samedi 29 mars 2008

IRAQ, CINQ ANS APRES: LES RAISONS D'UNE GUERRE

Irak, cinq ans après : Les raisons d’une guerre

vendredi 28 mars 2008

Par Alain Saint Victor

Soumis à AlterPresse le 27 mars 2008

Pour justifier la guerre en Irak, l’administration Bush est passée par différentes élucubrations : la raison principale en était au départ l’élimination des armes de destruction massive afin d’empêcher l’Irak de briser « l’équilibre » dans la région et devenir ainsi une menace. Lorsqu’il paraissait évident que ces fameuses armes étaient fictives, d’autres prétextes pour justifier la continuation de la guerre et l’occupation du pays s’avéraient nécessaires. On faisait appel à la propagande de base, celle qui, depuis le début du XXe siècle, sert de justifications aux différentes interventions américaines : la promotion de la démocratie. Puisque l’Irak, par faute d’armes, ne pouvait constituer une menace pour ses voisins, il fallait alors libérer le peuple irakien du joug de Saddam Hussein. Pour l’administration Bush, cette perception de la mission de l’armée américaine en Irak devait être claire, et qu’il fallait, pour la consommation locale, que cette vision de la guerre ne soit pas remise en question.

Pendant les trois premières années, les grand médias et même la majorité des membres du Sénat et du Congrès américains s’y conformèrent et décidèrent de soutenir le président (les voix dissidentes se faisaient de plus en plus rares dans le contexte de l’après 11 septembre), ceci, ne l’oublions pas, malgré le fait que l’ONU émit des réserves et n’autorisa pas « officiellement » l’invasion du pays.

Or, face au désastre de la guerre, les raisons mises en avant pour la justifier devenaient de moins en moins efficaces, et il a fallu répéter des centaines de fois en différentes occasions les raisons pour lesquelles cette guerre fut nécessaire.

Une étude publiée par « The Center for Public Integrity [1] » fait état de « 232 fausses déclarations (de la part de Bush) concernant les armes de destruction massive, 28 autres fausses déclarations sur la question du lien existant entre l’Irak et Al Qaeda. Le secrétaire d’État, Colin Powell fit 244 fausses déclarations relatives aux armes de destruction massive et 10 à propos du lien entre l’Irak et Al Qaeda. Rumsfield et Fleischer ont chacun fait 109 fausses déclarations, suivis par Wolfowitz (avec 85), Rice (avec 56), Cheney (avec 48), and McClellan (avec14) ». N’est-ce pas faire sien le principe du brillant ministre de la propagande d’Hitler, Joseph Goebbels (1897-1945), principe selon lequel on pouvait faire croire au peuple, en utilisant une propagande efficace et répétitive, les mensonges les plus invraisemblables. Et, comme de fait, l’effet cumulatif de ces fausses déclarations était massif, souligne l’organisme, et « avec le concours des médias, on créait un vacarme continu durant les premiers mois de la guerre… », vacarme conçu pour rendre toute critique inacceptable, ou du moins risquée. Certains journalistes vont être forcés de démissionner pour avoir remis en question les prétextes pour justifier la guerre, ou encore pour en avoir critiqué le déroulement. Durant les deux premières années de l’occupation, les grands médias s’organisèrent de telle façon, qu’ils étaient devenus, comme le souhaitait Goebbels, « un piano sur lequel puisse jouer le gouvernement. »

Mais si au début il était plutôt facile à une partie de la grande presse [2] de soutenir la politique belliciste de l’administration Bush, depuis au moins trois ans, la guerre a pris une telle tournure que continuer à épauler le président américain aurait été une erreur : on compte maintenant plus de quatre mille soldats américains tués, plus de trente mille blessés, dont treize mille gravement. Du côté irakien, on dénombrerait entre 90 000 et un million de morts. Durant seulement la semaine du 9 au 16 mars, 247 civils ont trouvé la mort, parmi lesquels plusieurs enfants [3].

Du point de vu économique, on commence à peine à mesurer les conséquences de cette guerre. Selon certaines estimations, elle aurait coûté plus de cinq cent milliards de dollars à l’économie américaine, mais pour le prix Nobel de l’économie Joseph Stiglitz, ces calculs sont au bas mot de ce que représente la réalité. Dans un article publié sur le site du Times [4], il estime le coût de la guerre à trois mille milliards de dollars. « Le coût des opérations directes de la guerre, explique Stiglitz, - non incluant ceux à long terme comme les soins médicaux des vétérans – a déjà excédé le coût de la guerre de 12 ans du Vietnam et représente plus du double du coût de la guerre de Corée. » La seule guerre dans l’histoire américaine, remarque l’économiste, dont les coûts dépassent ceux de la guerre d’Irak est la deuxième guerre mondiale. Et même cette assertion est vraie que si l’on considère ces coûts en terme absolu ; si l’on compare le coût par soldat, la guerre d’Irak dépasse de loin celle de la deuxième guerre ($400 000 contre 100 000).

