vendredi 1 février 2008

LE DEBAT-DEMOCRATES: UN COUP DE MAITRE

Les ennemis d’Hillary Rodham Clinton sont mécontents. Les ennemis de Barack Hussein Obama sont déçus. Les « pondîtes » de la presse américaine sont furieux même s’ils ne donnent pas cette impression. Les experts d’opinion ne savent ou se donner la tête. Tout est à l’envers. On s’attendait à ce que Clinton et Obama s’entre-déchirer. Au contraire, ils ont choisi de converser avec le public américain. Pourquoi ce coup de force ? Le parti démocrate a marqué l’histoire des Etats-Unis en 2006 avec la première femme, Nancy Pelosi, porte-parole ou présidente de la Chambre des Députés. Le parti démocrate va marquer l’histoire des Etats-Unis en 2008 avec la nomination d’une femme ou d’un noir pour briguer la première magistrature suprême de l’état américain. Pourrait-il marquer encore l’histoire en 2009 avec la première femme, présidente ou avec le premier noir, président des Etats-Unis ? Dieu Seul le sait. Quelle est ma prédiction ? Le parti démocrate a perdu la campagne présidentielle avant même qu’elle ait commencée. Les Etats-Unis ne sont pas prêts ni pour élire une femme or un noir. Le pays sera plus enclin à élire une femme avant d’élire un noir. Le « Washington Establishment » ne va pas faire le mort et confier les rênes du pouvoir dans les mains d’une femme ou un noir.
Néanmoins, Hillary et Obama ont démontré, durant le débat, le Jeudi, 31 Janvier 2008 que le parti démocrate est un parti unificateur à un moment ou l’administration en place sème la division dans le pays et dans le monde. C’eut été vraiment un coup de maître à un moment ou le prestige, l’autorité morale, et même la puissance des Etats-Unis sont mis en question à travers le monde.

