dimanche 18 janvier 2009

EDUCATION ET LES NOUVELLES THEORIES DE LA CROISSANCE

Education et les nouvelles théories de la croissance

(extrait du Journal Le Matin du 7 mars 2008)

Par Guichard DORE

Les nouvelles théories de la croissance développées au cours de ces dernières années font reposer le progrès économique sur quatre facteurs fondamentaux : l’innovation et l’adaptation technologique sont les moteurs de la croissance ; l’innovation technologique sont produites pour une large part au sein des entreprises ; l’entreprise est un milieu apprenant ; toute innovation nouvelle accélère l’obsolescence des technologies existantes (destruction créatrice de Schumpeter) ; le stock de capital humain conditionne l’aptitude des pays à innover et/ou à rattraper les pays les plus avancés. Ces mêmes théories expliquent, d’une part, que les différences de niveaux de développement économique constatées entre les pays sont largement dues à des différences dans leurs systèmes et politiques de R&D et, d’autre part, aux différences entre leurs systèmes éducatifs vu que les systèmes d’éducation conditionnent le travail qualifié susceptible d’engendrer le progrès technique. Quelque soit le pays et son niveau de développement technologique, l’éducation, au sens large, et la recherche sont considérées comme facteur de croissance.

L’attitude d’un pays et ses efforts de R&D varient selon qu’il est proche ou loin de la frontière technologique (Etats-Unis) . Dans un pays proche de la frontière technologique, (Allemagne, France) l’éducation augmente l’offre de chercheurs ou développeurs potentiels et par la suite renforce les effets incitatifs d’une politique directe de subvention à la R&D et à l’innovation. Dans un pays loin de la frontière technologique (République Dominicaine, Chili), l’éducation et la R&D facilitent l’adoption de nouvelles technologies introduites antérieurement dans les pays les plus avancés et leurs adaptations aux situations géographiques et économiques locales (innovations incrémentales) . Pour les théoriciens de la croissance, il y a une complémentarité entre éducation et progrès technique et on doit la retrouver au niveau de la politique économique d’un pays qui conduit une politique de croissance. Un pays qui veut atteindre la croissance doit : subventionner la R&D et aider à l’équipement des laboratoires des entreprises innovantes ; avoir une politique de droit de propriété sur l’innovation ; améliorer qualitativement le système national d’éducation et de formation ; fluidifier le marché du travail en fournissant des informations pertinentes sur l’offre et la demande du travail hautement qualifié.

Face aux défis du développement économique, les pays réagissent différemment quitte à sacrifier une génération pour atteindre la croissance économique (Chine) ou instaurer un système dual par l’accélération d’une société à deux vitesses (Inde). En Amérique Latine, le Brésil et le Mexique ont privilégié l’éducation élitiste en mettant l’accent sur la formation supérieure et la recherche en laissant une large partie de la population non alphabétisée ce qui explique, en partie, la croissance déséquilibrée des Etats du Brésil et du Mexique. Certains pays de l’Asie ont mis l’accent sur l’enseignement classique et professionnel sans pour autant négliger l’enseignement supérieur. Ils ont une croissance équilibrée. Un pays comme la Philippine, par exemple, s’en sort très bien. Elle exporte de matière grise dans le monde (40% de cadres de haut niveau). Pour l’année 2006, le PIB a enregistré une croissance de 5,4% soutenue principalement par la croissance de la consommation (5,5%), les transferts en devise de la diaspora philippine (12,8 USD), la croissance des exportations (12,1%).

Importance d’une éducation efficace

Une éducation efficace doit permettre à chacun d’assurer son entrée dans la vie professionnelle et d’exercer ses droits et devoirs de citoyen. Elle doit fournir à l’économie les ressources humaines nécessaires à la production du travail. Les progrès de l’éducation accompagnent ceux de l’économie et, par conséquent, l’évolution des techniques de production, sans qu’il soit toujours aisé « de distinguer les causalités respectives dans la complexité des interactions »[1]. Les grands desseins économiques se sont toujours joints à une expansion de l’éducation. Une éducation efficace doit faciliter la transformation des pratiques professionnelles, améliorer les techniques séculaires de production tout en faisant évoluer les traditions ancestrales surtout en milieu rural. La politique éducative peut se situer dans une logique adaptative ou dans une perspective ‘’pratico-utilitarist e ’’ afin de répondre aux besoins de l’économie en termes de main–d’œuvre. En ce sens, tout l’effort s’oriente vers la formation de la main-d’œuvre, la qualification professionnelle, la promotion scientifique et technique. Dans une telle perspective, la confrontation « des besoins aux disponibilité s prévisionnelles de la main d’œuvre pour chaque catégorie »[2] est nécessaire pour pouvoir mieux ajuster les sorties du système éducatif à la réalité du monde du travail.

Le système éducatif, par ses activités immenses et de recherches, devient lui- même un secteur productif. L’éducation est une activité pourvoyeuse d’emplois, et dans certains pays ou régions, elle est un service marchand qui tire les autres composantes de l’économie. Elle se situe, en termes budgétaires dans certains Etats, au second rang après les dépenses militaires. « Avec le temps, l’éducation pénètre dans tous les compartiments de la vie sociale. Elle constitue une composante importante de tout effort de développement et de progrès humain et prend une place non négligeable dans l’élaboration des politiques nationales »[3].

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[1] FAURE E. et al. (1972). Apprendre à être, UNESCO, Fayard, Paris, p. xxv.

[2] GRAVOT P. (1993).Economie de l’éducation, Economica Paris, p. 194.

[3] DORE G. (2006). Crise de l’éducation, élément de frein au développement d’Haïti, Université Paris XII, p. 25.

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