jeudi 20 mars 2008

LA MARCHANDISATION DE L'EAU

Par Marc Laimé

Journaliste, auteur du Dossier de l’eau. Pénurie, pollution, corruption, Seuil, Paris, 2003.

La communauté internationale célèbre le 20 mars 2008 (1), sous l’égide de l’ONU, la 15ème « Journée mondiale de l’eau ». L’absence d’accès à l’eau affecte 1,1 milliard d’êtres humains ; l’absence de moyens sanitaires de base touche 2,6 milliards de personnes. Paradoxalement, alors que les premières étapes de la marchandisation de ce bien commun ont suscité de fortes mobilisations populaires sur les cinq continents, le mouvement mondial de libéralisation des marchés de l’eau, initié dans les années 1980, semble s’accélérer.

La « libéralisation » des marchés de l’eau s’est au départ fortement inspirée du « modèle français » : le partenariat-public-privé (PPP). Un dogme s’affirmait avec force : la puissance publique est défaillante ; le recours au secteur privé est indispensable ; la bonne gouvernance repose sur le trépied de fer — dérégulation, décentralisation, privatisation ; les services de l’eau ont un coût, qui doit être payé intégralement par les usagers.

Dans ce cadre, les signatures de contrats avec des grandes métropoles du Sud se succèdent à un rythme impressionnant. Mais les conflits surgissent dès la moitié des années 1990, quand les opérateurs privés entendent faire payer des usagers fraîchement raccordés, qui n’ont ni la culture du paiement d’un bien jusqu’alors largement subsidié par la puissance publique, ni, le plus souvent, les moyens de payer. De nombreuses luttes se succèdent sur les cinq continents. La tenue des premiers grands forums altermondialistes publicise le thème du refus de la « marchandisation » de l’eau.

Le discours évolue à l’aube des années 2000, le sustainable cost recovery (recouvrement soutenable des coûts) succède au full cost recovery (recouvrement intégral). Place à l’ingénierie sociale et politique. Les engagements largement médiatisés de la communauté internationale se succèdent lors de la tenue de forums qui s’enchaînent à un rythme soutenu. Sommet du Millénaire pour le développement à New York en 2000, Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002 (« La maison brûle et nous regardons ailleurs », y proclamera le président de la République française, M. Jacques Chirac...), Troisième Forum mondial de l’eau à Kyoto en 2003. Le rapport du « panel » Camdessus publié en juin 2003 martèle que l’engagement financier pour fournir de l’eau à tous à l’horizon 2025 doit atteindre la somme phénoménale de 180 milliards de dollars par an. Il appelle à une plus grande implication des acteurs locaux : collectivités, communautés de base, ONG..., au nom de l’« empowerment ». Qui consiste à conférer un réel pouvoir de décision à la société civile. Conjointement, on envisage de nouveaux crédits consentis par les institutions financières internationales (IFI). De nouvelles normes d’organisation ou de gestion sont mises en avant, impliquant de façon croissante des acteurs extra-étatiques, privés ou associatifs, dans des dispositifs de plus en plus décentralisés.

Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Le PPP apparaît pour ce qu’il est en réalité : une branche industrielle prestataire de services dont la gestion échappe à la sanction du marché. Aujourd’hui 7 % à 8 % des marchés de l’eau et de l’assainissement ont été libéralisés dans le monde, avec des fortunes diverses. La cartographie mondiale du marché laisse apparaître une grande hétérogénéité. Globalement non solvable, l’Afrique n’enregistre que quelques contrats, dûment garantis par de l’argent public, dans quelques métropoles de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb. L’eldorado sud-américain a réservé de cinglantes déconvenues aux opérateurs privés qui l’abandonnent dans la confusion. Ils se recentrent sur l’Europe où émergent les marchés considérables de la dépollution d’une ressource sans cesse plus dégradée. Les contrats mirobolants signés en Chine par Veolia, souvent pour des durées de 50 ans, et des dizaines de milliards de dollars, le sont dans une configuration politique pour le moins hypothétique. Quid de la Chine en 2050 ?

