vendredi 28 décembre 2012

TRANSCENDANCE

Éditorial – Le Matin Transcendance ! - Les années passent et se ressemblent en Haïti. Comme si le temps haïtien semble s’être figé dans la déclinaison navrante et mortifère du même et du pareil. Le « système » que le candidat Joseph Michel Martelly se proposait d’abattre semble l’avoir ba… 2012-12-27 17:34:05 - Les années passent et se ressemblent en Haïti. Comme si le temps haïtien semble s’être figé dans la déclinaison navrante et mortifère du même et du pareil. Le « système » que le candidat Joseph Michel Martelly se proposait d’abattre semble l’avoir battu et abattu une fois devenu président. Il a plus continué le mal réprouvé qu’il n’a institué le bien recherché. L’Haïti « Tèt kale » a beaucoup donné, en 2012, dans le désordre institutionnel, le flou populiste entre l’autoritarisme et le « lese grennen », les gesticulations intimidantes, les déclamations péremptoires, les promesses chimériques, les mises en scène médiatiques et le faire-semblant burlesque. Cette théâtralisation tragi-comique du pouvoir n’a fait que retarder les échéances et mettre à nu l’incapacité des élites gouvernantes à transformer Haïti et l’engager dans la modernité. La politique-spectacle a montré ses limites au contact de la réalité. Le grand décollage promis a constitué, jusque-là, en un grand décalage entre les résultats et la propagande officielle. La croissance économique n’a été que de 2.9%. Toutes les prévisions optimistes des latino-américains pour notre pays et les chansons roses et fleuries du pouvoir se sont muées pour les agents économiques en lamentations et en ballades de pendus. Avec cette performance économique des plus médiocres de l’équipe Martelly-Lamothe que nous ont révélée les statistiques indépendantes, le pays a droit à un changement de cap en 2013. Inévitablement. Un aggiornamento est nécessaire. Les adaptations cosmétiques à partir de mutations de personnel, de démissions forcées, de replâtrage gouvernemental extravagant dans la forme, et trompeur sur le fond, ou d’opérations vendettas des clans en litige, ne changeront pas la tonalité maussade du climat sociopolitique. Plus et mieux devront être faits dans la sphère des politiques publiques. Les Haïtiens s’ennuient. Les portefeuilles des uns et des autres se rétrécissent. La courte période des fêtes a coïncidé avec une saison de grognes prolongée. Haïti a été, en effet, une République de grognards en 2012. Et pour cause. Les belles et élégantes femmes haïtiennes qui peuplent nos rues nous disent que le pays regorge d’assez de salons de beauté pour qu’on en fasse un d’un gouvernement. Il faudra des changements réels. Non des maquillages. Les bonnes intentions sont, pourtant, là. On eût dit même qu’il n’y a que des « Mères Theresa » et des « Papas bon cœur » au sommet de l’État. Toute politique sociale annoncée au bénéfice du « petit peuple » s’accompagne de louanges et de cérémonies dithyrambiques bruyantes envers les chefs bienfaiteurs. Ce qui manque, c’est une orchestration savante et sophistiquée de l’art de gouverner et une vision sobre et authentiquement transformatrice du pouvoir et du social. Des compétences sont aussi là, éparses et diverses, dans de hautes fonctions et les antichambres. Elles sont saluées, pour la plupart, dans cette édition spéciale du Matin. Nous reconnaissons, toutefois, que le logiciel humain, doctrinal et idéologique à même d’ordonner les élans et pulsions solitaires et de faire fonctionner efficacement et harmonieusement la machine gouvernementale, fait terriblement défaut. Les improvisations désordonnées ont fini par enlever tout ordre à la direction de l’État. D’où cette impression de dérive dans la conduite des affaires de la Nation. Haïti n’a pas connu que des ratés en 2012. De nombreux acteurs du social, du politique et de l’économique se sont admirablement signalés dans des domaines variés durant cette année défunte. Ils sont aussi salués ici sans esprit d’exhaustivité. Ce sont des modèles de courage, de dévouement, de créativité et de performance à émuler en 2013. Malgré les défaillances individuelles et les contraintes structurelles qui ont limité le champ et la portée de leurs actions. Une nouvelle année lourde en désagréments pour notre pays se pointe. Nous ne pouvons qu’émettre le vœu que le pouvoir se transcendera pour se faire neuf, dans son paraître et son être, dans l’accomplissement de ses grandes missions. Le même devoir de transcendance s’imposera à tous les Haïtiens qui devront autant se faire nouveaux, dans leur essence, dans l’impérieuse œuvre collective d’édification d’une Haïti nouvelle. Daly Valet

mercredi 26 décembre 2012

QU'AVONS-NOUS FAIT DE NOTRE INDEPENDANCE? (1/1/1804 - 1/1/2013)

