jeudi 10 janvier 2008

HAITI: QUAND LA BRH CRACHAIT SUR SON OR

mercredi 9 janvier 2008

Par Gary Olius

Soumis à AlterPresse le 8 janvier 2008

Plus riche ou moins pauvre, la Banque de la République d´Haïti (BRH) le serait aujourd´hui, si elle avait pris la bonne décision sur la gestion de sa réserve d’Or, il y a sept ans. Dommage, l´art d´effectuer une lecture perspicace des conjonctures financières internationales et d´anticiper rationnellement le cours des événements lui a, semble-t-il, fait défaut. Un malin génie lui a inspiré - en l´an 2000 - la velléité indomptable de se débarrasser de 93,43% de son stock. Cette décision inconsidérée et prise à la va vite faisait des gorges chaudes et provoquait la grogne de plus d´un, mais la BRH a mis tout son poids dans la balance pour couper court à toute possibilité de débat ex-ante sur la question.
D´une part, elle brandissait la loi du 17 août 1979 qui lui attribuait le plein pouvoir en matière de vente ou d´achat d´or et, de l´autre, elle essayait de convaincre l´opinion publique qu´elle disposait des meilleurs spécialistes en matière de connaissance du système monétaire international et de gestion de portefeuille. Et partant, elle avait les coudées franches pour décider unilatéralement ce qu´elle veut, quand elle veut sans avoir de compte à rendre à personne. Ce fait était tel que même des médias haïtiens très influents acquiesçaient religieusement à la décision de la BRH ; d ´autant plus que la conjoncture politique de l’heure était assez délicate et la peur de prendre des risques envahissaient même les esprits des journalistes reconnus pour leur bravoure légendaire. On commentait à bâtons rompus cette décision d´envergure, mais avec une singulière prudence. Ceux qui voulaient assumer le male courage de la critiquer ouvertement ne trouvaient pas de tribune, tandis que les responsables de la Banque des banques étalaient sur des pages entières des grands journaux de la place les arguments qui justifiaient leur action.
Nous étions de ceux-là qui tentaient de faire entendre un autre son de cloche. Nous avons produit un article qui voulait montrer que la transaction de la BRH traduisait un manque de clairvoyance. Nous l’avons soumis à un quotidien très prisé sur le territoire national et celui-ci a refusé catégoriquement de le publier. Depuis lors, nous avons compris pourquoi des gens prêtaient le flanc à l´allégation faisant croire que derrière cette affaire se cachaient de gros intérêts. Malgré tout, nous restions convaincu qu´un jour ou l´autre le caractère irrationnel de cette décision finirait par devenir patent même pour le commun des mortels.
Dans ce texte, nous avons défendu l´idée que (1) il n´y avait pas lieu de procéder à cette vente car le stock d´or en question ne représentait que 1,8% des réserves de la BRH et, en tant que tel, le risque que la baisse des cours faisait encourir était marginal, (2) le prix de l´or, comme devise universelle, doit nécessairement obéir à une logique quasi-cyclique, c´est-à-dire toute baisse très significative devrait tôt ou tard céder la place à une hausse assez importante, comme c´était le cas au début des années 70, (3) ce que la BRH percevait comme un risque était en fait une opportunité d´augmenter son stock et mieux diversifier son portefeuille, bref, il valait mieux acheter que de vendre, (4) ceux qui achetaient massivement de l´or en 1999 ou en l´an 2000 n´étaient pas des imbéciles, ils s´évertuaient à constituer des stocks très importants et se donner les moyens d´influencer les cours du métal précieux dans les dix prochaines années et empocher à moyen terme d´énormes bénéfices, et (5) la constitution d´un véritable cartel de l´or, étroitement lié au premier producteur mondial (l´Afrique du Sud), n´était pas à écarter, vu que la grande quantité qui a été vendue à l´époque a été achetée par une minorité qui échappait totalement au contrôle du Conseil Mondial de l´Or.
La BRH a vendu 18,581.887 onces d´Or à 258,40 $US l´unité. Actuellement l’once vaut 860 $US. Ce qui laisse supposer qu´en restant indifférente au pseudo effet de mode qui prévalait en 1999-2000 elle aurait augmenté ses actifs de plus de 11 millions de dollars. Si, au lieu de vendre, elle avait pris la décision de porter son stock à l’équivalent de 10% de son portefeuille, cette augmentation serait de l’ordre de 100 millions de dollars. Passer à un ratio (or/devises) de 1,8% à 10% n’était aucunement une décision irréaliste vu qu’aux USA, par exemple, la part de l’or dans les réserves représente jusqu’à présent plus de 55%. Dans le cas des pays comme l’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Venezuela le poids du métal jaune dans les réserves nationales oscille encore entre 25 et 40%. Un pays géographiquement aussi petit qu’Haïti, la République de Taiwan, dispose de plus de 400 tonnes d’Or. Alors, quelle est cette mauvaise mouche qui a piqué les responsables de la BRH pour les porter à diminuer drastiquement le volume d’or dont dispose l’institution ? On mettra encore du temps pour comprendre le pourquoi de cette décision.
Le dollar baisse dangereusement et pas mal de pays se demandent perplexe s’il n’est pas plus prudent de diminuer la part du dollar américain dans leur réserve. Certes, on peut comprendre aisément l’effet dévastateur qu’une tendance généralisée d’abandon du billet vert comme principal élément de réserves des banques centrales. L’économie américaine pourrait atrocement en souffrir et cela ne serait pas sans conséquence sur le monde entier. Mais les petites économies comme celle d’Haïti ont intérêt à ne pas assumer la responsabilité de partager la facture salée d’un dollar laissé en chute libre. Des dépositaires de grandes quantités de la devise américaine comme Taiwan ou le Japon savent déjà ce qu’ils encourent et sont déjà sur le qui-vive. La tentation de conserver la majeure partie de leurs actifs en euros ou en Or est très forte chez eux, mais ils appréhendent aussi les conséquences immédiates de leurs décisions sur l’économie mondiale.
Dans un pareil contexte, les responsables des banques centrales des pays ayant un poids négligeable dans l’économie mondiale (comme Haïti) doivent se montrer très intelligents et attentifs. Ils se retrouvent dans une posture idéale pour faire fructifier leur portefeuille en jonglant avec dextérité sur l’évolution des cours de l’euros et de l’or par rapport au dollar américain. C’est une nouvelle opportunité qui s’offre aux autorités de la BRH pour démonter la profondeur de leur compréhension des mutations qui s’opèrent dans l’économie mondiale. Il serait souhaitable qu’elles tirent les leçons qu’il faut de leurs erreurs passées, qu’elles s’en repentent et fassent l’effort nécessaire pour voir de manière plus réaliste. Quand le prix du pétrole grimpe et que le dollar perd beaucoup de sa valeur, les pays importateurs qui ont plus de 50% de leurs réserves dans cette monnaie ont vraiment du souci à se faire et doivent exercer leur perspicacité. Il ne suffit pas de savoir réciter toutes les belles théories du monde économique et monétaire, il faut de préférence savoir les mettre à profit pour mieux interpréter les conjonctures et prendre opportunément les bonnes décisions. Seule la bonne compréhension des choses a un pesant d’or, tout le reste est folklore…
Contact : golius@excite.com

Aucun commentaire: