mercredi 21 décembre 2011

ETAT DE DROIT ET DEVELOPPEMENT

Etat de Droit et Développement Une simple question que les Haïtiens en général et nos dirigeants en particulier devraient se poser : Existe-t’il un seul pays sur la planète qui soit parvenu à un quelconque stade de développement, au sens large du terme, en dehors d’un cadre normatif en adéquation avec sa réalité sociale, économique et politique? Aucun et c’est l’évidence même, car à partir du moment où les droits et libertés ne sont pas respectés à la lettre, il y aura toujours un groupe d’individus sans scrupules, ni foi ni loi, lesquels, par la ruse ou par la force, finiront par s’arranger pour s’imposer aux autres et les mener au doigt et à l’œil. Suivez mon regard dirait l’autre! C’était le cas avec les monarchies, les systèmes féodaux, les dictatures qui n’ont pas encore tout à fait disparu du paysage, mais la tendance semble de nos jours irréversible. Loin de nous, la sotte prétention de vouloir faire la leçon à qui que ce soit. Toutefois, après avoir été victimes, pendant des siècles, du mépris des droits et libertés, et de la manière la plus abjecte : l’esclavage, nous nous sommes révélés, au péril de nos vies, les plus ardents défenseurs de ce concept fondamental « liberté – égalité – fraternité » ce qui a culminé à la geste glorieuse de mil huit cent quatre. Nous avons étonné le monde entier en mettant fin à ce système odieux de l’exploitation de l’homme par l’homme, avec pour moteur : notre ferme détermination de vivre libre ou de mourir. Nous devrions être, encore et pour toujours, les parangons de cette culture du respect des droits et libertés, or triste paradoxe, il n’en est rien et aujourd’hui, reconnaissons-le, nous sommes la risée de ceux qui voyaient en nous des modèles, sinon des guides. A cause de notre désinvolture inénarrable, de la Perle des Antilles, il n’y a pas si longtemps, nous voilà devenu le champion de l’incompétence, de la corruption et par voie de conséquence, de la misère sous toutes ses formes. Et la vie continue comme si de rien n’était! Les épithètes les plus malheureuses nous sont collées : république de banane, le pays le plus pauvre du continent, la poubelle au coin des Amériques, ce qui ne manque pas de faire pleurer certains d’entre nous, alors que d’autres redoublent de prières et d’incantations de toutes sortes, pourtant rien n’y fait. N’empêche que nous maîtrisons les théories de Montesquieu, celles de Luke, du grand Hobbes, nous faisons les tirades les plus savantes citant allègrement Jean- Jacques Rousseau, Blaise Pascal, Antênor Firmin, Dr Jean Price-Mars, Edouard Glissant, Louis Joseph Janvier, Klébert Georges Jacob, Me Gérard Gourgue, pour ne mentionner que ceux-là, et puis, comme dirait Piram : et puis < anyen ! >. Il est temps pour nous de faire le distinguo entre formation et information. Une perle égarée dans une eau boueuse ne perd rien de ses qualités intrinsèques. Il suffit d’un léger nettoyage pour qu’elle réapparaisse dans toute sa splendeur. Ainsi, en sera-t-il de notre Haïti chérie, à condition de bander toutes nos énergies, de manière pragmatique certes, et de nous attaquer de plein front aux causes de nos tares individuelles et collectives, qui sont d’ailleurs connues. Depuis l’importation de nos codes de lois, ce qui remonte aux années mil huit cent trente cinq, tous nos gouvernements ont littéralement traité le pouvoir judiciaire en parent pauvre, quand ils ne l’ont pas systématiquement vassalisé et avili à plus d’un titre. Ce qui est pour le moins gênant, c’est que tous nos ministres de la justice, exception faite de l’actuel titulaire, furent des avocats, plusieurs de nos présidents étaient issus de la basoche haïtienne et force est de constater que plus ça changeait plus c’était pareil. Est-ce à dire que dans notre même les protecteurs de la veuve et de l’orphelin, dès qu’ils s’égarent en politique, oublient que, dans toute société, sans l’administration d’une justice saine et équitable, il ne saurait y avoir de développement durable tant sur le plan individuel que collectif. La constitution et les lois d’un pays, tout le monde le sait, façonnent le cadre normatif prépondérant et indispensable au bon fonctionnement de ses institutions. Pour amorcer le changement tant attendu et rejoindre le concert des nations civilisées, nous devons donc, sans terme ni délai, créer de manière scientifique les instruments modernes pour une réforme en profondeur du système de justice de la première république nègre du continent. Un seul et unique ingrédient a toujours fait