Soumis à Tout Haiti le 25 Décembre 2012 - Pratt Vernio Memnon --- Le Congrès des Clairières avec Boukman Dutty, les défaites des Espagnols et du général anglais Maitland aux mains du général Toussaint Louverture, l'héroïque résistance du général Henry Christophe face à l'expédition de Leclerc, la brillante révolte menée par le général Alexandre Pétion contre les Français au Haut-du-Cap, la sanglante bataille de la Crête-à-Pierrot gagnée par le général Jean-Jacques Dessalines, l'historique bataille de Vertières avec le général Capois-la-Mort qui scella la victoire des noirs de Saint-Domingue, enfin, autant de luttes antiesclavagistes livrées avec éclat et succès par les pères fondateurs jusqu'à l'apothéose de 1804. Alors, comment expliquer qu'après de tels glorieux faits d'armes et de telles prouesses historiques inédits dans l'histoire de l'humanité qu'Haïti soit aujourd'hui l'un des dix-sept pays les plus faibles de la planète et le seul pays moins avancé de l'Amérique ? On s'était fait à l'idée, dès sa création, que notre nation ne serait jamais parfaite, car elle est composée et dirigée par des humains ; des humains qui sont capables du meilleur autant que du pire. Mais on savait que les erreurs et les abus du passé nous rappelleraient toujours notre besoin de nous améliorer sans cesse, d'apporter les ajustements nécessaires, le cas échéant, et, finalement de toujours préserver notre patrie aux fins de la remettre intégralement aux mains des générations naissantes et futures. C'est d'ailleurs un gage de survie, de continuité et d'épanouissement pour toute société organisée. On s'était également fait à l'idée que la vie nationale collective ne serait pas facile ; tant de choix à faire, de défis à relever, de responsabilités à assumer. Mais on espérait voir germer dans le cœur de chaque citoyen haïtien un incoercible sentiment de profond amour pour leur pays, une exigence, voire une obligation de le chérir et de le protéger. J'entends déjà vos commentaires; oui, mais l'amour des Haïtiens pour leur pays est connu de tous. C'est tout à fait vrai. Les musiciens l'ont chanté et les poètes l'ont immortalisé. C'est encore juste. Toutefois cet amour qu'ont les Haïtiens pour cette terre qui les a vus naître, est-il un amour vrai caractérisé par un patriotisme authentique? Un patriotisme authentique qui exprime notre civisme et notre participation citoyenne, et surtout qui fait appel à notre capacité de servir notre pays sans rien attendre en retour sinon que la fierté citoyenne d'avoir contribué au bonheur de notre nation, car il n'y a pas de plus grande expression de patriotisme que de se mettre au service de son pays et que chaque personne qui détienne une responsabilité dans notre société se souvienne qu'elle est, avant tout, au service des autres. Notre insouciance a entrainé le pays dans des conflits de valeurs, des changements culturels troublants avec comme conséquence une radicale remise en question de nos traditions historiques, une déliquescence de l'État qui plonge le pays dans une gouvernance malsaine, dans une déchéance des valeurs ancestrales qui caractérisent depuis toujours notre société. Le peuple haïtien assiste médusé et impuissant, depuis environ trois décennies, à une dégradation accélérée de ses modes de vie et à un effritement prononcé de cette liberté fécondée et née du sacrifice surhumain des esclaves, nos pères et nos mères. Nous sommes à un point de non-retour. Notre terre natale est malade et menacée. Comme citoyens et citoyennes, comment nous situer, où donc devons-nous nous positionner par rapport à tout cela ? Comment orienter notre réflexion pour affronter les défis du XXIe siècle ? Une chose est certaine, si nous voulons réellement donner à notre pays un regain d'énergies citoyennes, ranimer la fierté patriotique commune, retrouver cette liberté reçue en héritage et transformer cette ère difficile en une ère agréable, nous devons nous y investir immédiatement et massivement dans ce qui constitue la raison existentielle de notre patrie : défendre et protéger la dignité de l'homme haïtien ; une dignité dont la valeur est inaliénable et universelle. Le philosophe Kant ne nous a t'il pas enseigné que la dignité de l'être humain est sacrée ? Il y a des pratiques à abandonner, à éradiquer : les ambiguïtés dans nos choix politiques, la course effrénée vers l'argent et le pouvoir, l'iniquité de notre système judiciaire, l'agriculture de subsistance imposée à nos paysans, l'extrême concentration de la richesse dans des mains pas trop nationalistes, la centralisation à outrance de la bureaucratie publique. Il y a aussi des choses à cultiver et à faire grandir irrémédiablement : la souveraineté nationale, la stabilité politique, le dialogue national permanent et continu ainsi que l'émergence d'une économie durable et endogène. En ce sens, Haïti se situe exactement au point de rencontre de ces deux références au temps : célébrer son histoire pour réveiller son esprit de grandeur et définir ses priorités d'avenir pour gagner la bataille du XXIe siècle. Pour cela, il nous faut rénover notre présent dévasté par nos inconséquences