dimanche 18 mars 2012

YOU LEKOL TET ANBA NAN YOU PEYI TET ANBA

C’est du lavage de cerveau, quand l’éducation est utilisée pour supprimer l’identité, le langage, la culture, et la philosophie de vie d’une personne et les remplacer par quelque chose d’autre. » (Hampton, intellectuel amérindien) « Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons ? » (Michel Foulcault) « You lekol tèt anba nan you peyi tèt anba. » (Yves Déjean) (Extrait d'UMPP) Entre la seconde moitié du 19e et le début du 20e siècle, au moment où chaque puissance colonial esclavagiste de l’Europe peaufinait ses stratégies pour mieux assurer sa domination sur le reste du monde, l’Évêque Joseph Shanahan, à l’instar d’un « prophète » avait prédit ce qui suit : « Qui tient l’école tient le pays, tient la religion, tient l’avenir ». À cet effet, durant leur « second espace colonial », les Français ont été parmi les premiers à prendre au sérieux les mots de cet Évêque catholique. Ils ont appliqué dans tout leur empire la doctrine de « l’assimilation » via une éducation dispensée dans la langue du soit disant « civilisé »: le français. Dans le néo-colonialisme français baptisée « mission civilisatrice », l’éducation formelle a joué un rôle primordial, central et fondamental, puisqu’avant tout il était question d’une conquête morale. Comme disait Delassus (1958), « Il s’agit pour elle de faire la conquête morale de ses sujets, de les préparer à être de vrais enfants adoptifs. C’est une seconde conquête à accomplir, plus noble et moins nécessaire que la première. Il s’agit pour elle d’affermir sa domination en soumettant les âmes, en les faisant français » C’est dans ce contexte que l’« école coloniale », a été mis en place sous la direction du « ministère des colonies ». Pour bien instaurer et faire fonctionner cette « école coloniale », les autorités de l’hexagone ont bénéficié de l’appui inconditionnel d’une grande armée de missionnaires catholiques. Notons bien que plus de deux tiers (2/3) des missionnaires dans le monde à cette époque étaient des Français (Pruhomme, 1994). Ils étaient éparpillés aux quatre (4) coins du monde. Ces religieux et religieuses assuraient bien l’hégémonie de l’empire dans les nouvelles et anciennes colonies françaises qui regroupaient plus de soixante millions de colonisés et néocolonisés (Deming Lewis, 1962). À ce sujet, Claude Prudhomme (1994), dans sa thèse « Stratégie Missionnaire du Saint-Siège sous Léon XIII (1878-1903) : Centralisation Romaine et Défis Culturels, a indiqué à partir de source primaire le statut et l’importance de ces missionnaires catholiques dans le système néocolonial français. À la page 496, nous lisons ce qui suit : « Le rapport établi par l'ambassade de France pour le président du Conseil plaide ardemment afin que le gouvernement accorde aux congrégations missionnaires un traitement particulier. «Il est facile de concevoir les bénéfices que notre action dans le monde retire du concours de ces milliers de missionnaires des deux sexes qui, de l'avis unanime de nos diplomates, de nos consuls, de nos autorités militaires, de nos agents coloniaux, et - ce qui n'est pas moins caractéristique - de nos concurrents, s'emploient avec une ardeur égale à défendre la cause de la France en même temps que celle de la Religion.» Et plus loin, le rapport a conclu en ces termes: « ... Notre véritable armée, la seule sur laquelle nous puissions compter, c'est donc celle que composent les religieux catholiques ». À côté de cette armée de missionnaires, il y avait aussi toute une batterie de spécialistes et d’experts qui avaient pris part à la conception de cette école. Linda S. Lehmil de Tulane University (USA) nous a gratifiés en 2007 d’une thèse de 328 pages (À L’ÉCOLE DU FRANÇAIS : POLITIQUES COLONIALES DE LA LANGUE (1830-1944) dans laquelle elle a mis à nu toute la structure oppressive et l’idéologie raciste de l’école coloniale dans les espaces francophones. Selon Lehmil, il faut « interroger les doctrines scientifiques (anthropologiques et biologiques), morales, religieuses, politiques et éducatives sur lesquelles se sont basées les éducateurs et décisionnaires pour décider de la forme à donner à cette éducation aux indigènes et pour montrer comment cette théorisation politique façonnera l’institutionnalisation de la politique scolaire… ». De son côté, Georges Hardy, l’un des dirigeants de cette école en Afrique, dans son livre « Une conquête morale en A.O.F » publié en 1917, a exposé tout le côté déshumanisant de cette éducation. Par exemple, à la page 350, il a exprimé en ces termes la stratégie qui a été appliquée pour favoriser l'assimilation: « Pour transformer les