samedi 15 mars 2008

HAITI: LA QUESTION DE LA DOUBLE NATIONALITE ET LES PERSPECTIVES D'AVENIR

Haiti : La question de la double nationalité et les perspectives d’avenir
samedi 15 mars 2008

Débat

Par Michel Julien [1]

Soumis à AlterPresse le 12 mars 2008
Depuis quelques mois, les nouvelles d’Haïti font état de grandes difficultés qui semblent, de plus en plus, ébranler la confiance de nombreux citoyens de toutes les couches sociales du pays. La hausse des prix de nombreux produits alimentaires ainsi que du prix du carburant ajoutée au chômage chronique, ne manque pas de compliquer l’existence de nos compatriotes. Nos frères et soeurs, en tant que consommateurs, ne savent plus comment joindre les deux bouts. Les dirigeants politiques, face à cette situation, ont dû annoncer divers programmes afin de contrer la hausse du coût de la vie et de faciliter le quotidien de la population.
Certains peuvent estimer l’intervention gouvernementale trop tardive ou même se plaindre de l’inadéquation de certaines des mesures prises, d’autres peuvent se sentir offensés par certains discours trop directs ; n’empêche que le gouvernement n’est pas resté insensible et inactif devant la détérioration du pouvoir d’achat des consommateurs, puisqu’il est entrain d’adopter diverses mesures pour essayer de réduire les effets du chômage et de la hausse des prix.
Mais, tandis que l’exécutif se débat pour trouver des solutions aux difficultés du pays, car il faut bien en convenir, à moins de se faire des illusions, de la complexité de la crise haïtienne. Alors que de partout, des cris s’élèvent pour que des actions encore plus vigoureuses soient entreprises en vue de sortir Haïti de cette situation désespérante. Alors que de nombreux compatriotes, vivant à l’extérieur du pays, se dévouent et cherchent, par tous les moyens, à soutenir ceux de l’intérieur, n’est-il pas étonnant que la question de la double nationalité revienne avec autant de force dans l’actualité.
Le moment est-il vraiment bien choisi pour faire de cette question une priorité ? En outre, la façon et surtout les raisons pour lesquelles elle a été abordée ne risquent-elles pas de provoquer des divisions au sein des Haïtiens, au moment où l’union s’avèrerait indispensable ? En fait, quel message veulent lancer ces parlementaires, qui ont soulevé cette question, aux Haïtiens de la diaspora et ne craignent-ils pas un effet boomerang ? Si ces parlementaires ont le droit ou même le devoir de s’assurer du respect de la Constitution, ne doivent-ils pas cependant éviter de laisser croire à une chasse aux sorcières, avec seul objectif de se débarrasser de ces « faux Haïtiens » qui cherchent à envahir le pays ?
En vérité, est-il possible, dans la conjoncture, que le débat sur la double nationalité occupe, en ce moment, une si grande place dans le travail parlementaire ? Devant l’urgence et la complexité de la situation générale du pays, des représentants du peuple ne devraient-ils pas plutôt se pencher sur les moyens de créer des entreprises et des emplois, de dôter le pays d’infrastructures de base comme l’électricité, des routes praticables, des systèmes téléphoniques adéquats ? N’est-il pas beaucoup plus urgent de se pencher sur les problèmes agricoles alors que le pays n’arrive plus à nourrir sa population, d’étudier les moyens d’améliorer les systèmes scolaire et de santé ? N’y a-t-il pas d’autres sujets nettement plus préoccupants, comme le contrôle des prix, la sécurité des citoyens qui devraient retenir leur attention et faire l’objet de débats sérieux ?
En attendant d’obtenir leurs réponses, examinons rapidement les raisons qui nous poussent à attirer l’attention sur les risques inhérents à cette question de la double nationalité, telle qu’elle a été lancée. Peut-être, comprendrions-nous mieux, par la suite, pourquoi cette question mérite d’être traîtée, à la fois, avec délicatesse, objectivité et beaucoup de sagesse. Une telle démarche nous permettra probablement d’éviter des erreurs préjudiciables à la nation haïtienne qui, plus que jamais, a besoin de toutes ses filles et de tous ses fils.