À ce rythme, il n’est pas étonnant que l’invasion d’Irak occupe une place importante dans les élections américaines actuelles. Bien entendu, les débats se font autour de décisions portant sur des stratégies, de moyens logistiques et d’intelligences. Historiquement, les invasions américaines sont toujours justifiées essentiellement sur le plan de l’idéologie de la liberté, plus particulièrement de la défense de la liberté à travers le monde ; et cela même si plusieurs officiels de différentes administrations justifient les guerres en prenant pour base « les intérêts américains » dans le monde.

La guerre en Irak a certes une raison économique, mais celle-ci ne réduit pas simplement à la question de l’expropriation du pétrole irakien - la presse traditionnelle y fait allusion pour ridiculiser ceux qui prétendent que l’objectif de l’invasion serait l’accaparement des ressources pétrolifères irakiennes. Les États-Unis ont eu toujours suffisamment accès au pétrole du moyen orient pour que cela ne justifie une guerre, particulièrement une guerre aussi importante que celle d’aujourd’hui en Irak. L’objectif principal, comme l’explique le linguiste, politologue et philosophe Noam Chomsky, « ce n’est pas d’accéder mais de contrôler [5] » la réserve de pétrole d’Irak, qui constitue la deuxième réserve en importance au monde. « Le contrôle de ces ressources, remarque Chomsky, donnerait aux Etats-Unis un avantage économique et stratégique par rapport aux pays industrialisés rivaux… ».

Mais de façon générale, l’invasion de l’Irak n’est-elle pas surtout symptomatique d’une crise profonde du système néolibéral, comme le pense le géographe britannique David Harvey ? Depuis les années 1970, la priorité accordée au capitalisme financier a permis aux Etats-Unis d’exercer son hégémonie sur l’économie mondiale, en assurant, particulièrement avec l’aide d’institutions comme le FMI et la banque mondiale, une nouvelle forme d’accumulation que Harvey appelle « accumulation par dépossession [6] ».

Ce système qui permet la reproduction du capital au moyen de sa mondialisation commence à s’essouffler, et dans le cas où l’hégémonie économique américaine est véritablement remise en question - surtout par les économies asiatiques qui occupent une place de plus en plus importante dans l’économie mondiale - la guerre pourrait devenir inévitable, car, comme l’explique Harvey, il est difficile d’imaginer que les classes dominantes états-uniennes puissent opter pour l’investissement social, qui permettrait à long terme de résorber la crise. Mais pour combien de temps encore l’option militaire peut-elle perdurer ?

[1] Voir : www.publicintegrity.org
[2] Une bonne partie de la presse de droite et surtout celle d’extrême droite soutient jusqu’à présent la politique de guerre de Bush.
[3] Voir le site : www.irakbodycount.org
[4] The three trillion dollar war by Joseph Stiglitz and Linda Bilmes dans www.timesonline.co.uk
[5] Pourquoi les Etats-Unis ont-ils envahi l’Irak, Noam Chomsky, Znet, 27 décembre 2006
[6] Harvey, David ; The New Imperialism, Oxford, 2005

