dimanche 22 février 2009

QUEL APAISEMENT SOCIAL

Le 5 juin 2006

Quel apaisement social ?

Par Jean Érich René

" Haïti doit développer une stratégie pour réduire l'extrême pauvreté de ses 8,5 millions d'habitants" tels sont les voeux exprimés par le PNUD ou programme des Nations Unies pour le Développement. Les données statistiques du rapport du PNUD indiquent que 56% de la population en Haïti vit avec moins de 1 dollar par jour, et 77% avec moins de 2 dollars par jour. Au dire d'Olivier Ranaivondrambola, représentant du PNUD en Haïti:"La situation décrite dans ce rapport reflète une cruelle réalité dont la complexité suggère une réponse collective."

La qualité de vie varie énormément d’un pays à l’autre. La pauvreté peut prendre plusieurs visages selon la société à laquelle on fait référence. Au Canada un revenu annuel de $ 10.000 est considéré comme le seuil de la pauvreté. Tandis que dans certains pays du Tiers-monde le revenu per capita est de 400 à 500 dollars. Cependant il faut éviter de tomber dans le piège des indicateurs économiques qui ne traduisent pas les vérités sous-jacentes. Le pouvoir d’achat d’un Haitien avec un revenu de 500 dollars peut être plus élevé que le pouvoir d’achat d’un Canadien avec un revenu de 10.000 dollars. Les courbes d’indifférence i.e les niveaux de
satisfaction par rapport au revenu varient d’un milieu à l’autre.

Quel que soit le lieu où l’on se trouve la pauvreté est définie comme étant l’incapacité de répondre à certains besoins fondamentaux selon les normes en vigueur dans le milieu considéré. Les effets de la pauvreté peuvent être mesurés selon les critères suivants: alimentation, santé, logement, éducation, emploi. Être pauvre ce n’est pas seulement manquer d’argent c’est surtout ne pas avoir accès à l’alimentation, aux soins de santé, à l’éducation, à l’emploi. Être pauvre c’est aussi ne pas disposer de vêtements décents et d’un logement confortable. Aussi on comprend bien le regroupement des gens pauvres dans des endroits spécifiques et marginalisés d’une ville.

Le solutionnaire de la pauvreté ne peut pas être universel. Il revient à chaque société de considérer le profil de la pauvreté selon le milieu ambiant et de lui trouver les solutions appropriées. Par exemple le problème de l’alimentation est l’une des facettes les plus hideuses de la pauvreté. 840 millions de personnes sont frappées par la famine dans le monde . La plupart des gens qui ont faim n'ont pas assez d'argent pour acheter de la nourriture. Les habitudes de consommation alimentaire des Haitiens sont nettement différentes des menus américains et canadiens. Une solution de la problématique haïtienne par le transfert des denrées
alimentaires des pays donateurs a pour vertu d’aggraver à long terme la situation.

Le déclin économique, l’accroissement rapide de la population,l’instabilité politique sont autant de facteurs qui ont contribué au problème alimentaire d’Haiti . La faim peut être attribuable aussi à la dégradation de notre environnement. La pollution de nos sources,l’exploitation à outrance du plateau continental par des bateaux de pêche étrangers. L’érosion de nos sols cultivables, la disparition de notre couverture végétale par suite du déboisement excessif de nos forêts ont accéléré le processus de paupérisation de la société haitienne. Le drame
c’est que la portion congrue reviendra toujours aux familles les plus pauvres. Elles seront forcées d’occuper les terres les moins fertiles ou de déménager vers les périphéries des villes avoisinantes.

