mercredi 25 novembre 2009

HAITI-REPUBLIQUE DOMINICAINE:POUR SORTIR DE LA MINUSTHA...

Haiti-République Dominicaine
Pour sortir de la MINUSTAH : Vers une gouvernance écologique de l’île Kiskeya
« …sur le plan écologique l’unité de l’île est incontournable »

mardi 24 novembre 2009

Débat

Par Par Jean-Claude Chérubin

Soumis à AlterPresse le 23 novembre 2009

Un ancien ambassadeur de la République Dominicaine, accrédité en Haïti, a lancé l’idée d‘une entité fédérale intégrant les deux parties de l’île. Cette déclaration s’inspire indubitablement du destin manifeste de l’Unité de Kiskeya qu’un sous racisme primaire hérité du colonialisme ne saurait longtemps contrarier. En quoi une telle démarche est-elle d’actualité ? Et surtout quels contours elle devrait prendre pour constituer une réponse aux défis de l’heure ? Comment l’inscrire véritablement en alternative à la crise de civilisation que l’humanité traverse actuellement ?

La démarche de fédérer les deux États n’a rien d’insolite en elle-même pour qui est informé du fondement de notre existence de peuple et du positionnement de l’entité Kiskeya dans l’aventure humaine. Ce qu’il importe de méditer cependant, c’est son actualité et surtout les contours qu’elle devrait prendre pour s’inscrire véritablement en alternative à la crise de civilisation que nous traversons.

Lorsque les colonialistes dépècent un territoire et sa population, ils obéissent à des intérêts matériels à courte vue. Ils laissent trainer des situations explosives, fonctionnant comme des bombes à retardement avec des mines antisociales qui hypothèquent la vie de générations entières. La répartition de l’île d’Ayiti, sous l’effet de la chirurgie coloniale, relève de cette logique. Les blessures vives qui en résultent s’appellent : de nos jours la situation révoltante des bateys, l’inimitié entretenue au sein d’un peuple coupé en deux et hier le massacre de nos compatriotes par un tyran à l’idéologie fascisante. Pourtant, au-delà de l’évidence géographique, tout semble indiquer l’unité du destin des Ayitiens et des Dominicains.

Les leçons des défis écologiques actuels

Les catastrophes écologiques imposent de nouveaux défis à l’humanité et ignorent les frontières réelles et naturelles voire les barrières artificielles érigées par les intérêts égoïstes des hommes. La grippe aviaire n’a pas besoin de visa ni de se soumettre au contrôle des postes de police. Le réchauffement climatique ne connait pas de préjugé racial ni de préférence idéologique. La crise environnementale nous place devant des responsabilités qui transcendent les clivages politiques. Elle tend à mettre à nu l’inanité et l’absurdité de certaines conceptions du monde. Elle nous situe à un carrefour où nous avons le choix entre sombrer dans la préhistoire ou la transcender pour engager la vraie aventure humaine.

Les nouveaux enjeux environnementaux nous indiquent la voie à prendre ou à éviter si nous voulons sortir de l’impasse et assurer l’avenir des générations futures, ce qui pose l’urgence d’une utopie créatrice. En ce sens, le concept de gouvernance écologique démocratique ouvre un champ de perspectives à explorer pour l’expérimentation d’une alternative. Les formes actuelles de gestion de la planète et de la vie quotidienne de nos peuples, issues de la vision prédatrice imposée par l’occident, ont dramatiquement échoué. Les catastrophes écologiques nous interpellent à repenser profondément les rapports des hommes entre eux et avec les autres créatures. Elles nous renvoient à une autre vision de la vie, plus proche de celle des peuples « vaincus » que de la modernité « triomphante », une vision qui tient compte du fait que l’homme partage non seulement la terre avec d’autres êtres vivants mais que toutes ces formes de vie sont solidaires. Il faudra dépasser une certaine conception anthropocentrique pour bien situer l’homme dans ce complexe d’interrelations qui le lie à son environnement. C’est à ce niveau que l’histoire interpelle le (s) peuple (s) de l’île Kiskeya à sortir ensemble du marasme et indiquer en même temps au reste du monde la voie de rupture nécessaire au sauvetage de la planète.