Parmi les marchés en pleine expansion, on trouve l’externalisation du traitement des eaux usées industrielles. Suez-Ondeo détient un portefeuille de 50 000 contrats de ce type. Autre marché émergent, promis à un développement fulgurant, le dessalement de l’eau de mer. Ou encore, celui de la réutilisation des eaux usées pour l’industrie et l’agriculture. Et un nouveau Far-East, déjà à peu près totalement conquis : les ex-démocraties populaires de l’Europe de l’est. Un marché potentiel de 100 millions de clients, qui auront recouvré, à horizon de 20 ans, un niveau de vie équivalent à celui de l’Europe occidentale. Des infrastructures, certes anciennes, mais qui ont le mérite d’exister. Des financements communautaires pré et post adhésion, qui ont tout de la fontaine miraculeuse. Et — last but not least — un personnel politique majoritairement constitué d’ex-apparatchiks fermement résolus à céder aux sirènes de l’ultralibéralisme le plus débridé...

Mais, en dépit des engagements répétés de la communauté internationale, l’argent promis pour l’eau fait défaut. La manne n’est pas aussi importante que prévu. Rétrospectivement, nombre d’analystes stigmatisent l’ivresse de l’euphorie économique de la fin des années 1990, qui, à l’image de la bulle Internet, aurait précipité la course à la croissance mondiale des majors de l’eau. Plusieurs initiatives se sont révélées catastrophiques dans des pays confrontés à des crises monétaires, comme en Argentine, et ont conduit les majors à se retirer de nombreux projets trop risqués. Un paradoxe pour les apôtres de la liberté d’entreprendre et de la « prise de risques »... Les déclarations des apologistes de la libéralisation des "marchés" de l’eau lors du 4ème Forum mondial de l’eau, à Mexico, du 16 au 22 mars 2006, tranchaient dès lors singulièrement avec les discours martelés depuis une dizaine d’années. Ils y proclamaient unanimement que ce sont bien la puissance publique, et l’argent public, qui doivent procéder aux investissements qui doivent impérativement être déployés pour promouvoir l’eau et l’assainissement pour tous. Manière de garder la main, quand de nouvelles coalitions regroupant services publics et militants de l’eau s’organisent afin de promouvoir de nouveaux « partenariats-public-public », Nord-Sud et Sud-Sud dans le monde entier.

Changement climatique et crise écologique

Le changement climatique, qui affecte les modèles météorologiques, les précipitations et le cycle hydrologique, et par conséquence la disponibilité des eaux de surface, l’humidité des sols et l’alimentation des nappes souterraines, pourrait provoquer une augmentation de l’ampleur et de la fréquence des catastrophes naturelles liées aux précipitations : inondations, sécheresses, glissements de terrain, ouragans et cyclones. Et, en conséquence, provoquer de grandes vagues de « réfugiés environnementaux ». Si les prévisions actuelles se confirment, avec un climat plus irrégulier dans les années à venir, le rendement des cultures serait menacé tant dans les pays développés que dans les pays en développement, et près de 3 milliards de personnes seraient exposées à des pénuries d’eau.

Dans de vastes régions de l’Europe de l’Est, de la Russie occidentale, du centre du Canada et en Californie, les débits de pointe des cours d’eau sont désormais enregistrés en hiver, car la proportion des pluies par rapport à la neige y est plus importante, et les eaux de ruissellement atteignent les rivières plus rapidement. Dans les bassins du Niger, du lac Tchad et du Sénégal, qui font partie des bassins versants les plus grands d’Afrique, la quantité totale d’eau disponible a déjà baissé de 40 % à 60 %.