mercredi 30 janvier 2008

HAITI: JACMEL INVENTE SON AVENIR

vendredi 19 mai 2006

Par Gary Olius

Soumis à AlterPresse le 12 mai 2006

« Jacmel invente son avenir » : tel est le titre d’un document qui va être soumis sous peu à l’appréciation des élus du département du Sud-Est et particulièrement ceux de Jacmel. C’est, en fait, un plan de développement (ou d’extension) de cette ville et de ses périphéries préparé par un organisme de l’Etat haïtien dénommé Unité Technique d’Exécution (UTE), mis en place au cours de la période de la transition post-aristidienne et dirigé par l’Economiste-Ingénieur Frantz Verella. Après avoir passé au peigne-fin ce document, nous sommes en mesure de décerner, sans broncher, un total satisfecit à tous ceux-là qui ont participé à ce travail d’équipe. Il est réconfortant de constater que, sur quelque soit l’angle considéré, ce plan convainc par sa cohérence. Et, pour ce qui est des besoins urgents de la ville, on a ciblé l’essentiel. Disant ceci, nous parlons en homme qui connaît bien le département et son chef-lieu.
L’ossature du document traduit un choix clair : la priorisation des aspects techniques sur les blablabla sans substance et celle du réel-concret sur les rêveries idéologiques qui sont, par nature, paralysantes et déroutantes. Ceci, sans se confiner dans un réalisme clos et sans lendemain. Les concepteurs articulent avec maestria une triptyque diagnostic-orientations-actions, tout en se démarquant avec doigtée de la formule réductrice et limitative du que-quoi-comment chère à l’école traditionnelle de la formulation des projets de développement.
Le diagnostic
Il n’est peut-être pas parfait, mais nous imaginons difficilement qu’on pourrait faire mieux compte tenu des contraintes du milieu. Le point fort de ce diagnostic est que les auteurs ne se sont pas laissés prendre dans la vision médicale de la chose, laquelle est généralement guidée par une logique a-historique pour ne pas dire a-temporelle. En vérité, on ne peut pas penser un schéma de développement durable d’une région donnée sans tenir compte de l’évolution historique de ses problèmes. Car les causes de ceux-ci peuvent être très lointaines et se laisser enchevêtrer au fil du temps. Déterminisme explique. Les choses qui, aujourd’hui, crèvent les yeux ne sont que les effets multiplicateurs des problèmes sur lesquels des générations antérieures ont fermé les yeux. De ce fait, il est absolument impossible pour un territoire ou une société donnée de s’inventer un meilleur futur en se basant sur un diagnostic qui, dans son référentiel, ne tient pas compte du passé.
Sur cet aspect précis, on est forcé de reconnaître la viabilité les prescriptions faites par le document de l’UTE. Elles sont basées sur un diagnostic systématique et rationnel qui n’exclut pas la dimension historique de la question. Par celui-ci, les Jacméliens qui vont lire ce document sauront comment éviter d’être les principaux artisans de leur propre malheur. Car le temps, n’étant pas architecte, ne saurait modeler à sa manière, configurer ou défigurer notre territoire sans notre complicité, c’est-à -dire, notre participation consciente ou inconsciente. En ce sens, le diagnostic effectué - à grand renfort de données historiques dans ce document - est un appel à une responsabilisation citoyenne tant individuellement que collectivement. Un appel à l’action concertée et réfléchie... en toute urgence.
Parlant des orientations proposées
C’est sous cette rubrique que l’équipe de l’UTE rejette, à sa manière, les actions isolées effectuées en dehors d’un cadre articulé et global. C’est du même coup un vibrant plaidoyer pour des interventions intégrées susceptibles de produire des impacts durables. Vraiment, le développement c’est d’abord ça et surtout ça. L’état actuel du pays en est la preuve la plus éloquente. Avec justesse, le document constate qu’il y a lieu de sortir de la logique suicidaire consistant à ne pas se préoccuper de la croissance démographique du pays pendant que les ressources disponibles s’amenuisent dangereusement. Il n’y a pas là que pur malthusianisme, mais la conscience d’un danger réel, surtout si l’on se rappelle que nous sommes plus de 8 millions d’habitants sur 27,750 km2 de terre dépouillés de plus de 97% de sa couverture végétale.
Par ailleurs, dans cette nouvelle orientation, le document prêche pour une ville à double-centre. C’est une idée novatrice que nous soutenons depuis belle lurette et qui nous a valu d’être combattu et même menacé par la bourgeoisie commerçante locale. Les capitalistes à courte vue de cette petite clique n’ont pas pu remarquer les possibilités et avantages économiques d’une telle vision. Ils ne juraient que par le Bel-Air, là où se trouvent leurs magasins et s’en foutaient de l’ultra-congestionnement de la ville et le cortège de conséquences qui en découle.
Durant notre passage comme Directeur Régional du Fonds d’Assistance Economique et Sociale (FAES) à Jacmel, nous avons pu, de concert avec les autorités locales et les directeurs d’opinion de la société civile, convaincre les dirigeants de cette dite institution de financer la construction d’un nouveau marché public exactement dans la zone identifiée par l’UTE. Les maîtres économiques de la ville ont opposé une fin de non-recevoir à l’idée de ce projet et ont tout manigancé pour le tuer dans l’œuf. Sachant cela, les autorités locales et les notables ont mis tout leur poids dans la balance et ont appuyé sans réserve le bureau régional du FAES. Cette ferme détermination a porté fruit, car le Directeur Général de cette institution, le très lucide Harry Adam, s’est déplacé en personne pour venir confirmer, en présence de la presse et des personnalités les plus importantes de la ville (dont Mgr. Guy Poulard), que le projet sera exécuté comme le souhaite la population. Il a effectué, en compagnie du Délégué et du Maire, une visite du nouveau site proposé par les autorités et de l’actuel marché public ( les preuves sont là ...) .
Il est aussi réjouissant de voir que dans le modèle de développement proposé par l’UTE, ce nouveau marché constituera le principal locomotive dans le projet de construction du nouveau centre commercial. Ce sont, justement, ces genres d’initiative qu’il faudra soutenir à tue-tête afin que, à la longue, des anciennes périphéries du pays puissent se convertir en centres pouvant survivre par eux-même, en ouvrant ainsi la voie à de nouvelles possibilités de croissance économique. Ce qui contribuera sans aucun doute à la réduction de la pauvreté.
Enfin, dans les actions envisagées
La construction du nouveau marché public en était une. Mais le plan prévoit aussi un certain nombre d’interventions qui nous enchantent énormément. Par une simple coïncidence, au cours de notre premier voyage d’études en Espagne, nous nous sommes retrouvé à Cadiz, cité carnavalesque par excellence de ce pays de Cervantès. La similitude entre Jacmel et cette ville est plus que frappante. Un littoral de toute beauté, savamment aménagé où sont établis de grands hôtels et par où passe le défilé des groupes lors du carnaval. Nous nous sommes rendu compte qu’avec un volume d’investissement adéquat, jacmel pourrait devenir le Cadiz des Caraïbes. De retour en Haïti, nous avons partagé nos impressions avec des amis jacméliens (dont des ex-membres de comité carnavalesque). L’idée de construction d’un boulevard sur le littoral (de Congo jusqu’à Katiti) était au centre des différentes discussions que nous avons eu avec eux à l’occasion des différentes festivités qui se sont succédées dans la ville de 2000 à 2005. Pour notre plus grand bonheur, le plan de l’UTE fait de cette idée (avec un format réduit) un chantier prioritaire.
D’autres projets d’envergure font aussi partie du paquet proposé et leur complémentarité socio-économique incite à l’optimisme quand à l’avenir de Jacmel. De l’aménagement de l’ancienne prison coloniale en musée à la construction de la place de la douane, en passant par la reconstruction de 6 km de routes intérieures, d’une nouvelle école professionnelle et l’érection d’infrastructures sportives, en fait, toutes les dimensions du développement sont prises en considération : l’humain, le culturel, l’économique, l’infrastructurel etc... Le tout pour une somme évaluée à près de 25,5 millions de dollars. Vraiment, tout y est pour un bon démarrage. Espérons que les bailleurs de fonds acceptent de nous prêter les ressources financières nécessaires et que les responsables soient à même de tenir parole.