Dans le brouillard épais d’initiatives confuses, le rêve kiskeyen a scintillé à travers l’idée d’un État fédéral, réunissant les deux parties de l’île en une entité nouvelle. Cette intégration des deux républiques pourrait se faire sur la base d’une approche écologique de la gouvernance de l’île, laquelle pourrait démarrer par la définition et la mise en œuvre d’une politique environnementale commune. Cette politique passerait par une harmonisation des législations nationales et un engagement solidaire aux accords internationaux en la matière. L’identification, l’aménagement et la gestion transfrontaliers d’aires protégées offriraient l’opportunité d’avancer progressivement sur une base concrète, possibilité dégagée par la Déclaration de Barahona, signée le 7 août 2009 par les deux gouvernements, si elle est mise en application. Le fonctionnement d’un système d’échange d’informations et de technologies, l’élaboration d’un ordre juridique commun nous conduirait à la constitution d’un espace écologique kiskeyen, moteur d’une conception alternative d’intégration caribéenne.

Si sur le plan culturel il existe une discontinuité due à notre domination par des oppresseurs différents, sur le plan écologique l’unité de l’île est incontournable. C’est fort de cette évidence qu’il nous faut reconstituer l’harmonie humaine du peuple de Kiskeya. De même que la diversité écologique de notre écosystème constitue une richesse à préserver, la diversité culturelle de notre peuple est un élément de force et non de faiblesse sur lequel nous pouvons bâtir une alternative de civilisation. En même temps, elles sont l’occasion d’un recours aux sources culturelles non entamées par la logique technicienne productiviste. Quoi qu’on dise, mises à part la tâche sombre du massacre de Trujillo et, ça et là, des tensions à relents post-coloniaux esclavagistes, l’histoire de la coexistence de nos deux peuples est globalement positive.

Une vision du monde et une politique internationale défaillante

Prise dans son traditionnel dilemme en matière d’opération de paix, à savoir s’il faut démocratiser d’abord et stabiliser ensuite ou l’inverse, l’ONU nous confectionne une démocratie au rabais pour État en faillite. Nos astucieux politiciens, spécialistes en natation en eaux troubles n’en demandent pas mieux. Pendant que le pays s’enfonce dans l’abîme, ils jouent, en petits malins gloutons, à se couillonner, s’entredéchirer et s’autodétruire.

Refusant de prendre acte que le cadre institutionnel international actuel est incapable de répondre aux défis du temps, ils s’enfoncent de sommet en sommet dans des crises irrémédiables. L’exemple de la MINUSTAH est illustrant à ce propos. Enfermé dans le carcan du chapitre VII de la charte, le Conseil de Sécurité est obligé pour la renouveler de répéter à chaque fois qu’Ayiti constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales malgré les centaines de millions de dollars dépensés depuis six ans pour « stabiliser » la situation. Pour sortir du ridicule, il suffirait d’innover en déclarant Ayiti patrimoine écologique commun de l’humanité ; nos casques bleus deviendraient des casques verts pour exécuter un programme de solidarité internationale visant à réhabiliter l’environnement du territoire ayisyen. La seule difficulté est qu’il ne semble pas avoir de provision légale institutionnelle à cet effet. Pourtant, ils n’ont aucun problème pour violer la constitution de 1987 en nous imposant des armées étrangères sur le territoire national ou de changer la législation du travail pour transformer nos ouvriers et ouvrières en esclaves de la sous-traitance.

Au mandat déjà très mal défini - émanant d’une résolution du Conseil de Sécurité au titre du chapitre VII de la Charte pour on ne sait plus imposer, maintenir ou restaurer la paix, prévenir, mettre fin ou gérer une situation post conflit - la MINUSTAH ne finit pas de stabiliser Haïti. Discréditée, au point d’être affublée de tous les sobriquets par la malice populaire, et même soupçonnée de trafics illicites, la MINUSAH se fait garant du maintien d’un statu quo qui enfonce le pays dans la désespérance. A coup de milliards de dollars, dotée d’un personnel pléthorique manipulant engins de guerre et discours « astucieux », l’international assiste impuissant et/ou complice à la détérioration irrémédiable de l’environnement physique, social et politique de notre pays. Les tergiversations de la dernière conférence de Bali dues à des préoccupations mercantiles ont montré l’incapacité du système à faire face aux problèmes qu’il a engendrés. Le prochain sommet de Copenhague ne s’annonce pas sous des meilleurs jours. La menace écologique met à nu l’impasse catastrophique d’un choix de mode de vie.