L’approche utilisée, ces dernières semaines, par certains parlementaires comporte, à court terme , mais surtout à moyen et long terme, de grands risques pour notre pays. Tenant compte du contexte historique et politique qui prévalait au moment de la rédaction des textes constitutionnels de 1987, avec le recul, notre communauté nationale ne conviendrait-elle pas de la nécessité, voire de l’urgence de dégager maintenant un consensus afin de reviser cette Constitution pour la débarrasser de toute forme d’émotivité. N’est-il pas de l’intérêt national d’éviter ces distinctions qui créent plusieurs catégories d’Haïtiens et qui peuvent provoquer une rupture brutale entre elles ? Le pays ne confronte-t-il pas déjà assez de problèmes difficiles pour éviter d’en ajouter ? Cette question de la double nationalité, entre autres, doit donc être rigoureusement étudiée avant toute décision et la prudence doit être de mise dans toute démarche visant à amender la Constitution de 1987 malgré ses lacunes. Car, il faut bien reconnaître qu’elle ne reflète pas très bien la culture haïtienne en proposant un régime hybride et en ne tenant pas, non plus, vraiment compte de la situation économique du pays à cause de la fréquence et de la multiplicité des élections qu’elle prévoit et des sommes élevées que l’Etat doit allouer à leur organisation aux dépens de projets à caractère social. Ces motifs, à notre avis, suffisent pour justifier des amendements à l’actuelle Constitution..
Mais, laissons-nous faire ressortir d’autres raisons qui plaident non seulement en faveur de l’amendement constitutionnel mais qui nous font aussi mieux apprécier certains blocages qui découlent du statu quo. C’est en référence à l’article 15 de la Constitution de 1987 que les candidatures de plusieurs Haïtiens provenant de la diaspora ont été empêchées lors des élections générales de 2006. C’est en référence à ce même article que, de nouveau, ces dernières semaines, certains parlementaires interpellent des serviteurs de l’Etat - ministres, sénateurs, députés - qui ont vécu à l’étranger, soupçonnés de double nationalité. Cette question soulève donc de multiples problèmes. Comment la traîter ?
Une analyse objective de la situation nationale démontrerait rapidement combien une telle disposition constitutionnelle va à l’encontre des intérêts du peuple haïtien. En effet, l’article 15 nous engage dans une voie contraire à celle qu’empruntent, de nos jours, beaucoup de pays développés. Plusieurs de ces pays, particulièrement les plus riches, cherchent, par tous les moyens, à attirer sur leur territoire les cerveaux étrangers, autrement dit la matière grise, capital important, pour les aider dans leur propre développement. Pour ces pays, la double nationalité ne constitue nullement un problème. C’est le cas du Canada, par exemple, qui a comme gouverneure générale une canado-haïtienne, Michaelle Jean, qui a été fièrement et chaleureusement reçue en Haïti. En outre, plusieurs Canadiens d’origine étrangère ont été élus députés dans diverses provinces du pays, citons-en deux d’origine haïtienne, Emmanuel Dubourg qui siège à l’Assemblée Nationale du Québec et Viviane Barbeau au Parlement du Canada. C’est également, en partie, le cas aux Etats-Unis où les immigrants naturalisés sont privés du droit d’accéder à la présidence tout en ayant celui de remplir de hautes fonctions au sein du gouvernement américain. Les exemples d’Henry Kissinger né à Nuremberg en Allemagne, de Madeleine Albrigth, née à Prague en Tchcoslovaquie, qui ont été de grands secrétaires d’Etat, sont éloquents. Actuellement, le gouverneur de la Californie est un américain d’origine autrichienne. Notre pays n’aurait-il pas aussi intérêt à faire évoluer sa Constitution en ce sens ? Rendons hommages au Président de la République, M. René Préval, qui a fait preuve de vision en prônant, dès les lendemains de son élection, l’amendement de la Constitution de 1987, en vue d’y apporter les corrections nécessaires. En dépit des tiraillements, il doit maintenir le cap, la grandeur du geste n’échappera pas aux générations futures.