Contact : golius@excite.com

KRACH 2008

L’annonce par la Réserve fédérale (Fed) d’une baisse importante de ses taux d’intérêt parviendra-t-elle à éviter une récession aux Etats-Unis et à éloigner le spectre d’un krach mondial ? De nombreux experts le croient. Ils redoutent au plus une réduction du rythme de la croissance.
Mais d’autres analystes, adeptes pourtant du capitalisme, se montrent très inquiets. Ainsi, par exemple, en France, M. Jacques Attali prophétise que « bientôt (...) la Bourse de New York, caution de la pyramide des emprunts, s’effondrera » ; M. Michel Rocard n’hésite pas à renchérir : « J’ai la conviction que ça va bientôt exploser (1). »
Il faut dire que les signes de méfiance se multiplient. En témoigne l’actuelle « ruée vers l’or ». Le métal jaune – dont les cours, en 2007, ont progressé de 32 % ! – reprenant son rôle de valeur refuge. Tous les grands organismes économiques, dont le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), prévoient une baisse de la croissance mondiale.
Presque tout a commencé en 2001 avec l’éclatement de la bulle Internet. Pour préserver les investisseurs, M. Alan Greenspan, président de la Fed, décide alors d’orienter les investissements vers l’immobilier (2). Par une politique de taux très bas et d’abaissement des frais financiers, il encourage les intermédiaires financiers et immobiliers à inciter une clientèle de plus en plus large à investir dans la pierre. C’est ainsi qu’est mis au point le système des subprime, crédits hypothécaires à risque et à taux variable consentis aux ménages les plus fragiles (3). Mais lorsque, en 2005, la Fed augmente les taux directeurs de l’argent (ceux-là mêmes qu’elle vient de baisser), elle détraque la machine et déclenche un effet domino qui, à partir d’août 2007, fait vaciller le système bancaire international.
La menace d’insolvabilité de quelque trois millions de ménages, endettés pour environ 200 milliards d’euros, entraîne la faillite d’importants établissements de crédit. Pour se prémunir contre ce risque, ceux-ci avaient vendu une partie de leurs créances douteuses à d’autres banques, lesquelles les avaient cédées à des fonds d’investissement spéculatifs qui les ont à leur tour disséminés. Résultat : comme une épidémie foudroyante, la crise atteint l’ensemble du système bancaire.
D’importants établissements financiers – Citigroup et Merrill Lynch aux Etats-Unis, Northern Rock au Royaume-Uni, Swiss Re et UBS en Suisse, la Société générale en France, etc. – ont fini par reconnaître des pertes colossales. Pour limiter la casse, plusieurs d’entre eux ont dû accepter des capitaux provenant de fonds souverains contrôlés par des puissances du Sud et des pétromonarchies.
Nul ne connaît encore l’ampleur exacte des dégâts. Depuis août 2007, les banques centrales américaine, européenne, britannique, suisse et japonaise ont injecté dans l’économie des centaines de milliards d’euros sans parvenir à restaurer la confiance.
De l’économie financière, la crise s’est propagée à l’économie réelle. Et une conjonction de facteurs – baisse accélérée des prix de l’immobilier aux Etats-Unis (mais aussi au Royaume-Uni, en Irlande et en Espagne), dégonflement de la bulle des liquidités, chute du dollar, restriction des crédits – fait craindre, en effet, un net recul de la croissance mondiale. A cela s’ajoutent d’autres phénomènes comme la hausse des prix du pétrole, des matières premières et des produits alimentaires. Soit les ingrédients d’une crise durable (4). La plus importante depuis que la globalisation constitue le cadre structurel de l’économie mondiale.
Son issue réside désormais dans la capacité des économies asiatiques à relayer le moteur américain. Il s’agirait alors d’une nouvelle manifestation du déclin de l’Occident, présageant le déplacement prochain du centre de l’économie-monde des Etats-Unis vers la Chine. A ce titre, cette crise marquerait la fin d’un modèle.

Ignacio Ramonet
(Extrait du "Le Monde Diplomatique"

mardi 29 janvier 2008

HAITI: LE PLAN NATIONAL D'EDUCATION...

Haïti : Le Plan national d’éducation en regard des problèmes démographiques et socioéconomiques du pays

lundi 28 janvier 2008 (AlterPresse)

Par : Vario Sérant, Jeffson Bercy, Patricia Sanon, Ferry Pigne, Myriame Etienne, Natacha Fresnel Mainsou