Les difficultés d’accès aux soins de santé représentent une autre facette de la pauvreté en Haiti. Le manque de médecins et de matériels médicaux handicapent la couverture sanitaire de la population haitienne. En 1994, on comptait 50 hôpitaux et 6473 médecins dans l'ensemble du pays. L’arrivée des Cubains n’a fait que soulager provisoirement le problème sans le résoudre. Dans certains Centres de santé il revient aux malades d’acheter leurs pansements et d’autres articles de premiers soins. Quant aux médicaments à cause de leurs prix exhorbitants, on ne respecte pas souvent les prescriptions. L’éloignement de nos communautés rurales avec nos rares
hopitaux occasionne souvent le décès du malade. Par manque d’ambulance le transport se fait sur un brancard à l’aide d’une dodine portée par des hommes.On a relevé une perte continue de poids chez les enfants de 5 ans allant de 26% à 34% . Ce déficit pondéral continu est un indice d’aggravation de la pauvreté.

Dans nos communautés rurales quand une personne tombe malade les parents s’empressent de lui bouillir une tasse de thé sans dépister les symptomes réels du mal. Souvent on fait appel aux offices du houngan qui connait très bien les vertus des feuilles. Cependant le diagnostic posé assez souvent ne convient pas ni la thérapeutique appliquée. Un cas bénin que pourrait résoudre la médecine orthodoxe provoque souvent la mort du patient.Ce n’est qu’au dernier moment, c’est à dire après avoir essayé tous les remèdes maison que l’on conduit le malade à l’hopital.

25% de la population mondiale sont sans logement.Actuellement Port-au-Prince avoisine 2 millions d’habitants . Il y a une crise de logements à la Capitale et dans les villes de province. Les bidonvilles poussent comme des champignons. Les maisons sont construites avec des matériaux de fortune sans aucune commodité de la vie courante, pas de latrine, pas d’eau potable , pas d’électricité. Plusieurs personnes sont entassées dans une chambre étroite. La surpopulation de nos villes est une donnée de l’heure.

Outre les abris de fortune, il faut mentionner la chèreté du loyer à la capitale et dans les grandes villes. Certains locataires sont obligés de verser leurs loyers en dollars américains. Les maisons sont exigues et n’offrent aucune commodité moderne.On ne respire pas bien. On partage une chambre avec plusieurs personnes pour amortir le coût du loyer. Le soir venu, le salon et la salle à manger aussi bien que les couloirs sonts transformés en dortoir. Tout le monde veut être propriétaire. On ne fait pas de prêts au logement dans les banques à charte. Même lorsqu’on est
abonné au SNEP on est obliqgé d’acheter de l’eau. Il faut une pompe pour faire monter l’eau dans la douche. Les toilettes ne fonctionnent presque pas.

Les coupures fréquentes d’électricité endommagent les appareils électro-ménagers. Le four , le réfrigérateur, le téléviseur, l’ordinateur deviennent des ornements.Pour bénéficier de l’électricité en plus de payer par mois les bordereaux de l’EDH qui donne du courant parfois , il faut une lampe à kérosène ou une plante électrique personnelle ou Delco. De telles acquisitions entrainent pas mal d’inconvénients comme la pollution et les risques d’incendie.

Quant à la distribution des lignes téléphoniques l’attente se fait trop longue même après avoir rempli les formulaires de demande et déposer les cautions requises. Le petit téléphone devient plus rapide, plus pratique. Les messages par internet, les fax deviennent presqu’un luxe pour les internautes et les hommes d’affaires . Autant de problèmes qui aggravent la pauvreté en Haiti.

L’urbanisation écrasante des villes d’Haiti entraine de nombreux désastres. La production de fatras dépasse les capacités du service de ramassage des ordures ménagères. A chaque carrefour on rencontre des piles de détritus avec des conséquences néfastes sur la santé. Les maringouins, les rats, les ravets deviennent très visibles. La circulation automobile devient peu fluide à cause de la présence des piles d’immondices à chaque coin de rue. La pauvreté s’expose dans toute sa laideur. Nos assesseurs communaux sont essouflés face aux mesures à prendre pour déloger cette multitude de marchandes sur le macadam et dans des endroits résidentiels non appropriés au marché public.