jeudi 27 mars 2008

LE FAUX PROCES DE BOULOS

Le faux procès de Boulos

Jean Erich René
erich@mondenet.com

22 mars 08
Le débat orageux qui se déroule au sujet de la double nationalité sur la toile, au Parlement et qui fait les frais de presque toutes les conversations nous inquiète. A travers le profil du Sénateur Rudolph Boulos se détache l'image d'un nombre imposant d'Haïtiens et d'Haïtiennes qui se trouvent dans une situation similaire tant dans la diaspora que parmi les parlementaires et les membres de l'Exécutif haïtien. Le dixième Département se sent menacé. Nous alertons l'opinion publique nationale sur l'importance de la problématique de la double nationalité qui par sa complexité et son étendue peut prendre la dimension d'un drame fatal pour l'avenir de la société haïtienne.
Nous ne voulons pas contester les articles de la Constitution par rapport à la double nationalité, ce serait nous contredire! Nous ne sommes l'avocat de personne. Cependant nous nous constituons comme parti civil en demandant à nos donneurs de leçons de faire preuve d'éthique en plaçant la double nationalité dans son contexte légal et social. Les moralistes peuvent trouver mineuses les raisons qui portent certains de nos compatriotes à avoir une autre nationalité sans pour autant renoncer à leur statut légal d'Haïtiens et d'Haïtiennes mais l'évidence saute aux yeux. Il est totalement incohérent de reprocher à certains enfants nés à l'Étranger de ne pas jouir de la Nationalité haïtienne. Ils n'ont pas choisi la Nationalité du pays ou ils sont nés. Ils l'ont acquise naturellement ' juris solis, comme le Sénateur Rudolph Boulos, en fonction de la législation de certains pays comme les USA, le Canada et la France etc. Les tribunes les plus suspectes ont capté la balle au bond pour en faire une opération marketing autour de leurs propres chapelles. Des arguments spécieux sont invoqués sans tenir compte de leurs impacts négatifs .
L'actualité de ce combat sollicite la force de la littérature pour éplucher le dossier et faire une mise au point judicieuse et objective. L'aspect le plus accablant c'est le silence total de nos Hommes politiques. Le Sénateur Boulos n'ira pas seul au tribunal. Il est membre d'un Parti Politique qui l'a choisi pour être son représentant dans le Nord-est. Il avait fait le dépôt légal de sa candidature devant le Conseil Électoral Provisoire. S'il est coupable d'un crime quelconque, selon le code pénal: auteurs, co-auteurs et complices doivent connaître le même sort. Il en est de même pour son compagnon d'infortune Ultimo Compère.
Pour être candidat au sénat, le citoyen doit présenter son certificat de naissance délivré par les services compétents. Alors comment Boulos a-t-il pu avoir un tel document en sa possession sans soulever aucun soupçon. L'affaire Boulos traduit la situation de corruption du système judiciaire et du manque d'honnêteté des Chefs de nos Partis Politiques. Comment Victor Benoît a-t-il pu recruter l'intéressé? En une telle occurrence les Chefs de la Fusion et de l'Espoir, nous voulons citer Victor Benoît et René Préval et/ou les membres des directoires de ces deux Partis doivent se présenter devant le Juge d'Instruction de Première Instance pour répondre de leur forfait pour avoir intégré des étrangers dans les affaires politiques haïtiennes. Nul n'est au-dessus de la loi.
Le Conseil Électoral Provisoire ou CEP a pour mission de dresser un filtre pour trier les pièces déposées par les Candidats. La Nationalité doit figurer dans les premières lignes de la déclinaison des nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance et état civil. De toutes les façons dans les préliminaires de l'enquête sur l'identité d'un candidat on ne peut pas rater sa nationalité. Comment le CEP n'a-t-il pas pu relever la nationalité étrangère de Rudolph Boulos et Ultimo Compère. Ont-ils fraudé? Si oui comment la Commission sénatoriale d'enquête sur la double nationalité par un coup de fil au Service de l'Immigration d'Haïti a-t-elle pu obtenir avec célérité des informations abondantes sur le type de passeport qui trahit l'appartenance étrangère des accusés. Le CEP dispose aussi des mêmes moyens pour s'enquérir sur les candidats. De deux choses l'une ou bien le formulaire d'enquête est mal bâti ou encore les membres du CEP sont de mèche avec les candidats. Dans ce cas ils doivent répondre de leur crime pour complicité. La loi est une pour tous. S'il n'y a pas deux poids et deux mesures, la même balance qui a pesé Rudolph Boulos et Ultimo Compère et qui les a jugé coupables, doit jauger également d'autres membres du Parlement dont 30 d'entre eux se trouvent dans la même situation que nos deux premières victimes c'est-à-dire ont une nationalité étrangère. Le député de Pétion-Ville, beau-frère de René Préval n'est-il pas américain? Et le Président ne serait pas sans le savoir! Le Secrétaire Général d'un Parti Socialiste en lutte ne serait-il pas belge. Certains Ministres et même la Garde des Sceaux n'ont-ils pas une autre nationalité. Que celui, qui dans le Gouvernement de Préval n'a pas une autre nationalité, jette la première pierre à Rudolph Boulos. Si l'enquête se poursuit à peine les plus justes seront sauvés et on sera forcé de décréter les élections générales avant 2011.
Si on fait une analyse cas par cas des dossiers de Boulos et de Compère les espèces ne sont pas du tout les mêmes. Au prime abord nous vous assurons que Rudolph Boulos n'a fait aucune faute mais il a seulement commis une erreur. Il croit pouvoir affronter les vagues hostiles qui l'assaillent, .puisqu'il est muni d'un bouclier légal. Et l'épreuve des coups bas! Mettons de coté les bas instincts qui animent la discussion autour de la double nationalité donnant lieu à certains acrobates de la pensée délétère l'opportunité de cracher leurs haines et leurs frustrations. Au nom de la vérité, faisons une approche objective et rigoureuse du dossier de Boulos qui ne fait nullement partie du cercle de nos amis. Et Dieu nous met matériellement à l'abri de certaines bassesses. Nous déclarons publiquement que le sénateur du Nord-est répond sur toutes les coutures aux exigences de l'article 11 de la Constitution de 1987 qui stipule :

