samedi 19 janvier 2013

REPONSE DU GENERAL HENRI CHRISTOPHE AU GENERAL LECLERC

UNE PAGE DE L'HISTOIRE HAITIENNE - Écoutons la réponse que fit, en 1801, deux ans avant Vertières, le général Henri Christophe, commandant de la ville du Cap à Leclerc : « Si vous avez toute la force dont vous me menacez, je vous opposerai toute la résistance qui caractérise un général et, si le sort des armes vous est favorable, je ne vous livrerai la ville du Cap que lorsqu’elle sera réduite en cendres et, même sur la cendre, je vous combattrai encore ».

vendredi 18 janvier 2013

LA CRISE DUVALIERO-AMERICAINE

UNE PAGE DE L'HISTOIRE HAITIENNE - L’histoire récente, cependant, nous montre un Docteur François Duvalier, un dessalinien farouche, avide de pouvoir, mais aussi jaloux de son pouvoir, trop jaloux, fit tout, et allât jusqu’à l’extrême pour le défendre. Cependant, il n’hésitât pas à le perdre quand la fierté, l’intégrité, la souveraineté, la dignité, et l’auto-détermination nationales l’exigeaient. Devant l’insistance des Etats-Unis d’Amérique pour qu’il laissât le pouvoir le 15 mai 1963, alors qu’il surveillât d’un œil ouvert les mouvements de la 7e flotte américaine dans les eaux territoriales d’Haïti, il prononçât ces paroles célèbres le 22 mai 1963 : « Les eaux territoriales de la République d’Haïti, peut-on retenir de mémoire, ont été envahies par des monstres de ferraille qui attendent de déverser sur la terre de nos ancêtres leur cargaison de soldats, de mitrailles et de mort. Je le dis en vérité : si un seul soldat américain foule le sol sacré de la Patrie, je refais le geste de l’Empereur ». (Dr Rony Gilot, François Duvalier, le mal-aimé, page 298).