La Constitution Haïtienne (du 29 mars 1987) comprend pas moins de quatorze articles sur l’éducation et l’enseignement. La lettre et l’esprit de ces textes reflètent les plus hautes préoccupations démocratiques et de justice sociale (articles 32 jusqu’à 34-1).
Cependant, ces beaux textes (juridiques) contrastent avec la réalité. Haïti figure en effet parmi les pays de la région (l’Amérique latine et les Caraïbes) ayant la plus faible proportion d’enfants inscrits en primaire.
En décembre 1987, Haïti a adopté un Plan National d’Éducation (Pnef) qui se veut une réponse à la crise multiforme qui secoue le système éducatif Haïtien. Nous nous proposons de faire une synthèse, suivie d’une analyse critique du Pnef en prenant prioritairement en compte les problèmes démographiques et socioéconomiques auxquels fait face Haïti.
Présentation générale du Pnef
Le Plan National d’Éducation entend s’inscrire, lit-on dans le document, dans la perspective de la construction d’une société moderne privilégiant l’égalité de tous et l’intérêt public.
Les objectifs du Pnef
Le Pnef vise l’amélioration de la qualité de l’éducation (notamment de l’enseignement fondamental), la promotion d’une politique solide de développement des ressources de l’apprentissage, l’accroissement de l’offre scolaire au niveau de l’enseignement fondamental, le renouvellement académique et la rationalisation de l’offre des services de l’enseignement secondaire, la coordination des dispositifs de soutien au développement global de la petite enfance, la relance de la formation technique et professionnelle, la restructuration de l’Université d’État d’Haïti et la mise en place d’un système d’enseignement supérieur de qualité, diversifié, ouvert à la recherche scientifique et au développement technologique, à la hauteur des défis économiques du pays, la rationalisation et l’amélioration de l’offre des services éducatifs non formels et des programmes d’éducation à distance, le renforcement institutionnel du Ministère de l’Éducation Nationale et la revalorisation de la condition enseignante.
Le Pnef est censé aider le pays à disposer de ressources humaines de qualité pour le porter à entrer dans le troisième millénaire. Il fixe, d’un commun accord avec les différents partenaires de l’éducation, de la société civile et du monde économique, les grandes orientations du système éducatif haïtien pour les dix prochaines années et identifie les instruments à mobiliser pour concrétiser ce dessein.
Le Pnef prévoit, en ce sens, la dotation du Ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports (ci-après Menfp) de moyens pouvant lui permettre de réguler le système éducatif.
La structuration du Pnef
Le document dévoile, dans un premier temps, le contenu (essentiel) du Pnef pour, ensuite, présenter les fiches techniques des principaux projets du Plan. Il se décline en onze chapitres, dont les six premiers sont consacrés à la définition des principes directeurs sous-tendant le Pnef à partir de l’analyse de la situation de l’éducation en Haïti et des attentes exprimées (par les acteurs).
La deuxième partie (chapitres 7 à 10) planche sur les aspects techniques du Plan qui s’articulent aux principes directeurs et à la vision du système éducatif proposé (pour les 10 prochaines années) dans la première partie.
Un deuxième volume du Pnef inclut une série de fiches de projets, proposées pour l’opérationnalisation des programmes.
Le contexte du Pnef
Signataire, en mars 1990, de la résolution finale ayant adopté la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous et (ayant) défini le Cadre d’action pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux, lors de la Conférence Mondiale Sur l’Éducation Pour Tous (à Jomtien, en Thaïlande), Haïti se devait de se doter d’un Plan National d’Éducation. Cette échéance a été retardée en raison de l’instabilité politique (en Haïti).
Ce n’est qu’en 1993 que des dispositions fermes ont été prises dans le sens des recommandations de Jomtien, après plusieurs initiatives timides en 1990 et 1991 respectivement.
Les maux du système éducatif (relevés par le Pnef)
Le système éducatif haïtien présente de multiples carences.
Du préscolaire au primaire, celles-ci se traduisent par une couverture insuffisante des besoins scolaires, facilitant et accentuant par ainsi la reproduction des inégalités sociales à travers l’école. Au problème du niveau d’accès à l’école, se trouvent greffés le problème des surâgés au niveau de l’enseignement fondamental et celui du faible niveau académique et professionnel du corps enseignant.
Pour sa part, le secondaire académique se caractérise notamment par un accroissement prodigieux de l’offre scolaire par des opérateurs privés insuffisamment préparés à cette fonction ; une situation qui influe négativement sur le rendement des élèves.
L’enseignement technique et professionnel répond très faiblement à la demande. Il est marqué par une mauvaise utilisation de la force de travail du pays, l’effritement de l’encadrement des centres de formation, la dévalorisation des diplômes, consécutivement à la prolifération des centres privés mal équipés et dépourvus d’enseignants qualifiés.
À l’image du secondaire, l’enseignement supérieur court le risque d’une aggravation de l’érosion de qualité en regard de l’accroissement de centres privés (ne répondant pas toujours aux normes requises). Les faibles capacités d’accueil de l’Université d’État d’Haïti et l’absence de politiques d’investissement public dans ce secteur expliquent cette prolifération. La précarité des installations des institutions universitaires (privées et publiques), l’absence de corps professoral permanent et de structure administrative cohérente complètent ce tableau pas du tout flatteur.
S’agissant de l’alphabétisation et de l’enseignement non formel, on relève un manque d’approche commune en matière de curriculum, d’évaluation et de normes pédagogiques. Le taux d’alphabétisme, quoique tendant à la baisse, demeure relativement élevé.
Vision, domaines d’intervention et mise en oeuvre
La vision émanant du Pnef est celle « d’une éducation haïtienne de qualité, accessible à tous les citoyens, pilier de la démocratie et du développement national et d’un Ministère de l’Éducation qui exerce pleinement son rôle de garant de la démocratisation et de la qualité de l’éducation à tous ses niveaux, dans les secteurs publics et privés, à travers tout le territoire national ».
A partir de cette vision, le Plan définit quatre grands domaines d’intervention, à savoir : l’amélioration de la qualité de l’éducation, l’expansion de l’offre scolaire, l’accroissement de l’efficacité externe (du système éducatif) et le renforcement de la gouvernance du secteur.
