samedi 4 octobre 2008

ETATS-UNIS-AMERIQUE LATINE: DEBATTRE DE L'AVENIR DE LA REGION EN PLEINE CRISE ECONOMIQUE AMERICAINE

États-Unis-Amérique Latine : Débattre de l’avenir de la région en pleine crise économique américaine

vendredi 3 octobre 2008

Par Roosevelt Jean-François

Soumis à AlterPresse le 3 octobre 2008

Les incidences de la crise économique et financière américaine sur le développement économique et la stabilité politique de la région latino-américaine ont dominé les assises de la XIIe Conférence des Amériques organisée à Miami par le quotidien Miami Herald et à laquelle ont participé plusieurs chefs d’Etat dont le président haïtien René Préval.

Chefs d’Etat, économistes d’institutions internationales, professeurs d’universités, entrepreneurs sont tous unanimes à reconnaitre que la crise financière américaine qui a conduit à la faillite de nombreuses entreprises bancaires cotées à la bourse de New York et le ralentissement de l’économie américaine vers la récession vont doper la croissance et le développement économique de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Dans les couloirs de la Conférence à Coral Gables (Miami), les participants avaient les regards tournés vers les écrans de la chaine C-Span qui retransmettaient en direct les débats en cours à la Chambre des représentants du congrès américain. Ces derniers ont voté en faveur du plan de sauvetage du système financier de 700 milliards de dollars voté au Sénat mercredi.

Une autre information qui a retenu l’attention à cette conférence de Miami est la publication ce 3 octobre par le ministère du travail des dernières données concernant le taux de chômage aux Etats-Unis qui est resté en septembre à 6,1 %, son plus haut niveau depuis cinq ans. L’ ’économie du pays a encore supprimé encore 159 000 emplois, subissant ainsi son neuvième mois consécutif de licenciements nets.

De janvier 2008 à ce début d’octobre, l’économie américaine a perdu plus de 600,000 emplois dans des secteurs aussi diversifiés comme la finance, l’automobile, le transport aérien et le commerce en détails. Ceci sans compter de nombreux travailleurs autonomes (self-employed) qui ont perdu leur capacité de produire des revenus avec l’économie qui fond comme du beurre au soleil (meltdown).

Plusieurs chaines de magasins comme Hope Depot, JC Penny, Gap ont annoncé la fermeture de centaines de points de distribution.

Au-delà des entreprises et des investisseurs baptisés ici de Wall Street (allusion au marché boursier de New York), la crise financière américaine affecte en premier lieu les familles et les petites entreprises appelées Main Street (allusion à la classe moyenne et au secteur du travail).

La crise date de 2001

Cette crise financière remonte à la période de l’après 11 septembre 2001 quand pour éviter la récession économique, l’ancien président de la réserve fédérale Allan Greenspan avait décidé de réduire considérablement les taux d’intérêts pour faciliter l’accès au crédit et par ricochet pousser la consommation et la production.

Le crédit facile a conduit à la pratique des subprimes (prêts à risques élevés) au niveau des banques qui ont financé l’achat des maisons et des investissements immobiliers presque sans restriction. En veux tu en voilà !

Des gens qui gagnent peu ont eu l’opportunité d’avoir accès à des prêts et acheter des maisons au dessus de leurs capacités financières en payant seulement les intérêts et presque rien sur le capital. Ces prêts dits ajustables étaient limités dans le temps : en moyenne 2 à 7 ans.

Le marché immobilier a connu un boom pour atteindre son pic en août 2005. A partir de 2005, une bonne partie de ces prêts est arrivée au moment de l’ajustement. Donc, il fallait à partir de ce moment payer intérêt et capital. Bon nombre de gens ont vu leurs paiements mensuels (mortgage) doubler et ont commencé à avoir des retards de paiements. Avec des retards cumulés- disons 5-6 mois de non paiement, les banques ont décidé de saisir ces maisons ou immobiliers commerciaux. C’est cette procédure qui est appelée foreclosure. Les banques se sont retrouvées avec des maisons qu’elles ne peuvent pas vendre et très peu d’argent liquide (cash).