ARTICLE 11: "Possède la Nationalité Haïtienne d'origine, tout individu né d'un père haïtien ou d'une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés Haïtiens et n'avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance". Où est la faute? L'erreur de Boulos vient du fait que dès l'éclatement de cette affaire il n'a pas dévoilé sa nationalité américaine. Là encore il ne l'a pas choisie. Il est né aux États-unis, juis solis il est citoyen américain. Pour condamner quelqu'un pour un crime il faut un jugement et une procédure qui s'appuie sur la loi. Ce cas d'espèce n'est pas prévu par le législateur. Maintenant c'est une pratique courante pour les familles haïtiennes d'accoucher aux USA. Le président Préval ne se fait-il pas soigner à l'étranger ordinairement? L'argument qui veut que Boulos ait renoncé à sa nationalité est mensonger. Cependant Boulos est à la fois américain et haïtien. Il a deux nationalités différentes donc deux passeports distincts. De ce fait il butte contre l'article 15 de la Constitution de 1987 qui précise:

ARTICLE 15: La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas. Le cas de Ultimo Compère est différent parce qu'il s'est naturalisé américain. Il tombe sous le coup de l'article 13a de la Constitution de 1987:

ARTICLE 13: La Nationalité haïtienne se perd par : a) La Naturalisation acquise en Pays étranger; Le sénateur Compère doit affronter prochainement la Justice américaine parce qu'il a violé le serment solennel qu'il a prononcé lors de son intronisation.

Voici la version française :
J'affirme par la présente, sous serment, que Je renonce et abjure absolument et entièrement toute allégeance et fidélité à n'importe quel prince étranger, potentat, état, ou souveraineté dont j'ai été jusqu'ici un sujet ou un citoyen ; que je soutiendrai et défendrai la constitution et les lois des Etats-Unis d'Amérique contre tous les ennemis, étrangers et domestiques ; que je soutiendrai la foi et l'allégeance vraies à la même chose ; que je porterai les armes au nom des Etats-Unis quand c'est requis par la loi ; que j'assurerai le service de non-combattant dans les Forces Armées des Etats-Unis quand c'est requis par la loi ; que j'effectuerai le travail d'importance nationale sous la direction civile quand c'est requis par la loi ; et pour cela je prends cet engagement librement sans aucune arrière pensée ou intention d'évasion ; que Dieu m'aide.

Des deux cotés le mal va mal finir pour le sénateur de l'Espoir Ultimo Compère .En dépit de tout, le Sénat a outrepassé ses droits et n'a aucun pouvoir pour chasser un membre du Parlement avant qu'il ne soit entendu par un Tribunal de droit commun selon les articles : 112.1 et 113 de la Constitution de 1987
ARTICLE 112.1: Chaque Chambre peut appliquer à ses membres pour conduite répréhensible, par décision prise à la majorité des 2/3, des peines disciplinaires sauf, celle de la radiation.

ARTICLE 113: Sera déchu de sa qualité de député ou de sénateur, tout membre du Corps législatif qui, pendant la durée de son mandat, aura été frappé d'une condamnation prononcée par un tribunal de droit commun qui a acquis autorité de chose jugée et entraîne l'inéligibilité .

Les Sénateur Rudolph Boulos et Ultimo Compère ont t-il été entendus et condamnés par un Tribunal de Droit commun? De quel Chef le Sénat exige leur démission ? Dans le traitement de ces dossiers, la haine et la colère se mélangent de façon détonante. L'incohérence de la Commission sénatoriale d'enquête sur la double nationalité vient de pressions politiques dirigées. La performance du Sénateur Boulos auprès de ses mandants du Nord-est et son aura a Cité Soleil font des jaloux. Ses aventures galantes avec la Reine ne sont pas à exclure! « Partager sa moitié, est-ce que cela comporte. Je suis presque obligé de les mettre à la porte. » (Le Cocu, Paroles et Musique de Georges Brassens). En effet, les arguments spécieux soulevés pour mettre le Sénateur Boulos à la porte relèvent d'un faux procès. Dans un État de droit c'est la loi qui prime. Singulier petit pays! Ceux qui font les lois les ignorent. L'histoire dira le reste.

