en affirmant qu'il espérait une réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien. Réponse de M. Cristovam Buarque: En effet, en tant que Brésilien je m'élèverais tout simplement contre l'internationalisation de l'Amazonie. Quelle que soit l'insuffisance de l'attention de nos gouvernements pour ce patrimoine, il est nôtre. En tant qu'humaniste, conscient du risque de dégradation du milieu ambiant dont souffre l'Amazonie, je peux imaginer que l'Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a de l'importance pour toute l'humanité. Si, au nom d'une éthique humaniste, nous devrions internationaliser l'Amazonie, alors nous devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde entier. Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l'humanité que l'Amazonie l'est pour notre avenir. Et malgré cela, les maîtres des reserves de pétrole se sentent le droit d'augmenter ou de diminuer l'extraction de pétrole, comme d'augmenter ou non son prix. De la même manière, on devrait internationaliser le capital financier des pays riches. Si l'Amazonie est une réserve pour tous les hommes, elle ne peut être brûlée par la volonté de son propriétaire, ou d'un pays. Brûler l'Amazonie, c'est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des spéculateurs de l'économie globale. Nous ne pouvons pas laisser les réserves financières brûler des pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation. Avant l'Amazonie, j'aimerais assister à l'internationalisation de tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus belles oeuvres produites par le génie humain. On ne peut pas laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine naturel de l'Amazonie, être manipulé et détruit selon la fantaisie d'un seul propriétaire ou d'un seul pays. Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé d'enterrer avec lui le tableau d'un grand maître. Avant que cela n'arrive, il faudrait internationaliser ce tableau. Pendant que cette rencontre se déroule, les Nations unies organisent le Forum du Millénaire, mais certains Présidents de pays ont eu des difficultes pour y assister, à cause de difficultés aux frontières des États-unis. Je crois donc qu'il faudrait que New York, lieu du siège des Nations unies, soit internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute l'humanité. Comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasília, Recife, chaque ville avec sa beauté particulière, et son histoire du monde devraient appartenir au monde entier. Si les États-Unis veulent internationaliser l'Amazonie à cause du risque que fait courir le fait de la laisser entre les mains des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l'arsenal nucléaire des États-unis. Ne serait-ce que par ce qu'ils sont capables d'utiliser de tells armes, ce qui provoquerait une destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies des forêts brésiliennes. Au cours de leurs débats, les actuels candidats à la Présidence des Etats-Unis ont soutenu l'idée d'une internationalisation des réserves forestières du monde en échange d'un effacement de la dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour s'assurer que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger et d'aller à l'école. Internationalisons les enfants, en les traitant, où qu'ils naissent, comme un patrimoine qui mérite l'attention du monde entier. Davantage encore que l'Amazonie.Quand les dirigeants du monde traiteront les enfants pauvres du monde comme un Patrimoine de l'Humanité, ils ne les laisseront pas travailler alors qu'ils devraient aller à l'école, ils ne les laisseront pas mourir alors qu'ils devraient vivre. En tant qu'humaniste, j'accepte de défendre l'idée d'une internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera comme un Brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous. Et seulement à nous!