Si des changements radicaux du cycle de l’eau se généralisent, les tendances observées par le passé ne peuvent plus fournir de modèles fiables pour prévoir la gestion de la ressource en eau dans le futur. De nouveaux modèles devront être mis en œuvre pour anticiper les inondations et les sécheresses, déterminer la taille des réserves d’eau et décider de l’allocation de la ressource entre les usages domestiques, industriels et agricoles. Les implications en sont très lourdes, si l’on considère que l’investissement mondial annuel dans l’infrastructure de l’eau représente 500 milliards de dollars, et que celui-ci est réalisé en fonction de l’hypothèse, déjà dépassée, selon laquelle le cycle de l’eau oscillerait dans les limites relativement étroites constatées dans le passé.

Fuite en avant technologique

Pour répondre au défi de l’épuisement des ressources, à défaut de remettre en cause des modèles de développement générateurs de prélèvements excessifs, de gaspillage et de pollution, la tentation est grande d’une fuite en avant technologique lourde de risques, et génératrice de nouvelles inégalités.

Plus d’un tiers des terres du globe arides ou semi-arides manquent d’eau. Les perspectives d’évolution démographique permettent d’augurer qu’en 2050 près de 40 % de la population du globe souffrira de stress hydrique, entrave majeure à toute perspective de développement. Avec pour conséquences l’absence de sécurité alimentaire, des pertes économiques, une pollution sans cesse accrue et de possibles conflits.
Face à ces défis émerge depuis quelques années l’idée de déployer une nouvelle « gestion raisonnée » de la ressource, s’appuyant sur des réponses technologiques innovantes. Les projets de transferts d’eau massifs, à l’échelle d’un pays ou d’un sous-continent, en Libye, au Canada ou en Espagne, le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées pour des usages agricoles, industriels, voire pour l’alimentation humaine, comme la mobilisation de nouvelles ressources par le biais de la réalimentation artificielle des nappes phréatiques, sont désormais fortement promus comme autant de réponses pertinentes à la crise de l’eau.

Le dessalement permettrait ainsi un accès illimité à la ressource. Sachant que 40 % de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres de la mer et, que sur 70 villes de plus de 1 million d’habitants sans accès direct à des ressources supplémentaires en eau douce, 42 sont situées sur la côte, le dessalement par osmose inverse est ainsi présenté comme une solution compatible à l’avenir avec des énergies renouvelables, telles que les éoliennes.
Nécessitant un fort apport d’énergie, ces technologies ne sont aujourd’hui mobilisables que par les émirats du Golfe, l’Australie, l’Espagne, l’Algérie, la Chine, ou les Etats-Unis. Mais on compte déjà dans le monde près de 15 000 unités de dessalement, et la capacité de production pourrait être multipliée par deux dans les dix prochaines années. Reste la facture environnementale de cette nouvelle technologie : pour produire un litre d’eau dessalée, on rejette à la mer un litre de saumure, qui affecte l’équilibre des milieux aquatiques.

De même, le constat qu’aujourd’hui, dans le monde, 165 milliards de mètres cubes d’eaux usées sont collectées et traitées dans des stations d’épuration avant d’être rejetées dans le milieu naturel, conduit à la proposition d’utiliser cette eau comme ressource alternative. Le développement de technologies de pointe, notamment la mise en œuvre de procédés utilisant des membranes d’ultrafiltration, permettrait de mettre à disposition une eau traitée, dont la qualité rendrait possible leur réutilisation à des fins agricoles et industrielles, ou pour les loisirs, qui consomment de plus en plus d’eau dans les pays développés. Procédé qui réduirait d’autant les prélèvements directs dans la ressource, la réservant à la consommation humaine.

Les entreprises qui maîtrisent ces technologies affirment qu’on sait aujourd’hui produire une eau totalement potable à partir d’eaux usées et qu’il serait possible de fonctionner quasiment en circuit fermé pour faire face à une demande croissante. De plus, cette technologie est moins onéreuse que le dessalement. Les habitants de Singapour et la capitale de la Namibie boivent déjà en partie de l’eau recyclée. En Australie, les autorités ont été contraintes de demander l’avis de la population par referendum avant de recourir à l’eau recyclée.

