mardi 13 janvier 2009

MONDE-HAITI: NOUVELLES VOIES ENERGETIQUES

Monde-Haiti : Nouvelles voies énergétiques

lundi 12 janvier 2009

Par Marc Archer [1]

Soumis à AlterPresse le 11 janvier 2009

« La planète est désormais un tout petit « village ». Et ce qui se produit dans d’autres pays nous concerne forcément. »
E. Wiesel, Prix Nobel de la paix

Cet article devait voir le jour sous le titre « Déséquilibres énergétiques ». Conçu durant le mois d’octobre, et devant être publié durant le mois de novembre, le hasard a voulu qu’il ne le fût pas. Certains événements qui ont eu lieu après avoir écrit l’article, m’ont donc poussé à changer d’orientation, non pas dans les idées de base, mais plutôt dans l’habillement. Cela a motivé la fusion de deux articles et leur parution sous un nouveau titre qui se veut plus parlant, plus intéressant, plus complet. Après un silence de plusieurs mois et des événements aussi importants, dans le monde et en Haïti, je ne pouvais laisser passer l’heure des bilans, au début d’une nouvelle année sans offrir mon point de vue sur la situation énergétique haïtienne ou sans analyser certaines des options ou des voies énergétiques qui se trouvent à la portée de la société haïtienne pour faciliter son transit vers le développement économique.

Il est clair que nous avançons vers une nouvelle étape au niveau mondial et cela concerne tous les pays. L’enracinement de certains conflits, identitaires, idéologiques, économiques, religieux, le banditisme international (voir ce qui se passe avec la piraterie par exemple), les problèmes de mauvaise gouvernance (énergétique ou économique), les problèmes environnementaux (nationaux, transfrontaliers, globaux), nécessitent d’un changement profond, dans les idées, dans les mentalités, dans les actions, afin de leur trouver une solution définitive.

La fragilité économique historique que le monde est en train de vivre, la vulnérabilité environnementale de notre Planète provoquée par une typologie agressive d’activités anthropiques, l’imprévisibilité des risques (risques politiques, conflits sociaux, violences terroristes, conflits identitaires latents ou déclarés donnant naissance parfois à un fondamentalisme aveugle, nationalismes exacerbés, banditisme international, narcotrafic) associés à l’univers sociopolitique, peuvent être considérés comme les grands signes parlants de l’existence de phénomènes perturbateurs violents au sein de la société mondiale. Les inégalités sociales, les relations asymétriques entre les différents pays, l’accès inégal aux ressources économiques, la disponibilité restreinte de ressources naturelles, l’impossibilité pour les moins riches d’accéder et de maîtriser les technologies nouvelles, sont les causes fondamentales de ces phénomènes perturbateurs. Les déséquilibres créés, véritables structures de propagation de ces perturbations, sont de plus en plus graves aussi bien au niveau environnemental qu’au niveau social et les réactions bien qu’apparemment sous contrôle sont en train de miner le futur collectif.

La société mondiale aura à souffrir différentes mutations pour passer de cet état d’équilibre (stable ou apparent) dans lequel nous avons vécu jusqu’à présent, à un nouvel état d’équilibre (à rechercher). Des décisions sont à prendre, des actions sont à entreprendre afin de trouver solution aux différents problèmes ci-devant mentionnés. L’Europe et les Etats-Unis ont déjà marqué le pas. La nouvelle équipe qui aura à diriger la nation américaine, durant les quatre prochaines années (ou peut-être 8), aura à contribuer, obligatoirement, à rechercher une « nouvelle orbite stable » pour la société mondiale. Parmi les différentes mutations prévues, pour passer à occuper une « nouvelle orbite stable », les mutations liées au secteur de l’énergie devront jouer un rôle capital.

