mercredi 16 avril 2008

HAITI: IL FAUT REBATIR L'ESPRIT!

Haïti : Il faut rebâtir l’esprit !

mardi 15 avril 2008

Par Camille Loty Mallebranche

Soumis a AlterPresse le 11 avril 2008
(Vers une alternative culturelle pour combattre le grave déficit d’humanité de la société.)

Dans un pays qui a hérité dans les traits culturels du maître contempteur et de l’esclave inapte à assumer la liberté au-delà des chaînes physiques et de l’esclavage formel, il faut épurer la culture et promouvoir de nouvelles valeurs et de nouveaux repères. L’homme haïtien doit être reconstruit à la dimension d’une nouvelle culture qui libère loin de la violence primaire acquise des structures répressives et exclusives des deux siècles écoulés !

Toutes les institutions d’éducation, de conversion ou de répression de l’homme et de la société ont été monopolisées par les classes de l’asservissement et l’éducation, l’école, l’église, la force publique convergent toutes dans une vision de terrassement des intérêts collectifs au profit de ceux d’une certaine oligarchie et d’intérêts privés. Parler de transformation du tissu social infect d’Haïti c’est d’abord penser à révolutionner cette information de mépris de l’homme qui prévaut à travers la structure sociale et la corrompt jusques en ses racines.

L’homme haïtien ne verra pas le jour sans avoir au préalable vu une humanisation des structures de la pensée et des institutions de la société haïtienne. Du goût macabre du lugubre « nou tout ap mouri » de l’haïtien, il faut le faire évoluer vers une vision vitale et constructive car tous les actuels meurtres crapuleux des gangs narcocriminels ou narcopolitiques sans revendication sérieuse ni autre motivation que la haine, relèvent aussi de cette vision nihiliste passant de la mort passive à la mort active !

Sur ce couple de concepts : Structure et Culture, je veux souligner pour nos amis lecteurs, que lorsque j’évoque les structures, je n’abstrais guère le rôle de l’homme ! Personnaliste et humaniste convaincu, quoique loin du catholicisme mouniérien, je suis fulminant contre la philosophie sociale structuraliste. Le structuralisme en littérature vaut son pesant d’or mais dans l’interprétation exclusive qu’il applique à la société et à l’histoire où il a été à juste titre appelé la philosophie de la mort de l’homme, a effectivement commis l’énormité d’évacuer l’intervention des hommes dans l’interstice de ces sortes de mutations qui font évoluer chaque société à travers les âges et conjonctures.

Par exemple, si nous prenons une révolution, après le chambardement du statu quo qui en constitue le premier moment, l’autre moment de sa réalisation, l’ordre de substitution qui est le nouveau système à établir, n’est guère donné par la structure pourrie qui appelait à son propre effondrement, cet ordre nouveau proprement révolutionnaire vient de l’homme qui, entre divers possibles, choisit, définit et applique le nouveau système. L’accomplissement révolutionnaire est un démenti à cette pensée anonyme qui, selon Foucault, précéderait toute pensée libre d’un homme !

Sur la structure sociale, définition sémantico-conceptuelle !
Dans ce discours fortement sémantico-conceptuel, je tiens à préciser, que la culture étant tout ce qui n’est pas naturel, il va de soi que les structures institutionnelles de la société et de l’État, sont culturelles. C’est même, sans doute, un truisme de le rappeler ! Toutefois, la structure telle que je l’entends et qu’elle se présente à nous, est duelle sur le plan de ses rapports avec les hommes.

Les structures viennent de l’homme.
C’est pourquoi, précisément quand nous parlons de structure de société quelle qu’elle soit : structure étatique, structure religieuse, structure éducative..., il est fondamental d’y voir une matrice, un moule de reproduction de la société et donc de conditionnement et de reproduction des mentalités, des réflexes voire des esprits (entendez ici esprit dans le sens d’entendement, de modes de pensée et de vision du monde "weltanschauung").

L’Homme crée la structure et la structure le recrée, en ce sens, la structure lui rend toujours bien son œuvre de créateur. Dans ce retour inévitable de l’effet sur la cause, il faut constater avec moi que la structure, une fois établie, prime l’homme qu’elle conditionne de part en part. Seuls des esprits émergents, des distanciateurs avisés et révolutionnaires arrivent à se séparer mentalement et intellectuellement de la structure où ils sont immergés, pour en envisager la réforme voire le rejet pur et simple en vue de son remplacement par d’autres.