Ce vertige technologique semble repousser toute limite. M. Mark Shannon, directeur du Centre de matériaux avancés pour la purification de l’eau à l’université de l’Illinois, aux Etats-Unis, déclarait ainsi à l’Agence France Presse le 18 mars 2008 que : « L’eau, même douce, doit encore être décontaminée, car il y a de nombreux composants toxiques dans l’eau en petites quantités, mais les traitements chimiques sont très coûteux et posent des problèmes. » Et d’indiquer que le recours à des matières nanostructurées, dont les particules ont une taille de quelques millionièmes de millimètre, ainsi qu’aux rayons ultra-violets pour transformer et lier les substances toxiques, permettraient à l’avenir d’améliorer les traitements de l’eau...

L’ensemble de ces innovations expriment aussi des choix politiques, environnementaux, qui devraient susciter un large débat, aujourd’hui inexistant. Car c’est bien la dégradation accélérée de la ressource qui légitime cette nouvelle approche de la question de l’eau. Avec pour perspective un risque croissant d’appropriation marchande de la ressource elle-même, et de tous les services qui garantissent son usage le plus efficient, pour les besoins énergétiques, industriels, agricoles, et bien sur humains.

Un nouveau facteur accroît les tensions sur la disponibilité de la ressource et sa qualité. Dans la perspective de l’« après-pétrole », les Etats-Unis, l’Europe et plusieurs pays émergents se fixent pour objectif l’utilisation croissante de carburants issus de produits agricoles pour les transports routiers. Redessinant la carte de l’agriculture mondiale, bouleversant le paysage des productions et des échanges commerciaux, agricoles et énergétiques, cette « nouvelle économie » va à son tour peser sur l’allocation des ressources en eau, et contribuer à la dégradation de leur qualité.

Nouvelles inégalités

La nouvelle régulation des besoins pourrait donc à l’avenir reposer sur le déploiement de ces nouvelles technologies, qui n’emportent malheureusement aucune remise en cause des pratiques énergétiques, agricoles, industrielles, économiques, qui sont au fondement de la dégradation accélérée, sur toute la planète, des ressources en eau.
Comment par ailleurs imaginer que les milliards d’êtres humains qui survivent avec moins d’un dollar par jour pourront demain bénéficier des bienfaits du dessalement de l’eau de mer ou de la réutilisation des eaux usées ? Déjà dans nombre de pays pauvres l’alimentation sous forme d’eaux embouteillées est ouvertement privilégiée, et bénéficie aux seules élites qui peuvent en faire l’acquisition, au détriment de l’accès à l’eau pour les populations défavorisées.

Le déploiement industriel de cette nouvelle « gestion raisonnée » à l’échelle planétaire repose sur l’imposition massive de nouveaux process et de nouvelles technologies, notamment les technologies « membranaires » (ultra et nano-filtration, osmose inverse), protégées par des normes et des brevets qui garantissent la captation de rente par les firmes transnationales. Lesquelles se substitueraient, avec l’appui des institutions financières internationales et des pays du Nord, aux pratiques traditionnelles de gestion de l’eau, héritage de l’histoire, que possèdent et maîtrisent les communautés humaines des pays pauvres.

(1) Avec deux jours d’avance sur la date officielle, pour cause de week-end pascal.

http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-03-19-La-marchandisation-de-l-eau- mars 2008

lundi 17 mars 2008

PLAIDOIRIE POUR UNE REFORME DE LA DIPLOMATIE

Haïti : Plaidoirie pour une réforme de la diplomatie

lundi 17 mars 2008

Par Pierre Richard Cajuste

Soumis à AlterPresse le 13 mars 2008

Dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement en juin 2006, le Premier Ministre Jacques Édouard ALEXIS a plaidé en faveur de l’adoption de « nouvelles orientations dans le domaine de la politique extérieure…en vue d’avoir des retombées plus immédiatement visibles pour le pays en termes de promotion culturelle, de recherche d’investissements, d’ouverture de marchés pour nos produits… ».
Deux ans après, les changements réels au niveau de la diplomatie se font toujours attendre.
Comme on a pu le constater, Haïti est devenue membre du Groupe de Rio et est entrain d’assurer la présidence de l’Association des Etats des Caraïbes (Aec) et du Conseil économique et social des Nations Unies (Ecosoc).
Alors, il s’avérait urgent pour le pays de jouer sa nouvelle carte, tant dans la dynamique des relations bilatérales, multilatérales, que dans la coopération décentralisée. A ce stade, qui contestera le fait que les nominations dans les services externes de la Chancellerie aient été effectuées, sous le gouvernement de transition Latortue-Alexandre, avec autant de désinvolture et de légèreté que de partisannerie politique.
Notons qu’il est tout à fait évident qu’à côté de la pratique traditionnelle des relations internationales, fondées sur le maintien des liens d’amitié, de paix et de concorde entre les nations, la diplomatie haïtienne doit faire montre de créativité, étant donné la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve le pays.
C’est précisément cet exceptionnalisme qui doit conduire les décideurs haïtiens à conceptualiser, dans cette conjoncture, un nouveau paradigme politico-diplomatique qui peut servir de cadre à l’avancement du pays. Ceci, en prenant en considération la spécificité haïtienne.
La diplomatie peut et doit servir de moteur dans la quête du développement du pays en adressant les questions urgentes, comme : la lutte contre l’insécurité, la lutte contre la pauvreté, l’instauration d’un état de droit, la mise en marche des institutions de l’état, la conquête de l’investissement étranger et du commerce international, la défense des droits des immigrés haïtiens, l’amélioration de l’image du pays à l’étranger.
Ce dernier point est remarquable par son importance. C’est comme un impératif de premier ordre de travailler à changer l’image du pays à l’étranger en neutralisant les vieux réflexes pavlovisés de violence, de misère, d’insalubrité, à partir desquels est perçu habituellement le pays.
Pour ce, le Gouvernement haïtien se doit de créer un agenda clairement défini, en sus d’une vision stratégique et d’un cadre opérationnel clair ; d’autant que les diverses crises politiques, qui ont affecté le pays depuis de nombreuses années, l’ont mis très en retard.
Dans le contexte actuel, l’action diplomatique doit être aussi l’expression d’une politique extérieure qui se définit par référence aux nouvelles données de l’ordre mondial, à savoir la prépondérance du marché et l’universalisation des valeurs démocratiques.
Pourtant, depuis l’installation du gouvernement en juin 2006, rien de substantiel n’a été fait dans la diplomatie.
Les Chefs de Mission (on ne dira pas les Ambassadeurs) occupent encore leur poste en violation de l’article 141 de la Constitution de 1987). Car, nommés à une période où il n’y avait pas de Parlement, ils auraient dû être présentés devant la Commission des Affaires Étrangères du Sénat dès l’avènement de ce gouvernement constitutionnel et légitime qui, implicitement, a décidé de les garder à leur poste.
On a vu ce cas avec le Directeur général de la Police nationale d’Haïti (Pnh), Mario Andresol, qui, nommé par le Gouvernement intérimaire Latortue-Alexandre, fut obligé de se présenter devant le Sénat (toujours en vertu de l’article 141 de la Constitution de 1987) lorsqu’il a été reconduit par le Président René Préval.
Cette diplomatie coûte plus de 2 millions de dollars américains par mois à la nation haïtienne, alors que les ambassades, les consulats et les missions permanentes, non seulement ne fonctionnent pas, mais ne sont pas en cohérence avec la vision dégagée dans la politique générale du gouvernement. Pareille somme pour appuyer l’action diplomatique serait dérisoire si elle était utilisée à bon escient, dans une logique de profit en faveur de la Nation.
Ils sont légion, les cas de dysfonctionnement de l’appareil diplomatique, qui prouvent, par le menu, que le renforcement des capacités devrait être aussi une priorité dans la conceptualisation et la mise en œuvre d’une politique étrangère valable, viable et susceptible d’accompagner le gouvernement dans sa stratégie de développement.
La bonne gouvernance ne s’accommode pas d’un gaspillage de ressources, ni d’une mauvaise allocation de ces ressources. Pourquoi avoir deux, trois ambassadeurs dans une même mission diplomatique ? Et un personnel pléthorique qui ne correspond pas aux besoins réels des Missions Diplomatiques et consulaires ?
Les décideurs au niveau de la chancellerie doivent être capables de faire marcher les missions diplomatiques et consulaires et les représentations permanentes. Il est aussi connu que ces missions fonctionnent à vau-l’eau, sans instructions/orientations précises de la part du ministère des affaires étrangères. Elles sont livrées à elles-mêmes.
Va-t-on appuyer le processus du Conseil économique et social des Nations Unies (Ecosoc) ou allons-nous vers la Commission de consolidation de la paix (Ccp) ? Sans concertation ? Sans cohésion ? Une situation qui génère un énorme gaspillage de ressources.
La République d’Haïti préside actuellement l’Ecosoc. La grande question consiste à savoir : est-ce que l’exercice de cette présidence, en dépit de son caractère honorifique, est vraiment important pour Haïti ?
Cette présidence à l’Ecosoc coûterait à l’État haïtien la rondelette somme de plusieurs milliers de dollars américains par mois.
Jusqu’à présent, Haïti ne s’est pas bien structurée pour gérer l’Alternative bolivarienne des Amériques (Alba) de façon institutionnelle.
Le pays n’a toujours participé qu’aux conseils présidentiels. Les autres structures de l’Alba ne sont pas animées, comme le conseil des ministres, le conseil des organisations sociales et le secrétariat permanent, ainsi que les diverses commissions.
La dynamique économique et surtout commerciale entre la République d’Haïti et ses alliés, qui se développe depuis quelques années, traduit la nécessité de la mise en place d’un nouveau positionnement et d’une nouvelle politique de coopération vis-à-vis de ses partenaires privilégiés et des nouveaux acteurs émergeant sur la scène internationale.
La diplomatie doit appuyer les négociations entreprises par le ministère de l’économie et des finances ainsi que le ministère de la planification et de la coopération externe dans le cadre du multilatéral et du bilatéral, de manière à créer une synergie entre les acteurs. L’élaboration du document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (Dsncrp) placera, éventuellement, Haïti dans une autre sphère de coopération.
Le ministère des affaires étrangères, en tant que ministère transversal, doit jouer son rôle dans le cadre du Dsncrp, en réalisant le lien institutionnel et systémique entre le maintien d’un environnement sécuritaire et le réseau international d’assistance et de mobilisation des bailleurs de fonds. Le passage de la phase de stabilisation à celle de la consolidation et à la question de la souveraineté : tout cela appelle une nouvelle réflexion, un nouveau débat.
Bref, l’appui international reste un élément important dans la reconstruction du pays. Cet appui international n’arrivera tout bonnement pas si l’action diplomatique n’est pas efficace et efficiente, si la léthargie et le laxisme continuent à caractériser les pratiques diplomatiques.