peuples primitifs de nos colonies, pour les rendre le plus dévoués à notre cause et utiles à nos entreprises, nous n’avons à notre disposition qu’un nombre très limité de moyens, et le moyen le plus sûr, c’est de prendre l’indigène dès l’enfance, d’obtenir de lui qu’il nous fréquente assidûment et qu’il subisse nos habitudes intellectuelles et morales pendant plusieurs années de suites ; en un mot, de lui ouvrir des écoles où son esprit se forme à nos intentions. » Comme on peut le remarquer ici, la stratégie est simple et précise. Elle consiste à s’assurer que le néo-colonisé puisse fréquenter dès son jeune âge des écoles où son esprit se forme à leurs intentions. Dans ces lignes, Hardy a souligné toute l’importance accordée à l’école primaire dans le projet colonial. Et de fait, comme l’a souligné Lehmil (2007), « Les critiques en théorie postcoloniale admettent à l’unanimité le rôle clé joué par l’école primaire, garde-fou de la pérennisation de la colonisation et agent de l’institutionnalisation de la francophonie aux colonies …. Elle est considérée comme le moyen le plus efficace pour asseoir la domination territoriale de la France et pénétrer les âmes conquises. » Les idéologues de l’ « école coloniale » ont probablement misé sur le fait que les premiers apprentissages scolaires ont souvent de lourdes conséquences sur le devenir de l’élève. Dans son ouvrage Éducation, Ellen White affirme que «Les leçons que l’enfant apprend pendant les sept premières années de sa vie forment son caractère plus sûrement que tout ce qu’il apprendra au cours des années suivantes.» Aujourd’hui, de nombreuses études sur le développement du caractère et du sens moral ont confirmé la justesse de cette affirmation. Selon De Landsheere (1992), « Grâce notamment aux travaux de Freud, on sait combien les expériences vécues dans les premières années de la vie peuvent marquer profondément l’individu. Ceci est vrai tant pour le développement affectif que pour le développement intellectuel… » Pour sa part, l’Américain Robert Havighust, auteur de l’ouvrage «Human Development and Education » très connu dans le monde de l’éducation, a recueilli avec l’aide d’autres chercheurs des informations sur les premières années de l’enfant. Une de leurs principales découvertes montre qu’à l’âge de dix (10) ans, ou même avant, le caractère est largement formé. Le cerveau d’un enfant est en quelque sorte comme une cassette vierge. Sa façon de voir le monde et les choses, sa perception de lui-même et des autres et sa conception de la réalité sont le résultat de ce qu’on a décidé d’y enregistrer au fur et mesure qu’il grandit. Dans cette optique, Goodlad (2004) affirme que « ce que nous sommes en tant qu’individus est, pour la plupart, le résultat d’un processus continu appelé Éducation. » (Ma traduction) Et dans ce processus, l’école occupe la plus importante partie. Haïti a été l’un des tout premiers pays à avoir expérimenté le modèle d’école coloniale française. En effet, à partir de la deuxième moitié du 19e siècle des missionnaires catholiques venant d’une des zones les plus racistes et conservatrices de la France (la Bretagne) ont fait main mise sur le système éducatif haïtien. Durant une certaine période de notre histoire, ils ont pu contrôler l’intégralité de notre système éducatif. En 2012, leur impact sur le système reste intact et visible. Ce modèle d’ « école coloniale » mis en place en Haïti a été conçu dans un but bien précis. Toujours dans son livre, George Hardy a défini clairement l’objectif général de cette école. À la page 19, il a écrit ceci : « Comme exigence générale le nouveau système mis en place devait fournir une classe subalterne qui était censée servir d’intermédiaire entre le colonisateur et les populations indigènes… » L’objectif est donc clair. Cette école est censée créer une « élite subalterne » qui doit servir de pont entre la France et Haïti. D’où ce même système à deux écoles installé chez nous, avec d’un côté, les « écoles élites » urbaines, et d’un autre côté, les écoles rurales et autres institutions scolaires défavorisées. Aussi, pour bien comprendre l’attitude subalterne des différentes élites haitiennes face aux Blancs, il est indispensable d’analyser l’éducation formelle qu’elles ont reçue en amont. Car, le comportement subalterne a été implanté dans leur psyché durant les premières années de leur formation. Leur conscience a été falsifiée durant leur éducation primaire et secondaire. Toute la base qui sert à la construction de leur personnalité est donc mauvaise. On ne peut rien construire de solide sur une mauvaise base. Nous savons que toute bonne construction doit inévitablement