L’homme crée les structures mais la structure le recrée, je le redis. Il sort de la structure pour y rentrer mais dans l’intervalle, il doit avoir la claire vision nécessaire pour fonder des structures qui servent et desservent son humanité en évitant celles qui l’asservissent ! L’homme doit primer les structures mais hélas ! partout il est dans les chaînes des structures qui l’aliènent ! Prenons par exemple les structures de la société industrielle, l’homme y est minuté et programmé pour le fonctionnement structurel. C’est que la conception structurale des establishments, une fois corsée dans les institutions, ces structures matérielles et idéelles de la rection sociale, finit par être la maîtresse des hommes ou tout au moins des majorités ainsi assujetties par quelques individus surhommes, démiurges qui façonnent entretiennent et maintiennent les structures le plus souvent opprimantes et aliénantes des masses.

Et le comble de l’inhumanité dans tout cela, est cette illusion démocratique qui laisse croire à l’esclave heureux et nourri qu’il est maître du système structurel qui le conditionne, le réifie et l’utilise à ses propres fins fonctionnelles et ludiques au profit des oligarchies ploutocrates.
Néanmoins, malgré cette prééminence de l’homme jamais mise en doute dans mes textes où je parle souvent de nouvelle humanité haïtienne et malgré la brève démonstration que je viens de faire des limites de la structures, je tiens donc à rappeler que la structure - en tant qu’une "gestalt" c’est à dire une forme composée de plusieurs parties imbriquées qui font jeu et fonction, la structure étant un système en soi - en société, c’est donc plusieurs structures institutionnelles donc systémiques qui vont composer le grand système ou la mégastructure sociale dont le fonctionnement est systématique, c’est-à-dire régulé et ordonné d’après des principes réguliers permanents !

La structure, parce que forme, opère comme moule qui régit et donne forme au mode d’être (hommes et action) qu’elle détermine. Lorsque la structure est expropriée parce que posée par les contempteurs, les ennemis de la société et que les dirigeants sont précisément des complices de ces contempteurs, il y a péril en la demeure ! Le cas haïtien est un cas plus unique que d’autres, l’on s’y trompe si l’on pense que d’autres peuples d’Amérique voire du monde aient connu les mêmes turpitudes car c’est le seul pays à avoir eu son indépendance par des esclaves révoltés et non par des colons séparatistes.

Dès lors, l’étrangeté des haïtiens étant totale aux puissances de l’époque, nous savons que les pays qui auraient pu commercer avec Haïti comme les États-Unis et l’Angleterre ont refusé de traiter formellement avec le nouvel État, Les États-Unis ont imposé un embargo à Haïti, la France a infligé la fameuse subvention aux colons dite dette l’indépendance, ce qui a détruit littéralement l’économie haïtienne.

Haïti n’a pas été invité à la conférence de Panama malgré ses aides aux libertadores Miranda et Bolivar. Sans être paranoïaques, nous ne devons pas être naïfs à ce compte, un pays nègre en Amérique et, de surcroît, qui a osé, imposé l’antiesclavagisme enclenchant les abolitions ultérieures de l’esclavage partout sur le continent - alors que l’esclave était la principale machine productrice du capitalisme de l’époque - était considéré et isolé par l’occident blanc comme un pestiféré.

Rappelons-nous les propos de Jefferson évoquant Haïti "la peste vient de ce pays" disait-il ! Par la suite, l’éducation haïtienne remise entre les mains de l’Église catholique française raciste, inculquant à côté des données académiques toutes sortes d’ordures mentales pour favoriser les pires préjugés et clivages, sans oublier les horreurs particulièrement violentes de l’esclavage restées présentes et douloureuses dans la mémoire collective, (traumatisme de l’histoire et du souvenir) a altéré l’esprit et le comportement haïtiens ! Car les majorités haïtiennes - dont le mode d’exclusion du système étatique et aliéné d’Haïti avec des dirigeants non moins aliénés s’est fait l’ennemi parce qu’au service de quelques familles, sans se soucier de jeter les moindres miettes ni de poser les plus minimes structures de partage - ont fini par basculer dans un sentiment de rejet et d’abandon au sein de leur propre pays où elles ont toujours vécu et vivent encore une misère restée proche de celle des esclaves d’avant l’indépendance.

La cicatrisation des béances du passé et la réhabilitation humaine des majorités opprimées et traumatisées, n’ayant jamais été entreprise ou favorisée par l’État Moloch haïtien, la société haïtienne est restée celle de la faille et de toutes chimères et dissensions liées aux vices de construction et d’orientation de départ jamais corrigés !