Ces domaines ont donné lieu à une multiplicité d’objectifs qu’on a résumés en dix.
Quant à la stratégie de mise en œuvre du Pnef (proposée par le Ministère), elle repose sur une approche graduelle en vue de l’atteinte et la consolidation des résultats (par paliers), la concertation avec les partenaires concernés par l’offre éducative, la déconcentration et la décentralisation administratives, la gestion de proximité des écoles et l’amélioration continue comme outil de contrôle et de soutien des innovations introduites.
Programmes d’action
Les programmes d’action du Pnef s’articulent autour des quatre grands domaines d’intervention sus-mentionnés.
Le premier programme d’action vise à consolider les conditions d’un apprentissage effectif, axé sur la maîtrise de compétences cognitives réelles et la capacité de résoudre des problèmes dans le cadre, soit de la préparation aux niveaux supérieurs, soit de la préparation à la vie active. Sa matérialisation suppose une intervention simultanée sur les déterminants clés de la qualité (curriculum et ressources didactiques, formation des enseignants, encadrement pédagogique des écoles).
Le deuxième programme d’action se rapporte à la construction de nouveaux complexes scolaires (1er et 2e cycle du fondamental), la création de nouvelles classes de 3e cycle dans les Ecoles fondamentales d’application / Centres d’appui pédagogique (Efacap) et l’aménagement des locaux scolaires.
Le troisième programme d’action vise la rénovation du système de formation professionnelle, la conception et la mise en place d’un programme de crédit éducatif pour les étudiants de l’enseignement supérieur et technologique, l’habilitation professionnelle des adultes, avec des stratégies spécifiques favorisant l’incorporation des femmes au développement.
Le quatrième et dernier programme a trait au renforcement institutionnel du Ministère de l’Education Nationale dans le domaine de la gestion administrative et pédagogique, la mise en place de la Cellule de Pilotage ainsi que le lancement et la promotion du Pnef.
Organisation du système de gestion du Pnef et financement du Plan
L’organisation du système de gestion comporte des aspects à la fois stratégiques et opérationnels.
Le volet stratégique s’appuie sur deux organes : le Haut Conseil de l’Éducation et la Cellule de Pilotage du Plan (qui est) rattachée au Ministère de l’Éducation Nationale et servant de secrétariat technique au Haut Conseil.
Quant au dispositif opérationnel général des projets, il prévoit deux organismes : les équipes techniques responsables (Etr) des projets et les groupes de travail et de suivi (Gts).
Le dernier volet du Pnef concerne le financement, prévoyant notamment le pourcentage des dépenses publiques en matière d’éducation et l’estimation des coûts globaux de la mise en œuvre du Plan. Il donne enfin des indications sur les différentes sources de financement, coopération externe, publique et les ménages.
Problèmes démographiques et socioéconomiques
La population haïtienne en 2007 est estimée à huit millions trois cent soixante-treize mille sept cent cinquante (8 373 750) habitants. Le taux de croissance est de 2.5%. C’est une population relativement jeune où les personnes âgées de soixante (60) ans et plus représentent seulement 5.1%.
Du point de vue économique, cette jeunesse se traduit, entre autres, par près de cent mille (100 000) nouvelles entrées chaque année sur le marché du travail, une population toujours croissante d’enfants en âge d’aller à l’école primaire. Le Produit intérieur brut (Pib) croît à peine au rythme de la croissance démographique.
Pour l’essentiel, l’économie haïtienne se caractérise par une production intérieure atonique, une informalisation croissante des activités productives, une forte dépendance vis-à-vis de l’extérieur et une profonde inégalité dans la répartition des revenus.
L’indice synthétique de fécondité (de la population) est de quatre (4) enfants par femme. Le taux brut de natalité est très élevé, soit vingt-huit (28) naissances vivantes pour mille (1000) femmes, à raison de 25/1000 en milieu urbain et 35/1000 en milieu rural pour un âge moyen de vingt-huit (ans).
Le taux brut de mortalité infantile est passé de quatre-vingt (80) à cinquante-sept pour mille (57/1000).
Haïti dispose du taux de mortalité maternelle le plus élevé (dans la région). Ces décès maternels s’expliquent par la précarité du cadre global (macro) du pays (environnement, milieu ambiant entre autres), des facteurs biodémographiques, des facteurs socioéconomiques et structurels.
Haïti dispose enfin de l’espérance de vie la plus basse au niveau de l’Amérique Latine, soit cinquante-sept (57) à soixante (60) ans.
La migration
Le solde migratoire en Haïti est négatif et se manifeste sous deux formes : une migration externe (qui affecte souvent les cadres) vers les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, les Antilles, et une migration interne du milieu rural vers les villes.
Une bonne compréhension des interactions entre population et développement commande également de prendre en compte, à côté de la variable migratoire, le concept de la densité (avec son corollaire, l’urbanisation).
Cela fait un peu plus d’une décennie que la densité avait déjà atteint 290 habitants par kilomètres carrés (Km2) sur le territoire national, avec des variations au niveau des départements et communes, allant jusqu’à 40 000 hab/km2 en milieu urbain dans des quartiers comme Cité Soleil, le plus grand bidonville du pays (Fonds des Nations Unies pour la population / Unfpa, 1994).
L’utilisation spatiale
L’occupation de l’espace se fait sur fond d’une centralisation extrême des activités économiques et des services sociaux (soins médicaux, électricité, eau potable) ainsi que des infrastructures routières à Port-au-Prince au détriment des (villes de) province et de la campagne où vivent majoritairement les gens.
Cette polarisation spatiale entraîne, de façon générale, une surexploitation des ressources naturelles que comportent les villes de province, provoquant une forte attraction des individus pour la capitale.
Cette centralisation se fait au détriment des ressources des zones marginalisées, prenant l’allure d’un pillage de celles-ci et favorisant l’accumulation métropolitaine. Haïti est assimilable à une (sorte de) macrocéphalie dont Port-au-Prince constitue la tête, avec soixante-quinze pour cent (75%) de la population (globale) et (tout) le reste du pays la partie négligée, avec vingt-cinq pour cent (25%).
Satisfaction des besoins
L’économie haïtienne fait face à des blocages de croissance et d’accumulation découlant de sa désarticulation et (de) l’extraversion de ses structures. L’économie informelle absorbe plus de soixante-dix pour cent (70%) des activités économiques et occupe quatre-vingt (80) à quatre-vingt-dix pour cent (90%) des actifs du pays.