Tôt ou tard, les Haïtiens devront faire preuve de réalisme et amender l’actuelle Constitution. Il faut espérer, que de leur réflexion, découlent des décisions objectives et mûries, particulièrement sur le sort réservé à leurs compatriotes qui ont, pour toutes sortes de raisons, quitté le pays et qui, sans nécessairement renoncer à la nationalité haïtienne, ont acquis d’autres nationalités pour assurer leur avenir. Nos dirigeants politiques doivent donc faire preuve de leadership et choisir le moment idéal pour inviter la nation à réfléchir sérieusement sur les changements qui s’imposent en vue d’améliorer la gouvernance du pays et ses possibilités de développement. Un grand débat démocratique sur les vraies questions est nécessaire pour permettre de dégager un consensus national sur les amendements souhaitables. Afin de faire de ce débat un moment historique, il faut que tous s’élèvent au-dessus des intérêts personnels et partisans pour traiter les vraies questions dans l’intérêt général. Mais alors, quelles sont les vraies questions qui méritent l’attention ? Elles concernent plusieurs articles de la Constitution et traîtent de sujets divers. Plusieurs crises politiques des vingt dernières années sont en rapport direct avec certains articles de la Constitution de 1987 et un simple rappel des faits fera ressortir les questions qui les sous tendaient. Dans notre papier cependant, nous souhaitons nous limiter à celles qui découlent de l’article 15 de la Constitution et qui préoccupent davantage la diaspora en ce moment. Nous en retenons particulièrement cinq auxquelles la nation haïtienne devra répondre avec objectivité et ouverture d’esprit.
1)D’abord, avec le recul, notre nation est-elle prête à reconnaître à tous les Haïtiens indistinctement les mêmes droits ? 2) Les dirigeants Haïtiens comptent-ils mettre à profit ce capital que constitue la matière grise haïtienne de la diaspora dans le redressement du pays ? 3) De quelle façon la nation haïtienne compte-t-elle assurer la continuité des liens avec les descendants, nés à l’étranger, de ces Haïtiens qui ont quitté le pays dans les années 60 ? 4) Le pays peut-il se passer de l’apport financier récurrent ( plus d’un milliard de dollars annuellement) de sa diaspora ? 5) Enfin, le développement régional n’a-t-il pas plus de chance de réussir avec la réintégration des Haïtiens de la diaspora qui souhaitent retourner dans leur localité d’origine respective ?
C’est en réfléchissant sérieusement sur ces questions que notre communauté nationale réalisera combien il est important d’aborder la question de la double nationalité avec beaucoup de tact et d’ouverture. Après vingt ans d’application de la Constitution de 1987, la société haïtienne doit s’interroger sur ses limites, réfléchir sur leurs conséquences et s’engager fermement à faire les amendements nécessaires pour faciliter la gestion de l’Etat. La raison doit donc prévaloir pour que ces changements se fassent en tenant essentiellement compte de l’intérêt national.
La recherche de cohésion sociale doit aussi constituer une priorité pour les dirigeants du pays. Car, en ce moment, il n’est pas exagéré de parler d’un certain émoi dans divers milieux de la diaspora, suite aux récentes interpellations et vérifications d’identités des derniers jours, entamées par quelques parlementaires à l’encontre de certains compatriotes. Plusieurs Haïtiens s’interrogent sur la place qui leur est réservée en Haïti et n’hésitent pas à parler de chasse aux sorcières injustifiée. La plus grande prudence s’impose dans ce dossier. Et, ces écrits n’ont d’autres buts que de sensibiliser nos représentants et nos dirigeants à cette situation. Ils auront besoin de beaucoup d’écoute et de bons conseils. C’est dans cet esprit, que nous nous permettons d’exprimer, en attendant d’autres points de vue, notre opinion sur les questions précédemment soulevées.