Pierre Richard Cajuste

cajuste2000@yahoo.com

dimanche 16 mars 2008

DOUBLE NATIONALITE, TRIPLE PROBLEME

Double nationalité, triple problèmePar Jean Erich René

erich@mondenet.com 15 mars 08

Le nombrilisme de nos hommes politiques les porte à pratiquer le saucissonnage des articles de Notre Charte Fondamentale afin de les croquer à leur goût tout en mettant en péril la souveraineté nationale. On ne peut pas ballotter une Constitution comme un fétu de paille rien que pour satisfaire les ambitions d'une clique. Le drame qui se déroule actuellement au Parlement dépasse toute imagination. Des têtes de linotte s'avisent de modifier la loi sur la nationalité haïtienne juste pour satisfaire le désir d'un psychopathe. La finesse de la question dépasse l'entendement de l'homme de la rue. Comme cobayes, le Laboratoire Politique Prévalas expérimente sa colle sur les Sénateurs Ultimo Compère et Réginald Boulos. Par voie de conséquence, la route sera pavée à la candidature à la présidence de Mildred Trouillot Aristide dont l'état civil et politique est similaire. Des deux côtés le mal va mal finir.

Les réactions du PM Jacques Édouard Alexis exhortant ses Ministres à bouder le formulaire d'enquête du Parlement sur la nationalité n'est qu'une piètre manigance. Le Rapport d'enquête sénatoriale annonçant une modification de la loi sur la nationalité est un signe avant-coureur de la mise à mort de la noblesse d'un article de la Constitution haïtienne qui de 1804 à 1987 ne reconnaît jamais la double nationalité.
a) Constitution impériale du 20 Mai 1805Article 7 La qualité de citoyen d'Haïti se perd par l'émigration et par la naturalisation en pays étranger, et par la condamnation à des peines afflictives et infamantes. Le premier cas emporte la peine de mort et laconfiscation des propriétés.
b) Constitution du 29 mars 1987ARTICLE 15: La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas.
Les données sont claires : ceux et celles qui jouissent de la double nationalité et qui ont brigué délibérément des postes électifs ou administratifs de haut niveau ont péché avec la Bible en main, d'autantplus qu'ils ont prêté serment sur la Constitution de 1987 qui contient des articles prohibitifs à ce sujet. Il s'agit d'un crime de haute trahison, passible de la Haute Cour de Justice. Il est vraiment troublant et suspectqu'un socialiste ML de la trempe de Victor Benoît se fasse l'avocat d'un citoyen américain. La loi est une pour tous, soit qu'elle punisse, soit qu'elle protège. En une telle occurrence il est dangereux de banaliser laquestion par une mascarade de la Commission sénatoriale.

Pour les incrédules nous reproduisons textuellement un extrait d'un article de la Revue québécoise "L'Actualité 1er Avril 2008" sous la rubrique : « Quatre contes à faire peur » :"Est-il possible que des règles discriminatoires américaines aient des répercussions jusqu'à Mirabel ? Un étudiant canadien l'a appris à ses dépens l'an dernier quand il s'est vu refuser un stage au sein de l'entreprise Bell Helicopter à Mirabel. Son délit ? Etre né en Haïti ! En vertu de l'International Traffic in Arms Regulation (ITAR) les sociétés qui fournissent du matériel militaire aux Etats-Unis sont en effet tenues d'exclure de certaines tâches les employés originaires de 26 pays jugés à risque, même s'ils ont la nationalité canadienne. Bell Helicopter avait aussi dû réaffecter, l'an dernier, une vingtaine d'employés possédant une double nationalité." (L'Actualité 1er Avril 2008 p.30) Amen !

Alors, comment donc accepter la Double Nationalité dans notre propre cuisine politique ! Le brouillard qui enveloppe la modification de l'article sur la Nationalité que propose la Commission sénatoriale et l'ordre formel du Premier Ministre interdisant à ses Ministres de ne pas répondre directement aux questions de la Commission sénatoriale nous effraient, tout en nous mettant la puce à l'oreille. Tout observateur attentif doit remarquer qu'il y a un complot qui se trame.

Dans une perspective historique, remontons au drame du 6 décembre 1897. Deux navires de guerre allemands: Le Charlotte et le Stein sous l'ordre du Commandant Thiele se présentaient dans la rade de Port-au-Prince pour donner leur ultimatum au Gouvernement du Président Tirésias Simon Sam dont les agents de police avaient arrêté, pour voie de faits, MONSIEUR EMILE LUDERS DE MÈRE HAITIENNE ET DE PÈRE ALLEMAND. Dans un livre de 400 pages intitulé « L'Affaire Luders » Solon Menos, Docteur en droit de l'Université de Paris et Ministre des Affaires Étrangères, a exposé les insultes du Gouvernement de Berlin au Président Sam et les raisons qui doivent nous interdire d'admettre la double nationalité.