jeudi 17 janvier 2013

COMMENT LE JEUNE ETAT NEGRE IMPOSA UN DOUBLE ECHEC A LA DIPLOMATIE AMERICAINE

Extrait des Archives du "Le Monde Diplomatique" - Une page de l'histoire haïtienne - Comment le jeune État nègre imposa un double échec à la diplomatie américaine - Par Yves L. Auguste – Décembre 1959 Le 1er janvier 1804 un nouvel Etat prend place dans la communauté internationale : après des luttes épiques, dont les épisodes mouvementés et sanglants accélèrent l'épuisement de l'armée expéditionnaire de Rochambeau, Dessalines force la porte de l'histoire et proclame urbi et orbi l'indépendance d'Haïti. Privée d'une riche et florissante colonie, vaincue sur le terrain militaire, ne se consolant pas encore de cette défaite et en attendant de pouvoir relever le gant, la France transpose la lutte sur le terrain diplomatique et politique. Par tous les moyens que lui dicte sa science aiguisée des relations internationales, elle contrecarre les efforts du jeune Etat nègre pour se faire accepter dans la société œcuménique des nations, s'applique à lui mettre les bâtons dans les roues et tente, de toutes les façons, de l'isoler, si ce n'est de le réduire par l'asphyxie. Protestations tant à Washington — de la part du chargé d'affaires français — qu'à Paris — de la part de Talleyrand, qui dirige la politique extérieure — contre le commerce qui se poursuit entre les Etats-Unis et cette nouvelle entité. Irritation de Napoléon... Décrets de Guadeloupe... Rien n'y fait. L'intercourse se développe entre Haïti et les Etats-Unis. La pression du gouvernement français pour l'annihiler continue sans désemparer, et des deux côtés de l'Atlantique ses représentants saisissent les moindres occasions pour la ranimer. Ils font tant et si bien qu'en février 1806 le Congrès américain décrète l'embargo sur le commerce entre les Etats-Unis et Haïti. Cette prohibition du Congrès américain n'éteint pas pour autant les rapports entre les deux pays. Le trafic s'engage dans les voies de la clandestinité. Tant il est vrai que l'impératif économique détourne bien souvent le cours de l'histoire du lit conventionnel que lui assigne la sagesse relative des hommes d'Etat ou leur vision nuageuse de l'avenir. Dessalines n'eut guère le temps de réagir contre cette mesure. Il tomba assassiné au Pont-Rouge. L'entaille tragique faite à son destin coïncida avec celle faite au commerce entre les Etats-Unis et Haïti. Après sa mort des rivalités sanglantes mirent aux prises les deux généraux les plus habiles à lui succéder et aboutirent à la scission de l'Etat haïtien en deux organisations politiques autonomes : la République de l'Ouest ayant à sa tête Pétion, et le Royaume du Nord gouverné par Christophe. Ce dernier, que Ludwig Lee Montague appelle l'anglophile roi du Nord, captant les courants prédominants dans la conjoncture internationale de l'époque, s'aboucha avec l'Angleterre et il s'établit entre le Royaume du Nord et les marins anglais des communications si fréquentes et si cordiales que des démarches positives furent engagées en vue d'en canaliser l'orientation dans les grandes lignes d'un accord commercial. Ce qui est important à noter, car à cette époque l'indépendance d'Haïti n'était encore reconnue par aucun Etat. Cependant les dispositions favorables du monarque du Nord à l'égard du Royaume-Uni ne le portèrent point à assigner à sa politique extérieure une orientation à sens unique et encore moins à méconnaître le complexe géographique que forment les divers Etats de cet hémisphère. Les négociants américains soutiennent le jeune État En dépit de l'embargo et des manœuvres incessantes de la France pour en obtenir la prolongation, la solidarité d'intérêts qui lie les hommes d'affaires américains et les gouvernements haïtiens ne se dément pas. L'extension des relations entre Haïti et les Etats-Unis devient une cause d'inquiétude constante pour le cabinet de Paris. Le chargé d'affaires français à Washington fait à tout bout de champ des représentations à ce sujet au département d'Etat ; il dénonce les activités de Bunnel, qui travaille pour Christophe : « Monsieur, écrit-il le 15 août 1809 au secrétaire d'Etat Madison, j'apprends que ce même Bunnel sur lequel j'avais appelé la surveillance du gouvernement fédéral, après avoir fait plusieurs envois au Cap par l'intermédiaire de divers négociants, notamment la maison van Kapff and Brunce, fait en ce moment construire publiquement à Fell's Point, par le constructeur Price (que je crois être celui des Etats-Unis), une frégate de 36 à 40 canons... Je crois pouvoir me borner à prévenir le gouvernement de l'Union d'une circonstance si bien calculée pour compromettre l'harmonie qui existe entre les deux nations... » Les récriminations de ce genre fourmillent dans sa correspondance, mais elles n'ont guère la vertu d'apaiser la fièvre de transactions de toutes sortes qui anime les négociants américains et les porte à s'approvisionner sur le marché haïtien et à y écouler leurs produits. Dans cette course au profit et à l'enrichissement rapide, où personne n'aspire à des prix de vertu, maints accrocs souillent les pratiques commerciales d'alors. Christophe est victime de la mauvaise foi de ses fournisseurs : 124 955 dollars envoyés au nom de son gouvernement à la maison