Entretemps, le marché immobilier a changé pour devenir un marché d’acheteurs (buyer’s market) au lieu d’un marché de vendeurs (seller’s market) . L’offre de maisons disponibles a dépassé la demande. Jusqu’au point oû la demande est devenue quasi-inexistante. Les prix de l’immobilier qui suivent la sacro-sainte loi de l’offre et la demande ont diminué jusqu’à 30%. Les banques se sont retrouvées avec des maisons valant beaucoup moins que les prêts consentis.

La valeur boursière de ces banques a également diminué. Les investisseurs ont retiré leur argent dans ce secteur et les banques qui avaient un large portefeuille dans le secteur des subprimes ont quasiment disparu.

Le gouvernement américain pour faire face à la crise a essayé de sauver quelques institutions. Et devant l’accentuation de la crise, l’administration américaine, par l’entremise du secrétaire d’Etat Henry Paulson et l’actuel président de la réserve fédérale Ben Benanke, a formulé une proposition pour un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars afin d’acheter les passifs des institutions financières. Cette proposition qui, au départ, était de 3 pages a été rejetée, dans un premier temps, par les représentants après l’avoir multiplié à 171 pages, puis voté au sénat avec des ajouts totalisant 574 pages et renvoyée, à nouveau, à la chambre des représentants pour le vote positif de ce 3 octobre. Ce projet sera publié par le président Bush.

Les Etats-Unis : une menace pour la démocratie

C’est dans cette valse de la crise américaine que les leaders latino-américains se retrouvaient ce 3 octobre pour débattre de l’avenir de leur pays.

En 2008, ce sont les Etats-Unis qui sont une menace ouverte à la démocratie et au développement économique de la région, à en croire, du moins, le président dominicain Leonel Fernandez qui a soutenu que son pays, la République Dominicaine, doit faire face à la crise financière américaine, la crise de l’augmentation des prix des commodités internationales et les changements climatiques. La crise américaine a créé des inquiétudes dans nos pays et aussi l’anxiété, a déclaré le président Fernandez dont les propos ont été rapportés par le quotidien Miami Herald.

Le chef de la Mission diplomatique de l’Equateur accrédité aux Nations Unis a reconnu dans une interview qu’il ne « s’agit pas seulement d’une crise américaine, mais d’une crise systémique et du modèle économique ».

Reste à savoir quel est l’impact de la crise financière américaine sur le système monétaire en Haïti ? Ce que les banques haïtiennes ont perdu juqu’ici aux Etats-Unis. Et quid de la Banque Centrale d’Haïti et de ses investissements aux Etats-Unis.

Haïti et le reste de l’Amérique latine vont subir les conséquences du ralentissement de l’économie américaine au niveau des transferts sans contrepartie de la diaspora. Bon nombre des familles originaires des pays de la région se retrouvent en difficultés économiques pour avoir perdu leurs emplois, leurs maisons, leur plans de retraite, leurs investissements (401k).

Dans la communauté haïtienne de Miami, les affaires ont considérablement ralenti. Il suffit d’écouter les radios pour constater cette baisse.

La théorie du laissez-faire, du marché libre, du non-interventionisme de l’Etat est à rude épreuve aux Etats-Unis. Des entreprises privées sont quasiment nationalisées sous le contrôle direct de l’Etat.

Parallèlement, la région latino-américaine a plus d’autonomie. Le Venezuela, la Bolivie, Cuba sont pour le moment en faveur de l’intervention de l’Etat et des nationalisations directes. Le Salvador , le Nicaragua sont en attente. Le Brésil, l’Argentine , le Chili sont pour la dépendance dans l’autonomie. La Caraïbe se cherche. Haïti également.

Préval, lors de son premier mandat, était à la Conférence des Amériques pour écouter l’orthodoxie du moment : privatisations, libre jeu des marchés et déréglementations.

Aujourd’hui à cette deuxième participation, il n’y a pas de mot d’ordre. C’est une discussion ouverte sur la « gouvernance et le développement économique ». A chacun sa contribution.

Roosevelt Jean-Francois
Fulbright Scholar
Florida Atlantic University
jroosev1@fau.edu