HAITI-ELECTIONS SENATORIALES 2008...

Haïti-Élections Sénatoriales 2008 : Retard circonstanciel du processus ou répit démocratique planifié ?
jeudi 27 mars 2008

Débat

Par Gary Olius

Soumis à AlterPresse le 26 mars 2008

Les élections présidentielles qui ont vu le retour de M. René Préval au pouvoir ont fait jubiler la communauté internationale. Pour elle le pari de la démocratisation du pays était en grande partie gagné - du moins dans sa première manche - étant donné la marrée humaine qui s’était déferlée dans les bureaux de vote. Avec un triomphalisme à peine contenu, l’OEA [1] et les responsables onusiens se sont attribués un satisfecit et ont considéré que lesdites élections n’avaient pas de pareilles en Amérique Latine. Deux ans après, que reste-t-il de cette euphorie manifestée à hue et à dia ? L’échéance constitutionnelle fixée pour le renouvellement du tiers du Sénat s’épuise dangereusement et ceux là qui ont sauté au plafond en février 2006 donnent aujourd’hui leur langue au chat.

Pourtant ces élections sénatoriales devraient confirmer la progression, s’il en est, du processus de démocratisation d’Haïti. Il y a cette velléité de confirmation de ces acteurs en quête de prouesses pouvant garnir leur rapport de mission, mais il y a aussi la réaction quasi prévisible d’un électorat désenchanté et qui s’est rendu compte que dans cette démocratisation sur mesure, il ne constitue que le dindon de la farce. Les faits sont là pour prouver qu’il n’attend que le moment opportun pour rendre à tous les décideurs la monnaie de leur pièce.

Etant donné cette réalité, la prudence est de rigueur. Des élections sénatoriales avec moins de 10% de participation constitueraient un vrai camouflet tant pour le gouvernement que pour la communauté internationale. Le risque étant le même pour tous, l’obligation de solidarité s’impose d’emblée comme abri commun. Et sur cette base, on en vint à établir un pacte de fait : le gouvernement fait ce qu’il peut pour sauver les meubles et la communauté internationale s’engage à rester muette sur la question ou à lancer sournoisement des signaux d’approbation sur les mesures entreprises. Du reste, tous savent que cette façon de faire a ses limites et que le temps qui passe est toujours prêt à les mettre à nu. Avec ou sans le ferme appui des puissances internationales l’exécutif ne pourra pas sans fin s’amuser à brûler les échéances constitutionnelles sans s’exposer à la risée des observateurs avertis.

La volonté d’organiser des élections en temps et lieux est là, et personne n’est logiquement autorisé à prêter aux dirigeants et aux bailleurs de fonds de mauvaises intentions. Et on peut dire mieux, ils veulent des élections avec une participation massive de l’électorat. Mais comment y parvenir, quand on sait qu’en cette matière les espoirs déçus, l’insécurité, la morosité économique et la faim sont mauvais conseillers ? Voilà la grande question…. Le gouvernement, qui n’avait pas le choix de sa politique macroéconomique, a réussi à faire tant bien que mal ce qui lui a été demandé : les indicateurs – jadis au rouge – sont revenus au vert. Cependant politiquement, cela a un effet dévastateur, car le peuple ne vit pas d’indicateurs, mais de résultats immédiatement traduisibles au quotidien dans les assiettes. Bref, le constat navrant c’est que les gens votent massivement et les assiettes restent désespérément vides. Leur demander de retourner aux urnes avec la même ferveur, c’est un peu comme leur suggérer d’appuyer la poursuite d’une politique dans laquelle ils ne sont pas sûrs d’avoir quelque chose à gagner dans l’immédiat. Or, un peuple affamé ne vit que de l’immédiateté. Ce n’est pas du populisme déguisé, la politique en contexte de pauvreté massive est ainsi faite. Qui sait pour combien de temps le peuple pourra encore continuer à vivre avec le sentiment – justifié ou pas – de perdre le beurre et l’argent du beurre !

La grande erreur commise, donc, est que le gouvernement et la communauté internationale ne se sont pas mis d’accord sur une politique d’accompagnement, pouvant servir de choc-absorber aux grandes décisions prises au niveau macro-économique. On se fout le droit dans l’œil en pensant pouvoir résoudre les problèmes urgents du peuple toujours en ayant recours au DSNCRP [2]. Les résultats de cet outil sont étalés sur le moyen et le long terme ; et cela dit, il ne saurait constituer par exemple une réponse aux problèmes de la cherté des produits de première nécessité. Adresser avec dextérité des besoins aussi urgents du peuple n’est en rien une tentation au populisme, mais une preuve de clairvoyance politique, car la misère non prise en charge fait perdre aux individus leur estime de soi et, à terme, peut mettre en péril leur citoyenne réelle. C’est justement ce que traduisent les abstentions massives lors des élections, lesquelles ne constituent qu’un déni de citoyenneté.

Le gouvernement semble ne pas être en mesure de concevoir des programmes d’accompagnement aux politiques de stabilisation macroéconomique et la communauté internationale persiste à se voiler la face en minimisant les risques liés à l’absence pure et simple de ces programmes. Pour l’un il y a la peur d’être perçu comme populiste et pour l’autre le désir de prioriser à tout prix les interventions à impacts durables et de long terme. Dans les deux cas, il y a fondamentalement un problème de responsabilité. Et finalement, dans ce contexte électoral tous se sont rendus compte qu’on travaille mieux au profit de la démocratie en appliquant des politiques qui aident les électeurs à garder leur dignité, à être conscients de leur responsabilité citoyenne et ne pas être obligés de troquer leur voix pour un repas ou pour quelques gourdes. Il n’y a pas meilleur antidote contre le populisme…

Actuellement les décideurs craignent une abstention massive de l’électorat. Comme pour augmenter leur désarroi, les cris de détresse des uns et des autres montrent que cette éventualité est ce qu’il y a de plus probable. Pour inverser la tendance, il est impérieux de faire quelque chose, ne serait-ce que pour montrer que la démocratisation voulue est encore possible et que le gouvernement copieusement voté est à la hauteur du crédit qui lui a été attribué, il y a deux ans. L’enjeu est de taille tant pour l’un que pour l’autre.

On a besoin de temps pour faire quelque chose à impacts visibles, dès lors que sans cela tous les décideurs perdront ce qui leur reste de crédibilité. On tergiverse et les échéances critiques s’épuisent les unes après les autres. Les élections sénatoriales doivent attendre… Mais on ne sait toujours pas pour combien de temps. Pour cela, le gouvernement doit avoir sous ses pieds les pédales d’accélération et de freinage, sinon il risque d’être pris au dépourvu. C’est d’ailleurs dans cette logique là qu’il faut inscrire la démission provoquée du technocrate convaincu, Jacques Bernard. D’aucuns ont mal interprété sa décision, mais il savait très bien ce qu’il encourait s’il acceptait que le contrôle administratif et opérationnel de l’institution électorale lui soit retiré. Il a effectué la bonne lecture de la conjoncture, il a bien évalué le degré d’influence et la velléité des acteurs clés et a rendu à temps le tablier ; imbu qu’il était qu’un technocrate sans pouvoir de décision substantiel est un lion dépourvu de griffes et de dents, donc condamné à l’inefficacité. Or, il était hors de question que Jacques Bernard mette en péril l’image de technicien hautement compétent que plus d’un gardent de lui après les dernières élections.

En fait, il est tout aussi vrai que son départ a fait l’affaire des décideurs qui avaient besoin de temps. Il est parti, on a pris du temps pour nommer son successeur et il faut du temps pour que ce dernier se familiarise avec la machine électorale et évalue ce qu’on lui attribue comme pouvoir. Il faut du temps pour finaliser dans une approche participative le projet de loi électorale et il y a là-dedans des propositions-prétextes, osées, audacieuses et exploitables pour faire perdurer les débats aussi longtemps que l’on veut. Quand on pense à l’idée de faire passer le nombre de Députés de 99 à plus de 140 en feignant d’ignorer le poids de cette proposition sur le budget du trésor public, il faut penser qu’il y a là de quoi occuper les législateurs, les politiques, les aspirants députés ou même les bailleurs de fonds pendant un bon bout de temps. Entre-temps, le gouvernement prend son temps pour trouver la bonne inspiration apte à l’aider à concevoir un ensemble d’interventions à effets rapides et visibles susceptibles de l’aider à se refaire une santé politique à trouver le point d’appui nécessaire pour arriver à re-mobiliser l’électorat. Ceux qui parlent de retard dans la mise en œuvre du processus électoral n’ont pas tout à fait raison et eux-mêmes verront sous peu qu’il ne s’agit que d’un répit démocratique pour contourner un danger dont les conséquences seraient dévastatrices tant pour les décideurs que pour la démocratie haïtienne elle-même. Cela dit, croisons les doigts pour que l’on ne soit pas obligé de laisser du temps au temps…
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Contact : golius@excite.com
[1] Organisation des États Américains
[2] Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté

mardi 25 mars 2008

HAITI: CRI D'INDIGNATION DE L' ANDAH...

Haiti : Cri d’indignation de l’ANDAH suite à « l’odieuse exécution » de l’agronome Jean-Mari Romain

lundi 24 mars 2008

Communiqué de l’Association Nationale des Agroprofessionnels Haitiens (ANDAH)

Soumis à AlterPresse le 22 mars 2008

Dans la nuit du vendredi 14 mars 2008, l’agronome Jean-Mari ROMAIN a été victime d’un attentat criminel sur la route de Laboule/Kenscoff.
Le monstre qui lui a logé, avec beaucoup d’expertise, une balle fatale au cou, a mis fin aux jours de ce jeune et dynamique cadre plein de rêves pour son pays et pour les producteurs paysans qu’il s’efforçait d’accompagner au mieux de ses capacités et dans des conditions très difficiles.
En quelques secondes, le briseur de rêves qui a appuyé sur la gâchette, a anéanti des dizaines d’années d’études et de sacrifices.
Ses études classiques achevées, Jean-Mari ROMAIN, né à Cayes-Jacmel le 20 août 1964, entame des études en sciences économiques (en 1989) puis part pour Cuba en 1991 pour étudier l’agronomie à l’Université Centrale de Santa Clara (UCLV).
En 1997, Jean Mari Romain obtient son diplôme d’ingénieur-agronome mais, pour accroître ses compétences agronomiques, il décide de poursuivre ses études en République Dominicaine puis en Belgique ou il obtient une spécialisation en gestion environnementale.
De retour en Haïti, il s’attache humblement à accompagner les producteurs paysans au niveau de divers projets d’appui à l’Agriculture (entre autres à La Gonâve) tout en dispensant des cours à l’Université Quisqueya.
Dès 1999, sentant la nécessité de fréquenter un espace d’échanges/analyse sur la complexe réalité agricole et environnementale haïtienne, l’agronome Jean Mari Romain s’inscrit à l’ANDAH.
Jean-Mari Romain, jusqu’à son odieuse exécution, occupait le poste de Directeur Départemental du Sud-Est au Ministère de l’Environnement et avait la responsabilité de gérer le Parc National La Visite.
La machine infernale qui a déjà dévorée des milliers et des milliers de citoyens et de citoyennes d’Haïti vient de frapper à nouveau l’ANDAH. Rappelons que nous avons perdu en décembre 2003 (à la veille de Noël), l’un de nos membres fondateurs suite à un assassinat crapuleux. L’agronome Rodini CONTE, âgé de plus de quatre vingt années, avait été retrouvé mort, gisant dans une grande flaque de sang.
Les membres de l’ANDAH horrifiés, croyaient alors avoir touché le fonds de l’abîme. Quatre années plus tard, nous voici à nouveau victimes de ces vampires, de ces chacals assoiffés de sang.
Hormis les membres de l’ANDAH, divers autres agro-professionnels ont été victimes de la spirale mortifère Insécurité-Impunité qui, depuis de nombreuses années, broie notre Société. A titre d’exemple citons bien sur le cas le plus connu : celui de l’agronome –journaliste Jean L. DOMINIQUE. Mais il y a tant d’autres cas tel : l’agronome Donald DANIEL assassiné le 13 août 2004 au Puilboro sous les regards de son fils alors âgé de moins de 2 ans.
Beaucoup d’agro-professionnels, durement frappés, de manière directe ou indirecte, par la mortifère machine sous référence, ont préféré garder le silence et souffrir seuls dans leur for intérieur. C’est certainement le cas, par exemple, de l’agronome Dunel DANIEL et de son épouse qui ont dû supporter l’incommensurable souffrance causée par l’execution, en novembre 2005, de leur fille Jennie (assassinée sous les yeux de sa mère non loin de leur domicile). Jennie DANIEL était une étudiante finissante à la Faculté des Sciences de la Santé de l’UNDH.
Dans d’autres secteurs aussi, de jeunes cadres, plein de talents et désireux de contribuer à construire une Haïti Nouvelle, ont été fauchés. Citons à titre d’exemple le cas de l’ingénieur –architecte Nadine Hyppolite dans la trentaine, vraiment une promesse pour Haïti, lâchement assassinée à Pétion-ville le 24 avril 2007, en présence de ses 3 enfants.
L’ANDAH ne cite ici que quelques exemples car établir une liste exhaustive des victimes de cette infernale machine mortifère serait une tâche herculéenne et puis il y a aussi toutes ces victimes anonymes non répertoriées et dont forcément il est difficile de faire référence.