Une des meilleures façons de répondre objectivement à la question principale qui porte sur la reconnaissance de tous les droits des Haïtiens de la diaspora est de procéder à une analyse comparative des avantages et désavantages qui en découlent. Mais, les limites d’un article ne nous permettent pas d’être exhaustif. Aussi, nous intéresserons-nous à souligner très simplement et seulement quelques avantages qui nous semblent incontestables. Les désavantages, de toutes les façons, ne sont pas significatifs.
1)La démographie du pays indique une population plutôt jeune. Le départ massif de nombreux intellectuels et de techniciens dans les années soixante a laissé un vide. Le retour des aînés permettra de faire le lien entre l’ancienne génération et la nouvelle qui constitue l’avenir du pays. De plus, ces membres de la diaspora augmenteront le nombre de compatriotes pouvant servir de modèles dans le pays.
2)Nombreux Haïtiens de la diaspora apporteront un savoir et un savoir faire qu’ils pourront transmettre immédiatement aux plus jeunes. En fait, la matière grise Haïtienne, capital inestimable, contribuera à activer la reconstruction nationale. Ces revenants de la diaspora viendront en renfort aux éducateurs, aux techniciens, aux professionnels restés dans le pays et qui travaillent déjà avec beaucoup d’acharnement à sa sauvegarde. Grâce à cette synergie, le pays pourra former rapidement les ressources humaines nécessaires à sa relève.
3)Enfin, ces Haïtiens de la diaspora qui regagneront la terre natale seront, pour leur localité respective, de précieux agents de changement. Leur présence provoquera une certaine activité économique et contribuera au développement des zones où ils seront installés. Ils seront de bons consommateurs, des investisseurs potentiels voire même de bons entrepreneurs ou travailleurs.
La réintégration des Haïtiens de la diaspora comporte à long terme d’autres avantages significatifs. En effet, qu’adviendra-t-il des descendants de la diaspora haïtienne, nés à l’étranger qui n’ont pas encore eu la chance de tisser des liens affectifs avec la patrie de leurs parents ? Le retour de ces derniers en Haïti est le meilleur moyen de corriger la situation. Les enfants, lors des visites de leurs parents, trouveront l’occasion de découvrir le charme du pays et de s’y attacher. Les méfaits de certaines informations et de certaines images dégradantes du pays rapportées par les média, seront relativisés. De voyage en voyage, la nouvelle génération pourra développer des liens plus étroits avec Haïti, ce qui favorisera à long terme la continuité de l’aide de la diaspora. Cet aspect a une incidence économique importante, car le pays n’a pas les moyens de se passer des tranferts de la diaspora qui comblent une partie significative des besoins de nombreux parents. Qu’on le veuille ou non, la probabilité de maintenir ces tranferts d’argent vers Haïti augmente avec la réinstallation des parents retraités en Haïti. Un grand nombre d’entre eux conditionnent cependant leur retour à la pleine reconnaissance de leurs droits. Que faire ?
D’autres motifs encore plus importants jouent en faveur de la reconnaissance des droits des Haïtiens de la diaspora et méritent l’attention. Au cours des cinquante dernières années, Haïti est l’un des pays à avoir subi un fort taux d’émigration, surtout pour ce qui concerne sa classe moyenne. Ainsi, le pays a été privé de précieuses ressources humaines, de sa force motrice avec le départ d’innombrables techniciens et de professionnels de toutes sortes tels par exemple, des enseignants, des médecins, des infirmières, des hommes et femmes d’affaires. Il s’est donc créé un vide tant sur le plan démographique, social et économique. En effet, la classe moyenne , dans tous les pays, est celle qui fournit le plus haut taux de main d’oeuvre qualifiée tant au secteur privé qu’au secteur public. C’est elle qui procure généralement à l’Etat, la plus grande part de ses recettes fiscales. L’absence de la classe moyenne pour faire le pont entre la classe la plus riche et la moins favorisée, dans le cas d’Haïti, a eu pour conséquence directe, la désorganisation économique et sociale d’où l’affaiblissement progressif de l’Etat.