A force de résister à ce qui est inscrit comme impératif historique de notre peuple, on finira par nous imposer des caricatures qui s’en inspirent comme cela semble de plus en plus se dessiner au vu de la valse incessante des envoyés spéciaux. Or, la seule spécialité de ces commissaires civils d’un nouveau genre est d’ignorer délibérément la vraie nature du projet libérateur ayisyen (au lieu de se mettre humblement à l’exécuter) qui se trouve être l’alternative à l’impasse civilisationnelle qui a plongé l’humanité dans cette crise environnementale irréversible. Associés à des laquais locaux, qui dans leur ignorance ne rêvent que de négocier le dépôt qui nous est confié contre des promesses de jobs de sous-traitance, ils viennent nous imposer de trouver notre salut dans les déchets des décombres de leur civilisation.

Manifester notre propre vision du monde

L’abandon du rêve de l’unité de l’île dans la perspective d’une alternative de civilisation ne peut que nous conduire à la dérive, à la merci des prédateurs moribonds. A une crise de civilisation il faut une alternative de civilisation. En dehors de cette voie, l’île entière est condamnée à sombrer irrémédiablement telle une épave abandonnée. Il n’y a aucun avenir pour une partie sans l’autre, ni de salut dans les décombres de l’actuelle civilisation en trépas. Que l’international saisisse enfin l’occasion de sa présence en Ayiti pour initier une « sortie de civilisation », en retrouvant la clef de l’équilibre et de l’harmonie qui a fait de Kiskeya l’Ile paradisiaque qui a émerveillé le fameux navigateur génois. Malheureusement pour lui et pour l’humanité, il a voulu prendre d’assaut la porte du paradis à la pointe de ses baïonnettes en imposant sa vision du monde. Aujourd’hui, en cette fin de cycle, on est en train de répéter la même faute grave. Avec de superbes chars d’assaut, on vient chercher une sortie des enfers avec la même vision du monde qui nous y a conduits.

L’effort à consentir pour nous positionner en exemple d’une île démocratique, pacifique et écologiquement viable est largement à notre portée. Les vieux démons minoritaires aux intérêts matériels égoïstes qui tendent à entretenir les germes de haine et de division, malgré leur anachronisme, ne consentiront pas facilement à partir. Les initiatives pour les contrecarrer ne manquent pas heureusement au niveau quotidien, informel et populaire, suppléant ainsi au déficit d’une politique officielle.

Nos pays et nos peuples sont doublement victimes du système qui s’effondre. D’une part, il s’est construit sur notre dos par le pillage de nos ressources et de nos énergies. De l’autre, nous subissons les conséquences de ses dérives globales. Nous sommes en ce sens les mieux placés pour lui indiquer la voie à suivre.

Tandis qu’Haïti continue de faire les frais de sa légendaire arrogance identitaire, la République dominicaine est en train de tirer un profit incertain de son déficit d’identité. Ensemble, ils pourraient mieux se positionner sur la scène internationale et offrir à l’humanité un nouveau monde à découvrir.

ZO (KSIL)
NOVEMBRE 2009

lundi 23 novembre 2009

LA MALTRAITANCE DE NOS RESSOURCES NATURELLES

18 Novembre, 2009

La maltraitance des ressources naturelles et l’agonie de la production alimentaire en Haïti

Dr. Harry-Hans François, Ph.D., N.D., Dip-CFC, CNC., LMHC
Janvier 2009

La république d’Haïti a connu pendant toute son histoire de peuple libre de nombreuses périodes de difficultés financières, des cas béants de famine ou de sous-alimentation, de multiples formes du despotisme non-éclairé et surtout de divers moments de levées sociales conduisant souvent à des émeutes et à des brûlures de plusieurs édifices publics et privés; des événements clairement destructifs et contradictoires à la marche du progrès individuel ou collectif. On comprend aussi que cette première république noire du nouveau monde a su forger ses propres costumes de flottement et les a toujours utilisés pour nourrir ses habitants moyennant jusqu' au milieu des années 80’s. Ceci dit, le pays a toujours été un récipient de divers programmes d’assistance étrangère et s’enorgueillissait parfois même d’une abondante contribution de produits agricoles locaux tels que la patate, le café, le cacao, le manioc, l’igname, le riz montagneux ou celui du lagon, la banane, le mango, le cochon noir (culturel) et tant d’autres animaux qui seraient naturellement nourris ou élevés. Pourtant, on trouve dans l’Haïti contemporain des cas béants de famine qui seraient supportés par la rareté de produits alimentaires et la cherté de la survie quotidienne. Et on appréhende tout de suite que la situation actuelle dans ce pays a été aggravée par une maltraitance prolongée de l’agriculture haïtienne, le passage du tsunami aux Gonaïves durant l’année 2004 et aussi par les derniers dégâts enregistrés durant la saison cyclonique de l’année 2008. En effet, ces récentes inclémences naturelles, supplantées par quelques politiques anomiques nationales et internationales qui ont été implantées durant les années 80’s, 90’s et 2000’s, semblent répandre un peu de lumière sur les problèmes actuels du pays.