van Kapff and Brunce « pour l'acquisition de certains articles » sont confisqués. Il entreprend des démarches en vue de recouvrer cet argent : il délègue même aux Etats-Unis un commerçant du Cap du nom de Marple. Rien n'y fait : il est bel et bien perdant. Ne voulant point se résigner à cette mauvaise plaisanterie, il recourt aux grands moyens : il réquisitionne cet argent des commerçants américains établis dans le Nord. Cette mesure devient effective le 17 avril 1811 par un décret du roi : tous ceux qui sont visés contribuent proportionnellement à leurs chiffres d'affaires à acquitter cette dette, avec l'espoir qu'ils seront remboursés en cas de restitution postérieure. Ces représailles n'eurent pas l'heur de plaire au gouvernement et au peuple américains. Des pétitions affluèrent au Congrès de Washington, réclamant l'intervention de l'Exécutif et le pressant de relever ce défi — un défi d'autant plus cinglant qu'il venait d'un nègre. Heureusement ou malheureusement aucun contact officiel n'était établi entre le cabinet de Washington et le Royaume du Nord. Haïti avait proclamé son indépendance depuis plus de dix années et elle était encore considérée dans la communauté internationale comme un parent pauvre avec qui l'on traitait au gré de ses intérêts, mais dont on évitait autant que possible de statuer sur la qualité et les prétentions. Et cela pour ne pas froisser la France, qui persistait à considérer notre pays comme sa colonie révoltée. Haïti repousse la nomination du représentant américain En 1816 Septimus Tyler est nommé agent commercial du gouvernement américain au Cap, avec instructions formelles de « protester dès son arrivée contre cette injurieuse mesure : la saisie et la confiscation d'une somme considérable d'avoirs américains au Cap français au cours de l'année 1811 par le général Christophe, sous le fallacieux et arbitraire prétexte que son agent à Baltimore l'avait escroqué (1). Le New York Gazette se réjouit de cette initiative et la commente en ces termes : « On rapporte que le gouvernement se propose de dépêcher une frégate pour réclamer de Christophe le paiement d'environ 500 000 dollars, montant des spoliations qu'il a opérées sur notre commerce. L'expérience mérite d'être tentée, car il n'y a pas le moindre doute au sujet de sa réussite. Christophe, comme on le sait, est riche en espèces et en biens... » Le 31 juillet 1817 le représentant du gouvernement américain arrivait au Cap à bord de la frégate Le Congrès, désigné auprès de la cour d'Haïti, porteur du document suivant, une espèce de certificat : « A tous ceux qui ces présentes verront, salut. » Je certifie que Septimus Tyler, écuyer, a été appointé par le président des Etats-Unis pour résider au Cap français dans l'ile de Saint-Domingue en qualité d'agent de commerce et de marine des Etats-Unis d'Amérique, avec pleins pouvoirs et émoluments y appartenant. En témoignage de quoi, moi, James Monroe, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, j'y ai souscrit mon nom et ai fait apposer le sceau du Département d'Etat. » Donné dans la cité de Washington le 18 décembre 1816. » Signé : J. Monroe. » Soumettre ce petit papier, c'était faire un pas de clerc. Christophe a dû rager en en prenant connaissance. Les termes démolissaient son œuvre élaborée dans le sang et dans le feu. Il comprit pourtant que la diplomatie est un plat qu'on sert et mange froid. Dissimulant leurs réactions, les autorités du Cap comblèrent d'attention Tyler et les officiers du Congrès, cependant que la chancellerie royale cuisinait le plat qui devait être servi à cet incongru. Le baron de Dupuy, secrétaire-interprète du roi, traduisit le document soumis et reçut, en retour, la réponse suivante que lui fit parvenir le 1er août 1817 le comte de Limonade, secrétaire d'Etat, ministre des affaires étrangères d'Haïti : « Royaume d'Haïti, Le secrétaire d'Etat, ministre des affaires étrangères d'Haïti, à Monsieur le baron de Dupuy, secrétaire interprète du roi au palais de la Grande-Rivière, le 1er août 1817, l'an 14e de l'Indépendance. « Monsieur le baron, J'ai reçu votre lettre du jour d'hier qui m'annonce l'arrivée de la frégate américaine Le Congrès dans le port de la capitale avec M. Tyler, qui s'est annoncé comme agent pour le commerce des Etats-Unis d'Amérique. » En apprenant l'arrivée de M. Tyler, je m'attendais à recevoir des dépêches de son gouvernement et des lettres qui l'accréditeraient auprès de la cour d'Haïti ; mais j'ai été étrangement surpris, d'après le rapport que vous m'avez fait, qu'il n'était porteur que d'un simple certificat couché dans des termes inusités, inadmissibles, et de plus renfermant les mots de Cap français et d'île de Saint-Domingue, expressions impropres et injurieuses au gouvernement de Sa Majesté. » Malgré le désir que Sa Majesté aurait de voir s'établir des relations de commerce et d'amitié entre les deux gouvernements, je suis dans la nécessité de vous charger de notifier à M. Tyler qu'il ne peut être reçu et considéré comme agent de commerce, n'étant pas muni des pièces authentiques en bonne et due forme qui l'accréditent suffisamment auprès du gouvernement d'Haïti. » Comme il ignore sans doute les usages établis dans ce royaume pour les communications diplomatiques de gouvernement