En ce (début du) vingt-et-unième siècle, Haïti n’arrive (toujours) pas à garantir à sa population l’accès à l’éducation, la santé, l’emploi, à un revenu (garanti), à la sécurité sociale, à un logement et à la protection sociale.
Les infrastructures économiques sont dans un état comateux. Les taux de chômage et de sous-emploi oscillent entre soixante (60) et soixante-dix (70) pour cent (%) de la population active.
Le pays dispose d’un appareil industriel incomplet et affronte une insuffisance et une sous-utilisation de main d’œuvre qualifiée et de cadres. Ces difficultés sont aggravées par l’absence criante de volonté des élites qui se confinent dans une logique rentière et féodale.
Pression démographique, croissance économique et environnement
Alors que la population du pays augmente d’année en année, le rythme de croissance économique est en stagnation. Une situation qui s’est aggravée depuis les années 1980.
Ce déséquilibre entre la population et les ressources (disponibles) fait le lit de la pauvreté. Autrement dit, l’expansion démographique, jointe à l’amenuisement du Pib, compromet les chances de développement.
Il en résulte, à l’échelle de la famille et de l’individu, un accès plus faible à l’éducation, à une bonne alimentation et aux soins.
La pression démographique affecte directement l’environnement.
La dégradation (qui en découle) prend des formes tant qualitatives (moins de ressources naturelles per capita) que quantitatives (pollution et même destruction de l’environnement).
La pression démographique figure ainsi parmi les causes principales du déboisement, dont la finalité consiste à dégager de l’espace pour la culture et l’habitat (y compris sur les bassins versants). Il en résulte une érosion accélérée des sols, une hydrographie moins régulière et moins abondante ainsi qu’une urbanisation sauvage.
Le mouvement démographique rapide n’est pas accompagné de services élémentaires d’assainissement (eau potable, déchets solides, écoulement des eaux usées), si bien que l’occupation humaine crée des conditions d’insalubrité extrêmes qui n’affectent plus que les seuls bidonvilles.
Il convient d’ajouter à ce panorama le déséquilibre sévère dans la répartition spatiale de la population.
L’aire métropolitaine de Port-au-Prince est devenue (comme nous l’avions mentionné plus haut) une macrocéphalie très difficile à gérer au triple point de vue écologique, économique et social. De cent vingt mille (120 000) habitants en 1950, elle est passée à plus de deux millions.
Hors de Port-au-Prince, c’est une vaste périphérie incluant des zones rurales et des villes. En effet, le ratio entre la population de la capitale et celle du Cap-Haïtien, la deuxième concentration urbaine, est de 1 à 15.
Cette cassure a des conséquences énormes.
La capitale (la « République de Port-au-Prince ») focalise l’attention. Le milieu rural est marginalisé statistiquement et économiquement.
En effet, dans les années 1950, à l’époque où le pays ne disposait que de cinq départements (géographiques), 87% de la population vivaient en milieu rural contre 12.2% seulement en milieu urbain. Mais l’écart n’a pas cessé, depuis, de se réduire, au point que, de nos jours, plus de 40% de personnes vivent en milieu urbain contre 59.58% en milieu rural.
Cette situation, qui est en grande partie le résultat de plusieurs décennies de centralisation, transforme le caractère de la pauvreté en Haïti en une réalité majoritairement urbaine.
L’urbanisation en Haïti est le résultat d’un éclatement socioéconomique présentant un dénominateur commun pour toutes les villes, celui d’une société qui a (profondément) éclaté vers les années soixante (1960) et qui va générer une structure urbaine bien précise, avec une influence significative sur la typologie de l’habitat.
L’habitat résultant de l’exode rural (l’habitat des bidonvilles) apparaît comme la manifestation d’une sociologie de lutte des classes pour l’occupation de l’espace.
L’appropriation de l’espace est, en effet, liée à la quantité de revenus. Par exemple, la macrocéphalie qu’est devenue Port-au-Prince représente une ville duale avec un centre et une périphérie. Port-au-Prince représente le cas singulier d’une capitale ayant des forces antagoniques, mais imbriquées.
Analyse critique du Pnef
Le diagnostic précédent nous a montré que l’indice synthétique de fécondité (de la population) est de quatre (4) enfants par femme et que, annuellement, cent mille nouveaux enfants sont en attente pour l’école. Le Pnef propose d’augmenter l’offre scolaire à travers des projets de complexes scolaires au niveau des premier et deuxième cycles de l’enseignement fondamental dans les sections communales défavorisées.
Le plan paraît consistant et adéquat en termes d’objectifs stratégique et programmatique. La démarche vise à identifier les zones de déficit scolaire et à mettre en œuvre des projets techniques de développement de complexes scolaires.
Interrogations et considérations
Cet objectif peut donner toutefois lieu à plusieurs interrogations et considérations. On pourrait d’abord se demander sur quelle base a-t-on pu calculer les zones de déficit scolaire, tenant compte des problèmes de numérateurs démographiques qu’affronte Haïti.
D’autre part, un déficit en terme de couverture, en référence à la taille de la population d’une région déterminée, signifie-t-il forcément que celle-ci soit la plus demanderesse en terme d’infrastructures scolaires ? Ne faudra-il pas prendre en compte le taux de fécondité ?
Il convient aussi de se demander si les besoins ont été évalués en fonction des infrastructures déjà existantes ou plutôt à partir de la demande scolaire par commune ?
Pnef et marché du travail
Une autre problématique, négligée par la politique définie dans le Pnef, est celle du marché du travail.
Autant dire que les décideurs préparent des jeunes pour un marché du travail restreint et saturé. Une approche transversale des problèmes d’Haïti fait voir que l’absence d’une politique d’emploi - qui puisse refléter le contexte démo-socio-économique du pays - explique plusieurs autres problèmes, comme l’absence de débouchés pour les primo-demandeurs, les jeunes diplômés, et des licenciements dans le secteur « moderne » (de l’économie), l’absence d’ancrage (des réflexions et travaux en cours au sein) de l’Université dans les entreprises (publiques et privées) et l’Administration publique.
Le Plan ne donne pas à constater une telle vision systémique à propos du binôme éducation/marché du travail.
Pnef et secteur informel
À côté du secteur moderne de l’économie, le secteur informel ne devrait-il pas aussi représenter un facteur déterminant de toute politique d’éducation nationale ?
