samedi 6 octobre 2012

Thèmes de l’Emission de la semaine - Orlando le 5 octobre, 2012 - Actualités Politiques : Grandes Lignes - Le Sommet des Nations-Unies ayant pris fin. C’est le renouvellement du mandat de la Minustah qui fait la une et remplit l’avant-scène. Depuis huit ans cette période du renouvellement, offre ponctuellement à certains l’opportunité de monter au créneau pour faire preuve de patriotisme, de nationalisme et à d’autres l’opportunité de plaider en faveur de la reconstitution de l’armée. C’est la saison des discours allant de la frustration à la lamentation ! Il faut nous mettre d’accord au moins sur le fait que l’évocation du chapitre VII de la charte des Nations-Unies pour la mise sous tutelle, soit due au constat de la faillite de l’Etat en Haïti. Et cet état de faillite s’est répété deux fois de suite en une décade sous le régime lavalas, causé par la pérennisation intentionnelle de la déliquescence institutionnelle. Le renouvellement du mandat de la Minustah ne dépend pas uniquement de l’approbation du gouvernement haïtien. Son budget de fonctionnement qui s’élève à presqu’un demi-milliard de dollars US, l’an, est supporté par des pays donneurs d’aide. Le contingent et le cadre viennent d’autres pays qui ne sont pas forcément des donneurs d’aide. Sa présence est donc due aussi à une volonté collective d’une politique internationale qui juge opportun de supporter à la fois sa présence et son fonctionnement en Haïti. En réaction à l’arrivée de la Minustah en Haïti, l’idée de reconstituer l’ancienne armée, est devenue une préoccupation pour certains et pour d’autres la voie unique et la condition sine qua non de la récupération automatique de l’autonomie nationale. La présence de l’armée en tant que force publique est une exigence constitutionnelle, certes. Mais la reconstitution de l’ancienne armée, n’est pas de fait un passage obligé, pour la récupération de l’autonomie nationale. La création d’une armée totalement nouvelle, constitue une des étapes importantes et essentielles à la récupération de l’autonomie nationale. Mais elle ne peut pas être, ni la première, ni l’unique étape. On peut ne pas vouloir y croire. Mais on est bien obligé de se rendre à l’évidence et tenir compte du fait que le rapport de la Banque Mondiale vient de classifier Haïti le pays le plus pauvre de la planète, à 77% de taux de pauvreté. La reconstitution ou la création et de plus le maintien d’une armée, étant un projet très onéreux, sont-ils possibles dans l’immédiat ? Il est important de constater et d’admettre aussi que bien avant sa mise sous tutelle, Haïti, tel qu’elle est organisé et qu’elle fonctionne, son budget de fonctionnement, a été et continue à être jusqu'à présent subventionné à plus de 60% ! Et son budget d’investissement public est presque inexistant ! Cette situation de faillite bien qu’elle soit la norme depuis plusieurs décades. Il n’est pas normal, d’accepter, ni de croire que ce soit une fatalité incontournable. Il y a plusieurs raisons manifestes, connues, qui l’expliquent, l’ont rendu possible et l’ont entretenu. Tel que l’incompétence, la corruption, l’impunité, la présence de criminels notoires aux plus hauts sommets de l’état, le népotisme de la médiocrité, le nivellement par le bas, tout le cortège de dysfonctionnement et de crises larvées irrésolues qui accablent ce pays depuis 55 ans. Le premier pouvoir élu constitutionnellement qui a gouverné pendant 5 ans sous l’égide du régime de tutelle, est celui de René Garcia Préval. Il a préféré jouir de la protection inconditionnelle que lui a offerte la Minustah, et choisi de jouer le rôle de corrupteur et de corrompu, gérant la continuité. Préval a gouverné ignorant totalement l’existence du régime de tutelle. Il a agit comme si c’était une situation normale et permanente. Il n’a envisagé aucune mesure, aucune solution, aucun plan, de restructuration institutionnelle. Rien qui puisse engager le pays à sortir de la déliquescence institutionnelle, ni de la faillite de l’état. Il n’a jamais donné aucune preuve d’une velléité minimale de récupération graduelle de l’autonomie nationale. Ça a été, en ce qui concerne l’autonomie nationale, 5 ans de perte sèche ! Ceux qui pensent que ce soit seulement l’absence d’une armée qui soit la cause unique et primordiale du régime de tutelle. Croient qu’il suffirait simplement de reconstituer l’ancienne armée pour récupérer automatiquement l’autonomie et la souveraineté nationale. Ils ignorent ou feignent d’ignorer le fait que l’institution militaire elle-même a été, bien avant sa dissolution, victime de la déliquescence institutionnelle. C’est un fait historique connu et admis, que l’armée d’Haïti a été domestiquée par François Duvalier et pour cause. L’armé a été de fait, la première des institutions à succomber dans la déliquescence institutionnelle ! Ça a été le premier tour de force politique de François Duvalier, pour garantir la pérennisation de sa présidence à vie. Ce n’est un secret pour personne non-plus, que pour s’enrôler dans l’armée d’Haïti sous Duvalier, il fallait non-seulement être un duvaliériste connu. Mais de plus et surtout, il fallait avoir le parrainage d’une autorité duvaliériste. C’est cette armée qui a été démantelée par l’armée américaine, au moment du retour d’Aristide au pouvoir en 1994. Mais qu’Aristide n’ayant pas compris ce que les enjeux conjoncturels lui offraient sur un plateau d’argent. Il n’a pas su faire preuve d’intelligent. Il n’a pas saisi l’opportunité de ce moment de faiblesse de l’institution militaire démantelée pour la domestiquer, comme François Duvalier l’avait fait avant lui. Aristide aveuglé par l’inexpérience, plus motivé par l’émotion que par l’intelligence, a voulu seulement se venger du coup d’état du 30 septembre 1991. Il a choisi