Grâce à l’énergie, l’humanité a vécu les plus beaux moments de son histoire, tant et si bien que nous avons tous cru à « l’énergie indéfiniment », à de l’énergie bon marché, toujours disponible, omniprésente, manipulable à besoin. Cela a servi à créer un modèle de société « énergivore », prédatrice, autodestructrice. Nous commençons, fort heureusement, à nous en rendre compte et nous comprenons maintenant (mieux vaut tard que jamais) que les coûts associés à l’impact environnemental causé par l’utilisation de l’énergie, n’étant pas comptabilisés dans les différentes interventions économiques (aucun processus d’internalisation des coûts environnementaux n’étant réalisé), les bénéfices obtenus ne sont pas aussi importants qu’on voudrait le croire. Le Réchauffement de la Planète semble vouloir favoriser de nouvelles voies et inciter à adopter de nouvelles valeurs citoyennes, dans la gestion de l’énergie, puisqu’on commence effectivement à se rendre compte que « La planète est désormais un tout petit « village ». Et ce qui se produit dans d’autres pays nous concerne forcément ». De nouvelles préoccupations semblent apparaître, de nouvelles valeurs semblent vouloir émerger, autour de certains concepts tels que :

Eco Solidarité

Économies d’énergie

Sécurité dans les Approvisionnements

Consommation Responsable

Environnement Propre

Diversification du Bouquet Énergétique

Optimisation des Réseaux de Transport

Minimisation des Besoins de Déplacement

Accès démocratique à l’Énergie

Les premiers « forgeurs d’opinion » et « preneurs de décision », en ce sens, sont l’Union Européenne et les États-Unis d’Amérique. Parlons d’abord de l’Europe, de l’Union Européenne. Le Club des 27 s’est mis d’accord, le mois de décembre dernier, sur le « Paquet Climat/Energie » qui devra leur obliger d’atteindre « l’Objectif Triple Vingt pour 2020 », le fameux « Objectif 3 x 20 » qui ne prétend nullement être un jeu de mots :

Réduire de 20% les émissions de Gaz à effet de serre, par rapport à leur niveau de 1990.

Porter la contribution des énergies renouvelables à 20% de la consommation énergétique globale.

Réaliser 20% d’économie d’énergie.

De leur côté, les Etats-Unis jouent aussi leur partition. Le nouveau gouvernement commence à présenter les bases d’une nouvelle vision de l’énergie, en faisant des Etats-Unis le « Leader de la lutte contre le Changement Climatique » (« Make the U.S. a Leader on Climate Change »). Le Plan Énergétique du Président Obama est basé sur certains points qui semblent montrer les différents axes d’intervention :

Démarrage d’un plan économique pour réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre, d’ici à 2050 ;

150 milliards de dollars sur 10 ans pour développer les énergies renouvelables (estimation de 5 millions d’emplois créés) ;

10 % de l’électricité générée par les énergies renouvelables d’ici à 2012, 25 % pour 2025 ;

Développement de la source d’énergie la moins chère, la plus propre et la plus rapide : Promotion de l’efficacité énergétique.

Développer et déployer la technologie du “charbon propre” ;

Promouvoir la production “responsable” de pétrole et de gaz naturel.

Souhait d’un million de voitures hybrides sur les routes américaines d’ici à 2015

Crédit d’impôt de 7.000 $ pour l’achat d’un de ces véhicules.

D’après mon point de vue, il manquerait ici une Politique du Transport et de la Mobilité Durable adaptée aux Etats-Unis tendant à minimiser les besoins de déplacements et à optimiser les déplacements en voiture puisque les déplacements sont inévitables dans un pays dans lequel on tend à occuper tout l’espace offert.

Un troisième groupe de décideurs, formant le contrepoids, serait constitué, d’un côté, du Brésil en tant que défenseur à outrance d’une certaine « Voie Verte » basée sur l’exploitation des biocarburants et, de l’autre côté, par le groupe des pays émergents, véritables « bouffeurs d’énergie » et utilisateurs de technologies de production beaucoup plus polluantes. Un quatrième pôle qui représenterait plutôt un « centre de préoccupations énergétiques », est constitué par les pays à structure énergétique fortement déséquilibrée.

Nous pouvons citer Haïti comme l’un des exemples les plus intéressants. Si la situation est grave, à travers le monde, au niveau d’Haïti, elle peut être considérée extrême, bien que notre facilité à « minimiser les risques » (Epi, … Epi Anyen !), nous empêche de voir le danger qui nous plane dessus. Fragilité (sociale) et vulnérabilité (multidimensionnelle) sont deux concepts qui décrivent la situation de notre pays. Les événements qui se sont produits en Haïti cette année 2008 (annus horribilis pour le pays), illustrent ce point de vue. Ils nous montrent aussi, si nous savons lire les événements, comment gérer les différents déséquilibres existant dans notre pays et comment contrôler les mécanismes perturbateurs, si nous voulons, non pas simplement « traverser la durée » comme dirait Emile Olivier, mais plutôt vivre, de façon plénière, notre vie de peuple.

Ce déséquilibre profond qui caractérise notre société et qui entrave notre développement, se manifeste à trois niveaux (niveau social, niveau environnemental, niveau économique), avec un fort effet de réalimentation entre les trois niveaux . Ce qui traduit le mieux cette situation est donc le « Déséquilibre Énergétique » d’Haïti dont les éléments caractéristiques sont :

Faible existence de ressources énergétiques naturelles.

Faible disponibilité économique pour l’obtention de ressources énergétiques traditionnelles.

Faibles capacités d’exploitation des ressources renouvelables identifiées.

Faible disponibilité technologique.

Absence de volonté d’adaptation aux changements technologiques

Besoins thermiques satisfaits de façon inefficiente et à un coût élevé.

Insouciance environnementale (caractérisée par une consommation énergétique basée sur l’exploitation des ressources locales exerçant une pression « Insoutenable » sur l’environnement physique et mettant même en jeu la permanence des structures du pays).

Absence de contrôle sur la maîtrise de la consommation (prolifération de la production autonome d’énergie et mauvaise gestion du transport routier).

Accès très limité à l’électricité,

Fortes limitations aux possibilités de déplacements (Transport et Mobilité)

Coûts de conservation d’aliments extrêmement élevés.

Cela a pour conséquences directes :

Une insatisfaction notable des besoins énergétiques de base de l’Haïtien.

Une couverture énergétique qui se fait au détriment de l’environnement, à un coût environnemental qui provoque la dégradation poussée de l’environnement physique du pays.

Une perte de compétitivité économique de plus en plus grave du pays à cause du « coût énergétique » élevé de production de Biens et de Services.

La pauvreté généralisée du pays (économique, environnementale).

Dans une société moderne, toute transformation sociale se base sur l’accès aux services énergétiques qui sont les vrais porteurs de changement. Il est donc impossible de penser à établir des structures de changement en Haïti, sans un accès global aux services énergétiques car, les carences énergétiques créent dans la société haïtienne, de profonds déséquilibres qui facilitent la dégradation de l’environnement (physique et social) et réduisent énormément la capacité de sustentation du territoire haïtien. Lutter contre ces déséquilibres est donc un devoir, nécessaire et urgent. Il faudra réaliser de nouveaux Choix, Politiques, Technologiques, Économiques, Psychologiques, afin de permettre de modifier la situation antérieurement décrite et atteindre des objectifs correcteurs performants. Un grand effort pédagogique est à faire par les différents acteurs pour informer la société sur les enjeux réels de la situation technologique du pays, et promouvoir l’adaptation à une mentalité technologique facilitatrice de changement, apte à admettre l’incorporation de nouveaux codes de fonctionnement.

Ce n’est peut-être qu’ainsi que les relations entre l’État el les différents acteurs civils pourront tendre vers l’équilibre. Ce ne serait que le premier geste à réaliser dans cette nouvelle démarche de réduction des déséquilibres. Quant au financement, les moyens existent (bien que 2,2 milliards de dollars pour le Budget National ne permettent pas de faire de grands gestes). Il nous faudra peut-être apprendre à négocier, entre nous d’abord et ensuite avec les « financeurs de rêves et d’échecs ».

Et, si Einstein disait que « nous aurons le destin que nous aurons mérité », je préfère croire que nous aurons le destin que nous aurons choisi car, choisir est encore possible. Dans l’espoir de pouvoir voir la concrétisation de ce choix durant cette nouvelle année qui s’annonce, je profite de cet article pour souhaiter au pays mes meilleurs « Souhaits Énergétiques » afin que Haïti trouve la « Bonne Voie Énergétique » qui sûrement conduira vers la réussite économique et sociale ainsi que mes vœux de « prospérité collective », de « confiance généralisée », de « croissance partagée ».

Bonne Année 2009 à tous.

Barcelone, Janvier 2009

[1] Physicien Industriel
iphcaten@yahoo.es

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