La culture évoquée est importante, mais rappelons-nous que la culture, c’est ce qui fait émerger l’esprit, l’homme proprement dit, alors que la nature enfantait l’animal humain préculturel. La culture parce qu’elle prend forme dans le rapport de l’animal humain à soi, à autrui et à l’univers et s’enrichissant sans cesse en cumulant les conquêtes ininterrompues de ce triple rapport, lorsqu’elle répète dans le cas d’une société, les merdes du colon, ne laisse nullement la place à la santé d’esprit pour forger la libération et l’élévation !

Au lieu d’un Big Bang, une explosion originaire qui produit un univers qui s’épand, la société haïtienne donne le triste et morne visage d’un Big Crunch où l’espace de vie se restreint et semble fatalement programmé pour la destruction, l’implosion ! Voilà donc pourquoi je parle de nouvelle humanité mais aussi de transformation des structures surtout celles du mental, celles de la culture et du comportement, si fortes et si infectes que je les compare souvent à des ferments tératogènes, des germes générateurs de monstres !

Il faut en finir avec la "tératogénie" culturelle, c’est à dire cette production sociale et politique de monstres qui se reproduisent aux dépens de notre droit de peuple au bonheur !
Combattre les trois moments de la corruption (Corruptible, corrompu, corrupteur)
En finir avec la corruption de l’esprit haïtien en promouvant des valeurs constructives et d’apaisement, voilà la mission de l’élite actuelle. La corruption est avant tout l’altération d’un corps qui pourrit et est détruit. Quand on parle de la société, c’est donc de la pourriture des mentalités et comportements et du pourrissement des institutions rendues dysfonctionnelles parce qu’altérées par les errements et malversations des administrants et administrés.

Mais bâtir des valeurs constructives comme repères, ne signifie guère qu’il faille démissionner comme ceux qui actuellement dirigent, devant toutes les actions sans merci et la force publique à mettre en branle contre les assassins qui se permettent d’agir en plein jour dans l’impunité. Mais au-delà de la juste répression sans pitié du crime, voici quelques-unes des tâches à entreprendre.

1) Nous devons prévenir la corruption d’abord du corruptible c’est-à-dire celle de ces jeunes haïtiens plongés dans cette déchéance, ce désespoir qui le rend, à force d’exclusion ou de vide d’estime de soi, disponible pour toutes sortes de crimes et de prostitution. Nous devons éradiquer les racines politiques de la corruption et créer un environnement pédagogique appuyé par un climat social et politique favorable pour une nouvelle éducation humano-citoyenne de l’haïtien !

2) Aux corrompus irrécupérables, aux criminels invétérés, pour éviter tout risque à la société, il faut les mettre hors d’état de nuire de quelque façon que ce soit. Dans ces cas il faut être sans complaisance et sans mollesse ! Quant aux autres, ils seront après examen sérieux et observation pertinente, rééduqués pour leur réinsertion sociale.

3) Dans le monde de la corruption, l’infernale chaîne de la pourriture, le premier maillon, le pire qu’il faut détruire est le corrupteur, celui à qui profite la salissure. Les parrains de la drogue qui arment leurs trafiquants subalternes, les proxénètes et/ou pédophiles qui financent les orgies et la prostitution hétéro comme homo des jeunes voire des enfants, les politiciens élus qui achètent des oisifs et les arment pour se maintenir en poste ou pour dissuader toute opposition, les commerçants immoraux qui font kidnapper et tuer tous ceux qui veulent protéger les consommateurs, tous ceux qui d’une manière ou d’une autre profitent et encouragent la malpropreté sociale, la marginalisation et les méfaits.

Rebâtir l’esprit par la communication d’autres valeurs comme repères est une urgence sociale pour Haïti et une exigence pour les élites responsables qui ne peuvent ni ne doivent l’éluder. Le prérequis de tout changement donc est l’établissement de ces valeurs d’intégration et d’éducation en tant que choix social de la politique d’État, puis la systématisation institutionnelle pour donner force opératoire à la nouvelle société projetée !

Vrais Partisans du changement et de la libération, Protagonistes de l’alternative culturelle pour la transformation positive, militants d’un nouveau mode d’existence sociale haïtienne, humanistes promoteurs d’une nouvelle humanité haïtienne : l’action doit être vôtre, pardon, nôtre !

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