Dans tous les pays du monde on a relevé une relation inverse entre le niveau de scolarité et le taux de pauvreté. Les plus faibles taux de scolarité sont associés aux plus forts taux de pauvreté. Compte tenu des changements technologiques il faut une formation plus pointue pour accéder au marché du travail. Le rapport des Nations Unies sur le Développement Humain atteste un taux brut de scolarisation de 30% pour Haiti. Le taux d'abandon scolaire est très élevé soit 68%. A un certain niveau de
scolarité correspond un niveau de salaire. Il y a un parallélisme entre le salaire et le niveau de vie. Ce cycle est reconnu partout dans le monde.

En Haiti il est clair que certaines catégories socio-professionnelles comme les ingénieurs, les médecins, les agronomes , les gestionnaires, les comptables et les cadres administratifs etc... ont un niveau de salaire qui dépasse les gens de métier . Les citadins ont un revenu qui dépasse la moyenne des gains des paysans.

Combattre la pauvreté en Haiti revient à émousser les arêtes de ses multiples facettes. Point n’est besoin de se faire bercer d’illusions en lançant un programme d'apaisement social tout azimut. Il n’existe aucune panacée contre la pauvreté. En Haiti pour donner à manger copieusement à 8 millions d'habitants pendant 1 an le Gouvernement Préval Alexis doit engranger dans ses silos en Tonne Métrique (TM):
Maïs........24.575,38 TM
Millet.......67.192,09 TM
Riz ........225.607,16 TM
Haricot..131.371,25 TM
Pour produire de telles quantités de céréales le Gouvernement Préval/Alexis doit lancer une campagne agricole en vue de planter:
Maïs.......... .6.752 carreaux de terre
Millet.........24.613 carreaux de terre
Riz.............61.980 carreaux de terre
Haricot....100.283 carreaux de terre
Soit un total de 193.628 carreaux de terre . Rien qu'en Plaine nous disposons de 320.581 carreaux de terre capable de répondre à une exploitation agricole moderne avec des matériels mécanisés. Le compte prévisionnel d'exploitation en gourde de 1986définit les portefeuilles respectifs :
Maïs .........16.419.456 gdes
Millet.........42.678.942 gdes
Riz ............88.321.500 gdes
Haricot....236.687.880 gdes
Soit un portefeuille total de 384.107.778 gdes de 1986. En tenant compte de l'inflation le Gouvernement Préval/Alexis peut aisément faire une estimation du budget total de financement d'un programme agricole anti-faim en gourde ou en dollar d'aujourd'hui. Le taux d'inflation d'Haiti est de 22%. Haiti - Inflation rate (consumer prices) (%). Source: CIA World Factbook(Unless otherwise noted, the information in this page is accurate as of January 1, 2005). La somme nécessaire à la concrétisation d'un programme de lutte contre la faim par le biais de la production agricole locale peut-être calculé de la façon suivante:
S = I ( 1 +i)
où:

S = Somme nécessaire présentement
I = Investissement initial(1986)
i = taux d'inflation
Par conséquent:
S = 384.107.778 (1 + 22%)
ou encore
S= 384.107.778 (1.22)
S = 468.611.489,2 gdes

Toute politique d'apaisement social en Haiti sans la satisfaction des besoins primaires est vaine.La faim est mauvaise conseillère. Quelqu'un qui n'a pas de quoi manger ne peut pas être gentil.L'insécurité n'est qu'un épiphénomène. La misère est sa source. Selon la loi de King le redressement de notre production agricole grâce à une augmentation substantielle du maïs, du millet, du riz et du haricot de 10% permettra de casser de 25% les prix des céréales sur le marché agricole haitien,
augmenter considérablement le panier de la ménagère et crever cette poche de misère qui coupe les tripes du peuple. L'extension de notre parc de logement grâce à des formules de construction légère et à bon marché permettra d’effacer ces verrues de la capitale et de nos villes de province.Telles sont les mesures les plus urgentes à envisager actuellement pour réduire cette pauvreté qui afflige la population haitienne et arriver à un apaisement social effectif et durable.