Dans un passé plus récent, le lundi 8 septembre 2003 la 47e législature, sous l'ordre de Jean Bertrand Aristide a tenté de tordre le cou à la Constitution de 1987 en l'handicapant de son article 11 qui stipule : : «possède la nationalité haïtienne d'origine, tout individu né d'un père haïtien ou d'une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés haïtiens et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance » La chimérique Constitution que voudrait nous imposer Aristide afin de préparer sa succession au pouvoir par son épouse Mildred Trouillot dans son article 9 précisait : « possède la nationalité haïtienne d'origine, tout individu né d'un père haïtien et ou d'une mère haïtienne ou tout individu né en Haïti » En raison d'une absence de quorum le projet d'amendement constitutionnel a avorté. Mais la 47e législature avait glissé dans les minutes du Parlement une note d'indulgence à l'attention de la 48e qui aujourd'hui se propose d'ajuster l'article sur la Nationalité selon le profil de la future candidate à la présidence, la collègue et amie de Hillary Clinton, nulle autre que Mildred Trouillot Aristide.

La modification dont parle le Rapport d'enquête du Sénat sur la nationalité nage en pleine illégalité. De quel chef vont-ils tenter d'entreprendre cette retouche cosmétique ? La Constitution de 1987 sur laquelle lessénateurs ont prêté serment, au Titre XIII prévoit les conditions de son amendement selon les dispositions des articles 282, 282.1, 283, 284, 284.1, 284.2.

ARTICLE 282: Le Pouvoir Législatif, sur la proposition de l'une des deux (2) Chambres ou du Pouvoir Exécutif, a le droit de déclarer qu'il y a lieu d'amender la Constitution, avec motifs à l'appui.

ARTICLE 282.1: Cette déclaration doit réunir l'adhésion des deux (2/3) de chacune des deux (2) Chambres. Elle ne peut être faite qu'au cours de la dernière Session Ordinaire d'une Législature et est publiée immédiatement sur toutel'étendue du Territoire.

ARTICLE 283: A la première Session de la Législature suivante, les Chambres se réunissent en Assemblée Nationale et statuent sur l'amendement proposé.

ARTICLE 284: L'Assemblée Nationale ne peut siéger, ni délibérer sur l'amendement si les deux (2/3) tiers au moins des Membres de chacune des deux (2) Chambres ne sont présents.

ARTICLE 284.1: Aucune décision de l'Assemblée Nationale ne peut être adoptée qu'à la majorité des deux (2/3) tiers des suffrages exprimés.

ARTICLE 284.2: L'amendement obtenu ne peut entrer en vigueur qu'après l'installation du prochain Président élu. En aucun cas, le Président sous le gouvernement de qui l'amendement a eu lieu ne peut bénéficier des avantages qui en découlent.

Actuellement il n'y a pas de quorum au Parlement puisque les deux (2/3) de chacune des deux (2) Chambres ne peuvent pas se réunir à cause de certains postes vacants. Nous ne sommes pas non plus à la dernière Session Ordinaire de la 48e Législature. Cet amendement pour être effectif exige la délibération en Assemblée Nationale de la 49e Législature dès sa première Session. Les Parlementaires ciblés comme images virtuelles et réellement Mildred Trouillot Aristide doivent attendre 2011 pour la prestation de serment de la 49e législature ainsi que du prochain Président pour bénéficier de cet amendement. En attendant nos sénateurs, nos ministres et Premier Ministre délictueux tombent sous le coup de la loi en la matière. Quelle est donc cette mimique grimaçante que nous fait la Commission sénatoriale chargée de l'enquête sur la nationalité? Veut-elle livrer le pays aux étrangers. Il nous faut unir nos voix pour dire non aux magouilleurs du Sénat. Double nationalité, triple problème.