pour le rendre apte à regarder l'avenir avec sérénité, reprendre l'itinéraire authentique tracé par les pères de la patrie et arrimer notre quotidien à la promotion d'une société égalitaire et respectueuse de leurs rêves. Ainsi nous aurons réveillé dans la conscience nationale les idéaux de grandeur endormis depuis trop longtemps et trop profondément dans notre mémoire collective. ... ne dit-on pas que les peuples matures regardent toujours leur passé avec honnêteté, respect et inspiration...? Alors, à défaut de pouvoir changer le passé, inspirons-nous-en et engageons-nous ensemble à construire le futur. Ce chantier collectif fait appel à toutes les strates sociales haïtiennes. Des politiciens, qui doivent définir les normes d'une réelle démocratie, pas n'importe laquelle, une démocratie qui fera enfin décoller cette refonte de notre système politique initiée au tournant des années quatre-vingt et qui est porteuse de grands espoirs pour la nation, aux acteurs de la finance, qui doivent également revisiter notre système économique, revoir tout son mode de fonctionnement ; et cette fois, pas de demi-mesure pour satisfaire quelques ambitions personnelles: nous devons prendre à bras-le-corps l'élaboration d'une nouvelle architecture économique destinée à doter le pays d'une classe moyenne nombreuse, entreprenante et instruite. Les universitaires doivent y participer, y contribuer, eux aussi, en transmettant à nos jeunes une formation solide et authentique, car une démocratie forte et une économie saine requièrent la contribution de citoyens instruits. Et quant aux jeunes, porteurs de grandes valeurs pour l'avenir de notre pays, ils doivent avoir l'audace d'un Toussaint et la détermination d'un Capois pour pouvoir résister à l'appât de la facilité financière que leur offre la déchéance sociale. Qu'ils sachent aussi que l'ascension du pays vers la rédemption se trouve entre leurs mains. Naturellement, la gent masculine doit comprendre et admettre que tout cela ne se fera pas sans la participation sensible des femmes haïtiennes. Elles sont incontournables, "non-indexables" car c'est par elles que la prospérité économique arrivera puisqu'elles ont toujours été et sont encore les poumons de notre pays. Je vous en conjure, mesdames, soyez des femmes d'action et de cœur, des femmes d'acharnement et de persévérance afin d'imprégner la pensée économique nationale d'une nouvelle sensibilité sociale et surtout d'infuser un peu de sagesse et d'équilibre à la politique haïtienne longtemps désertée par le sens de la répartie. Est-ce utopique de croire encore en un rêve commun, en un idéal commun, en une nation commune? Est-ce farfelu de croire qu'Haïti puisse être à la fois un pays fier de son passé, satisfait de son présent et confiant dans son avenir? Non, le miracle est encore possible si, animés d'un patriotisme sincère, mais austère, d'un dévouement civique et sans limites, nous acceptons d'y consentir les sacrifices politiques adéquats, nous acceptons d'y déployer les efforts sociaux requis, nous acceptons d'y dépenser les énergies citoyennes nécessaires au lieu de nous accrocher à nos convictions obscurantistes, jusqu'au-boutistes et rétrogrades ou mieux à la peur d'être dépassés par un futur incertain. Nous avons le devoir de transformer le pays, l'obligation d'achever notre indépendance et pour que cela soit possible, il nous faut nous tenir les uns à côté des autres formant une véritable nation unanime, tricotée à mailles serrées. Nous devons panser nos "blessures sociopolitiques" et retisser nos fragiles liens sociaux, nous libérer de nos peurs et vaincre chacune des résistances des uns et des autres afin de rétablir le juste équilibre et une connexion féconde entre les diverses couches sociales, politiques et économiques de la nation haïtienne, avoir un comportement patriotique, un respect toujours plus grand de l'autre. Nous devons nous donner les moyens de nos ambitions et ses moyens sont entre autres : un nouveau rapport d'équilibre entre les hommes et les femmes, des leaders forts et engagés au côté du peuple, une démocratie citoyenne vigoureuse et authentique. C'est alors et alors seulement que le rêve d'une Haïti plus humaine et plus juste totalement libérée de l'exploitation économique, de la dictature politique, de l'exclusion sociale, des querelles intestines, trouvera écho en nos âmes et consciences et conséquemment, non seulement, on ravira à la communauté internationale tout espoir de nous réoccuper, mais, encore et surtout, on confirmera au monde entier que notre indépendance n'a pas été un accident de l'histoire. Que la célébration de ce 1er janvier 2013 réveille notre conscience citoyenne pour trouver réponse à la question suivante : que voulons-nous faire de notre pays ? C'est de notre conscience citoyenne que jaillira en effet la réponse. Il n'y a ni de bonnes, ni de mauvaises réponses, mais seulement des gestes patriotiques dynamiques et des actions citoyennes hardies et ambitieuses à la hauteur de nos talents et de nos compétences. Que les dieux tutélaires de la nation nous guident et nous protègent! Pratt Vernio Memnon