défaut à la concrétisation de cette réforme tant réclamée et depuis toujours : la volonté politique. La loi portant création de la < Commission Nationale d’Ethique Judiciaire > (CNEJ) annoncerait les couleurs et mettrait en confiance les éternels sceptiques. La restauration de l’autorité de l’Etat ne relève pas des caprices du prince, mais se construit à partir du dialogue et de la concertation entre les différents secteurs de notre nation en devenir et s’exprime à travers des lois en adéquation avec notre réalité et notre vision pour l’avenir. La priorité des priorités de l’heure demeure le choléra et la relocalisation de nos milliers de sinistrés, cela va de soi. La justice, la santé et l’éducation doivent constituer les fers de lance de la reconstruction et de la refondation du pays, cependant, faut-il le rappeler et le souligner à l’eau forte pour la énième fois : Un homme qui ne travaille pas, ne saurait être utile à lui-même, à sa famille et encore moins à sa communauté. Le développement étant d’abord humain, la création d’au moins deux millions d’emplois s’avère la clé de voûte incontournable en la circonstance. Ce en quoi, le projet de loi portant création du (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité, initiative solidaire et inclusive devrait faire l’objet de l’attention soutenue des adeptes de l’innovation et du développement endogène. C’est par la création de ces millions d’emplois que nous commencerons à recouvrer notre dignité de peuple perdue depuis belle lurette. Grâce au (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité, nous allons rompre avec l’attitude de mendiant international et dans un avenir rapproché, nos sœurs et frères de l’intérieur ne seront plus des zombis assistés et nous prouverons au monde entier, auquel nous sommes d’ailleurs reconnaissants, que nous avons décidé de prendre en main notre destin par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Me Serge H. Moïse av. cabinetmoise@gmail.com

DIALOGUE DE SOURDS

Dialogue de sourds Depuis trente ou quarante ans, des démarches sont régulièrement entreprises afin d’attirer au pays des investisseurs étrangers dans la perspective de relancer notre économie. De temps à autre des voyages sont organisés pour des délégations pléthoriques qui reviennent avec des promesses mirobolantes, lesquelles hélas n’arrivent jamais à se concrétiser. Pourtant, gouvernement après gouvernement, l’on assiste au même scénario inutile, avec toujours le même résultat. Il ne suffit pas de s’accrocher à un rêve pour qu’il devienne réalité. Encore faut-il de manière rationnelle et pragmatique, en tenant compte des besoins de la population, toutes classes confondues, préparer le terrain à cet effet. Attirer des investisseurs étrangers, et, à ce chapitre, il y a loin de la coupe aux lèvres, à cause de l’insécurité grandissante, les tracasseries administratives pour enregistrer une compagnie commerciale, le non respect du droit de propriété et des lois en général, l’état de délabrement de nos routes et du système judiciaire, la pénurie en matière d’électricité, autant de facteurs négatifs qui ne peuvent que décourager d’éventuels affairistes en quête de profits plus ou moins juteux. L’humanitaire se révèle donc plus intéressant que toute autre forme d’investissement, faisant de notre coin de terre l’industrie de la misère humaine sous toutes ses formes. Nous devons donc apprendre à d’abord compter sur nous-mêmes. Nous l’avons fait à une époque où nous ne disposions pas dans nos rangs de cette kyrielle d’analystes, de théoriciens, d’intellectuels de belle eau et de techniciens aux connaissances les plus pointues et ce dans tous les domaines. Il nous a fallu un peu plus de trois cents ans de tentatives avortées, d’essais mal planifiés, de trahison entre nous, de revers et de mauvaise fortune. Mais nous n’avions pas baissé les bras. Nous avons recouru à des ruses témoignant d’une perspicacité et d’une intelligence supérieure. Nous avons inventé le marronnage et qui plus est, nous avons utilisé la force de l’ennemi pour le combattre et le terrasser. Certaines chaines de notre esclavage furent donc rompues, celles visibles à l’œil nu évidemment. L’indépendance nationale fut proclamée à grand renfort de tambours et de trompettes au grand dam des « bwanas ». La preuve venait d’être faite que l’homme noir avait lui aussi une âme susceptible d’atteindre la cime des dieux tutélaires. A partir de cette geste héroïque à nulle autre pareille, nous sommes devenus le phare de la race tout entière. Ceux qui ont voulu nous