jeudi 13 mai 2010

HAITI: LES DROITS DES VICTIMES DU SEISME ONT ETE VIOLES, SELON RNDDH

jeudi 13 mai 2010

Extrait d’un rapport publié par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) à l’occasion des 4 mois du séisme du 12 janvier 2010

Document soumis à AlterPresse le 12 mai 2010

Aujourd’hui plus que jamais, Haïti doit se doter d’un plan de protection de l’environnement axé sur le reboisement, l’assainissement, la protection et le curage des systèmes de drainage. Par ailleurs, l’éducation civique de la population doit jouer un rôle important dans la refondation du pays.

La prolifération d’abris provisoires, situés n’importe où, n’importe comment, affecte sérieusement l’image du pays. Les autorités constituées doivent élaborer et mettre en application un plan visant à redorer le blason du pays.

Les victimes du séisme végètent dans une grande misère. Les prix des produits de première nécessité augmentent en flèche. Le taux de personnes au chômage s’accroit chaque jour et les personnes, ne sachant que faire, se lancent dans la débrouillardise : petits commerces, ambulants pour la plupart, vendant toutes sortes de produits alimentaires ou non alimentaires.

La situation des personnes placées sur les sites de relocalisation empire chaque jour. Le gouvernement haïtien, de concert avec la communauté interna-tionale a attendu quatre (4) mois, pour contraindre des victimes qui occupaient certains espaces publics ou privés à se déplacer vers des sites de relocalisation. Cependant, cette relocalisation ne change en rien la situation de ces victimes sinon qu’elle l’empire. En effet, les victimes abandonnent des tentes, des bâches pour se retrouver sous de nouvelles tentes situées dans des espaces isolés où l’accès aux services de base est difficile sinon impossible. Ces sites sont non électrifiés et dépourvus de murs d’enceinte, exposant les familles dé-localisées à toutes sortes d’exactions telles que le viol, le vol, les coups et bles-sures, etc. De plus, les tentes étant exposées au soleil dans des espaces dé-pourvus d’arbres, sans espace d’ombre, les familles relocalisées sont obligées soit de se murer à l’intérieur des tentes, soit d’abandonner la zone pendant le jour.

Parallèlement, les sites de relocalisation sont situés dans des zones dépourvues d’activités économiques or, dans un pays comme Haïti où la débrouillardise constitue la règle, la relocalisation de ces personnes dans ces sites éloignés re-présente un handicap pour les responsables de familles qui sont dans l’incapacité de s’adonner à des activités génératrices de revenus.

Les tentes représentent un abri provisoire très limité dans le temps et ne peu-vent en aucun cas, être considérées comme une solution de rechange, quatre (4) mois après le séisme. A titre d’exemple, les tentes placées au cours du mois de mars sur le site de relocalisation de l’ancienne piste de l’aviation sont déjà usées par les intempéries, ce qui prouve que la relocalisation des personnes dans ces circonstances ne constitue en rien un projet viable.

Face à tous les problèmes énumérés, plusieurs familles ont abandonné le site de relocalisation. Cet état de fait laisse augurer l’élargissement ou la création d’autres agglomérations sujettes à se transformer en des bidonvilles. Les travaux d’assainissement, de nivellement de sol et de préparation des ter-rains pour accueillir les personnes victimes, annoncés par le gouvernement, avancent lentement. En effet, quatre (4) mois après le séisme, à un moment où l’Exécutif annonce vouloir tout mettre en oeuvre pour déloger les victimes qui se retrouvent dans des zones à risques d’inondation, les sites de relocalisation ne sont toujours pas prêts. A titre d’exemple, sur les sites Corail Cesselesse et Delmas 2, les travaux continuent encore alors qu’aucun des autres espaces déclarés d’utilité publique par l’Exécutif n’est encore prêt pour accueillir les victimes. De plus, le gouvernement se concentre sur la délocalisation des per-sonnes qui se trouvent dans des camps du Champ de Mars, de Pétion-ville Club en raison de leur exposition aux intempéries. Mais, pour tous ceux qui vivent dans des campements improvisés, accrochés à flanc de ravines, ou dans des régions inondables telles que Carrefour, Léogâne, Grand-Goâve et Petit-Goâve, aucun plan d’évacuation ne semble être prévu.

Aujourd’hui encore, l’intégration des personnes à déficience physique constitue un défi à relever par l’Etat haïtien. Malgré la création d’une secrétairerie, la si-tuation de cette catégorie de personnes ne s’améliore pas. Les décisions sont prises sans considération aucune des capacités physiques de ces personnes. En témoignent la disposition et l’aménagement des sites de relocalisation et des écoles. Par ailleurs, il n’est pas concevable que des agences internationales in-tervenant dans les camps, sous le label du Partenariat pour la Redevabilité Humanitaire (normes HAP), ne prennent pas compte des conditions difficiles des personnes handicapées, des vieillards, des femmes enceintes et des en-fants. Les stratégies de distribution utilisées jusqu’à date, ne garantissent en rien la participation de ces catégories de personnes. En effet, il est impossible de demander aux personnes à déficience physique de passer des heures en ligne, attendant une éventuelle distribution de produits qui souvent, sont diffi-cilement transportables.