avoir une bonne base. Sans une bonne base ou un bon fondement, tout s’effondra très rapidement. L’éducation de base est appelée éducation fondamentale parce qu’elle est dispensée durant l’étape la plus déterminante dans le cheminement académique d’un individu. C’est cette éducation qui détermine le devenir d’un individu. Un pays qui prend à cœur sa survie ne peut en aucun cas confier le mental de ses enfants à n’importe qui, encore moins à des étrangers, de faux amis. Gustave Le Bon a défini l’éducation comme « l’art de transformer le conscient en inconscient. » En d’autres termes, c’est « l’art de créer des reflexes » chez l’individu. Une telle définition renforce davantage la valeur et la toute puissance de l’éducation de base. Quand on a été exposé dès son enfance à un curriculum fabriqué à l'aide de mensonges et/ou de demi-vérités sur son identité, son histoire, son environnement, ou sa réalité, on doit forcément développer de mauvais reflexes. Quand le contenu qu’on apprend consciemment est faux et/ou demi vrai, notre inconscient doit inévitablement emmagasiner, puis projeter la fausseté et/ou la demi vérité. La conscience de l’élève haïtien reçoit un contenu antinational, par conséquent, son inconscient doit logiquement produire des reflexes anti-haïtiens. De plus, que dire des reflexes à caractère raciste, sexiste et classiste développés par le curriculum implicite ou caché. Que dire des dommages causés par les apprentissages implicites résultant de l’interaction avec les Bretons ou autres mauvais modèles des écoles. Je n’aurai pas le temps d’en parler présentement. Ce sera pour une prochaine fois. En conclusion, je dirai que l’Haïtien qui a eu accès à ce type d’école peut toujours accumuler maîtrise sur maîtrise et/ou doctorat sur doctorat, mais il restera toujours le même, à savoir un « SUBALTERNE » qui servira d’abord les intérêts du « Blanc ». Dans de telles conditions, l’éducation postsecondaire qu’il reçoit (même dans les grandes universités du monde) ne fera que renforcer son l’aliénation culturelle. Ces études ne feront que l’éloigner davantage de la réalité haïtienne. Le salut est possible sauf si l’individu en question arrive à devenir conscient de son mal pour ensuite le soigner. Notre président et son équipe, le parlement, la classe politique, la société civile, comme nous tous d’ailleurs, sont de purs produits de ce vieux modèle d’école coloniale française. Ils ont été programmés pour servir l’intérêt de l’étranger au détriment de leur propre pays. Leurs reflexes sont normalement anti-Haïtiens. Aujourd’hui, il y a lieu d’admettre que la prédiction de l’Évêque Shanahan s’est pleinement réalisée chez nous. Les résultats sont là sous nos yeux. On n’a qu’à regarder notre réalité quotidienne. Puisqu’ils tiennent notre école, ils tiennent notre religion, notre pays et notre avenir. Ils nous tiennent par le bout du nez comme de petits jouets. Ils nous ont bien eus. Nous avons donc été éduqués pour détruire le projet de 1804. À un moment où l’on parle de bienfaits du « programme de scolarisation universelle » en cours, je me suis souvent posé ces questions: Comment peut-on vouloir changer les choses en Haïti quand on envoie des enfants à l’école sans être soi-même conscient qu’on est le produit de cette mauvaise école ? Et comment peut –on vouloir réformer l’école haïtienne sans être soi-même conscient d’abord de son mal-éducation ? Est-ce qu’on veut vraiment changer les choses quand on a choisi d’envoyer les enfants dans le même modèle d’école qui a préparé des générations d’hommes et de femmes ayant failli collectivement ? Est-ce qu’on veut vraiment changer les choses quand on a choisi d’envoyer les enfants dans un modèle d’école qui a préparé des générations d’hommes et de femmes qui n’ont fait que marginaliser et déshumaniser une grande majorité de leurs semblables? Dans de telles conditions, quel type de changement veut-on avoir? Peut-on obtenir des résultats positifs quand on ignore complètement l’état réel des choses ? Je ne le pense. Voilà pourquoi, dans de pareilles circonstances, je ne m’attends pas à ce que cette équipe soit différente des autres. Telle qu’elle est actuellement, elle ne peut pas l’être. On ne peut pas donner à Haïti ce qu’on n’a pas. Opérer le moindre changement positif dans ce pays exige obligatoirement une PRÉPARATION SPÉCIALE. Ce sera notre prochain thème. Dans le prochain texte, je dirai davantage. À suivre…. Cordialement Roselor François N.B. Le générique masculin est employé ici dans le seul but d’alléger le texte. Et les références complètes peuvent être fournies sur demande.

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