Dit autrement, ne devrait-on pas planifier la formation technique pour les jeunes, petites et moyennes entreprises (Pme) en regard de la quasi-inexistence (à date) de l’accès au crédit ? On pourrait aller jusqu’à se demander si l’indifférence par rapport à un tel secteur (le secteur informel) ne contribue pas à accentuer les inégalités sociales.
Il est, en effet, reconnu que ce secteur non structuré de l’économie, parce qu’évoluant en marge de la production classique des biens et services, peut permettre d’équilibrer un marché du travail doublement perturbé par une croissance démographique rapide et des politiques d’ajustement restrictives. De plus, le secteur informel ne représente-t-il pas, avec l’État, le plus grand pourvoyeur d’emplois et la principale source de revenus ?
Pnef et enseignement supérieur
Sur un autre plan, le Pnef a planifié une amélioration des conditions de travail des enseignants de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh). Mais cette planification ne tient nullement compte des indicateurs en rapport avec la fréquentation du baccalauréat. La capacité d’accueil de l’Ueh est très en deçà de la demande de formation exprimée au niveau du baccalauréat.
Pnef et décentralisation
Dans le diagnostic démo-socio-économique dressé plus haut, nous avions évoqué l’habitat résultant de l’exode rural.
Force est de constater que le plan ne spécifie pas de démarche particulière visant à encourager la décentralisation des structures scolaires. Le Pnef énonce très sèchement, en ce sens, à titre de point de repère, l’expression « zones défavorisées identifiées ».
Cette démarche nous semble biaisée, quand on se réfère à la forte densité (de population) au niveau de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Elle (cette démarche) risque d’entraîner l’orientation des supports vers les zones de plus forte densité (de population).
Or, une démarche visant à augmenter l’offre scolaire en quantité et en qualité dans les zones de province pourrait porter les parents de la province à y rester et ceux qui ont émigré à revenir dans leurs zones d’origine.
Pnef et tourisme
Le Pnef ne s’oriente nullement sur des secteurs comme l’artisanat, le tourisme (la création d’écoles touristiques et la formation en hôtellerie).
Et dire que le tourisme, par exemple, pourrait constituer un facteur porteur dans la production nationale et une source de financement indirecte du plan.
Pnef et crédit scolaire
Le Plan ne prévoit pas de crédit scolaire.
Or, ce dernier pourrait pallier bien des difficultés, comme celle relative au niveau des enseignants du fondamental. Des problèmes pécuniaires et structurels nuisent à leur formation (continue).
La situation est identique pour les certifiés du baccalauréat qui ne réussissent pas aux examens d’admission de l’Ueh. Les conditions d’accès aux universités privées échappent, en effet, à toute régulation de l’État et sont le plus souvent inabordables pour la majorité d’entre eux.
Un système de crédit pourrait être une solution à court terme. Il pourrait s’étendre également aux étudiants désireux de poursuivre des études de deuxième et troisième cycle.
Pnef et horizon temporel
Il est, par ailleurs, à déplorer l’horizon temporel relativement court du plan national d’éducation, soit dix ans, en comparaison par exemple avec le plan de réforme de la santé qui s’échelonne sur vingt-cinq ans.
Les changements de gouvernance prennent du temps à se matérialiser et à être validés. D’ici à la fin de cette décennie, le plan sera à peine rodé qu’on devra alors passer à autre chose.
Et comme de fait, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle a publié en mai 2007 une sorte d’aide mémoire intitulé « Stratégie Nationale d’Action Pour l’Éducation pour Tous », à l’instar du Pnef - auquel elle vient en appui - l’Ept se situe dans le sillage de Jomtien (1990) et de Dakar (2000). Ce document met en lumière les choix stratégiques effectués au niveau national en vue de lever les contraintes à la réalisation de l’’éducation pour tous (Ept).
À notre sens, il vaudrait mieux retourner aux tables de discussion afin d’élaborer un plan viable pour les 25 - 50 ans à venir.
Un plan, qui serait validé par les différents secteurs (acteurs et bénéficiaires compris) et qui fédèrerait les différents apports dans le cadre de sa mise en oeuvre.
Car, on ne saurait parler d’éducation fondamentale sans décentralisation ; on ne saurait parler de formation universitaire ou professionnelle sans tenir compte des besoins du marché du travail et de la production nationale.
Pnef et masse critique de gens qualifiés
En substance, le Pnef semble préparer nos jeunes et les enseignants pour le niveau fondamental seulement, alors que Haïti a aussi besoin d’une masse critique de gens qualifiés qui pourraient l’aider à sortir de l’ornière du sous-développement.
Qu’en est–il de l’apport des politiques - qui sont appelés à diriger le pays - à la concrétisation des projets édictés par le Plan national d’éducation ? Quid également de la participation des structures universitaires d’orientation (à la politique publique pour les jeunes cadres et aspirants des partis politiques) à la matérialisation de ce plan ?
Dans son esprit, le Pnef planche sur une éducation (un système d’éducation) partagée avec les institutions privées.
Or, l’article 32-2 de la Constitution souligne que « la première charge de l’État et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre le développement du pays ».
La Constitution proclame la scolarisation universelle.
N’empêche que le système (éducatif) est majoritairement contrôlé par le secteur privé (80%) et la prise en charge des dépenses essentielles du coût de l’éducation (est) assumée en grande partie par les parents.
Comment comprendre qu’une instance faisant partie de l’État ait élaboré un plan qui soit, à quelques nuances près, en désaccord avec la lettre et l’esprit de la loi mère ?
À l’instar d’Émile Durkheim, nous dirions que l’éducation ne saurait être conçue comme une chose essentiellement privée et domestique. Elle doit de préférence rester soumise au contrôle de l’État.
Le Pnef parle, il est vrai, de l’État en tant que régulateur du système (éducatif). Mais, dans la réalité, il ne se donne pas les moyens de parvenir à une telle fin.
Le premier obstacle est souvent d’ordre budgétaire.
Dans la loi des Finances (le Budget de la République 2007-2008 par exemple), seulement 8% (des fonds) sont alloués à l’éducation. Comme plusieurs autres pays en développement, Haïti dépense nettement moins que les pays riches en proportion par élève et en proportion du produit national brut (Pnb) pour tous les niveaux d’études.