L’aide internationale est mieux coordonnée qu’avant. Les institutions qui inter-viennent dans les camps articulent mieux leurs actions. Cependant, la situa-tion des victimes, ne s’améliore pas. De plus, les interventions des agences in-ternationales au profit des victimes du séisme, s’amenuisent de jour en jour et, la transition des victimes du stade d’assistanat au stade de personnes pouvant pourvoir à leurs besoins, se fait de manière brutale, sans tenir compte de la catégorisation des victimes.

Le RNDDH peut donc affirmer que les droits des victimes du séisme ont été violés au regard de la Charte Humanitaire et Normes Minimales pour les In-terventions lors de Catastrophes qui régit les méthodes d’interventions rela-tives à l’approvisionnement en eau, l’assainissement, la sécurité alimentaire, les abris, les services de santé, etc. Les besoins de la population affectée doivent être au centre des activités et, celle-ci doit pouvoir participer activement à l’évaluation, à la conception, à la mise en oeuvre, au suivi et à l’évaluation des programmes d’assistance.

En plus de générer des cas de corruption, le programme Argent Contre Tra-vail se révèle un fiasco pour le pays. En effet, plusieurs femmes ont dû vendre leur corps pour l’obtention d’un contrat d’embauchage et son renouvellement. De plus, la réalisation des activités issues du programme n’a aucun impact sur l’environnement et sur l’économie du pays. Les rues sont toujours sales, les égouts, toujours remplis, les gravats s’étalent aux abords des rues, obstruant la circulation et offrant un spectacle navrant aux passants. De plus, il est in-concevable que l’Etat haïtien n’ait pris aucune mesure en vue de sensibiliser la population sur les effets nocifs des ordures sur sa santé et qu’aucun plan d’assainissement n’ait été élaboré en vue de nettoyer les villes du pays.

Le sommet des Nations-Unies sur Haïti s’est révélé une réussite pour le gou-vernement haïtien et la communauté internationale, qui considèrent avoir at-teint les objectifs qu’ils se sont fixés. Cependant, la société civile haïtienne, les organisations paysannes et les partis politiques n’ont pas été consultés dans l’élaboration du Plan de Reconstruction présenté par le gouvernement haïtien au sommet.

Le 12 janvier 2010, aucune des dix-sept (17) prisons du pays ne s’est effondrée. Les dommages subis par celles-ci n’ont pas été de nature à favoriser l’évasion des personnes incarcérées aux prisons civiles de l’Arcahaie, de Carrefour, de Delmas, de Port-au-Prince, de Saint-Marc, des Cayes, des Côteaux, de Jac-mel et de Miragoâne. La juridiction de Saint-Marc mise à part, jusqu’à date, aucune mesure n’a été prise à l’encontre de ces fonctionnaires publics, auteurs et complices des évasions enregistrées dans neuf (9) des prisons du pays, qui se sont associés à des bandits dangereux pour ouvrir les portes des prisons en vue de semer le deuil et la désolation dans la famille haïtienne. Le RNDDH croit que les recommandations assorties de l’enquête menée par l’Inspection Géné-rale doivent être mises en application à l’encontre de tous ceux qui se sont rendus responsables des dégâts causés par la libération de cinq mille cent quatre vingt six (5.186) individus, parmi eux, des criminels dangereux et le dé-cès de trente-deux (32) prisonniers.

La reprise des activités scolaires se fait sur fond de contestations. Les élèves de plusieurs établissements privés et publics, n’ont pas encore repris le chemin de l’école en raison de l’occupation des locaux par des victimes du séisme ou l’encombrement provoqué par l’effondrement des établissements scolaires. Cet état de fait témoigne de la politique de deux poids, deux mesures prati-quée par les responsables du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) qui a accepté de supporter les écoles congréganistes et de laisser pour compte les écoles laïques.

Fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande aux autorités étatiques de :

Mettre en oeuvre une politique effective de protection de l’environnement et de former la population haïtienne sur les comportements à adopter en vue de se prémunir contre les dangers liés à la dégradation de l’environnement ; Interdire explicitement la coupe des arbres et la vente du charbon de bois ;

Instituer une brigade de protection de l’environnement et dont la mission est d’appliquer les prescrits de la Loi en matière de protection de l’environnement ;

Repenser la relocalisation des victimes du séisme du 12 janvier et offrir des abris sociaux durs en lieu et place des tentes ;

Procéder à la démolition des bâtiments inclinés suite au séisme et repré-sentant un danger pour la population ;

Prendre en compte la situation des personnes vulnérables dont les per-sonnes à déficience physique, dans toutes les interventions et porter les agences internationales à en faire de même ;

Donner une nouvelle orientation au programme Argent Contre Travail qui doit intervenir dans des projets censés, réalisés au profit de la na-tion ;

Mettre de côté la Loi du 19 avril 2010 portant amendement de la Loi sur l’Etat d’Urgence du 9 septembre 2008 et réviser leur position en ce qui a trait à la création de la CIRH ;

Donner suite au rapport de l’Inspection Générale sur les évasions enre-gistrées dans les prisons du pays après le séisme ; Saisir les juridictions concernées pour des enquêtes judiciaires approfondies sur ces cas d’évasion ;

Supporter les établissements laïques dans leurs démarches visant à rou-vrir leurs portes et relocaliser les victimes qui occupent encore les es-paces scolaires.

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