En essayant d’assimiler les problèmes actuels de la sous-production alimentaire au pays, il importe d’être imbu ou de se familiariser avec quelques démarches politico-économiques qui ont été implantées et même imposées aux malheureux haïtiens par la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et autres durant les années 80’s. Et voici quelques abstracts qui ont été publiés là-dessus. Un rapport, axant sur les problèmes de la malnutrition et de sous-alimentation à travers le monde et couvrant au moins une période de 11 années (1991-2002) de sphère et qui a été publié par l’Organisation des Nations Unies, fait mention de la nécessité d’un programme sérieux de nutrition en faveur du peuple haïtien. Ce rapport situe les haïtiens et les mozambiquiens en tête de la liste des gens, consécutivement 1er et 2ième, qui ne reçoivent pas quotidiennement le niveau minimal de calorie recommandé par les experts mondiaux en nutrition; approximativement un chargement journalier de 2.500 jusqu'à 3.000 calories selon l’âge et les activités quotidiennes de la personne en question. Ce même rapport met à jour le pourcentage de la population qui serait affecté par cette situation endémique. Ainsi, il nous fournit ces chiffres alarmants sur le cas d’Haïti : un total de 65,3% pour l’année 1991, suivi d’un total de 59,4% pour l’année 1996 et finalement un total de 47,2% pour l’année 2002 (milleniumindicators.un.org/unds.mifre/m_results.asp). Cette situation, qu’on le saisisse ou pas, nous informe clairement de l’actuel cas de déploration au pays.

En parlant du cas haïtien, le journal dominicain, « Dominican Today », a été plus explicite et même plus objectif se référant aux rentrées financières de la république voisine qui seraient provenues de ses échanges d’exportation avec Haiti. Ils osent même parler, et ceci sans sentiments de crainte ou de réticence, d’une situation de dépendance de survivance trouvée dans l’Haïti d’aujourd’hui et qui serait fondée sur l’incapacité d’Haïti de produire ses propres besoins quotidiens. Ainsi, le journal supporte la pensée dominicaine sur une très forte importation quotidienne d’Haïti provenant de la République Dominicaine, des Etats-Unis d’Amérique et du Taiwan. Ce journal ainsi fait cas sur le processus d’une élimination graduelle de la manufacture des produits de base en Haïti, et ceci depuis l’année 1986. « Haïti reste notre troisième pays exportateur durant l’année 2006… Plus de cent quarante sept millions de dollars américains (USD $147,000.000) ont été pompés dans l’économie dominicaine par ce pays voisin durant cette même année », ajoute ce journal (Dominican Today, January 2009).

Une chercheuse, jugée très imbue de la situation, choisit d’être plus objective sur le sujet et a même établi un lien puissant entre cette pénurie de production en produits alimentaires et quelques démarches politico-économiques entreprises par les gouvernements haïtiens durant ces dernières vingt huitièmes (28) années d’histoire. Georges (2004), dans un cas d’étude intitulé « Echanges et disparition du riz haïtien », conclut que, depuis les années 70’s, le riz importé (riz Miami) a gagné du terrain sur la production du riz domestique… Haïti, pendant l’année 2000, a importé un total de deux cent dix neuf mille (219.000) tonnes métriques de riz américain pendant que sa production locale se fixe au total de cent trente mille (130.000) tonnes métriques pour la même année -- une baisse de soixante quatre mille (64.000) tonnes métriques en production locale comparable à l’année 1985. Et on comprend tout de suite que les chiffres d’importation pour l’année 2008 ne sont pas encore disponibles au moment de la composition de ce texte. Georges a aussi argué que cette situation a causé le déplacement des fermiers haïtiens, des commerçants, des meuniers et des cultivateurs de grains et de vivres alimentaires dont les opportunités d’emploi ont été au préalable extrêmement limitées. Selon Georges, deux grands facteurs, les plus signifiants d’ailleurs, restent et demeurent les causes motrices du déclin de la production agricole du riz haïtien. Et elle cite en tout premier lieu l’Adoption des Politiques de Libération d’Echanges, puis ensuite la Dégradation ou la Maltraitance de l’Environnement. « Aujourd’hui le riz importé inonde le marché haïtien pendant que les États-Unis continuent à jeter ses riz (du riz Miami, en jargon populaire) sur Haïti… Les conséquences du déclin de la production du riz haïtien restent dévastatrices sur la population rurale, pourtant très pauvre au préalable », elle insiste.