plutôt, son abolition en 1995. Ce qui ont été enrôlés et ont reçu leur formation militaire durant cette période de déliquescence de l’institution militaire sous Duvalier, sont, qu’ils veuillent l’admettre ou non. Qu’ils en soient conscients ou pas, victimes de cet état de fait. Ceux qui parmi eux disent, quand on évoque ces faits historiques irréfutables. Que l’on est en train d’errer en regardant plutôt dans le rétroviseur, que de regarder de l’avant. A ceux-là, on rappelle : « Que ceux qui choisissent d’ignorer l’histoire, sont condamnés à la répéter. » On ne peut pas se permettre d’ignorer, les circonstances, la durée, l’ensemble et la complexité des éléments qui ont contribué directement à amener le pays à sombrer graduellement sous deux régimes de tutelle en une décade. C’est l’ensemble des institutions victimes de la déliquescence institutionnelle, pendant plus d’un demi-siècle, et la dégradation constante des conditions, qui ont causé en deux fois cette faillite de l’Etat haïtien. Il est absolument illogique et irrationnel, de croire que la reconstitution de l’ancienne armée, à elle seule, arriverait à résorber automatiquement la totalité des conditions qui ont abouti à la faillite de l’état et extirperait simultanément toutes les institutions de la déliquescence, pour récupérer l’autonomie nationale. Il n’y a rien d’automatique dans la récupération de l’autonomie nationale. There is no silver bullet ! C’est précisément pourquoi c’est un processus et non une manœuvre ! Supposez pour un instant, que l’on veuille récupérer l’autonomie nationale. Qu’on le fait uniquement en substituant aux troupes de la Minustah, des troupes de nationalité haïtienne, mais en gardant en Haïti, pour le support de ces troupes haïtiennes, la totalité des casernes, postes, équipements, armes et munitions utilisés par les militaires onusiens. Ceci pour facilité et réduire substantiellement le coût initial de la reconstitution de l’armée d’Haïti. Aurait-on pour autant résolu simultanément pour toutes les institutions, y compris l’armée elle-même, le problème de plus d’un demi-siècle de déliquescence institutionnelle ? Aurait-on pour autant résorbé la faillite de l’état, qui pérennise depuis plus de deux décades ? Aurait-on, pour autant, mis fin à toutes ces conditions qui ont causé la mise sous tutelle en deux fois en une décade ? La réponse à ces 3 questions, est évidemment non. Vous conviendrez alors, que reconstituer l’ancienne armée ou créer une nouvelle armée, ne peut pas être ni la première étape, ni la seule étape à franchir pour récupérer harmonieusement l’autonomie nationale sans courir le risque d’un déséquilibre institutionnel dangereux ? Posez-vous bien la question, de manière réaliste et sans aucun préjugé. Dans ce scénario, créant automatiquement des nouveaux rapports de forces, qui aurait instantanément le haut du pavé ? Entre d’une part, cette force militaire ancienne ou nouvelle, fraîchement reconstituée ou créée, ayant armes, munitions, équipement, communication, transport, contingent, cadre, casernes et postes militaires quadrillant tout le territoire, etc. Et d’autre part, trois pouvoirs civils faibles, pauvres, dysfonctionnels, qui se chamaillent continuellement, dont le budget de fonctionnement est subventionné à plus de 60%, gouvernant un Etat en faillite totale, avec des institutions en pleine déliquescence et les conditions qui ont causé sa mise sous tutelle, non-encore résorbées ? Vu la différence abyssale qui s’installerait immédiatement dans les rapports de forces entre un pouvoir civil faible, dysfonctionnel et une armée bien équipée et fonctionnelle, pose un problème dangereux de déséquilibre total des pouvoirs, peu importe la nature de l’armée, reconstituée ou créée. Cependant, compte tenu de l’origine politique de l’ancienne armée reconstituée, le danger dans ce cas deviendrait incommensurable. Ceci équivaudrait à la substitution pure et simple d’une force d’occupation étrangère, par une autre force d’occupation nationale. C’est d’ailleurs ce que cette armée démantelée en 1994 et abolie en 1995, a eu au cours de toute son existence comme rôle, dès sa création par les forces d’occupation américaines, le 2 août 1934. La neutralité politique d’une nouvelle force armée, est fondamentale pour la modernité, la stabilité sociopolitique et institutionnelle du pays ! Aller de l’avant vers la modernité, est un impératif incontournable. On ne peut pas se permettre de retourner en arrière, avec la reconstitution de l’ancienne force armée, sans abonder dangereusement dans le sens de la continuité. La consolidation de toutes les institutions étatiques sans exception et du pouvoir civil en particulier, sont primordiales, pour un équilibre viable entre les 3 pouvoirs, les institutions étatiques et la force publique ! Il ne s’agit pas de sortir au plus vite du régime de tutelle, par le bricolage, par la précipitation, par des faux-fuyants, ni par des raccourcis, servant subrepticement des intérêts sectoriels, mais contre évidemment ceux de la pluralité. Il ne s’agit pas d’atermoiement non-plus, mais de préparation avec certitude et détermination. Il s’agit de systématiser en profondeur une action qui engage à la fois la survie d’une nation autonome et d’un Etat souverain ! Il est important de réfléchir minutieusement aux conséquences, aux moyens, aux méthodes, aux procédures, aux priorités d’impotence, aux priorités de séquences et surtout à la synchronisation précise des séquences logiques et ordonnées des étapes à franchir. Diriger, c’est donc d’abord comprendre, pour prévoir ! Une récupération bâtarde de l’autonomie nationale, ne sera pas viable à long terme et ne servira pas non-plus l’intérêt national, ni la viabilité d’un Etat souverain.

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