Références bibliographiques
CHARMES, Jacques, Vers un nouveau concept de population active (l’emploi informel), CIDEP CEPED, Louvai-la-Neuve, Oct. 1990
Constitution de la République d’Haïti, 29 mars 1987, PP 18-20
DURKEIM, Émile, Éducation et Sociologie, PP. 41-91
IHSI, Enquête sur les conditions de vie en Haïti (ECVH-2001), Vol. II, Juillet 2005
MENFP, La Stratégie Nationale d’Action pour l’Éducation pour tous (Aide-Mémoire), Mai 2007
MENJS, PNEF (Plan National d’Éducation et de Formation), P-au-P, Mai 1998
Ministère de l’environnement, « Les changements climatiques et Haïti : Dangers, menaces et opportunités pour la réhabilitation de l’environnement haïtien », P-au-P, 24 Avril 2007
PNUD, Situation économique et sociale d’Haïti, Pageconcept, P-au-P, Août 2005
UNDP, « La bonne gouvernance : un défi majeur pour le développement durable en Haïti », P-au-P, 2002

dimanche 27 janvier 2008

HAITI: LA FOLIE DU TELEPHONE PORTABLE

Jean Pierre Arisma (Syfia international),
12 mai 2007

symbole de modernité et quasiment seule distraction des paysans, le téléphone cellulaire récemment arrivé dans les campagnes haïtiennes coûte cher. Certains, devenus accros au portable, ruinent même leur famille. D’autres y voient le moyen de gagner plus facilement des dollars.

Lucienne Félicien est mère de six enfants et habite une masure près de Morne Mingo, une localité isolée du département des Nippes, au Sud-Ouest d’Haïti. Malgré ses conditions de vie précaires, elle achète régulièrement une carte d’appel téléphonique de 115 gourdes - 3 dollars US, soit plus que le salaire quotidien moyen d’un paysan - pour bavarder avec ses connaissances des Cayes, chef-lieu du département du Sud. Pourtant, au moins deux de ses enfants n’ont pas mis les pieds à l’école depuis trois ans. Sa fille aînée, Jacqueline, pour qui le portable est l’affaire des gens aisés, ne la comprend pas : "Ma mère veut faire comme les autres, soupire-t-elle.
Mais nous sommes trop pauvres pour cela". Beaucoup de jeunes critiquent ainsi l’attitude de leurs parents, en dépit de leur propre passion pour le téléphone cellulaire récemment arrivé dans les campagnes haïtiennes où il est paradoxalement en passe d’augmenter la misère déjà très grande. Ils leur reprochent de dépenser leurs maigres ressources en cartes d’appel plutôt qu’en nourriture. "Moi, je n’ai aucune responsabilité familiale, dit Mérité Ledan, un jeune paysan de 20 ans. Je peux donc flamber une carte d’appel si ça me chante. Mais pas mon père qui n’a souvent rien à nous offrir...".
Distraction et dépendance
Le portable, très rare ici il y a encore un an, est aujourd’hui d’usage courant. Dans ce monde sans électricité, sans télévision et sans cinéma, le portable représente en effet quasiment la seule distraction des paysans. L’engouement qu’il suscite est tel que certains en sont désormais dépendants. "Je peux passer une journée sans manger mais pas sans une carte d’appel", confesse Jonel Alexandre, qui se vante d’être le premier à avoir possédé un téléphone portable dans la zone de plaisance du Sud, où la communication, en raison du relief montagneux, est facile à établir. Dans cette région longtemps isolée, l’arrivée du portable a l’effet d’une drogue sur certains, littéralement accros au petit bidule. "Je n’ai rien à faire de la journée ; mon téléphone me fait oublier mes problèmes", avoue Maude, 28 ans. "Depuis trois mois, mon cellulaire fait partie intégrante de ma vie ; je me vois même en rêve en train de communiquer", se vante Joséphine Pierre, une adolescente de 17 ans.
La nuit, des groupes de jeunes quittent les zones basses et grimpent les pentes jusqu’à ce qu’ils parviennent à capter le signal de la compagnie Comcel/Voilà qui, de minuit à six heures du matin, offre tous les appels gratuits. "Hier soir, je n’ai pu communiquer avec ma mère à cause de l’encombrement de la ligne", ronchonne Selhomme. un jeune cultivateur.
A Petite-Rivière-de-l’Artibonite, près de la chaîne des Cahos, les paysans accrochent leur téléphone aux arbres, afin de pouvoir capter les appels. "A chaque fois que le portable du prêtre sonne, je dois grimper sur cet oranger", confesse Sorel Chérilus, sacristain de l’église catholique de la zone. Le curé tire profit de l’absence d’électricité pour recharger les batteries des portables, grâce à ses panneaux solaires. "Je recharge les téléphones à 60 gourdes pour les paysans. Cet argent me permet d’acheter d’autres équipements", explique-t-il, l’œil malicieux.
Une marque de distinction sociale
Le portable est une marque de distinction sociale en milieu paysan, leurs propriétaires - encore minoritaires - ne se privant pas de l’afficher ostensiblement, même dans les zones où il n’a pas grande utilité. Plusieurs préfèrent même se passer de nourriture plutôt que d’être privés de leur précieux joujou, quitte à acheter leurs cartes d’appel... à crédit.
Une grande partie des plaintes jugées par les tribunaux de paix concerne des dettes contractées pour l’achat de cartes d’appel. "Certains vont jusqu’à vendre leur bétail pour pouvoir téléphoner chaque jour à leurs parents qui habitent Port-au-Prince ou à l’étranger et payer leurs dettes de téléphone", explique Moïse Denard, juge de paix de la commune de Plaisance du Sud.
En raison de la rareté et de l’inefficacité du téléphone fixe, l’arrivée en force du portable a néanmoins des avantages.
Beaucoup l’appellent même "le pain de vie", parce qu’il leur permet de joindre rapidement un parent à l’étranger et de le convaincre d’envoyer les quelques dollars qui leur permettront de manger et de payer l’écolage des enfants. En 2006, les quelque deux millions d’Haïtiens de la diaspora ont ainsi fait parvenir pas moins de 1,6 milliard de dollars US en Haïti. "Mon oncle qui vit aux USA fait souvent des transferts d’argent quand je lui téléphone, se réjouit Ephésien Jean Louis. Avec le cellulaire. C’est facile pour moi de trouver le dollar".