Pour ces raisons, une fois adopté un cadre légal approprié à la situstion, les dirigeants doivent, autant que possible, faire appel aux Haïtiens naturalisés de la diaspora pour rapidement reconstituer la classe moyenne haïtienne afin de combler le vide actuel. C’est une condition sine qua non si nous voulons réellement renverser la situation dans des délais raisonnables. Cette solution sera avantageuse pour toute la communauté nationale. Les élites autant que le peuple y trouveront leur compte. La solution à la crise haïtienne passe par la croissance, -augmentation de la richesse nationale- en même temps qu’un partage plus équitable. Cela n’est possible que dans la mesure où le pays arrive à se dôter de nouvelles structures sociales, politiques et économiques. La contribution de la diaspora semble incontournable. C’est faire preuve de sagesse et d’objectivité que de le reconnaître.
Les besoins sont immenses. l’Etat haïtien doit donc convier indistinctement tous les Haïtiens à un urgent coumbite national. Il faut constituer une meilleure fonction publique, un meilleur système d’éducation et de santé, développer le secteur économique, d’où le besoin de cadres, de professionnels et de techniciens divers : enseignants, médecins, infirmières, ingénieurs, agronomes, sociologues, économistes, avocats, informaticiens ou électroniciens, plombiers, électriciens, maçons , etc. Haïti est chanceuse de disposer d’une réserve aussi grande de compétence et d’expertise dans tous ces domaines. Ces québécois venus d’Haïti, livre récemment publié au Québec, qui ne porte que sur une infime partie de l’émigration haïtienne, en atteste. Il appartient maintenant aux dirigeants et aux leaders de prendre les bonnes décisions.
Ce sont là quelques-uns des motifs qui militent en faveur du retour en Haïti des Haïtiens de la diaspora et de la reconnaissance de leurs droits. Il est temps d’admettre que l’alliance des Haïtiens de l’intérieur avec ceux de la diaspora, naturalisés ou non, constitue la seule force pouvant entraîner le pays vers un avenir meilleur. Il faut donc éviter le piège de la discrimination et consentir des droits égaux à tous les Haïtiens. L’avenir du pays en dépend.
Amender la Constitution de 1987 devient de plus en plus impératif pour permettre de régler, une fois pour toute, la question de la double nationalité ainsi que celles portant sur la gouvernance et sur l’organisation des élections. Car Haïti ne peut se permettre d’investir aussi souvent de si fortes sommes dans des élections alors qu’il y a tant de besoins sociaux urgents à combler. Par ailleurs, il faut bien admettre qu’ un pays qui ne peut assumer les coûts de ses propres élections peut difficilement défendre son indépendance.
En terminant, il est souhaitable que nos dirigeants et nos leaders réfléchissent à la portée de leurs gestes en ce moment, car le pays a besoin de stabilité politique, économique et sociale et certains messages d’exclusion qui circulent, en ce moment, ne font que maintenir des incertitudes. Il faut surtout éviter de lancer des messages négatifs vis à vis des citoyens de la diaspora. Convenons que nous sommes tous des HAITIENS.
Je me réjouis, à la toute fin, des résultats du vote sur la motion de confiance envers le Premier Ministre haïtien. De nombreux parlementaires avec à leur tête, le président du Sénat, ont bien saisi l’importance de ce vote. Par ailleurs, divers groupes plaident en faveur d’un remaniement ministériel. Sans porter atteinte aux prérogatives de l’exécutif, il y a lieu de s’interroger sur sa pertinence , maintenant que les Ministres du Gouvernement ont acquis une certaine expérience et maîtrisent mieux leurs dossiers. Pourquoi alors ne pas les maintenir, autant que possible, en poste surtout s’ils ont atteint les objectifs fixés. Haïti ne peut se payer le luxe d’une nouvelle crise politique. Ses impacts seraient catastrophiques. Certes, si les circonstances l’exigent, tout citoyen a le devoir de réagir, mais de préférence, en faisant des critiques constructives. Car, la situation est complexe et les moyens limités. La conjoncture exige donc un front commun de tous les Haïtiens autour d’un projet de pays.