imiter furent systématiquement éliminés. Les bourreaux ont juré que cet exemple ne se reproduirait plus jamais et ils ont tenu parole, bien souvent, avec la complicité consciente ou non de certains de nos frères. La vie étant une lutte perpétuelle, il ne faut donc pas s’attendre à ce que la nôtre prenne fin aujourd’hui ou demain. Si comme le célèbre pied noir Enrico Macias, nous pouvons chanter « Rien n’est plus beau qu’un fusil rouillé », il n’en demeure pas moins que pour avoir baissé les bras et ce à plus d’un titre, nous avons-nous-mêmes contribué, largement, à nous retrouver dans ces profondeurs abyssales du laxisme, de la corruption et de la misère. Puisque nous en sommes conscients, tout n’est pas encore perdu, la rédemption demeure donc possible à condition de respecter les lois de la nature que les anciens n’ont pas manqué de nous enseigner et qui s’expriment à partir de sages adages tel : « Une famille divisée est une famille affaiblie, appelée à disparaître ». La zizanie, les luttes mesquines et fratricides, les inégalités sociales et l’analphabétisme maintenus à dessein ne peuvent conduire qu’à ce chaos que nous avons échafaudé patiemment et inlassablement depuis l’ignominie de mil huit cent six au pont rouge. « Ventre affamé n’a point d’oreille ». L’éducation gratuite pour tous, certainement et dans les plus brefs délais. Toutefois, il faut éviter de mettre la charrue avant les bœufs. Ne confondons pas scolarisation et éducation car en reproduisant des générations d’acculturés, la nation risque de ne jamais émerger de son gouffre actuel. De plus les besoins primaires doivent être pris en compte avant les besoins secondaires, tertiaires et ainsi de suite. Les parents qui ne travaillent pas ne peuvent pas loger, nourrir et habiller leurs enfants et les rendre aptes à recevoir les bienfaits de l’éducation. La création d’emplois demeure le point de départ incontournable à partir de quoi tout le reste devient possible. « Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre et pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ». Vouloir à tout prix faire comme les autres, les singer autrement dit, nous maintiendra irrémédiablement dans cette situation d’assistanat qui fait le bonheur de tous, sauf le nôtre. « Pour pratiquer la vertu il faut un minimum de bien-être » Demander à des gens qui ne travaillent pas et qui n’ont aucune chance de le faire, de respecter la morale et le droit, dépasse l’entendement humain. Une maman dont les trois ou quatre rejetons crèvent de faim ne saurait résister à la tentation de se prostituer afin de nourrir ses poupons, au risque d’attraper le virus du sida. Désespérée, elle n’hésite pas! « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » En effet, les cataclysmes tant naturels qu’humains ont jalonné, sous toutes formes, notre histoire sur cette minuscule planète. Nous avons tout vu et pourtant… « Les défaites du Droit sont toujours provisoires » Puisqu’il est encore question de changement, la modernisation de la législation haïtienne, lentement mais sûrement, sera amorcée sous peu aux fins de nous permettre de rejoindre le cercle des nations civilisées. Nous invitons nos aimables lecteurs à poursuivre ce bel exercice et à réaliser qu’en effet, tout a été dit, mais qu’entre le dire et le faire, il y a souvent un fossé difficile à franchir. Nos propos sont, pour souligner à l’eau forte cette fois-ci, que la solution à nos problèmes ne se situent pas aux antipodes de nos capacités. Bien au contraire, l’important pour nous est d’arrêter de chercher midi à quatorze heures. Il nous incombe de créer notre propre modèle de développement qui commencera par l’instauration de cette grande chaine de solidarité, pas au niveau des discours et des interminables palabres, mais de manière concrète à travers le (FHS) Fonds Haïtien de Solidarité. Travaillons tous ensemble à faire disparaître, autant que faire se peut, les inégalités sociales par la création immédiate d’emplois sur toute l’étendue du territoire national. C’est possible avec le Fonds Haïtien de Solidarité. Mettons un terme à notre dialogue de sourds séculaire, faisons une réalité de notre maxime nationale : L’union fait la force. C’est nettement possible avec le Fonds Haïtien de Solidarité. Faisons franchement appel à la participation active de toutes les filles et tous les fils de la nation, tant ceux de l’intérieur que ceux de l’extérieur dans le cadre de cette grande kombite nationale. C’est certainement possible avec le Fonds Haïtien de Solidarité. Me Serge H. Moïse Barreau de P-au-P.