Au train où vont les choses, si des dispositions sécuritaires globales et appropriées se sont pas implémentées au plus tôt, doit-on conclure que tous les cadres honnêtes restant encore au pays, doivent le laisser afin de rechercher ailleurs une meilleure sécurité physique pour eux et leur famille ?
Et dire que les gouvernants actuels disent vouloir créer un climat favorable au retour de cadres techniques haïtiens de haut niveau qui ont du s’expatrier afin que ceux-ci puissent, grâce au savoir faire acquis à l’étranger, contribuer dans les limites de leurs compétences, à la reconstruction d’Haïti. Ces cadres expatriés peuvent ils vraiment, en dépit de la place qu’ils gardent dans leur cœur pour leur Patrie d’origine, venir ainsi se jeter dans la gueule des fauves lâchés aux quatre coins du territoire en toute liberté /complicité ?
En vérité, il faut stopper cette machine infernale qui produit quotidiennement son lot de cadavres et de deuil. N’est il pas maintenant révolu, le temps des multiples colloques et symposiums et/ou commissions sur :
• la Reforme du Système Judiciaire à implémenter , • « la Nouvelle Force Publique » à mettre en place , • le « désarmement » à effectuer, • le « veting » (nettoyage ?) au sein de la PNH soit disant en cours depuis plusieurs années ; le tout sous le « bienveillant » monitoring de la Communauté Internationale ?
Le temps pour la Nation Haïtienne de poser souverainement la problématique de la sécurité de nos citoyens et de nos citoyennes et de rechercher ensemble des solutions adaptées, donc viables, n’est-il pas enfin venu ? Pendant combien de temps encore allons nous, à cause de querelles de chapelles ou par irresponsabilité citoyenne et manque de vision, laisser à d’autres le soin de gérer à notre place la Sécurité globale du pays ? A noter que nous évoquons ici un concept de Sécurité globale : alimentaire, environnementale, socio-économique etc.
Comment devons nous, à l’ANDAH, marquer le départ forcé de l’agronome Jean-Mari ROMAIN, un défenseur/accompagnateur modèle du monde rural ?
Plusieurs jours après avoir appris l’exécution de l’agronome Jean-Mari Romain, nous n’avons pas vraiment retrouvé tous nos esprits à l’ANDAH, nous sommes encore abasourdis par cet assassinat crapuleux. Nous avons l’impression d’avoir reçu un grand coup de massue à la tête.
A chaque fois que nous songeons à l’exécution sommaire de ce jeune agro-professionnel qui avait tant désiré mettre ses compétences au service d’Haïti, en vérité, une grande douleur nous envahit.
En tout état de causes, il y a des gouvernants nationaux en place et de ce fait, le Comité Exécutif de l’ANDAH, sans vouloir formuler un vœu pieux, exige de ceux-ci que toute la lumière soit faite sur l’assassinat crapuleux de l’agronome Jean-Mari ROMAIN. Il est un devoir pour les responsables d’Etat en fonction (à divers niveaux) de prendre , pour une fois, des mesures concrètes afin que les auteurs intellectuels et matériels de l’exécution de Jean-Mari Romain soient identifiés, arrêtés, jugés, condamnés et ceci, sans complaisance aucune.
L’ANDAH fait appel à une large mobilisation citoyenne pour que prenne fin le règne de l’Impunité et de l’Insécurité généralisée. Trop d’enfants du pays ont déjà été sacrifiés.
Le Comité Exécutif de l’ANDAH présente ses condoléances émues à toute la famille du très regretté Jean-Mari Romain, particulièrement à son épouse et à ses 2 (deux) très jeunes enfants : Che-Alexis et Laura.
Travailler à la Relance effective de la Production Agricole Nationale et à la Protection/ Préservation de notre Environnement et ce, avec plus d’ardeur chaque jour, c’est une autre manière aussi pour nous tous, membres de l’ANDAH et citoyens / citoyennes honnêtes d’horizons divers, de rendre Justice à Ayiti qui, encore une fois s’est vu ravir un de ses enfants de lumière.
Le Comité Exécutif de l’ANDAH profite de l’occasion pour informer qu’il compte organiser, à une date qui sera annoncée ultérieurement, une journée d’hommage en l’honneur de l’agronome Jean-Mari Romain.

Port-au-Prince le 20 mars 2008

Pour le Comité Exécutif de l’ANDAH :
Phito BLEMUR : Responsable Affaires Internationales
Jacques ALIX : Responsable Affaires Financières
Joseph DELLIEN : Responsable à la Formation