Contact « vegamic@hotmail.com

[1] Consultant senior en développement économique

jeudi 13 mars 2008

REPENSER HAITI AVEC LA JEUNESSE HAITIENNE

Haïti/ Canada : Lancement du projet « Repenser Haïti avec la jeunesse haïtienne »
mercredi 12 mars 2008

Par Cindy Drogue

P-au-P., 12 mars. 08 [AlterPresse] --- L’Association des Ingénieurs et Scientifiques Haïtiano-Canadiens (AIHC) lancera, Le 15 mars 2008, un projet inédit de visioconférences entre Haïti et sa diaspora (canadienne).

D’après le document de référence, le projet consiste à organiser et diffuser 10 visioconférences entre Montréal, Port-au-Prince et différentes villes de provinces ( Hinche et Jacmel pour la première conférence), sous le thème générique « Repenser Haïti avec la jeunesse haïtienne ».
L’hôte des visioconférences à Port-au-Prince sera la Faculté des Sciences de l’Université d’Etat d’Haïti et l’École de Polytechnique de l’Université de Montréal au Cananda.
AlterPresse a interrogé (par tchat) la coordonnatrice du projet, la journaliste Nancy Roc.
AlterPresse : Pouvez-vous nous préciser ce qui vous a motivé dans la conception de ce projet ?
Nancy Roc : D’abord, depuis mon arrivée au Québec, je me suis rendue compte de l’importance du rôle que peut jouer la diaspora en particulier à Montréal qui est un véritable « trésor de cerveaux » ; ceci, malgré une absence de vision gouvernementale sur l’apport concret de la diaspora au-delà des limites de la Constitution.
De plus, suite au dernier concert de Wyclef Jean à Port au Prince, j’ai constaté que les 100.00 jeunes présents ont chanté en anglais pendant deux heures de temps...dans un pays soit-disant à 60% d’analphabètes et je me suis rendue compte que l’on ne connaissait sans doute pas la jeunesse haïtienne aujourd’hui dans ses véritables composantes.
De ce constat, j’ai proposé cette idée de mieux explorer les donnes de la jeunesse au professeur Samuel Pierre qui a poursuivi l’idée en me proposant de mettre sur pied une série de visioconférences.
Apr : Avez-vous rencontré des obstacles dans l’élaboration du projet ?
N. Roc : Pour réaliser ce projet, l’Association des Ingénieurs et Scientifiques Haïtiano-Canadiens (AIHC) a du mettre sur pied un Comité de Coordination International, un Comité de Pilotage National ainsi que des comités locaux d’organisation dans chaque ville de province.
Les organisateurs de l’événement du 15 mars prochain ont dû faire preuve d’une détermination et d’une persévérance exemplaires pour pouvoir lancer le projet de ces visioconférences. En effet, ils ont fait face à de nombreux obstacles pour arriver à leur but : des obstacles d’ordre sociologique, des obstacles technologiques et financiers.
Pour l’ingénieur et Professeur Raymond Noël, président du Comité National de Pilotage, les obstacles sociologiques, qui selon lui ont été les plus importants « renvoient au scepticisme grandissant dans notre société, qui s’enferme hélas trop dans une culture de l’échec. Les réflexes qui s’en dégagent laissent peu de place à l’imagination, aux idées nouvelles, et bien entendu au goût du risque. Dans un tel contexte, la mobilisation de partenaires institutionnels et individuels est loin d’être aisée ».
D’autre part, dans un pays connu pour sa déficience en infrastructures, la mise en œuvre du projet comme prévu, dans les différentes villes ciblées, a vite fait face aux déficiences du pays en matière de pénétration des technologies de l’information : absence de fournisseurs d’accès Internet dans des villes, mauvaise qualité ou inexistence du signal de la TNH dans d’autres, indisponibilité de terminaux de visioconférence, limitation du réseau téléphonique, insuffisance du débit du signal Internet pour la visioconférence, etc.
Selon M. Raymond Noël, cela a amené dans un premier temps à réduire le nombre de villes participantes et risque de compromettre l’extension des visioconférences dans les provinces.
Toutefois, les organisateurs restent optimistes car pour le Professeur Samuel Pierre, « cette expérience unique qui consiste à mettre en situation de dialogue différentes villes du pays et un segment de la diaspora, par l’intermédiaire de ces technologies, constitue une démonstration éloquente de ce que le pays pourrait faire en termes de pratique démocratique (e-democracy), de formation à distance (e-learning), de commerce électronique (e-commerce), de télétravail et de télésanté.
Apr : Les jeunes qui auront la parole pendant les conférences, comment ont-ils été "choisis" ?
N. Roc : en demandant aux nombreuses organisations de jeunes à Montréal aussi bien qu’en Haïti de participer et de choisir des intervenants. Nous avons fait des partenariats avec de nombreuses associations de jeunes parmi lesquelles : l’Association Haïtienne pour le développement des TIC (AHTIC), Jeune Haïti / Fondation Espoir, l’École Supérieure d’Infotronic d’Haïti (ESIH), FOKAL, Réseau Citadelle- Cap Haïtien, IDEJEN, Jeunes unis pour la protection de l’environnement et le développement (JUPED), Mouvement Paysans Papaye (MPP) de Hinche.
A Montréal il y aura les jeunes de la Chaire de recherche industrielle en systèmes réseautiques mobiles de prochaines générations de l’École Polytechnique de l’Université de Montréal, de la Fondation Québec-Haïti pour une scolarisation universelle de qualité (QHASUQ), de la Fondation Canado-Haïtienne pour la promotion de l’excellence en éducation (FOCHAPEE), de la Jeune Chambre de Commerce Haïtienne et de la Maison d’Haïti. La visoconférence aura lieu à l’École de polytechnique de l’Université de Montréal et nous n’avons plus une place qui nous reste.
Apr : Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de jeunes que vous envisagez de toucher ?
N. Roc : Pour la première visioconférence, nous allons toucher ( en transmission direct par satellite) 1.000 jeunes ( mille) : 200 à la Faculté des Sciences, 200 à Jacmel à travers l’Alliance française et 600 à Hinche. Le MPP a fait un travail extraordinaire de mobilisation pour ce projet. C’est ce que nous voulions car il faut que les villes s’approprient le projet pour être sélectionnées. Nous appelons à la participation et non à assister la population.
Le but principal de ce projet étant de donner la parole aux jeunes haitiens, les écouter et receuillir leurs revendications et idées dans une banque de données. À cet effet, il y aura aussi la tenue d’ateliers de travail dans chaque ville après les conférences et les comité locaux d’organisation (CLO) nous transmettront les travaux, ceux-ci seront analysés et ensuite distribuer à la presse à la fin de l’année.
Nous espérons que la réussite de cette première visioconférence encouragera d’autres partenaires à nous rejoindre, en particulier la communauté internationale qui n’a pas répondu à l’appel, sauf pour le PNUD et le Ministère des Relations Extérieures du Québec.
Apr : A ce propos, quels sont les bailleurs du projet ?
N. Roc : Le CONATEL, le Ministère de l’Éducation et de la Formation Professionnelle (MENFP), le Ministère des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE), le Ministère de la Condition Féminine et aux Droits de la Femme (MCFDF), Ministère de la Santé et de la Population (MSPP)
Apr : Vous avez l’appui de nombreux médias également, c’est bien cela ?
N. Roc : Oui la presse a été formidable et nous avons l’appui de plusieurs médias dont : la Télévision Nationale d’Haïti (TNH), Télé Haïti, Télémax, Le Matin, Le Nouvelliste, Radio Métropole, Radio Vision 2000, Signal FM et Radio CKUT à Montréal avec Raymond Laurent qui nous a offert de retransmettre la visioconférence en direct sur www.ckut.ca.
La TNH s’est montrée formidable et nous tenons à remercier son directeur général, Pradel Henriquez. [1]
Apr : Quels résultats concrets attendez-vous de ce projet ?
N. Roc : L’objectif principal de ce projet est de contribuer à redonner l’espoir à une jeunesse exclue et à rendre Haïti plus attractif comme pays pour ses jeunes. Cette initiative permettra de mieux appréhender les attentes d’une jeunesse exclue des débats médiatiques et sociopolitiques autant de permettre un transfert de connaissances, à moindres coûts, vers la terre natale afin que cette génération ne soit pas sacrifiée comme les générations précédentes et qu’elle puisse avoir d’autres opportunités grâce à l’apport des TICs de l’extérieur.
Le projet « Repenser Haïti avec la jeunesse haïtienne » devrait permettre aux Haïtiens et Haïtiennes, restés au pays et dans la diaspora, de se faire une idée plus réaliste des attentes de la jeunesse haïtienne autant que de lui offrir des opportunités en matière de transferts de connaissance et de débouchés professionnels.
Nous espérons qu’un tel dispositif pourra à l’avenir servir à reconnecter le pays, dans ses composantes internes et externes, donnant ainsi corps à une « Haïti virtuel » qui déborderait le simple cadre des frontières nationales, l’Haïti du 21e siècle. Il permettrait également à ces diverses composantes de pouvoir débattre plus facilement des grands enjeux de la vie nationale, dans une quête de compréhension commune considérée comme passage obligé vers la cohésion sociale et point de départ de l’action concertée.
Nous espérons que les potentiels partenaires locaux et internationaux comprendront les enjeux inhérents à la réussite de ce projet pilote inédit. Il faut que les gens se rendent compte de l’importance du transfert des connaissances dans un pays où 83% des cadres se trouvent à l’étranger
Apr : Merci.
N. Roc : Merci beaucoup à vous et nous tenons particulièrement à remercier tous nos partenaires et invitons les autres à nous rejoindre sinon le projet ne pourra pas se poursuivre sur toute l’année. Ce serait une grande perte pour la jeunesse surtout que c’est une action civique et citoyenne et nous avons, tant à Montréal qu’à Port au Prince donné notre temps gratuitement pour ce projet.
Je tiens aussi à saluer la détermination du Professeur Samuel Pierre et celle des membres du Comité National de Pilotage sans lesquels nous aurions été découragés par la quantité d’obstacles qu’il fallait surmonter.
Apr : Merci.
La téléconférence du 15 mars sera retransmise en direct (1O h AM) sur la Télévision Nationale d’Haïti à travers le pays et sur www.ckut.ca à partir de 11hAM. Le champion du monde de boxe des super mi-moyens de la WBA, Joachim Alcine et la vedette internationale Wyclef Jean contribueront au lancement de cette première téléconférence.
Les programmes de la conférence du 15 mars et des suivantes sont disponibles sur le site du projet : http://www.haiti-quebec.ca/. [cd gp apr 12/03/2008 20:00]