à gouvernement, vous les lui ferez connaître et lui remettrez un exemplaire de la déclaration du roi en date du 20 novembre 1816. » Je regrette que Sa Majesté, étant en ce moment en tournée, ne puisse donner une audience à M. Tyler et au capitaine de la frégate Le Congrès comme ils le désirent. » J'ai l'honneur de vous saluer avec considération... » Comte de Limonade. » Le deuxième échec de Washington Tyler éconduit, le cabinet de Washington revint à la charge l'année suivante : un nouvel agent est désigné auprès de la cour d'Haïti. Cette fois-ci on recourt à un homme versé dans les questions haïtiennes, William Taylor, que deux missions successives auprès de Pétion — l'autre chef qui gouverne la République de l'Ouest — avait familiarisé avec les problèmes particuliers de cette communauté de nègres. Les nouvelles instructions qu'il reçoit se réfèrent à l'échec de son prédécesseur et contiennent des directives précises en vue d'éviter un second faux pas . Arrivé au Cap à bord du Hornet le 22 avril de la même année, ce dernier initie le lendemain ses contacts avec les autorités de la ville. Par l'intermédiaire du baron de Dupuy, secrétaire interprète du roi, il sollicite une audience de Sa Majesté. Sa requête ainsi que la nouvelle de son arrivée sont notifiées au palais, et le 24, à midi, le baron de Dupuy lui réclame, par note verbale, pour être communiqué à Sa Majesté, le certificat attestant sa nomination. Le même jour, l'agent américain lui rend une visite de courtoisie ; le récit de leur entretien revit dans cette dépêche que Taylor adressera par la suite au département d'Etat : « Notre conversation roula au début sur divers sujets d'ordre général et se centra peu de temps après sur ma nomination... Je lui dis combien le président des Etats-Unis désirerait voir les deux gouvernements arriver à une parfaite compréhension... Le baron de Dupuy m'avoua que cela lui faisait plaisir de constater que les mots insolites qui entachaient la commission de mon prédécesseur et qui avaient déplu à Sa Majesté n'étaient point reproduits dans la mienne... J'ai été alors avisé que Sa Majesté regrettait de ne pouvoir me recevoir, du fait qu'elle était très occupée à faire des préparatifs pour une immédiate tournée d'inspection... » Le lendemain le baron de Dupuy retourne sa visite à Taylor. La diplomatie, dans le Nord, tirée à quatre épingles, ne bronche point sur les principes. Entrevue des plus cordiales au cours de laquelle il renouvelle à l'agent américain son désir de voir sa nomination agréée par le roi et l'informe qu'il avait été mandé par ce dernier, en résidence à Sans-Souci. A son retour il invite le lundi 27 le représentant américain à se présenter le même jour à son office. Taylor s'y rend pour apprendre que « Sa Majesté s'opposait à son admission, en raison des irrégularités de sa nomination ». Il tente de discuter le point de vue de la Chancellerie royale. C'est en vain : « Sur l'observation que je lui fis, écrit-il dans un long rapport au département d'Etat, que cette objection était couverte par le fait que j'avais été introduit par le capitaine Read, il sourit et me répondit que l'introduction devait être appuyée par les documents prescrits par l'usage et la coutume... il me laissa entendre... que je recevrais la réponse du roi au cours de la journée ainsi que le certificat de ma nomination... Le baron m'apprit en outre qu'une tentative semblable faite par le gouvernement anglais en vue d'établir un agent commercial au Cap échoua de la même façon, par suite de l'inobservance des formalités... » Dans la soirée, Taylor était irrévocablement fixé sur le sort de sa mission auprès de Christophe. La communication suivante qu'on lui adressa confirmait le langage du baron de Dupuy : « Le baron de Dupuy, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Henry, secrétaire interprète et membre du Conseil du roi, à Monsieur William Taylor, » Au Cap Henry le 27 avril 1818, l'an 15 de l'Indépendance. Monsieur, J'ai l'honneur de vous remettre, inclus, le certificat que vous m'avez présenté, à votre arrivée, pour être soumis à Sa Majesté, et, d'après vos désirs, je vous retourne pareillement copie de la lettre que m'a fait l'honneur de m'écrire Son Excellence Monseigneur le comte de Limonade, ministre des affaires étrangères et secrétaire d'Etat. Je vous fais aussi l'envoi du Code Henry et d'autres livres sortis de la presse haïtienne, qui vous mettront à même de former une juste idée des lois qui nous régissent et des productions de quelques-uns de nous et vous prie de croire, avec la plus haute considération, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. » De Dupuy. » Avec cette lettre était également transmise copie de la dépêche du comte de Limonade déclarant persona non grata l'agent américain. Cette page, peu connue, de la diplomatie haïtienne, où sourd, discrète et subtile, l'impatience frémissante du jeune Etat nègre de s'imposer dans la plénitude de ses droits souverains à la communauté internationale, est en parfaite harmonie avec la tonalité générale d'une époque faste où une politique de prestige élève les hommes à la hauteur des événements et des conjonctures internationales. Yves L. Auguste (1) Executive Document 27th Congress 3d sess. Senate 420 Document n° 36