Un autre chercheur-économiste très connu de l’intelligentsia haïtienne, William Steif, et qui a travaillé pour la Banque Mondiale pendant les années 80’s, a choisi lui-même de voir le marasme haïtien sous une optique politico-endémique que tout simplement économique. Dans un article titré « Haitian Hell … A government gone awry » et qui a été publié en l’année 1985 dans le Multinational Monitor, il s’exprima en ces termes : « l’agriculture a lentement et inexorablement détérioré en Haïti durant ces trente (30) dernières années … Ainsi, la production agricole per capita subit régulièrement un déclin… En plus de tout cela, les coûts de la haute production montent en raison des ces observations suivantes : espaces non-utilisés, une pauvre gestion des terres cultivables, l’usage des équipements surannés, le manque de compétition globale, les difficultés d’exportation ou même celles de revendre sur le terroir leurs propres récoltes… Tout cela a procrée, en retour, une dépendance outrageuse sur l’importation des produits intermédiaires ou de survivance dont les consommateurs haïtiens en ont tant besoin chaque jour (Steif, Haitian Hell, the Multinational Monitor, 1985).

Le problème haïtien n’est pas unique en son genre, et l’on comprend pourquoi aujourd’hui un bon nombre d’experts dans ce domaine voit d’un œil douteux les démarches entreprises par les bailleurs de fonds étrangers. Ces experts vont même plus loin en prônant une théorie d’exploitation conçue par les pays riches du monde aux dépens des pays du tiers-monde. Les recherches, publiées à ce sujet, ainsi démontrent que presque toutes les pauvres familles des pays du tiers-monde ont été tout simplement mystifiées et abusées par les intentions des courtiers internationaux. Ils postulent que ces courtiers ont malicieusement construit des programmes d’aide visant primordialement à conquérir les marchés étrangers, et ensuite les pousser dans la gorge des gouvernements des pays pauvres, moyennant à l’exemple d’Haïti, de l’Amérique Centrale, de l’Afrique, et ceux de L’Asie de l’Est, afin d’en tirer grandement profit.

En effet, ils instituent et cèdent à un prix moyennant convenu leurs politiques d’aide alimentaire tels que le PL 480 Title I, II, II aux petits pays pauvres. Ces genres de programme sont concus sur des crédits à termes faciles qui seraient livrés aux compagnies locales fournisseuses de viandes-volailles, de pates alimentaires, du blé, de l’huile de cuisine, etc. dans le but de vendre leurs produits aux clients des pays participants. Et la nécessité d’un Mariage de Convenance entre le USAID et le gouvernement des pays participants, les obligeant à instaurer des changements ou de nouvelles démarches politiques en leur faveur, doit être signée afin d’embellir le deal aux visages des observateurs non imbus.

Lappé, Collins et Rosset, comme presque tous les autres experts dans cette affaire de famine à travers le monde et d’aide alimentaire fournie aux pays pauvres, questionnent sérieusement la praxis de ces bailleurs de fonds. Ils arguent que le programme de Title I a procréé des marchés immédiats pour les entrepreneurs américains pendant qu’il instille automatiquement un climat de dépendance psychologique chez la population des pays-récipients. « En encourageant la croissance des fermes-volailles, des meuneries, des savonneries étrangères et huileries végétales, les pays-récipients parviennent à se dépendre de ces fournisseurs étrangers. Pl 480 a grandement contribué au cas de Dépendance Structurelle fondée sur des Importations Continues… Le programme de Title I, version aide alimentaire, enrichit au prime abord les caisses des meuneries géantes telles que Cargill et autres, qui d’abord s’engagent continuellement dans le business de fournir et d’expédier ces produits nécessiteux, ensuite supportent les producteurs des entreprises de style-volailles pendant qu’elles contribuent en tout dernier lieu à la déprogrammation alimentaire culturelle axant antérieurement sur la consommation de grains ou de produits cultivés sur le terrain », contestent-ils (World Hunger, 12th myths, 1998, Lappe et al.).