[1] NDLR : AlterPresse est aussi partenaire du projet

dimanche 9 mars 2008

PORTRAIT D'HAITI...

Portrait d’Haïti : Deux mots sur les découvertes d’un chroniqueur canadien
samedi 8 mars 2008

Débat

Par Gary Olius

Soumis à AlterPresse le 5 mars 2008

En six jours, comme le grand Dieu qui a créé l’univers, un chroniqueur canadien croit avoir peint une image parfaite d’Haïti. J’ai examiné son chef-d’œuvre à la recherche que j’étais de cette extase que certains canado-haitiens m’ont fait part pour l’avoir eux-mêmes contemplé. Oh oui, je l’ai examiné avec ma raison tandis que d’autres – il me semble – ont été conditionnés à l’admirer ; c’est peut-être là toute la différence… J’ai passé au peigne fin le papier tel qu’il a été repris, assorti d’une introduction laudative, par un quotidien d’Haïti. Je l’ai lu, l’ai relu, j’y ai vu des vérités, des demi-vérités, des tentatives de galvaudage et j’y ai vu aussi des mensonges abjects. [1]
Ma démarche ici n’est pas pour présenter un compte-rendu de lecture de ce texte dont je ne connaîtrai jamais le vrai but, elle n’est non plus pour commenter systématiquement tout ce qui y a été relaté, elle est plutôt pour répondre à une accusation voilée du chroniqueur qui fait de l’Haïtien un menteur pathologique et aussi pour commenter son idée (…) faisant croire que l’amour de l’Haïtien pour son pays est une espèce de masturbation.
Le « savant-chroniqueur » a su faire, en six jours, ce que des spécialistes d’Haïti comme Mats Lundahl, Gérard Barthélemy, Caprio etc… n’ont pas pu faire durant toute leur carrière de chercheur. Comme par miracle, il a découvert que ‘personne ne dit la vérité dans ce foutu pays’. Cette généralisation dont lui-seul a le secret, il l’a tirée de son contact avec un certain Lenz qui sera sou peu au Canada et de deux Haïtiennes qui ont vécu au Canada. On dirait que Monsieur Lagacé a été envoyé pour prêcher cette vérité inexistante en Haïti, ressortissant qu’il est d’un pays qui en a le monopole.
Personne en Haïti ne dit la vérité, donc, l’Haïtien est le prototype même du mensonge. Il ne peut être homme de science, il ne peut rien construire, il est à fuir et est tout juste bon pour la prison. Pourtant, lors de son séjour dans ce pays du mensonge, le chroniqueur a cru pouvoir tirer des données et des informations de la bouche des menteurs qu’il a rencontrés, matière première pouvant lui permettre de garnir de vérités son carnet de diagnostics (pardon ! de voyage). Et comme à Port-au-Prince, dit-il, il y a toutes les pollutions, l’homme véridique qu’est Lagacé y a peut être pollué son esprit, son jugement et sa moralité et c’est assurément pour cela que dans son texte il utilise abondamment le mot “bullshit”et a accouché tant d’autres perles rares de la même espèce. Je regrette que, comme beaucoup d’étrangers pressés de tirer des conclusions sur Haïti, il ne réalise pas que l’Haïtien est comme un miroir clair et fidèle, en le regardant de très près l’observateur ne peut se faire de doute sur ce qu’il voit. Son propre visage…
On dirait aussi que l’amour que les Haïtiens nourrissent pour Haïti agace Lagacé, puisque son diagnostic l’amène à croire dur comme fer qu’on ne saurait aimé un pays cassé. Sans concession, il dit : “C’est peut-être cet amour qui les pousse, remarquez, à constamment bullshiter”. Si je parlais son langage, je lui dirais : c’est aussi bullshiter de prétendre que Haïti s’est cassée d’elle-même et que le poids du colonialisme ou de son pendant moderne - l’impérialisme rampant - n’y est pour rien. M’accrochant à mon latin, je vais rendre Lagacé plus agacé en lui apprenant que l’amour de l’Haïtien pour son pays (son patriotisme même) a subi deux siècles de bombardement massif et a remarquablement résisté. Les formules du genre “Haïti n’existe pas”, “Haïti est un pays Cassé”, “Haïti, premier H des 4H/SIDA” etc. sont très familières à tous les haïtiens et n’ont pas su saper leur attachement pour leur terre. C’est d’ailleurs ce qui rend fous de rage des envoyés comme lui. Le patriotisme haïtien résiste à la pauvreté n’étant pas basé sur le matérialisme plat, il résiste au dénigrement n’étant pas une simple image peinte pour la consommation des médias, il est imperméable à la médisance étant pourvu d’une réalité invariable et il restera à jamais indestructible car il est d’une nature insondable et insaisissable…