Par voie de conséquences, ces politiques de conquête et de reprogrammation culturelle profitent foncièrement aux grands barons des pays-récipients et surtout aux compagnies étrangères telles que les grands entrepreneurs agricoles américains, le Wall Street, l’IMF, Cargill, Alberto, etc. Ironiquement, le péché originel et le chantage ne restent pas toujours impunis. Des levées sociales ou des guerres de faction s’éclatent de temps à autre chez ces pays-récipients et à chaque fois que les choses ne marchent pas bien en faveur de ces bailleurs de fonds. Ainsi, un dernier recours devient automatiquement imminent, car il faut sauver la face et aussi trouver un agneau sacrificateur. Et en dernier scenario du montage, c’est toujours un ancien protégé politique de ces courtiers internationaux, souvent génialement portraituré par la presse internationale comme étant le « fils prodigue ou le seul politicien corrompu de l’affaire », qui va perdre sa face ou parfois même être expulsé du pouvoir qu’il chérissait tant.

Et on appréhende tout de suite les rationalités sur lesquelles se reposent l’élimination du « cochon noir haïtien », les politiques de changement du tarif gouvernemental et les liens entre la fermeture abrupte, pendant les années 80’s, du Ciment d’Haïti, de la Minoterie d’Haiti, des Huileries Nationales d’Haiti, de l’Aciérie d’Haïti, de la Beurrerie du Sud et de la HASCO (Haitian American Sugar Company) en rapport avec la rareté ou la cherté de produits de base alimentaires trouvés actuellement sur le marché haïtien. En effet, la grande majorité des haïtiens contemporains font aujourd’hui préférence des produits alimentaires étrangers, qu’ils soient frais ou gâtés, aux dépens des locaux. Les lieux de provenance de ces produits ne valent pas grande chose pourvu qu’ils ne soient pas haïtiens. C’est ainsi qu’on observe sur le marché actuel le remplacement ou l’élimination graduelle du « griot d’antan», préparé jadis avec du cochon culturel du terroir, par le cochon blanc qui se nourrit du son de blé. La même observation est aussi faite pour les autres volailles et viandes grasses, jadis abondamment trouvées en Haïti. Les poulets, les dindes et les beurres de cacahouète locaux ont été graduellement remplacés par les poulets et dindes cadavériques (congelés) et les beurres synthétiques de cacahouète nous venant de l’étranger. La présence du riz local est devenue aujourd’hui un peu rare, acre et même dégoûtée de certaines gens. L’actuelle production haïtienne de la banane, du café et du cacao n’est plus suffisante pour répondre aux demandes de consommation locale et étrangère. Exception est seulement faite pour les différents types de mango. Des diverses misérables qualités de hot dogs et de céréales envahissent le marché local et sont devenues de véritables points d’appui servant à éliminer toute une série de plats et de goûts locaux.

Et on comprend tout de suite pourquoi les pauvres fermiers, les consommateurs haïtiens et aussi les habitants des autres pays gênés du monde restent aujourd’hui piégés dans une boite timorée pendant qu’ils absorbent les hauts prix des produits agricoles importés et, en même temps, se forcent d’accepter les revenus dérisoires provenant de leurs propres récoltes. Ironiquement, tout cela se passe après qu’ils fussent eux-mêmes devenus hautement accoutumés avec les gouts exotiques et synthétiques clairement imposés par les divers courtiers internationaux travaillant toujours en complicité avec quelques partenaires locaux. Et le théâtre dramatique se poursuit jusqu’à ce que les leaders politiques, commerciaux et éducatifs du pays se décident à s’engager objectivement dans la recherche d’une meilleure approche à la crise haïtienne.

Ironiquement dans cette petite république libre noire des iles caraïbes, les problèmes de rareté de provisions alimentaires se joignent fermement les mains, et parfois même dangereusement, avec les conséquences des sempiternelles bévues de l’état, le coût de la survie quotidienne et les sentiments chimériques éprouvés à l’égard du haut niveau de chômage. Ainsi, j’en déduis que ces deux derniers dérivés, supplantés par une litanie de désastres naturels dont le pays subit continuellement, amplement contribuent à l’état de marasme actuel. Et comme les ventres affamés n’ont pas toujours d’oreille, on doit aujourd’hui se mettre d’accord pour conclure qu’Haïti, et ceci à l’exemple des autres pays gênés du monde, continuera à faire face à des levées sociales qui seraient classées dans la logique des soucis politico- économiques de ses habitants, surtout si on n’implante pas de meilleures démarches socio-économiques profitant aux masses déshéritées. A bons entendeurs, salut !